Les démissions
des élèves surveillants
durant la formation
et l’année de titularisation
1 6 7 – 1 7 8 è m e s p r o m o t i o n s
R é d A c T i O N
Laurent Gras – Nicolas Boutin
U N i T é é v A L U A T i O N
j U i N 2 0 1 1
A R T E S A U G E A M U S N O S T R A S
« Développons nos compétences » 2
–
3
A retenir
sommaire
Taux moyen de démission de la 167ème à
la 178ème promotions d’élèves surveil-
lants :
En formation : 4,6%,
Année de titularisation : 1,5%,
ces taux sont relativement faibles en
comparaison avec d’autres écoles et
professions,
Les élèves les plus touchés par l’abandon
sont les plus âgés, les plus diplômés et
ceux originaires du sud de la France,
Au cours de l’année de titularisation, trois
diSP concentrent la quasi totalité des
démissions (Lyon, dijon et Paris),
En moyenne, les abandons interviennent
au bout de deux mois et demi en cours de
formation et de trois mois pendant l’an-
née de titularisation.
Introduction
p 5 à 6
La notion d’abandon
p 7
Intensité de l’abandon et profil
sociodémographique des
démissionnaires
p 9 à 16
Les abandons dans le temps
p 17 à 22
En Conclusion
p 23 à 24
Bibliographie
p 26
Mai 2011 – Les démissions des élèves surveillants en cours de formation et durant l’année de titularisation – 167-178èmes promotions
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Mai 2011 – Les démissions des élèves surveillants en cours de formation et durant l’année de titularisation – 167-178èmes promotions
5
Introduction
Toute formation professionnelle nécessite une mue
touchent un nombre important d’étudiants et dont le
identitaire que les élèves ne sont pas toujours à
taux semble être parmi les plus préoccupants dans
même d’opérer. Cette transformation nécessite
effectivement l’acquisition de connaissances et
d’apprentissages, ainsi qu’un remaniement d’une
l’ensemble des formations sanitaires et sociales »
(entre 15 et 30%)2. Les taux d’abandons relevés dans
le champ de la formation sociale ne dépassent pas ,
vision du monde s’inscrivant plus largement dans
quant à eux, les 6%.
un processus de socialisation professionnelle.
On note, par ailleurs, l’existence de travaux menés
En considérant cet apprentissage comme un parcours
balisé, la formation représenterait la première étape,
celle au cours de laquelle les élèves sont amenés à
rompre avec leurs conceptions plus ou moins stéréo-
typées du « nouveau monde » qui se présente. A ce
titre, l’une des fonctions premières d’une formation
professionnelle consiste à déconstruire les préjugés
du métier et de l’environnement plus général dans
lequel il s’exerce.
sur les mouvements de salariés, en l’occurrence
des mains-d’oeuvre, de secteurs d’activités très
variés3. Parmi ces mouvements (taux de rotation,
taux d’entrée en CDD, en CDI…), calculés sur une
année, les taux de démission indiquent des valeurs
très diverses s’échelonnant de 1,4% pour le secteur
productif de combustibles et de carburants jusque
à 32,1% pour le secteur hôtellerie et restauration.
Certes, il reste complexe de procéder à une analyse
comparative tant les secteurs d’activités investis
Le problème est que cette rupture s’effectue rare-
par cette étude recouvre de variations, notamment
ment sans heurt. Il est ainsi fréquent d’observer
en ce qui concerne le statut des salariés (contrac-
l’avènement de désillusions résultant d’un écart
tuels, vacataires, interim…). Toutefois, à l’instar des
trop important entre l’imaginé et la réalité et ce, dès
études citées portant sur les démissions en forma-
les premières étapes du parcours. L’expression de
tion, l’existence même de ce type de recherche
ce désenchantement peut alors prendre plusieurs
démontre l’intérêt plus général porté à ces flux
formes dont l’abandon est probablement la plus
spécifiques par d’autres ministères et par les diffé-
marquée et peut-être aussi la plus marquante pour
rents représentants de chaque secteur (syndicats,
l’organisation chargée de la formation. Non seule-
groupes d’intérêts…).
ment parce qu’il peut être considéré et vécu comme
un échec, mais aussi en raison des enjeux drainés par
le recrutement. Des recherches sur les interruptions
de formation aux professions sociales, ou encore
sur l’abandon des études supérieures, marquent
ainsi concrètement l’intérêt, voire l’inquiétude, porté
à ce sujet par les pédagogues et les administra-
teurs1. Parmi ces recherches, la formation des infir-
miers est probablement la plus analysée, notamment
du fait que « les abandons de la formation infirmière
Dans le cadre de la formation des surveillants péni-
tentiaires, la question de l’abandon suscite des
questionnements spécifiques. Tout d’abord, parce
que l’intensité de ces sorties fait l’objet de suresti-
mations récurrentes, notamment auprès des élèves
en formation4. Ensuite, parce que le recrutement
d’agents a toujours été une source d’inquiétude
pour l’administration pénitentiaire5, a fortiori depuis
le début des années 2000 où il est devenu urgent
1
N. Beaupere, L. Chalumeau, N. Gury, C. Hugree 2007, L’abandon des études supérieures, la documentation Française ; P. Grenat 2006, Les étu-
diants et les diplômés des formations aux professions sociales de 1985 à 2004, Etudes et résultats n°513, DREES.
