Philippe LHUILLIER
L’hypnothérapie cognitivo-comportementale
Hypnose / TCC / EMDR
Dans le cadre de ma pratique de psychologue clinicien et psychothérapeute, j’utilise
souvent l’hypnothérapie dans une approche cognitivo-comportementale. J’ai affiné
ma connaissance de l’hypnose et des TCC1 durant vingt années de pratique
psychothérapeutique, ce qui m’a permis d’acquérir une meilleure compréhension des
protocoles et de mieux les adaptés aux patients.
Les méthodes de
la
Désensibilisation systématique3, mais aussi la Mindfulness4 et l’EMDR5, sont des
approches qui possèdent des ressemblances certaines avec l’hypnose.
relaxation2 utilisées dans certaines TCC comme
LES TECHNIQUES COGNITIVO-COMPORTEMENTALES
Les techniques d’exposition
Dans les TCC (Désensibilisation systématique) comme dans l’EMDR, la pratique de
l’exposition est utilisée pour diminuer la charge émotionnelle que provoque une
situation ou un évènement, sans que le patient ne puisse avoir recours à la fuite ou à
l’évitement. Un travail est ainsi fait sur les plans : comportemental, cognitif et
émotionnel, ainsi que sur le plan physiologique, avec l’apprentissage d’une technique
de relaxation et la mise en place d’un lieu sécure, avant l’exercice.
La Mindfulness ou la pleine conscience
la vague comportementaliste et
Après
(et cognitivo-
comportementale), la Mindfulness fait partie des thérapies constitutives de la
troisième vague des TCC centrées sur les émotions.
la vague cognitive
1 Thérapies cognitivo-comportementales
2 Le Training autogène de Schultz (1884-1970) et la Relaxation progressive de Jacobson (1888-1983) sont
souvent utilisées dans la Désensibilisation systématique (Wolpe 1915-1997) et dans l’hypnose.
3 La désensibilisation systématique, technique élaborée par Wolpe en 1975, est une des méthodes la plus
employée en TCC. Après l’apprentissage d’une technique de relaxation (training autogène de Schultz, relaxation
progressive de Jacobson…) qui permet un contrôle de l’anxiété, on propose au patient d’imaginer des scènes
anxiogènes préalablement programmées selon une hiérarchie allant de la moins angoissante à la plus
menaçante.
4 La Mindfulness ou thérapie de la pleine conscience, fait partie de la troisième vague des TCC centrée sur les
émotions et a été développée aux États-Unis par Jon Kabat-Zinn.
5 Eye movement desensitization and reprocessing ou désensibilisation par les mouvements oculaires et le
retraitement de l’information. L’EMDR consiste en l’induction de mouvements oculaires (saccades) associés à
des sensations, des images ou des pensées reliées au traumatisme. COTTRAUX J. Sous la direction de
FONTAINE O. et FONTAINE P. 2006. Guide pratique de thérapie comportementale et cognitive – Retz « Cette
méthode a essuyé de nombreuses critiques car les mouvements oculaires ne sont pas nécessaires à son
efficacité, comme l’a montré une méta-analyse (Davidson et Parker, 2001) reprenant l’ensemble des études
contrôlées. Les points communs entre les méthodes classiques de TCC et celles d’EMDR font de cette méthode
une simple variante des TCC, davantage centrée sur les émotions ».
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Philippe LHUILLIER
La Mindfulness traduite en français par « pleine conscience » est une approche
orientale inspirée du bouddhisme, de la méditation du zen et du yoga. Jon Kabat-
Zinn (2003) a défini la pleine conscience comme un « état de conscience qui résulte
du fait de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans juger,
sur l’expérience qui se déploie moment après moment ».
Face aux évènements, nous sommes parasités par des pensées, des sentiments,
des sensations corporelles dont nous ne sommes pas toujours conscients. L’objectif
de la Mindfulness est d’augmenter le niveau de conscience de ce que nous sommes
en train de faire au moment présent (respiration, marcher, se laver, regarder…).
La pleine conscience a donné naissance à deux
comportementales :
thérapies cognitivo-
– La MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction) ou réduction du stress basée sur
la pleine conscience est l’apprentissage d’une technique de méditation visant à
aider les malades chroniques à mieux gérer leur stress. Ce programme développé
par Jon Kabat-Zinn en 1979 a montré une efficacité sur la réduction de l’anxiété et
du stress.
– La MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy). Cette thérapie cognitive est
l’adaptation par John Teasdal, Mark Williams et Zindel Segal, du programme MBSR
qui intègre des techniques de thérapie cognitive avec la pratique de la méditation.
La MBCT est une intervention de groupe. La finalité est de permettre aux
participants de modifier radicalement la manière dont ils entrent en relation avec
leurs schémas de pensées et d’émotions négatives, contribuant à la rechute
dépressive.
L’EMDR
L’EMDR est une technique psychothérapique conçue à la fin des années 1980 aux
États-Unis. Son approche ressemble beaucoup aux techniques d’exposition des TCC
et à l’hypnose.
Cette technique très similaire à la désensibilisation systématique, est un protocole
structuré en 8 phases (anamnèse, lieu sécure, mise en place de la cible,
désensibilisation, ancrage positif, body scan, clôture et réévaluation). La particularité
de l’EMDR est la stimulation sensorielle pendant la phase de désensibilisation : le
patient suit des yeux le déplacement bilatéral de la main du thérapeute qui va de
gauche à droite. A chaque pause le patient rapporte « ce qui lui est venu » pendant
la période des mouvements oculaires. Il peut s’agir de souvenirs, de prises de
conscience, ou d’associations diverses.
