Conseil national
 de la formation professionnelle
 tout au long de la vie 
Réflexion
sur la création d’un
compte individuel de formation 
Rapport au ministre en charge de la formation professionnelle
Mars 2013
la
Dans le prolongement de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, Monsieur
Thierry  Repentin,  ministre  délégué  à
formation  professionnelle  et  à
l’apprentissage, a souhaité que le Conseil national de la formation professionnelle
tout au long de la vie conduise  une réflexion sur la notion de compte individuel de
formation. 
Un  groupe  de  travail,  composé  de  membres  du  Conseil,  s’est  constitué  pour
conduire cette réflexion. Il s’est réuni six fois d’octobre 2012 à janvier 2013, avec
une grande assiduité de ses participants. Il a fait émerger une réflexion collective
qui est retracée dans ce rapport. Le groupe de travail a été, à l’image du Conseil,
un  lieu  original  dans  le  paysage  de  la  formation  professionnelle  en  rassemblant
tous  les  acteurs  du  système,  notamment  des  services  de  l’Etat,  des  conseils
régionaux  et  des  représentants  des  partenaires  sociaux.  Il  a  su  rester  à  l’écoute
des  chantiers  conduits  par  ailleurs :  négociation  sociale  débouchant  sur  l’accord
loi  d’orientation  et  de
janvier  2013,  projet  de
interprofessionnel  du  11
programmation  pour  la  refondation  de  l’école  de  la  République,  acte  III  de  la
décentralisation. Pour autant, il ne s’est pas transformé en espace de négociation. 
Le rapport issu de cette réflexion a fait l’objet d’un débat et d’une adoption par le
Conseil plénier le 18 mars 2013. Il comporte des éléments de convergence mais
également  des  points  de  questionnement  non  résolus.  Les  positions  exprimées
dans  le  rapport  n’engagent  pas  individuellement  chacune  des  organisations
représentées  au  sein  du  Conseil  mais  elles  représentent  une  synthèse  à  un
moment  donné  permettant  d’engager,  dans  les  cadres  adéquats,  les  travaux  qui
seront  jugés  utiles  pour  aller  plus  loin.  Les  organisations  qui  l’ont  souhaité,  ont
intégré en fin du rapport l’expression écrite de leur propre réflexion. 
Ce  rapport  a  été  rédigé  par  Pierre  Le  Douaron,  conseiller  technique  auprès  du
Conseil  national,  avec  la  participation  de  Philippe  Méhaut,  président  de  la
commission  évaluation  du  Conseil,  et  Françoise  Amat,  secrétaire  générale.  Il  a
bénéficié de l’appui de l’inspection générale des affaires sociales en la personne
de Marie-Laure Balmès. 
2
Sommaire
1ERE PARTIE – LE COMPTE INDIVIDUEL DE FORMATION, UNE NOTION A PRECISER                  page 4
1 – Le compte, un outil visant à favoriser l’individualisation
2 – A l’étranger, des expériences diversifiées mais peu évaluées
3 – En France, des dispositifs d’individualisation qui ne font pas système
4 – Une typologie des mécanismes de fonctionnement de l’individualisation 
2EME PARTIE – UN CONSENSUS SUR LE PRINCIPE D’UN COMPTE « RECEPTACLE »              page 11
1 – Les caractéristiques d’un compte « à la française » 
a – Une approche diversifiée de l’accès à la formation
b – Un outil universel utilisable tout au long de la vie
c – Un droit attaché à la personne et à son projet 
2 – Les situations d’usage du compte individuel
a – Une plus value identifiée dans deux situations concrètes
b – Une créance sur la collectivité
c – Des transitions sécurisées 
3 – Un usage nécessairement assorti de garanties collectives
4 – Une architecture sous la forme d’un réceptacle agrégeant des abondements divers  
3EME PARTIE – DES PISTES POUR ALLER PLUS LOIN                                                                 page 21
1 – De quelle capacité d’initiative dispose le titulaire du compte pour son usage ?
2 – Quelle place donner à la contribution individuelle ?
3 – Faut-il un seul outil individualisé ?
4 – Des droits tranférables tout au long de la vie, oui mais comment ?
5 – Comment articuler le compte individuel avec les dispositifs existants ?
6 – Comment organiser la gouvernance de l’outil individualisé ? 
