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OPTIMISER
LA FORMATION
EN ENTREPRISE
Tome 1
Organiser et financer
OPTIMISER
LA FORMATION
EN ENTREPRISE
Tome 1
Organiser et financer
SOMMAIRE
Avant-propos
Chapitre 1 / Les enjeux de la formation en 2016
• Une société en mouvement
• Des entreprises qui s’adaptent
• La formation au diapason
Chapitre 2 / Repositionner le service formation
• Pour mieux apprendre
• Redéfinir la mission du service formation
• Changer l’image du service formation
Chapitre 3 / Mettre en place un environnement de formation
• Pourquoi un environnement de formation ?
• Les outils d’un environnement de formation
• Anticiper les évolutions
Chapitre 4 / Piloter la gestion administrative et financière
• Délimiter le périmètre administratif
• Financer les formations
• Diminuer les coûts
• Rééquilibrer le budget
• Externaliser tout ou partie de l’activité
Conclusion
Remerciements
Bibliographie
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Rédaction : Laurent Habart
Relecture : Caroline Drouillet, Cécile Mathivet
Conception graphique : zaostratecrea.com – Maquette et mise en page : Dalton
Crédit photos : Arnaud Briand
Imprimé par HandiPRINT – Entreprise Adaptée et Solidaire
Dépôt légal : mai 2016
Adecco Training
SARL au capital de 1 857 820 € – 343 009 866 RCS Lyon
Siège social : 19 rue Louis Guérin 69100 Villeurbanne – N° de Tva intracommunautaire FR 66 343 009 866
Organisme de formation déclaré sous le n° 82 69 11979 69 auprès de la Préfecture de la région Rhône-Alpes
Le Lab’Ho est une initiative du groupe Adecco
Adecco Groupe France S.A.S.au capital de 1 038 060 € – 451 148 209 R.C.S. LYON.
Siège social : 2, bd du 11 novembre 1918, 69100 Villeurbanne
Cécile Mathivet, directrice du Lab’Ho
Tour Winterthur, 102 Terrasse Boieldieu – 92085 Paris La Défense
Tel : +33 (0)1 77 69 10 18 – www.labho.fr – @labho_RH.fr
AVANT-PROPOS
CHAPITRE 1
Gaël SALOMON
Directeur général d’Adecco Training et d’Altedia Training depuis 2014
LES ENJEUX
DE LA FORMATION
EN 2016
La formation vit une période de bouleversements qu’elle n’avait pas connue depuis très
longtemps. Comment pourrait-il en être autrement alors que nous sommes rentrés dans
l’ère de la connaissance ? Face à la frénésie technologique qui s’empare de certains acteurs,
face à un cadre juridique qui remplace de vieilles habitudes par de nouvelles contraintes,
face à la porosité grandissante entre pratiques professionnelles et personnelles, face à
tant d’autres évolutions simultanées, comment tracer une route qui ne serait pas faite
d’incessants virages ?
Un réflexe naturel pourrait inciter au repli sur soi. Rentrer la tête dans les épaules et attendre
que l’orage passe. Ce serait se méprendre sur le rôle essentiel que la formation doit jouer
dans la transmission des savoir-faire d’aujourd’hui et la préparation des compétences de
demain. Une autre attitude consiste à profiter de ce bouillonnement pour réinventer son
approche de la formation. Assainir ses pratiques. Sonder les gisements d’efficacité. C’est
ce choix que nous nous proposons de servir ici.
Le spectre que nous couvrons au quotidien est étendu, depuis le conseil en management
de la formation jusqu’au financement et à la conception de programmes. Ce livre blanc
se présente comme un aperçu des pratiques et des expériences que nous avons accumulées
au fil des années. Il est également le fruit d’échanges avec des partenaires de longue date
et à l’expertise reconnue. Il est enfin un condensé de réflexions sur les orientations qui sont
en train de structurer le monde de la formation telles que nous les vivons sur le terrain.
Nous l’avons souhaité en deux tomes. Le premier se concentre sur l’organisation de la
formation au sein de l’entreprise car c’est sans doute là qu’une entreprise peut dégager le
plus rapidement les marges de manœuvre nécessaires à une nouvelle politique de formation.
