RENFORCER LES
COMPÉTENCES
PSYCHOSOCIALES
À L’ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE
CPS E N J E U X , P I S T E S D ’A C T I O N
E T E X E M P L E S D ’A C T I V I T É S
2
I N T R O D U C T I O N
IL S’AGIT BIEN D’UN
DOCUMENT DE TÉMOIGNAGE
QUE NOUS AVONS PLAISIR
À PARTAGER AVEC VOUS.
Ce document est issu de 5 années de collaboration entre l’IREPS ARA et la
circonscription de l’Education Nationale de Crest dans le cadre de la recherche
intervention sur le développement des compétences psychosociales (CPS)
dans et hors l’école des enfants de 7 à 12 ans.
Il ne s’agit pas d’un compte-rendu de recherche. Mais après ces 5 années,
nous avons eu envie de partager nos expériences et nos découvertes, glanées
dans les écoles et les diverses réunions et formations. Notre ambition est de
témoigner de l’implication des enseignants des écoles avec lesquels nous
avons travaillé et d’en partager les pépites.
lesquels
Nous vous présenterons quelques éléments théoriques sur
nous nous sommes appuyés pour construire nos
interventions. Nous
vous proposerons ensuite les éléments de didactique que nous avons
tirés de notre expérience. Nous relaterons quelques situations au cours
desquelles nous avons repéré une utilisation manifeste des CPS dans
le cadre de l’école, au niveau des adultes comme au niveau des enfants.
Enfin nous vous inviterons à tester des séances qui nous semblent
favoriser le développement des CPS.
CON TRIB UT E UR S
IREPS Auvergne-Rhône-Alpes
Instance Régionale d’Education
et de Promotion de la Santé
Lydiane ARTAUD et Nicolas BAZIN
Education nationale
Xavier LEVET
REME RCIEMEN TS
Les élèves et les enseignants
des écoles élémentaires
d’Aouste-sur-Sye et Royannez
à Crest, les inspecteurs et les
conseillers pédagogiques de
la circonscription de Crest.
– Soutien –
S O M M A I R E
1.
Quelques prérequis pour travailler les CPS en classe
Quelques éléments conceptuels
Eléments sur la santé et la promotion de la santé
Les 10 CPS en 3 catégories
1.1.
1.1.1.
1.1.2.
1.1.3. Ce que les CPS ne peuvent pas résoudre
1.2.
Posture professionnelle
1.3.
Atmosphère dans la classe
Aménagements du temps et de l’espace
1.4.
1.4.1. Rituels d’ouverture et de fermeture de séances sur les CPS
1.4.2. Manifester qu’on travaille les CPS (Main du respect)
1.4.3. Aménager l’environnement (lieu, disposition des chaises)
Une organisation des apprentissages (séquences)
1.5.
Des situations qui mettent en jeu les compétences de l’enseignant
2.
Une didactique pour les CPS
Trois types d’intervention autour des CPS
Introduction
2.1.
2.1.1.
2.1.2. Des situations d’apprentissage
2.1.3. Enjeux de la quadrature du SEPT
Des temps de réinvestissement
2.2.
3.
Les CPS à l’œuvre
«Moi aussi, c’est ma pause !»
3.1.
3.1.1.
3.1.2. Lorsqu’il y a plusieurs adultes…
3.1.3. Le conseil des maîtres
3.1.4. Préparer sa classe
3.1.5. Mettre en œuvre ses préparations
3.1.6. L’être enseignant
3.2.
3.2.1. En fin de récréation : la boussole des émotions
3.2.2. Le travail de groupe
3.2.3. Ma place dans la classe
3.2.4. Corps et conscience de soi
4.
Des séances dans l’école pour développer les CPS
Exemples en partant d’une compétence principalement
4.1.
4.1.1. Avoir conscience de soi / Se positionner
4.1.2. Avoir de l’empathie
4.1.3. Communiquer et avoir des relations interpersonnelles
4.1.4. Savoir identifier puis réguler ses émotions
4.2.
Exemple en partant d’une pratique pédagogique
5.
Conclusion
Des situations qui mettent en jeu les compétences des enfants
3
4
5
5
6
6
7
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8
8
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4
4
1
QUELQUES PRÉREQUIS
POUR TRAVAILLER
LES CPS EN CLASSE
Les prérequis que nous avons repérés pour mettre
en œuvre efficacement un enseignement des CPS
s’organisent autour de plusieurs pôles :
> Une connaissance des concepts utilisés
> Des éléments de posture professionnelle
pour les enseignants
> Le maintien d’une atmosphère de qualité
dans la classe
> Des aménagements du temps et de l’espace
> Une organisation des apprentissages
(séquences et séances)
RENFORCER LES COMPÉTENCES PSYCHOSOCIALES À L’ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE retour
sommaire
5
1. 1 / Quelques éléments conceptuels
1.1.1.