CONCLUSION page 27
DECLARATION DES MEMBRES DU CONSEIL                                                                           page 29
CFDT
CFE-CGC
CGT
UNSA 
ANNEXES                                                                                                                             page 41
Composition du groupe de travail
Lettre de saisine
Définitions 
3
Première partie
Le compte individuel de formation,
une notion à préciser 
Le compte individuel de formation, une notion à préciser
1 – Le compte, un outil visant à favoriser l’individualisation
Interrogé sur la notion de « compte individuel de formation », le Conseil considère
que  ce  terme  doit  être  compris  dans  le  sens  large  d’« outil  de  gestion  de  droits
individuels » et qu’il recouvre par conséquent l’ensemble de ces outils, quelles que
soient leur forme et leur appellation.  
Ces  outils  prennent  sens  par  rapport  à  la  notion  même  d’individualisation.  Il
convient  donc  de  s’attacher  aux  bénéfices  attendus  du  renforcement  de  la
capacité d’initiative de l’individu par le fonctionnement de tels outils. Ces bénéfices
sont  de  plusieurs  ordres  qui  constituent  autant  de  pistes  pour  l’évaluation  de  la
pertinence de la mise en œuvre de l’outil. 
•  Concernant  l’individu,  un  élargissement  des  choix,  une  meilleure  conduite
de  son  projet  de  vie  et  le  développement  de  l’accès  à  la  formation  pour
ceux qui s’en estiment éloignées ; 
•  Concernant  les  financeurs,  l’optimisation  des  dépenses  par  une  meilleure
efficacité  des  actions  du  fait  de  l’engagement  des  bénéficiaires  dans  le
projet ; 
• Concernant les organismes de formation, le renforcement de l’adéquation
aux attentes et aux contraintes des personnes en formation.
• Concernant les pouvoirs publics, la volonté de faciliter et d’augmenter
sensiblement l’accès à la formation.
La réflexion demandée au Conseil sur la notion de compte individuel de formation
pose l’hypothèse que l’individualisation des politiques de formation, c’est à dire le
fait  de  donner,  à  des  degrés  divers,  des  marges  d’initiative  aux  personnes  pour
décider de s’engager ou non dans le dispositif, ou bien pour choisir le prestataire
ou la prestation dont elles bénéficieront, aurait un effet positif et qu’il convient de la
promouvoir.  
Certains  membres  du Conseil  expriment  de  la  prudence,  voire  des  réserves,  par
rapport à cette hypothèse. Ils considèrent que la vérification de cet effet positif, qui
pourrait  porter  sur  la  réduction  des  inégalités  d’accès,  sur  l’adéquation  de  la
formation  par  rapport  aux  besoins  des  personnes  et  aux  besoins  du  marché  du
travail, sur la lisibilité du système de formation et sur l’efficacité de la dépense, est
un  préalable  pour  juger  de  la  pertinence  de  la  création  d’un  nouveau  droit
individuel.  Les  membres  du  Conseil  estiment  qu’il  y  a  lieu  d’analyser,  pour  les
lever,  les  freins  autres  que  financiers,  à  l’accès  à  la  formation.  Ils  observent  en
tout  état  de  cause  que  les  dispositifs  individualisés  permettent  de  moduler  l’aide
apportée  à  chacun  et  de  prendre  en  compte  la  nécessaire  personnalisation  du
parcours. 
5
Le compte individuel de formation, une notion à préciser
2 – A l’étranger, des expériences diversifiées mais peu évaluées
De  nombreux  pays  (Allemagne,  Australie,  Autriche,  Belgique,  Chili,  Etats-Unis,
Pays-Bas, Royaume-Uni …) ont mis en place des dispositifs individualisés parmi
lesquels il est possible d’identifier trois types d’outils1. 
–  Le  compte  d’épargne  ou  d’assurance  consiste  en  une  incitation  à  (ou
obligation de) cotiser sur un compte. Le bénéficiaire dispose d’une grande
autonomie.  Il  est  libre  de  dépenser  les  sommes  accumulées,  après  un
certain  délai  (compte  d’épargne)  ou  à  la  suite  d’un  fait  déclencheur,  par
Il  y  a  peu
exemple
d’accompagnement  et  le  financement  est  assuré  essentiellement  par  le
bénéficiaire. Exemples : Autriche, Etats-Unis, Chili. 
