Le numérique et la formation des
enseignants
Former au numérique et par le numérique
dans l’école supérieure du professorat et de l’éducation
de l’académie de Poitiers
Rapport du groupe de travail sur le numérique à l’ESPE de
l’académie de Poitiers
22 Février 2014
Plan du rapport
Introduction
Former tous les formateurs pour le numérique
L’écosystème du numérique à l’ESPE
1. Une culture numérique
2.
Le métier d’enseignant à l’ère numérique
3.
Former au numérique
4.
Le numérique, les disciplines et la didactique des disciplines
Former par le numérique, condition de l’intégration
5.
6. Distance, mobilité, formations en ligne, hybrides, MOOCs
7.
8.
9. Recherche pour la formation, formation par la recherche
10. L’ESPE de Poitiers, ESPE numérique : gouvernance, pilotage
Annexe 1 : Espaces, ressources et services
Annexe 2 : Extrait du dossier d’accréditation de l’ESPE de Poitiers :
L’ESPE et le numérique
Quelques sigles utilisés :
BYOD
C2i
C2i2e
CANOPÉ
CM
CNDP
CNED
DSI
EMI
ENT
ESPE
FUN
LTC
MEEF
MOOC
PE
PIF
PLC
SCD
SI
SIG
TBI
TD
TER
TIC
TICE
TP
Bring Your Own Device
Certificat Informatique et Internet
Certificat Informatique et Internet niveau 2 « enseignant »
Réseau de Création et d’Accompagnement Pédagogiques (ex SCEREN-CNDP)
Cours magistral
Centre National de Documentation Pédagogique, devenu Réseau CANOPÉ
Centre National d’Enseignement à Distance
Direction des Systèmes d’Information
Éducation aux Médias et à l’Information
Environnement Numérique de Travail
École Supérieure du Professorat et de l’Éducation
France Université Numérique
Learning Training Center
Master Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation
Massive Online Open Course
Professeur des Écoles
Pratiques et Ingénierie de la Formation (l’une des mentions du Master MEEF)
Professeur des Lycées et Collèges
Service Commun de la Documentation
Système d’Information
Système d’Information Géographique
Tableau Blanc Interactif
Travaux dirigés
Travail d’Etude et de Recherche
Technologies de l’Information et de la Communication
Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Éducation
Travaux Pratiques
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Le groupe de travail a rassemblé des représentants de l’ESPE de l’académie de Poitiers, du
Rectorat de l’académie de Poitiers, de l’Université de Poitiers, de l’Université de La
Rochelle, du CNED et du CNDP.
Il a tenu 7 réunions, d’octobre 2013 à janvier 2014.
Membres du groupe de travail
Coordonnateur :
Bernard CORNU, Professeur des Universités, représentant le CNED
Membres :
Eric BARJOLLE, IA-IPR de Lettres, CARDIE de l’académie de Poitiers
Michel BONDAZ, Formateur TICE, ESPE de l’académie de Poitiers
Sébastien BRUNET, Directeur de l’ingénierie de la documentation, de la formation et
du patrimoine – CANOPÉ
Franck CHARNEAU, Directeur adjoint de la cellule @ctice, Université de La Rochelle
Sylvie CHARPENTIER, Inspectrice de l’Éducation nationale de la circonscription de
Saintes
Frank FAUQUEMBERGUE, Directeur, Réseau CANOPÉ – Académie de Poitiers
Isabelle DUMEZ FÉROC, Maître de Conférences, Laboratoire TECHNE et ESPE de
l’académie de Poitiers, Université de Poitiers
Isabelle GUÉRINEAU, correspondante Informatique et Libertés, Université de
Poitiers
Yvan HOCHET, Responsable de la section éducation et formation, Service Commun de
la Documentation de l’Université de Poitiers
Olivier LASSAGNE, Formateur TICE, ESPE de l’académie de Poitiers
Elise LEVANNIER, Professeur documentaliste, responsable de la médiathèque du site
de Poitiers, ESPE de l’académie de Poitiers
Matar MBAYE, Directeur des Formations et Services, CNED
Stéphanie NETTO, Maître de conférences en Sciences de l’éducation, Laboratoire
TECHNE et ESPE de l’académie de Poitiers, Université de Poitiers
Christophe QUINTARD, Directeur des Systèmes d’Information, Université de
Poitiers
Sylvaine ROI, Directrice des concours et du monde enseignant, CNED
Thierry ROY, Enseignant et Formateur TICE à l’ESPE de l’académie de Poitiers
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Introduction
L’ESPE de l’académie de Poitiers a fait du numérique l’un des enjeux majeurs de son projet.