Le second tome pourra alors se consacrer aux Hommes et aux compétences, à cette
discipline d’un équilibre subtil qu’est l’ingénierie pédagogique, notamment dans sa
capacité à accompagner les transformations des organisations. En espérant que vous trouviez
à chaque halte des pistes pour améliorer l’efficacité de vos actions.
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Avant-propos
Chapitre 1
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Il n’est pas si lointain le temps où la formation était le parent pauvre du service RH voire
de toute l’entreprise. L’obligation fiscale avait petit à petit enterré à la fois le désir d’innovation
et l’idée d’optimisation. Les organismes envoyaient leur catalogue et le responsable
formation pointait les sessions, inscrivait les participants, remplissait la déclaration 2483,
recueillait les feuilles d’émargement et se réjouissait de tant d’activités stimulantes.
UNE SOCIÉTÉ EN MOUVEMENT
Mais ce temps, aussi proche soit-il, est révolu. Non seulement parce que la loi a changé
mais aussi parce que la société elle-même a évolué et qu’il n’est plus possible de l’ignorer.
Il serait assurément trop long de citer tous les bouleversements qui, sur les dernières
décennies, ont eu un impact sur la façon dont on forme et on apprend dans les entreprises.
Retenons-en seulement quatre.
Individualisation
Primo, notre société se trouve aux prises avec une individualisation grandissante. Sur un
plan socio-psychologique, les injonctions à l’épanouissement personnel ou au bonheur,
à « être soi-même » ou à « trouver sa voie » témoignent de ce courant. Son influence se
retrouve dans la recherche d’un « bien-être au travail » qui peut aller jusqu’à transformer
l’organisation même de l’entreprise (cf les modèles d’entreprises « libérées »).
Sur un plan plus global, en France, le régime de l’auto-entrepreneur a entériné en 2008
ce mouvement de travailleurs indépendants qui rassemble aujourd’hui 11,5 % de la
population active (1) (dont 982 000 auto-entrepreneurs).
La technologie numérique n’a fait qu’accroître sa percée et l’effervescence des débats ne
faiblit pas autour des bienfaits et des préjudices de « l’uberisation » de nos modes de travail.
Échanges et collaboration
Deuxio, et ce n’est en rien contradictoire, notre société s’ouvre de plus en plus au partage
et au collaboratif. Contrebalançant la marchandisation omniprésente de notre
environnement et le délitement du lien social, de nombreuses initiatives et de nouveaux
modes de communication se sont imposés dans notre vie de tous les jours. Il n’est pas
possible pour les jeunes générations d’imaginer un monde sans eux.
Quelques exemples suffiront à nous en convaincre : en France, 16 millions de personnes
se connectent chaque jour à Facebook ; 92 % des filles entre 15 à 18 ans sont inscrites à
non pas un mais plusieurs réseaux sociaux(2) ; Kickstarter, un des leaders du crowdfunding
en France, a fêté début 2016 son cent millième projet financé en moins de sept ans. Les
pratiques de co-working, aussi bien virtuelles grâce aux espaces de collaboration que
réelles dans des bureaux partagés, continuent de se multiplier ; plus technique et, peut-
être pour cela justement, plus structurant, le développement du
peer-to-peer et de la technologie blockchain (qui a notamment
donné la monnaie bitcoin) risque de provoquer une nouvelle
révolution d’une magnitude encore insoupçonnée.
Espace et immédiateté
Tertio, notre société adopte un nouveau rapport à l’espace. Avec
la pression des coûts, y compris liés à l’empreinte énergétique,
trouver localement ce que l’on cherchait jadis au niveau national
devient une nécessité. En outre, comme le pointe Philippe Marcadé,
directeur général du campus Veolia Centre-Est, grâce aux outils
de géolocalisation, des plateformes virtuelles – et mondiales –
(1) Insee, enquête Emploi 2014
(2) Les 11-18 ans et les réseaux sociaux (janvier 2016), Génération numérique
Philippe Marcadé,
directeur général du
campus Veolia Centre-Est
permettent de satisfaire des besoins concrets ancrés géographiquement. Le rachat de
Lynda, acteur majeur de la formation en ligne aux États-Unis, par LinkedIn (400 millions
d’utilisateurs dans le monde) en avril 2015 pour la modique somme d’un milliard et demi
de dollars ne fait que traduire cette tendance. Le géant américain peut désormais identifier
des besoins en compétences sur des bassins d’emplois très ciblés et y apporter une
réponse instantanée.