(compte d’assurance).
la perte d’emploi
–  Le  chèque,  ou  bon  de  formation,  permet  au  bénéficiaire  de  recevoir  une
dotation  fixe  ou  variable  selon  son  profil,  versée  par  les  pouvoirs  publics.
L’utilisation du chèque est relativement libre mais moins que dans le cas du
compte,  le  choix  du  prestataire  et  de  la  prestation  étant  généralement
encadré  par  le  fournisseur  du  chèque.  Exemples :  Allemagne,  Belgique,
Royaume-Uni. 
–  Le contrat permet au bénéficiaire de choisir librement son prestataire mais
dans  le  cadre  d’un  contrat  formel  entre  l’organisme  gestionnaire  du
dispositif et ce dernier. La liste des prestataires et services disponibles est
généralement très régulée. Exemples : Australie, Pays-Bas. 
La  plupart  des  dispositifs  individualisés  sont  des  dispositifs  relativement  jeunes,
parfois encore au stade de l’expérimentation et dont les évaluations sont rares. Le
plus souvent, ces dispositifs ne sont pas généralisés. Ce sont soit des dispositifs
régionaux,  soit  des  dispositifs  ciblés  qui  touchent  un  public  faible  sur  le  plan
quantitatif. 
L’initiative est toujours publique, même si elle se combine parfois avec une logique
d’entreprise.  Le  financement  est  donc  majoritairement  public,  pour  des  montants
par  individu  assez  modestes,  en  général  en  dessous  de  500  €.  L’appel  au
cofinancement  de  l’entreprise,  lorsqu’il  existe,  ne  semble  pas  significatif  et  la
contribution individuelle est difficile à mesurer, mais elle peut être conséquente vu
la relative modestie de l’aide publique. 
1    Ce  chapitre  s’appuie  notamment  sur  les  travaux  conduits  sous  la  direction  de  Jean-Marie
Luttringer  (Opportunité  et  faisabilité  d’un  compte  d’épargne  formation,  éditions  DEMOS,  2008)  et
sur l’étude comparative internationale réalisée par EUREVAL pour le conseil d’analyse stratégique
(Note d’analyse  CAS n°293, octobre 2012). 
6
Le compte individuel de formation, une notion à préciser
L’individualisation  répond  à  une  attente  des  bénéficiaires,
lorsqu’ils  sont
demandeurs  d’assumer  seuls  leur  parcours  professionnel.  Les  bénéficiaires
utilisateurs  se  déclarent  généralement  plus  satisfaits  que  les  bénéficiaires  des
services  non  individualisés  et  l’utilisation  des  dispositifs  tend  à  croître  avec  le
temps.  Mais  l’individualisation  échoue  à  atteindre  les  publics  fragiles.  Cet  échec
peut être attribué aux difficultés de ces publics à prendre en charge leur parcours
professionnel de façon plus autonome (manque de confiance en soi, difficultés à
se  projeter  dans  l’avenir,  difficultés  d’accès  à  l’information…).  Les  incitations  à
utiliser le dispositif, le choix du public cible et l’accompagnement des publics sont
donc cruciaux. Par ailleurs, certains dispositifs ont échoué, du fait de leur effet sur
la  marchandisation  des  formations,  des  effets  d’aubaine  et  des  problèmes  de
contrôle. 
L’individualisation peut favoriser l’efficience et la qualité de l’offre de services, en
augmentant  la  demande  et  en  précisant  les  besoins.  Mais  cela  suppose  la
préexistence  d’un  marché  déjà  mûr  et  sa  régulation,  par  un  engagement  des
pouvoirs  publics  pour  contraindre  le  type  de  formations  suivies  ou  le  choix  du
prestataire. 
3 – En France, des dispositifs d’individualisation qui ne font pas
système 
Le système de formation professionnelle français comporte un certain nombre de
dispositifs  représentatifs  de  la  volonté  de  favoriser  l’autonomie  de  la  personne
dans la construction et le déroulement de son projet de formation2.  
–  Le congé individuel de formation (CIF) est un dispositif éprouvé et dont les
résultats  positifs  sont  soulignés  par  plusieurs  travaux.  Sa  limite  tient  à  ce
qu’il ne s’adresse qu’aux salariés, et selon des priorités différentes selon la
région ou le secteur professionnel. 