Dans une société transformée par le numérique, l’école doit prendre pleinement en compte
les changements profonds induits par le numérique, pour donner aux élèves toutes les
connaissances et toutes les compétences nécessaires pour être citoyens et acteurs de la
société numérique. Il faut pour cela que les enseignants soient eux-mêmes formés à toutes
les dimensions du numérique dans l’éducation, tant lors de leur formation initiale que tout
au long de leur carrière.
Clairement, l’enjeu n’est pas d’abord technologique : il est essentiellement pédagogique. Il
ne s’agit pas d’ajouter de la technologie aux dispositifs existants, ni même de « numériser »
ces dispositifs, mais bien de laisser l’ESPE s’imprégner et se transformer sous l’effet du
numérique, comme c’est le cas de la société elle-même. La « stratégie numérique » de
l’ESPE ne se réduit pas à sa stratégie informatique. C’est ainsi que l’ESPE sera en mesure de
former les enseignants de demain, de les préparer aux métiers d’enseignant et de
l’éducation tels qu’ils sont appelés à évoluer.
L’ESPE se dote d’un plan ambitieux d’intégration du numérique dans la formation des
enseignants, s’appuyant principalement sur la formation au numérique et la formation par
le numérique.
Ce rapport en montre les différentes composantes : Une culture numérique qui imprègne
l’ESPE toute entière, une prise en compte de ce qu’est le métier d’enseignant à l’ère du
numérique et de ses évolutions, une formation au numérique dans ses diverses
dimensions, une formation qui s’articule avec les disciplines et la didactique des
disciplines, une formation hybride intégrant des temps de formation par le numérique, une
formation incluant la distance et le « e-Learning », une solide formation de tous les
formateurs de l’ESPE, une forte articulation avec la recherche, spécialement dans le
domaine du numérique et, pour que tout cela soit possible, un « écosystème » performant
tant en termes d’infrastructures et d‘équipements que de ressources et de services. Mais
aussi une organisation et une gouvernance sachant s’adapter aux exigences nouvelles.
On trouvera en annexe le détail des contributions possibles des partenaires de l’ESPE que
sont le CNED, le réseau CANOPÉ et le SCD (Service Commun de la Documentation) de
l’Université de Poitiers.
Ce rapport propose à la fois une réflexion et des éléments pour une stratégie de
développement le numérique à l’ESPE. Mais il ne s’est pas donné pour objectif de proposer
un plan d’action ni des dispositifs concrets. Ce travail reste à faire, au sein de l’ESPE, dans
son organisation, dans sa vie quotidienne, dans ses maquettes de formation, dans la
formation de ses personnels…
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1. Une culture numérique
Un “état d’esprit” qui, au delà des technologies, doit imprégner l’ESPE
toute entière pour apprendre, pour enseigner, pour former et se former,
pour se cultiver, pour créer.
La « culture numérique » est un fait sociétal : une évolution de notre culture sous l’effet de
la massification des usages du numérique. Le terme « culture numérique » peut se
comprendre comme « culture à l’ère du numérique ». Dans l’expression « culture
numérique », le numérique doit être considéré comme un moyen, spécifique et de plus en
plus prégnant dans notre société, mis en œuvre par l’homme, « pour augmenter ses
connaissances, développer et améliorer les facultés de son esprit » (pour reprendre la
définition du mot « culture » par le dictionnaire TLF).
C’est pourquoi la culture numérique ne peut pas être réduite à la culture d’une génération
donnée (celle des natifs numériques, par exemple). Elle doit être comprise, en tant que fait
social total, davantage comme une culture à l’ère du numérique que comme une
culture du numérique. En cela, elle n’est pas seulement un objet d’étude mais un état
d’esprit. Cette culture, si on cherche à la distinguer de la culture dite classique, serait
moins élitiste et hiérarchique, davantage horizontale, co-construite, fédératrice, générative,
élargie, ouverte, pluridisciplinaire et interculturelle. Certains avancent l’idée d’humanités
numériques.
Sa définition exige de combiner plusieurs dimensions, qui sont au moins, nous semble-t-il,
au nombre de trois. Elle comporte, tout d’abord, une compréhension des enjeux liés au
numérique (qu’ils soient d’ordre politique, socio-économique ou juridique notamment).