Savoir et données
Quantité de contenus mis en ligne
(source : Novius, 2014)
Chaque minute sur Internet
4 millions de recherches effectuées
2,46 millions de contenus partagés
347 000 photos partagées
277 000 tweets envoyés
Instagram 216 000 photos postées
YouTube
72 heures de vidéos téléchargées
Tableau 1
Quarto, conséquence directe de la
multiplication des objets connectés, la
connaissance n’a jamais été aussi
vaste. Si l’on cumule la totalité des
informations produites depuis
l’invention de l’écriture, on constate
que 90% des données disponibles
ont été générées sur les deux
dernières années.
Le contenu est devenu accessible
partout et à tout moment. Il n’est souvent
plus utile de monter une formation, il
suffit d’aiguiller les apprenants vers les
bonnes ressources à consulter.
Mais ces données produites ne sont pas seulement du texte, du son, des images ou des
vidéos. Il s’agit également de données d’usage dont le big data s’est emparé et qui
permettent aujourd’hui, par exemple, de proposer des publicités alignées sur votre
navigation ou de recommander des articles en phase avec vos lectures.
DES ENTREPRISES QUI S’ADAPTENT
Réfléchir à l’optimisation de la formation, c’est nécessairement y réfléchir dans le cadre des
évolutions sociales, pratiques et technologiques que nous venons de décrire. C’est également
y travailler dans un contexte professionnel traversé par des courants puissants. Là encore,
quelques exemples parleront d’eux-mêmes.
Le modèle du salariat, et avec lui celui du CDI, est remis
en question dans la plupart des secteurs. Né avec les
Trente Glorieuses, il décline avec la crise économique
et, même si encore 88 %(3) des salariés travaillent en
CDI, il n’a plus aujourd’hui la primeur des entreprises(4).
Le poids des contrats de courte ou moyenne durée
représentait ainsi en 2012 environ 80 % des embauches.
La concurrence s’exacerbant, les produits se renouvelant de plus en plus vite, les temps
de réaction diminuent et les entreprises se doivent de répondre aux attentes de leurs
clients et de riposter aux propositions du marché avec une célérité grandissante.
(3) Op. cit.
(4) Sécuriser les parcours professionnels (2015), Bernard Grazier et Carole Tuchszirer, coord., INTEFP Wolters Kluwer.
Les entreprises
se soignent
en permanence
pour éviter de tomber
malades.
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Chapitre 1
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sans vaciller ? Comment peut-il continuer à n’être qu’un sous-service du département
RH alors que les enjeux sont si élevés ? Quels peuvent alors être sa place et son rôle face
aux nouveaux défis de l’entreprise ? Comment peut-il dialoguer efficacement avec les
autres services ? Optimiser la formation, c’est d’abord donner au service formation la
légitimité qu’exige cette ambition.
Optimiser la formation,
c’est d’abord donner au service
formation la légitimité qu’exige
cette ambition.
C’est également reconnaître la portée de
ce changement. Il ne touche pas juste une
poignée de collaborateurs quelques jours
par an ; il concerne tout l’effectif du 1er
janvier au 31 décembre. Il n’intervient pas
ponctuellement pour disparaître ensuite ;
il existe transversalement et influence toutes les pratiques de travail. Pour répondre à la
diversité des besoins, il va donc s’agir d’offrir aux collaborateurs non pas un outil choisi
avec soin et quelques procédures bien pensées mais un environnement global où il sera
possible de trouver des réponses protéiformes et évolutives. Comment aborder cette
réflexion ? Quels outils pour répondre à quelles attentes et à quelles pratiques ? Quelle
organisation mettre en place pour fluidifier les échanges ? L’optimisation de la formation
ne peut faire l’impasse sur ces questions.
Puis vient le moment de faire vivre cet environnement. Avant d’en arriver à l’animation
proprement dite (qui sera évoquée dans le tome 2 de ce livre blanc), il est utile de se
pencher sur sa gestion. Piloter la formation ne peut pas faire abstraction d’une dimension
administrative d’une part et financière d’autre part. Comment s’y retrouver dans les
quarante décrets qui ont suivi la loi du 5 mars 2014 ? Comment se conformer aux exigences
légales ? Comment récupérer une partie de la contribution obligatoire en profitant des
mécanismes d’abondement mis en place par les organismes paritaires ? Plus ces
questions seront indolores et plus l’énergie pourra être consacrée à la véritable vocation
de la formation : participer à l’amélioration de la performance de l’entreprise.