Santé et promotion
de la santé
Depuis qu’en 1945 la santé est à considérer
dans son approche globale – « un bien être
physique, psychologique et social » selon
l’Organisation Mondiale de la Santé – elle n’est
plus “l’absence de maladie ou de handicap“,
et par définition, n’est plus seulement l’affaire
des médecins. Le Canadian Institute for
Advanced Research précise que le système de
soins contribuerait à la santé des populations
à hauteur de 25%. La santé des populations
se caractérise plus largement par des
interactions complexes entre plusieurs
facteurs d’ordre socio-économique, en
interdépendance
l’environnement
avec
physique et les comportements individuels.
Ces
les «
déterminants de la santé » n’agissent pas
isolément : c’est la combinaison de leurs
effets qui influe sur l’état de santé. Ci-contre
la représentation des déterminants de
santé selon Whitehead & Dahlgren 1.
facteurs désignés comme
Ainsi chacun participe, de sa place et selon ses
responsabilités, à un environnement plus ou
moins favorable à la santé des populations. Les
pouvoirs publics ont un impact, par leurs choix
et décisions politiques, sur le cadre de vie des
habitants de leur territoire d’intervention et par
voie de conséquence sur leur santé.
Pour ce qui concerne les “Educateurs“, leur
rôle n’est pas, chacun
l’aura compris, de
soigner mais plutôt de veiller à prendre soin et
à promouvoir la santé des populations qu’ils
accompagnent. Ainsi, la promotion du bien-être
des enfants peut s’envisager sous deux axes
complémentaires :
Conditio n s s o
Milieu
de travail
c
é
–
c i o
o n o m i q u es, culturelles et environne
Conditions
de vie
et travail
c i a u x et comm
u s tyle de vie
m
e
n
t
al
e
s
Chômage
Eau et
installations
sanitaires
u
n
a
u
t
a
i
r
e
s
p
e
r
s
o
n
n
e
l
o
Résea u x s
teurs lié s a
c
a
F
Education
Agriculture
et production
de nourriture
Facteurs liés au sexe,
à l’âge et à la
constitution
Services
de santé
Logement
> Développer chez l’enfant les capacités
qui lui permettront de trouver sa place
au sein de groupes de pairs, dans sa
classe, son école, son quartier. C’est
l’inviter à participer à la vie de ses groupes
d’appartenance, en
tenant compte des
responsabilités qui sont les siennes.
> Contribuer à la création de conditions plus
favorables à la qualité de vie de tous en prenant
en considération l’ambiance de la classe,
de la cour, plus globalement la qualité des
relations interpersonnelles. C’est tenter par
exemple d’aménager autrement les rythmes
et les espaces de vie de l’école. Cela permet
d’identifier que des leviers existent, même
modestes, que des conditions matérielles,
mais aussi des postures professionnelles,
des attitudes, peuvent participer à un
plus
environnement
accueillant, plus responsabilisant.
sécurisant,
plus
Cela nécessite souvent la coopération avec
d’autres corps de métiers, d’autres adultes,
les collègues et les parents en particulier ;
une occasion offerte aux adultes de renforcer
leurs propres compétences psychosociales.
1 Whitehead, M., Dahlgren G. What can we do about inequalities in health. The lancet, 1991, n° 338 : p. 1059–
1063. Selon ce modèle dit de l’arc en ciel, la santé se caractérise par des interactions complexes entre plusieurs
facteurs répartis sur 4 niveaux : les facteurs liés au style de vie personnel, les réseaux sociaux et communautaires,
les conditions de vie et de travail, les conditions socio-économiques, culturelles et environnementales.
RENFORCER LES COMPÉTENCES PSYCHOSOCIALES À L’ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE 6
1.1.2.
Les 10 CPS
en trois catégories
« la
Les compétences psychosociales sont
capacité d’une personne à répondre avec efficacité
aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne.