Ces mouvements oculaires sont aussi utilisés depuis longtemps comme inducteurs
dans les techniques d’hypnose depuis Mesmer mais aussi dans la thérapie
reichienne où le troisième acting est un balayage oculaire horizontal.
L’EMDR est-elle une thérapie à part entière ou simplement un outil utilisable dans
d’autres approches thérapeutiques ?
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L’HYPNOTHERAPIE DANS UNE APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE
L’hypnose thérapeutique va emprunter aux TCC certaines conceptions utilisées dans
la thérapie brève ou la technique d’exposition. La base est le principe de l’habituation
à la situation anxiogène et la constatation que l’anxiété diminue en intensité lors
d’expositions répétées à cette situation redoutée. Différentes modalités d’exposition
sont proposées : l’exposition par prescription de tâches, mais aussi l’exposition en
imagination, qui est la technique utilisée par l’hypnose dans le cadre du stress post-
traumatique et des phobies.
L’hypnose
En hypnose, l’exposition va se faire en état modifié de la conscience (EMC). Il existe
différents niveaux d’intensité dans l’EMC : la phase de dissociation et la phase
somnambulique ou transe profonde.
Dans la phase de dissociation, le patient va se déconnecter de ce qui l’entoure. Il
s’agit d’une scission, d’une séparation entre deux éléments psychiques qui
habituellement sont réunis et communiquent. Le patient est à la fois présent, attentif
et en même temps conscient que la suggestion échappe à son contrôle. Engagé
dans le processus hypnotique, il peut être en même temps en position d’observateur.
Freud avançait l’idée d’une division du psychisme (conscient et inconscient) que
l’hypnose mettrait en évidence.
Cet état est particulièrement utile chez le patient souffrant d’une très forte anxiété se
manifestant par un état d’agitation et de nervosité. Il permet à l’hypnothérapeute de
réconforter son patient sur sa capacité à contrôler ce qui se déroule durant l’induction
et de le rassurer en gardant à la conscience qu’il est en consultation et qu’il continue
à percevoir les bruits provenant de l’extérieur, tout en pouvant se relâcher.
La technique de la dissociation permet au patient de visualiser la scène traumatique
comme sur un écran de cinéma, en lui donnant la possibilité de ne plus subir
passivement ces images intrusives, mais de prendre le contrôle du défilement grâce
à une télécommande imaginaire, le tout en facilitant un climat de sécurité et de
confort afin d’en dissocier les émotions désagréables. Le patient peut à tout moment
arrêter l’image et se retrouver dans son « lieu sécure ». Le thérapeute ne cherche
pas à tout prix à faire revivre le traumatisme, il aide le patient à gérer le vécu
traumatique d’impuissance qui le hante.
La technique d’exposition sous hypnose permet de visualiser une scène difficile, le
patient se confronte à la scène comme dans la réalité, avec les mêmes émotions.
La différence entre les techniques d’exposition, la mindfulness et l’hypnose est
parfois difficile à faire. Elles ont cependant le mérite de s’engager sur une démarche
et une approche commune cognitivo-comportementale (démarches explicitées,
standardisées et qui communiquent avec les neurosciences). L’approche TCC
permet d’enrichir la technique hypnothérapeutique.
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L’hypnose ou l’état de perceptude
François Roustang6, qui fut psychanalyste avant de promouvoir l’hypnose, la qualifie
de veille paradoxale, ayant les attributs du rêve, proche de la pleine conscience.
L’état d’hypnose serait aussi pour lui, un état de « perceptude », pour désigner l’état
d’une personne baignée dans son univers caractérisé par le lâcher prise, sans
intervention des émotions ou de l’intellect : « Lâcher prise, c’est renoncer aux
intentions, aux projets, à la maîtrise de son existence. C’est un abandon de la
pensée, de la volonté, et même du résultat. Quelqu’un qui ne cherche plus rien
n’attend plus rien, devient disponible et s’ouvre à quelque chose d’autre. C’est cela la
magie : laisser venir les forces vives qui sont en nous. »7 La perceptude fait
beaucoup penser à la pleine conscience.
En conclusion
Nombreuses sont aujourd’hui les personnes qui connaissent l’hypnose à travers
l’approche thérapeutique ericksonienne8. Cette hypnose thérapeutique, plutôt douce,
réversible, suggérant simultanément une chose et son contraire, laisse le patient
libre d’aller vers l’état relationnel qui lui convient car l’hypnose est avant tout, une
« relation ».
Je terminerai par ces mots de François Roustang : « Je pense que l’hypnose n’est
pas une psychothérapie parmi d’autres, mais qu’elle est au fondement de toutes…
Aujourd’hui je dirais que l’hypnose est un processus par lequel on se dissocie des
perceptions et comportements de la vie ordinaire pour accéder à des perceptions soit
fictives soit hyperréalistes… Dans l’état de perceptude le symptôme perd son
isolement et donc sa force : il est remis en circulation dans l’ensemble du système
relationnel de l’individu qui consulte ».
Avril 2015
6 ROUSTANG F. BIOY A. SITBON H. 2005. L’hypnothérapie en dix questions : les réponses de François
Roustang – Perspectives Psy (Vol. 44)
7 F. ROUSTANG. 2004. Il suffit d’un geste – Odile Jacob
8 Milton H. ERICKSON (1901-1980) est un psychiatre américain qui a joué un rôle important dans le
renouvellement de l’hypnose clinique et a consacré de nombreux travaux à l’hypnose thérapeutique.
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