Cette nécessaire agilité modifie en profondeur l’organisation de
l’entreprise. Les grandes restructurations d’hier ne s’accommodent
plus de ces temps de réponse réduits et les structures se font plus
souples et moins hermétiques aux changements. Comme le dit Hervé
Estampes, directeur général de l’Afpa, « Les entreprises adoptent les
méthodes de la médecine chinoise : elles se soignent en permanence
pour éviter de tomber malades ».
Les métiers, les process et les outils évoluent de plus en plus vite.
De telle sorte que rien ne garantit plus que les compétences à
acquérir et à mettre en jeu pour mener à bien ses missions
aujourd’hui seront encore celles attendues demain. Si bien qu’on
a tendance à miser moins sur une expérience qu’un potentiel – que
la formation va aider à exprimer.
Hervé Estampes,
directeur général
de l’Afpa
LA FORMATION AU DIAPASON
Le seul véritable avantage compétitif
La formation n’a donc pas le choix : elle doit elle aussi évoluer. Ne pas investir dans la
formation, c’est ne pas préparer l’avenir. Les nations, à commencer par la France,
dépensent infiniment plus à tenter de récupérer des jeunes gens sortis du système
éducatif sans compétence qu’à améliorer ledit système pour lui permettre d’accueillir
des profils et trajectoires variés.
Les entreprises, elles, ne peuvent se permettre une telle gabegie.
Former leurs collaborateurs, c’est les aider à accompagner voire à
anticiper les changements de société et les évolutions du monde
professionnel. Car, comme on pouvait l’entendre dans les couloirs du
cabinet McKinsey il y a quelques années : la capacité à « créer, partager,
conserver et transmettre efficacement le savoir est le seul véritable
avantage compétitif durable pour une entreprise du XXIe siècle »(5).
Ce qui était déjà vrai hier l’est davantage encore aujourd’hui que
le régime fiscal de la formation a évolué et que l’approche au sein
de l’entreprise a changé. Comme l’exprime Olivier Gauvin, directeur
de l’offre de formation d’Opcalia : « Si la formation est un coût, je le
réduis ; si c’est un investissement, je l’optimise ».
Olivier Gauvin,
directeur de l’offre de
formation d’Opcalia
Le service formation au cœur de ces bouleversements
Cette nouvelle approche, bon nombre d’organisations éprouvent encore des difficultés
à l’incarner dans leur management de la formation. Parce qu’elle ne concerne pas le
seul aspect financier. Elle touche en réalité à toutes les dimensions de l’entreprise.
Les efforts pour la traduire en plans et en actes risquent d’être démesurés si la première
pierre de cet édifice ne concerne pas le service formation lui-même. Comment peut-il,
au milieu de ces courants sociaux et professionnels si puissants, rester égal à lui-même
(5) The Firm, The inside story of Mc Kinsey (2013), Duff McDonald, Oneworld.
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Chapitre 1
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CHAPITRE 2
REPOSITIONNER
LE SERVICE
FORMATION
Depuis 2014, la loi oblige les entreprises non plus à payer pour la formation mais bel et
bien à former leurs collaborateurs. Cela dit, former n’est bien qu’un moyen. Dans quel
but ? Faire acquérir ou développer les compétences des collaborateurs afin qu’eux-mêmes
améliorent la qualité de leur travail. Il serait contre-
productif de rayer d’un trait les effets collatéraux
de la formation (reconnaissance, bien-être, intérêt
renouvelé pour le poste… qui tous, par ailleurs,
participent d’une meilleure efficacité professionnelle).
Il le serait encore plus cependant de ne pas lui
reconnaître une part active dans le processus
d’amélioration continue de l’entreprise.
L’objectif du service
formation réside
dans l’accompagnement
de la performance
de l’entreprise et
nulle part ailleurs.
C’est au prix d’une réévaluation de la place des apprentissages au sein de l’organisation
que cette dynamique peut prendre son essor. Cela se traduit entre autres par un
repositionnement du service formation. Mais comment amener ce repositionnement
sans mettre en péril des équilibres entérinés depuis longtemps ? Quel va être le rôle du
responsable formation dans ce contexte ? Et quelles relations va-t-il entretenir avec les
autres départements de l’entreprise ?