Elle exige, parallèlement, une certaine maîtrise des technologies en jeu (ce qu’on appelle
parfois « compétences numériques », au sens étroit de l’expression). Elle se traduit, enfin,
par des usages du numérique qui permettent de se cultiver et de construire, de façon
nouvelle, de nouveaux savoirs voire de développer des pratiques à visée créative (savoir
chercher, certes, mais également savoir reconstruire, designer et créer).
En d’autres mots, entrer dans une culture numérique, s’acculturer à l’ère du numérique,
c’est tout à la fois connaître les technologies numériques, les situer en termes d’enjeux
politiques, socio-économiques et juridiques (nouvelle citoyenneté, développement d’une
culture du libre ou encore pratique du hacking), en faire usage pour se cultiver
(nouvelles façons de construire
intégrant sérendipité, validation de
l’information et conflits des savoirs, articulant lecture exploratoire et lecture en
profondeur, déplaçant le savoir sur le terrain du processus plus que du résultat, du côté du
collectif plus que de l’individuel) et pour créer (nouvelles formes d’imaginaires).
La culture numérique est donc plus large que la simple maîtrise des technologies de
l’information et de la communication et plus large que ce qu’on nomme culture de
l’information. Elle engage, au-delà de cette maîtrise et en complément de ces deux
premières facettes, à emprunter les chemins de la coopération et de la créativité tout
en réfléchissant aux déplacements opérés en termes politiques et socio-économiques.
les savoirs,
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Pour l’ESPE, comme école, la culture numérique ne peut pas être un simple élément isolé
dans une maquette, elle doit avant tout être une des dimensions structurantes de son
projet ou, pour le dire autrement, un état d’esprit. Pour que ce soit le cas, il semble
nécessaire de créer les conditions d’un débat et d’un dialogue ainsi que de nourrir la
réflexion de chacun des acteurs de la formation (avec mise en partage de savoirs et de
concepts permettant de mettre les propositions en perspective).
Cet état d’esprit se traduira par la définition d’une politique et l’écriture d’un cahier des
charges débouchant sur des choix stratégiques en termes de services, d’outils et de
ressources numériques,
le tout construisant progressivement un écosystème de
formation et d’auto-formation qui place en son cœur un environnement numérique
d’apprentissage. Cela pourrait aller jusqu’à l’articulation d’un lieu physique (dont l’espace
serait pensé pour en faire, dans son ensemble, un LTC – Learning-Training-Center, dont les
Ateliers CANOPÉ sont un exemple concret) et d’un espace numérique, qui en soit comme le
prolongement nécessaire (mettant le numérique au service de l’alternance, notamment
par le biais d’un accompagnement hybride et une mise en relation de l’ensemble des
acteurs impliqués dans cette formation à caractère professionnel).
L’acculturation numérique concerne tous les formateurs1 intervenant auprès des futurs
enseignants : enseignants-chercheurs, formateurs du second degré et formateurs du
premier degré, inspecteurs, etc. Elle nécessitera la mise en place d’un plan de formation
de formateurs défini à partir des besoins ayant émergé lors des débats et en lien avec les
choix opérés, le tout en phase avec le projet de l’Université qui met l’accent tout autant sur
la culture que sur le numérique, c’est-à-dire en phase avec l’Université conçue comme lieu
de culture ayant placé le numérique au cœur de son projet.
Ce sont les stratégies et les pratiques de chacune des équipes de formateurs et de
chacun des formateurs qui donneront vie, au final, à cet état d’esprit et construiront, pour
les étudiants, futurs professeurs et professionnels de l’éducation, les bases d’une culture
numérique. Les modalités de formation, de suivi et d’évaluation, en phase avec
l’écosystème retenu, pourront ainsi favoriser, dans le cadre de projets collectifs, des
dynamiques de coopération voire de création, prenant appui, sans s’y limiter, sur les
fondements d’une culture de l’information et de la communication – ces projets
gagnant à être évalués par le biais d’un livret de compétences professionnelles, s’articulant
éventuellement à des portfolios. Cela pourra être complété par des services numériques
visant à enrichir l’articulation entre formation théorique et formation pratique, entre
stages sur le terrain et formations à l’ESPE.
Parallèlement, les formateurs amèneront leurs étudiants à réfléchir aux modalités de leur
formation, à prendre la mesure de l’impact de la culture numérique sur leur identité
professionnelle et
(autorité, espace-temps des
apprentissages, etc.) ainsi qu’à imaginer le transfert et les transpositions possibles de ces
modalités de formation dans leurs propres pratiques professionnelles.