2
Selon Lamberton, « les différentes études sur le sujet recensent entre 15 et 30% d’abandons de formation selon les régions ». AL. Lamberton, P.
Pelège (part.) (2008), Les interruptions de formation en institut de formation aux soins infirmiers, p.2. R. Marquier (2006), Les étudiants en soins
infirmiers en 2004, Etudes et résultats, n°458, Direction de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques, Ministère de l’emploi, du
travail et de la cohésion sociale, Ministère de la santé et de la protection, sociale, p.7. Les schémas régionaux des formations sanitaires et sociales
en Rhône-Alpes 2006-2010, Rapport n°06.16.896, Assemblées plénières du 29 novembre 2006, p.24.
3
« Eléments sur les mouvements de main-d’œuvre dans les établissements d’au moins dix salariés », Direction de l’animation, de la recherche,
des études et des statistiques du Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la scolarité et de la ville/INSEE, 2009.
4
A l’Énap, lors de la passation de questionnaires en début de formation, les élèves surveillants d’une promotion avaient été interrogés sur l’idée
qu’ils avaient du taux de démission en cours de formation. Les résultats avaient indiqué des taux s’échelonnant de 50% à 60%.
5
Froment 2003, p.17. « Cette inquiétude, toujours d’actualité, résulte de plusieurs facteurs tels que l’absence de vocation pour le métier, le carac-
tère spécifique de l’environnement carcéral, les publics auprès desquels les personnels interviennent ou encore la stigmatisation plus générale
dont ces derniers font l’objet. » Boutin, Gras, 2010, p.229.
Mai 2011 – Les démissions des élèves surveillants en cours de formation et durant l’année de titularisation – 167-178èmes promotions
de recruter massivement du fait d’une structure
démographique vieillissante et du départ massif
de personnels à la retraite6. C’est ainsi que, récem-
ment, de nombreuses campagnes de recrutement
ont été lancées par l’administration pénitentiaire
afin de pourvoir des postes rendus vacants par une
conjoncture démographique annoncée.
Pour l’ensemble de ces arguments, le recrutement
de nouveaux agents, mais aussi leur fidélisation,
sont devenus une priorité politique7 soumise à
de multiples enjeux gestionnaires, économiques,
démographiques et sociaux. Dès lors, on comprend
aisément l’importance de connaître l’intensité de
l’abandon en formation et d’en repérer les causes.
L’objet de ce travail consiste à évaluer l’intensité de
l’abandon des élèves et des agents durant la forma-
tion et l’année de titularisation ; puis, de définir les
facteurs qui le régissent. Deux axes de réflexion ont
été étudiés :
celui du profil sociodémographique des démis-
sionnaires (qui démissionne ?) ;
celui de la temporalité de ces départs (quand
démissionnent-ils ?). Ce dernier axe, traité longi-
tudinalement, suggère que les abandons survien-
nent à des moments particuliers de la formation,
régis par la découverte du milieu carcéral et l’ap-
prentissage du métier de surveillant. Cette
seconde piste sera étayée par le fait que les
attentes professionnelles connaissent des rema-
niements en cours de formation, les fins initiale-
ment projetées dans la formation ne correspon-
dant alors plus à celles nouvellement visées.
6
6
Cette nécessité de recrutement a également été renforcée par d’autres facteurs tels que : l’instauration du 1/5ème , entraînant une accélération
significative des départs des agents; la loi organique relative aux lois de finance (LOLF) d’août 2001 qui a amené l’administration à recruter an-
nuellement autant de personnels qu’elle était autorisée à le faire, dans la mesure où la création de ces postes n’est pas déportable d’une année
à l’autre; la construction de nouveaux établissements pénitentiaires; l’augmentation de la population carcérale.
7
Le soin apporté aux campagnes de recrutement et la diffusion très étendue des sports promouvant le métier traduit l’intérêt majeur porté par
l’administration pénitentiaire à cet enjeu. Etapes, n°176.
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7
La notion d’abandon
Pour chaque promotion, des élèves présents en
début de formation disparaissent des fichiers
d’élèves à affecter en établissement parce qu’ils
ont arrêté la formation8. A l’inverse, d’autres élèves,
absents du fichier initial, intègrent les effectifs de la
promotion parce qu’ils ont repris la formation initia-
lement débutée dans une promotion antérieure9.
L’étude qui suit porte exclusivement sur les départs
provenant de décisions individuelles. En sont exclus
les redoublements, les licenciements et les suspen-
sions qui découlent de décisions institutionnelles.