Former
Apprendre
FORMER ET APPRENDRE,
DIFFÉRENCES D’APPROCHE
POUR MIEUX APPRENDRE
Former vs Apprendre
Avant de s’attarder sur les aspects plus
spécifiquement organisationnels, il n’est pas
inutile de réfléchir à nouveau aux raisons
qui poussent, aujourd’hui, la formation en
entreprise à évoluer. Des facteurs externes
et sociaux existent (cf « Les enjeux de la
formation en 2016 ») mais ils ne sont pas
les seuls. Une démarche d’optimisation
nécessite de s’interroger sur les modèles
qui sous-tendent les structures existantes,
tant il est vrai qu’il suffit parfois d’un pas de
côté pour trouver un chemin plus praticable.
Comme le dit Sylvain Vacaresse, responsable
du master « Ingénieurs en e-formation » à
l’université de Rennes 1, « si vous interrogez
les gens, vous vous rendez compte que
personne ne veut être formé. Mais que tout
le monde veut apprendre »(6). Au fond, former
est une décision managériale, apprendre
est un choix personnel. On pourra toujours
obliger les gens à se former ; s’ils ne veulent pas eux-mêmes, intimement, apprendre,
ces formations resteront sans effet. Car, comme aime à le rappeler le professeur Philippe
Carré de l’université de Nanterre, qu’on le veuille ou non, « le savoir ne se transmet pas,
il s’approprie »(7). Il s’agit donc moins de former les collaborateurs que de leur donner
(6) Intervention au iLearning Forum en janvier 2016.
(7) Intervention au colloque international OCE de Montréal en 2012.
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Figure 1
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Faciliter
Le mot est lâché : l’objectif du service formation aujourd’hui réside dans l’accompagnement
de la performance de l’entreprise et nulle part ailleurs. Les entreprises qui n’ont pas encore
pris la mesure de ce changement radical accusent déjà un retard qu’elles devront
s’empresser de rattraper.
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Chapitre 2
Chapitre 2
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l’envie et les moyens d’apprendre. Autrement dit, de progresser, de grandir, de s’enrichir,
de s’épanouir, autant de bénéfices qui participent du bien-être du collaborateur et
rejaillissent sur la qualité du travail.
Cela nécessite de revoir la façon dont l’apprentissage
(ou l’apprenance, terme popularisé en France par
ce même Philippe Carré) est considéré au sein de
l’entreprise. Il n’est plus question de se contenter
d’inscrire des participants, de diffuser des contenus
ou de suivre leur complétion. Optimiser la formation passe par une triple action vis-à-vis de
l’apprenant : promouvoir les occasions d’apprenance, faciliter les activités et l’accès
aux objets d’apprentissage puis valoriser les initiatives et les réussites (cf figure 1). Un tel
changement doit donc se traduire à la fois dans les mentalités, dans les pratiques et dans
l’organisation de la formation au sein de l’entreprise.
Former est
une décision managériale,
apprendre est
un choix personnel.
Deux formes d’apprenance
Plutôt que de chercher à former ses collaborateurs, l’entreprise, pour gagner en efficacité, doit
leur permettre d’apprendre. Mais dans quelles situations avons-nous besoin d’apprendre ?
Première situation, lorsque nous nous trouvons face à un blocage. Il peut prendre de
multiples visages : une série de manipulations sur une nouvelle application logicielle, un
conflit avec un collègue sur la façon de communiquer auprès d’un client, une évolution
du marché contraire aux prévisions, etc. La nécessité d’apprendre apparaît en réaction
à ce blocage. Bien évidemment, certains blocages exigent des résolutions lentes et
complexes. Mais pour les autres, la mission du service formation va consister à anticiper
ces situations et mettre à disposition des outils ou des ressources exploitables dès
l’apparition du blocage : par exemple, une aide en ligne, un module sur la résolution des
conflits ou des informations sectorielles pertinentes.
L’autre situation repose non pas sur la réactivité mais sur la générativité. Il ne s’agit plus
d’apprendre pour surmonter un obstacle mais d’apprendre afin d’éviter que l’obstacle,
un jour, ne se présente ; apprendre pour répondre de façon toujours plus efficiente aux
objectifs de l’entreprise. Cette forme d’apprenance repose sur deux piliers fondamentaux :
des dispositions psychologiques personnelles d’une part, une aptitude relationnelle et
collaborative d’autre part. Plus ambitieuse, plus organique aussi, alimentée par une
vision nette de la direction à suivre, l’apprenance générative renvoie à notre capacité
créative comme le montrent les travaux de Peter Senge(8).