Ces éléments de culture numérique seront d’autant plus facilement transposables dans
un cadre professionnel que les futurs enseignants en auront fait eux-mêmes l’expérience
dans le cadre de leur formation. Ils pourront ainsi s’inscrire dans des dynamiques
1 Dans tout ce document, le terme « formateur » inclut toutes les catégories de personnels enseignants
intervenant dans
la formation des enseignants : enseignants-chercheurs, enseignants du second degré,
enseignants du premier degré, « maîtres-formateurs », inspecteurs intervenant dans la formation, etc.
leurs gestes professionnels
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d’échange, de mutualisation et de collaboration avec leurs propres collègues (équipes
pédagogiques et éducatives) dans le cadre de projets disciplinaires ou interdisciplinaires,
d’enseignements partagés (comme celui d’histoire des arts) ou d’éducations transversales
(à la santé, à la citoyenneté, au développement durable), y compris lorsque ces projets
prennent une dimension inter-cycles, inter-degrés, inter-établissements ou s’ouvrent sur
l’enseignement supérieur. Ils pourront contribuer à construire la communauté éducative
en intégrant les parents d’élèves à leurs stratégies. Ils pourront, enfin, concevoir des
dispositifs d’apprentissage renouvelés, prenant en compte la diversité des élèves et les
engageant eux-mêmes dans des logiques impliquant échanges, coopération et
création, dans le cadre d’un usage responsable et critique du numérique (services, outils,
ressources).
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2. Le métier d’enseignant à l’ère numérique
Les savoirs et les pédagogies évoluent sous l’effet du numérique. Former
aujourd’hui les enseignants de demain, les préparer à un métier qui
change.
Poser la question du métier d’enseignant à l’ère du numérique implique naturellement
d’imaginer les évolutions des postures et des pratiques professionnelles générées par
le numérique. La limite de l’exercice réside dans les contraintes institutionnelles des
statuts, des missions et des programmes. Il ne s’agit donc pas de définir l’enseignant de
demain mais d’indiquer les pistes d’évolution que les enseignants d’aujourd’hui peuvent
parcourir. Ces nouveaux chemins ont pour intérêt de révéler quelle formation initiale et
tout au long de la vie serait nécessaire pour les accompagner efficacement dans ces
évolutions.
L’enseignant à l’ère du numérique est à distinguer de celui bloqué à l’ère de la
numérisation. On ne peut en effet pas considérer que l’usage d’outils et de documents
numériques dans une pratique pédagogique majoritairement expositive et frontale
constitue une condition suffisante pour s’inscrire définitivement dans l’ère du numérique.
Il ne s’agit que d’une condition nécessaire pour partie. Le numérique repose en effet sur la
reconnaissance de l’existence d’une culture propre (cf. partie 1.) et comme fait social total il
suppose un vrai bouleversement de nos manières d’enseigner. Quels peuvent être les
repères de ce processus ?
Le numérique impose une nouvelle relation au savoir. Aujourd’hui chacun a accès sans
effort à une information surabondante et ouverte. L’enseignant, plus particulièrement dans
le second degré, n’est donc plus le seul vecteur de cette information. Sa posture
professionnelle n’est plus seulement celle d’un transmetteur mais davantage celle d’un
catalyseur proposant la recherche, le tri et la validation des informations, puis leur
intériorisation avant qu’elles ne produisent cette plus-value qui est « connaissance
extériorisée », dirigée vers une action, une résolution de problème, connaissance orientée
vers les autres, transmissible à nouveau. Ceci suppose que l’ensemble des pratiques
pédagogiques prennent en compte l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI) car
les compétences informationnelles de recherche, d’analyse et de critique de l’information
deviennent alors fondamentales et ne sauraient être du seul ressort de l’enseignant
documentaliste, même si la place de ce dernier dans l’organisation des apprentissages en
sort fortement renforcée.
Cette évolution ne fait pas disparaître les moments de transmission frontale : elle les
réorganise dans et hors la classe (pédagogie inversée, MOOCs…) et les rééquilibre avec
d’autres temps d’apprentissage appelés à se développer. On peut logiquement penser que
le travail des élèves en dehors de la classe (ce qui ne signifie pas nécessairement en dehors
de l’établissement) est ainsi amené à évoluer comme celui de l’enseignant qui pourrait
ajouter à ses compétences multiples celle, plus nouvelle, de tuteur à distance ou en ligne.
La relation à l’information et au savoir évolue avec le numérique. Elle suggère de limiter la
pédagogie expositive pour laisser davantage place à l’activité des apprenants dans une
perspective socio-constructiviste. Les pédagogies numériques devraient être actives
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