C’est l’aptitude d’une personne à maintenir un état
de bien-être mental, en adoptant un comportement
l’occasion des relations
approprié et positif à
entretenues avec les autres, sa propre culture et son
environnement. Les compétences psychosociales
ont un rôle important à jouer dans la promotion de
la santé pris dans son sens le plus large, en termes de
bien-être physique, mental et social. »
(Organisation Mondiale de la Santé (OMS) – 1993)
Compétences
sociales
Compétences
émotionnelles
Compétences
cognitives
> Avoir conscience de soi
> Avoir de l’empathie pour les autres
> Savoir communiquer efficacement
> Etre habile dans les relations interpersonnelles
> Savoir gérer son stress
> Savoir gérer ses émotions
> Avoir une pensée créative
> Avoir une pensée critique
> Savoir résoudre les problèmes
> Savoir prendre des décisions
C’est une approche qui n’est pas à privilégier en
situation de crise. Lorsqu’il y a des situations
de violence, il appartient à l’adulte de garantir
le cadre républicain (en lien avec les familles).
Il pourrait être préjudiciable aux élèves de leur
demander de développer leurs aptitudes à
écouter l’autre, être en empathie… lorsque ces
valeurs sont bafouées dans le cadre quotidien.
Le développement des CPS ne doit pas devenir
un moyen de développer chez les individus une
capacité à tolérer l’intolérable.
1.1.3.
Ce que les CPS
ne peuvent pas résoudre
des
renforcement
compétences
Le
psychosociales ne peut s’envisager que dans
des conditions suffisamment sécurisantes
pour les élèves. Chacun doit pouvoir exister,
s’exprimer, s’exposer dans un cadre où il n’est
pas en danger. Ainsi, avant de travailler sur
l’expression des émotions est-il nécessaire de
pouvoir garantir qu’on ne se moquera pas de
celui qui parle. De même, proposer la mise en
place des messages clairs suppose d’être sûr
que les interactions entre élèves ne seront pas
l’occasion de pressions, de violences cachées.
L’idéal est de travailler en amont des difficultés
pour permettre aux élèves de gérer les conflits
grâce à ces compétences acquises. C’est parce
que le climat scolaire est favorable qu’on peut
développer les CPS.
RENFORCER LES COMPÉTENCES PSYCHOSOCIALES À L’ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE retour
sommaire
7
1. 2 / Posture professionnelle
Pour reprendre Philippe Mérieux « Parce qu’on ne sait jamais à quoi attribuer un échec et avoir la certitude que
cet échec est imputable exclusivement au déficit d’une personne et non pas aux conditions éducatives de
l’accompagnement qui lui a été proposé2 », nous pensons qu’il est primordial d’appliquer le pari d’éducabilité au
développement des CPS chez tout être humain (élève comme enseignant). Si l’on pense que pour tel ou tel élève,
c’est peine perdue, il est préférable de ne pas se lancer.
la séance. Une fratrie décomposée/recomposée,
l’existence d’un grand frère ou d’une grande sœur
beaucoup plus âgée et inconnue des autres
élèves peut rendre la réponse difficile à formuler.
De même pour une enfant vivant en garde
alternée ou en famille d’accueil, la réponse n’est
pas toujours évidente.
le garant de
L’enseignant est
la sécurité
physique et affective de la classe. Comment
poser ce cadre ? Est-il raisonnable de croire que
ce qui est dit au sein du groupe ne sera pas dit à
l’extérieur ? Que ce soit au service d’une équipe
éducative lorsqu’on parle d’un enfant, que ce
soit par les paroles rapportées par les élèves
dans leurs familles, que se soit à l’occasion de
rencontres avec les parents ?
Nous pouvons donc acter que tout ce qui est
apporté au groupe appartient au groupe et
devient donc public. Il est donc nécessaire pour
l’enseignant d’accepter de stopper une parole
qui pourrait devenir gênante pour un enfant et/
ou le groupe. Dans cette situation, on précisera
à l’enfant que ce n’est pas le lieu de cette parole
mais que cette parole peut être déposée dans
un autre cadre (qu’on précisera clairement : “tu
peux venir me voir à la récré, tu peux en parler
avec l’autre maitresse, avec l’AESV“…)
Bien entendu, il n’existe pas de réponse univoque
à toutes ces questions. C’est parce que vous
accepterez de vous les poser que vous aurez des
chances d’être pertinents.