Apprentissage informel vs apprentissage formel
Se dégage petit à petit une des idées phares de l’optimisation de la formation : il s’agit
davantage d’instaurer les conditions de l’apprenance permanente que d’envoyer les
collaborateurs se former au coup par coup.
Ce qui vaut pour les uns ne vaut pas pour les autres
Le modèle 70/20/10 ne repose ni sur une démonstration scientifique ni sur une loi
empirique mais sur du déclaratif de managers masculins. Charles Jennings, un de ses
grands prosélytes, rappelle que, sur une population de managers féminins, des études
montrent qu’il prendrait plutôt la forme 55/40/5 (cf 70+20+10=100 – The evidence behind
the number (2016), Charles Jennings, Laura Overton et Genny Dixon, Towards Maturity).
(8) La cinquième discipline (première édition en 1990, nouvelle édition en 2015), Peter Senge, Eyrolles.
Cette idée est renforcée par la démocratisation du modèle 70/20/10 formalisé vers le
milieu des années 1990 par Michael M. Lombardo et Robert W. Eichinger du Centre for
creative leardership. Selon leur étude, les managers qui réussissent attribuent
l’acquisition de leurs compétences à 70 % à « des missions difficiles et des challenges
professionnels », 20 % à « leur entourage professionnel, principalement leur supérieur »
et 10 % à « la formation traditionnelle et leurs lectures ».
Cette distinction a une vertu inestimable : elle permet de mettre en perspective les
priorités du service formation. Elle a en revanche un défaut : elle ne dit rien sur l’importance
relative des compétences acquises selon chaque modalité. Sans les 10 % acquis au
travers de l’apprentissage formel, serait-il possible d’apprendre autant de façon
informelle ? C’est un des enjeux principaux du service formation que de faciliter
l’acquisition de compétences de façon informelle, quitte pour cela à en passer par des
formations classiques.
REDÉFINIR LA MISSION
DU SERVICE FORMATION
L’expertise aux experts
Une fois ces grands principes posés, vers quoi doit tendre le « nouveau » service formation ?
Pour le savoir, il est nécessaire non seulement de ne pas perdre de vue le mode
d’organisation de l’entreprise mais aussi de prendre acte de l’évolution du marché de la
formation lui-même. Comme d’autres secteurs avant lui, il est en train de se spécialiser
à vitesse grand V. À tel point qu’il n’est plus possible aujourd’hui pour un responsable
formation d’en maîtriser toutes les dimensions.
Comment en effet être à la fois un expert technique (pour le choix de la plateforme de
diffusion des contenus, d’un espace collaboratif, d’un outil auteur de création de modules,
d’une solution de classe virtuelle, etc.),
un expert juridique (pour maîtriser les
exigences légales et naviguer entre
les différentes lois et leurs décrets), un
expert administratif (pour gérer les
dossiers des apprenants, la logistique
des
le suivi des
participations), un expert financier
(pour déterminer le meilleur montage,
récupérer une partie des fonds investis,
voire bénéficier des abondements
des OPCA), un expert pédagogique (pour réaliser l’ingénierie, concevoir les parcours et
identifier les modalités les plus pertinentes) ou encore un expert marketing (pour
promouvoir les formations et soutenir l’engagement des apprenants) ? La réponse
s’impose d’elle-même : c’est impossible.
Une question brûle alors naturellement les lèvres : de toutes ces expertises, laquelle doit
être privilégiée au sein du service formation ? La réponse que donne Dominique Soulier,
consultant chez Adecco Training, est simple : si l’on parle des expertises au sein de l’équipe
formation, aucune de celles-ci n’est nécessaire en tant que telle.
L’effet pervers des expertises isolées
Les expertises exposées ici semblent très éloignées
du cœur de métier d’une entreprise. Comment alors
peuvent-elles prospérer en son sein ? Quelles
perspectives d’évolution l’entreprise peut-elle offrir
à ces experts ? Cette réflexion doit peser dans la
réorientation du service formation au moment
d’envisager les compétences des membres de son
équipe.
formations ou
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