Même si on ne peut exclure que ces décisions
peuvent résulter d’un comportement tendant à obte-
nir une cessation d’activité à l’initiative de l’adminis-
tration. De même, on ne retiendra pas les individus
dont la formation est reportée à une date ultérieure,
les raisons de ces départs dépendant davantage
de raisons de santé (accidents de travail, maladies,
grossesse) que de réelles motivations à quitter la
formation de surveillant. En conséquence, il s’agit
dans cette étude de traiter des deux types de départs
volontaires qui sont :
Les démissions :
D’un point de vue légal, la démission entraîne la
cessation définitive des fonctions et, pour les agents
titularisés, la perte de la qualité de fonctionnaire10.
Le plus souvent acceptée, cette décision doit faire
l’objet par l’intéressé d’une « demande écrite à l’au-
torité ayant le pouvoir de nomination un mois au
moins avant la date prévue pour la cessation de
fonctions. La démission, une fois acceptée est irré-
vocable »11. On définira de fait la démission comme
un abandon de la formation, un arrêt définitif des
cours donnés à l’Ecole nationale d’administration
pénitentiaire et des stages suivis par les élèves
avant d’être titularisés.
Les congés sans traitement :
Dans chaque promotion, un certain nombre d’élèves,
motivé par la réussite à un autre concours admi-
nistratif passé en parallèle, abandonnent la forma-
tion de surveillant pour rejoindre une autre école
publique. La législation réglant ces sorties indique
que ces derniers bénéficient, sur leur demande,
« d’un congés sans traitement lorsqu’ils sont admis à
suivre un cycle préparatoire, à un concours, donnant
accès à un emploi public de l’Etat, des collectivités
territoriales et de leurs établissements publics ou
à un emploi de la fonction publique internationale,
soit à une période probatoire ou à une période
de scolarité préalable à une nomination dans l’un
de ces emplois. »12. Autrement dit, au cours de
la formation de surveillant, l’élève est autorisé à
suivre une période de scolarité pour accéder à un
emploi d’une des trois fonctions publiques en raison
de sa réussite à d’autres concours. A la différence
des démissionnaires, les élèves autorisés à prendre
un congé sans traitement gardent le bénéfice du
concours. Les informations relatives aux entrées
d’élèves indiquent toutefois que le nombre de réin-
tégrés est faible. On peut donc penser que ce type
de départ est le plus souvent définitif.
Les départs pour démissions et congés sans traite-
ment ont été traités sans distinction tout au long de
ce travail en partant du fait qu’ils relèvent de déci-
sions individuelles et volontaires. Pour des conforts
d‘expression, les termes d’ « abandon », de « démis-
sion » et de « démissionnaire » sont également
employés pour qualifier l’ensemble de ces départs.
Concernant la méthode utilisée pour cette étude,
on a procédé en trois étapes. Premièrement les
élèves démissionnaires ont été ciblés grâce aux
listes établies et mises à jour par le Département
des stages et de la scolarité de l’Énap (pour les
départs pendant la formation) et par la Direction de
l’administration pénitentiaire (pour les départs dans
l’année de titularisation). Dans un second temps les
fiches de chaque démissionnaire repéré ont été
retrouvées aux archives de l’Énap afin d’obtenir le
maximum d’information les concernant (Age, sexe,
origine géographique, niveau d’études motif du
départ lorsque précisé etc). Enfin toutes les données
recueillies ont été rassemblées afin d’en opérer un
traitement statistique. Nous avons ainsi pu établir
le profil de ces démissionnaires et déterminer les
périodes les plus propices aux abandons.
8
Ces départs résultent essentiellement des démissions, des reportés (départ de la formation pour raison de santé : accidents, maladies, gros-
sesse), des congés sans solde, des licenciements, des redoublements et des suspensions, ces dernières faisant appel à une décision de justice.
9
Redoublants d’une promotion précédente, rattachés (élève ayant anciennement quitté la formation pour raison de santé), réintégrés (départ
d’une autre administration pour revenir à l’Énap).
10
Article 24 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, Journal Officiel du 14 juillet 1983. La perte de la nationalité française, la déchéance des droits
civiques, l’interdiction par décision de justice d’exercer un emploi public et la non réintégration à l’issue d’une période de disponibilité produisent
les mêmes effets.
11
Statut des stagiaires de l’Etat, Décret n°94-874 du 7 Octobre 1994, article 9. Les conditions de démission sont ici simplifiées de par le raccourcis-
sement du délai de démission s’élevant à 4 mois pour les agents titulaires. Le délai de 4 mois permet notamment de régler la vacance du poste.
Par ailleurs, sa réception est davantage concevable en raison de l’inadaptabilité potentielle du fonctionnaire stagiaire à la fonction recherchée.
12
Statut des stagiaires de l’Etat, Décret n°94-874 du 7 Octobre 1994, article 4-4.
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