–  La  validation  des  acquis  de  l’expérience  (VAE)  a  constitué  une  avancée
importante  dans  le  passage  d’une  logique  de  formation  à  une  logique  de
compétences et dans le rapprochement entre les deux voies de formation,
initiale et continue. Mais son développement reste en deçà des attentes. Sa
mise  en  œuvre  dans  une  dynamique  de  parcours  pose  des  questions
d’articulation entre la validation et la formation qui peut s’avérer nécessaire
pour l’atteinte du diplôme ou titre. 
–  Le  droit  individuel  de  formation  (DIF)  n’a  pas  connu  le  développement
attendu d’un dispositif pour tous les salariés. Il a progressivement dépassé
le  cadre  de  l’entreprise, mais  reste  attaché (au  moins pour  son ouverture) 
2 Un état des lieux de cinq de ces dispositifs (le congé individuel de formation (CIF), la validation
des  acquis  de  l’expérience  (VAE),  le  droit  individuel  à  la  formation  (DIF),  l’aide  individuelle  à  la
formation (AIF) et les chèques formation des conseils régionaux) a été réalisé par la commission
d’évaluation du Conseil national. Il est disponible sur le site du Conseil. 
7
Le compte individuel de formation, une notion à préciser
au  statut  d’actif  salarié.  Son  évolution  vers  une  plus  grande  portabilité  n’a
pas  résolu  la  tension  entre  un  droit  de  négociation  à  l’intérieur  de
l’entreprise et un droit d’accès individuel à l’extérieur. 
–  Les  chèques  formation  des  conseils  régionaux,  et  l’aide  individuelle
formation  (AIF)  de  Pôle  Emploi  sont,  chacun,  des  mécanismes  d’action
ils  constituent  un
logiques  différentes.  Parfois,
répondant  à  deux
complément  à  la  mise  en  œuvre  d’une  action  collective  en  permettant  de
réaliser  des  prestations  non  prévues.  Parfois,  ils  permettent  l’accès  libre
des bénéficiaires à un dispositif préfinancé. 
Tous  ces  dispositifs  ont  en  commun  l’ambition  de  permettre  à  la  personne  de
manifester,  avec  des  degrés  de  liberté  variables,  son  initiative  dans  le  choix  de
s’engager  ou  non  dans  l’action,  dans  le  choix  du  prestataire  ou  celui  de  la
prestation.  Certains  ont,  en  termes  de  publics,  une  vocation  large  (DIF),  voire
universaliste  (VAE),  d’autres  sont  ciblés  sur  un  public  précis  (AIF).  Les
financements  relèvent  des  entreprises,  individuellement  ou  par  le  biais  des
organismes gérés par les partenaires sociaux, des conseils régionaux ou de l’Etat.
Les  modes  d’usage,  parfois  libres  et  parfois  contraints,  font  que  la  place  de
l’individu  et  de  ses  choix  reste  incertaine.  Aucun  de  ces  dispositifs,  à  l’exception
de  la  VAE,   ne  pose  la  question  de  l’articulation  entre  la  formation  initiale  et  la
formation continue, ni celle d’ailleurs du périmètre de la formation professionnelle
elle-même.  Le  rapport  au  temps  de  travail  (ou  la  question  de  l’autorisation
d’absence)  ne  fait  pas  l’objet  d’un  traitement    identique  dans  les  différents
dispositifs. 
Il semble donc que l’ensemble des dispositifs qui, en France, sont porteurs d’une
logique d’individualisation ne constitue pas à ce jour un système, tant du point de
vue  de  la  philosophie  sous  jacente  que  pour  les  mécanismes  d’action.  Bien  que
l’idée de « l’outillage de l’individu acteur» ne soit pas nouvelle dans le discours de
la  formation  professionnelle  et  qu’elle  semble  partagée,  il  n’existe  pas,  entre  les
différents responsables du système, un consensus sur la nature précise de l’objet
désigné,  ni même  sur  sa  dénomination et  encore moins  sur  les  conditions  de  sa
mise en œuvre.  
4 – Une typologie des mécanismes de fonctionnement de
l’individualisation 
Les  réflexions  du  Conseil  conduisent  à  ce  stade  à  identifier,  sur  la  base  des
expériences  étrangères  ainsi  que  de  l’inventaire  des  dispositifs  français,  trois
mécanismes de fonctionnement, pouvant éventuellement se combiner : 
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