L’approche pédagogique des CPS requiert un
cadre et des circonstances spécifiques. De
même que l’enseignant ne se comporte pas de
la même manière pendant la chorale, le cours
de géographie et celui de langues vivantes, il
convient d’adapter sa posture au travail sur les
CPS. Ainsi, on pourra comprendre qu’un élève
ne « participe » pas lors d’une activité CPS alors
qu’on le sollicitera de manière plus incitative
pour résoudre un problème de mathématiques.
ils ont
lesquelles
Le paradoxe des activités dites scolaires
les enseignants posent
est qu’en général
des questions pour
les
réponses à des élèves qui ne les ont pas.
Lorsqu’on travaille sur les CPS, il n’y a pas
de réponse attendue, juste une « sincérité »
recherchée. Cette sincérité est attendue à la fois
des élèves et de l’animateur. Cette sincérité se
travaille et se développe au long des séances.
Il peut y avoir des retours en arrière. Certains
élèves peuvent avoir besoin d’un long temps
où ils répètent ce qui a été dit avant d’oser une
parole personnelle.
Parfois la parole livrée n’est pas compatible
avec le cadre scolaire. Est-ce que la classe est
le lieu d’une parole intime ? Est-ce que toute
parole doit pouvoir s’exprimer dans le groupe ?
Est-ce qu’un enfant est en capacité d’estimer
les conséquences d’une parole donnée ?
L’enfant qui aura dévoilé certains aspects de sa
vie personnelle ne regrettera-t-il pas de l’avoir
fait ? De même, qu’est-ce que l’enseignant doit
dévoiler de son histoire personnelle au groupe
? Prenons un exemple. Lorsqu’on demande aux
enfants combien ils ont de frères et sœurs, il est
raisonnable d’accepter que l’enfant ne dévoile
que ce qu’il souhaite dévoiler. C’est pour cela
qu’on doit explicitement dire que chacun ne
dira que ce qu’il a envie de dire au moment de
2 https://www.meirieu.com/ARTICLES/educabilite.pdf
RENFORCER LES COMPÉTENCES PSYCHOSOCIALES À L’ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE 8
Vous l’avez compris, le développement des
CPS nous conduit à travailler avec sincérité.
Il n’y a plus de sachant et d’apprenant car il
n’y a pas de vérité transcendante. C’est un
processus de construction de vérités locales. Il
y a des personnes avec des statuts différents
qui œuvrent au mieux-être et au mieux être
ensemble. C’est une situation de relation
asymétrique à parité d’estime.
1. 3 / Atmosphère dans la classe
Dominique Bucheton et Yves Soulé définissent ainsi cette atmosphère 3 : c’est l’espace intersubjectif
qui organise la rencontre intellectuelle, relationnelle, affective, sociale entre des individus confrontés
à une situation contenant des enjeux à gérer en commun. Cet ethos (Maingueneau 1997) est le liant
dans lequel baignent les interactions et qui en même temps les colore d’une certaine tonalité :
sérieuse, ludique, tendue, ennuyeuse, voire inquiétante, etc.
Au-delà des dispositions spécifiques aux travaux de classe sur les CPS, l’atmosphère de classe
permet ou non le développement des CPS. Les activités sur les CPS nourrissent cette atmosphère
et sont aussi le terreau de l’expérimentation au quotidien. Le maintien d’un niveau exigeant sur les
règles de civilité, de normes pour les relations entre les personnes, du respect de la loi et des règles
négociées ensemble contribuent au développement des compétences de chacun.
1. 4 / Aménagements du temps
et de l’espace
L’environnement tient une place très importante dans le développement des CPS. Dans les temps dits
informels comme l’accueil, les récréations, les transitions entre les activités, … les CPS des enfants
et des adultes sont utilisées. L’aménagement des lieux, les activités proposées, sont des éléments
qui permettent ou non le développement de ces compétences.
langage des signes, dans une
> Rituel d’ouverture
: se dire bonjour
langue
en
étrangère, avec un geste choisi, choix d’une
étiquette représentant mon humeur….
> Rituel de fermeture : colorier un mandala
(le coloriage se fait sur plusieurs séances),
au rythme de chaque enfant), se dire au
revoir avec un geste choisi, une comptine, ….
1.4.1.
Rituels d’ouverture et de
fermeture de séances sur les
CPS
Lors de la première séance, un rituel est choisi
par le groupe permettant à chacun de savoir que
la séance commence et qu’elle finit. Il délimite le
temps de la séance qui peut varier en fonction
des activités proposées, de l’état émotionnel du
groupe, des impératifs de la classe,…. Il doit être
rapide et simple :
3 http://journals.openedition.org/educationdidactique/543
RENFORCER LES COMPÉTENCES PSYCHOSOCIALES À L’ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE