Le jeu de rôle en CNV – Version d’avril 2005
Le jeu de rôle en CNV
Jean-Philippe Faure, Aline Bourrit, Jean-Maurice Muret, avril 2005
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Le jeu de rôle en CNV – Version d’avril 2005
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Table des matières
Table des matières ……………………………………………………………………………………. 02
Origine de ce document ……………………………………………………………………………… 04
Objectif de ce document …………………………………………………………………………….. 04
Préalables ………………………………..…………………………………………………………. 04
Les attitudes aidantes pour tenir un jeu de rôle…………………………………………….. 05
Pertinence du jeu de rôle ……………………………………………………………………………. 05
La force du groupe ………………………………………..………………………………………… 05
La mise en place du jeu de rôle dans le cadre d’un groupe de pratique ………….. 06
Les éléments de base du jeu de rôle en CNV…………………………………………………. 07
A. Le type de jeu de rôle ………………………………………………………………………………. 07
Le jeu de rôle externe ………………………………………………………………………….. 08
Le jeu de rôle interne …………………………………………………………………………… 08
B. Le mode de communication ………………………………………………………………………..09
Le mode dit “chacal”……………………………………………………………………………. 09
Le mode dit “girafe”…………………………………………………………………………….. 09
C. Les rôles de l’animateur-trice ……………………………………………………………………… 10
Le-La conseiller-ère ……………………………………………………………………………..10
Le-La souffleur-euse …………………………………………………………………………….10
La girafe de soutien …………………………………………………………………………….. 10
Le-La jumeau-jumelle intérieur-e …………………………………………………………… 10
L’avocat-e ……………………………………………………………………………………….. 11
L’avocat-e du diable ………………………………………………………………………….. 11
D. Les fonctions de l’espace …………………………………………………………………………… 11
L’espace de participation stratégique ……………………………………………………….. 12
L’espace de participation silencieuse ………………………………………………………. 12
L’espace de non participation ………………………………………………………………… 12
L’espace de retrait……………………………………………………………………………… 12
L’espace transactionnel ………………………………………………………………………… 13
E. Les genres de jeux de rôle …………………………………………………………………………. 13
Les jeux de rôle évolutifs ……………………………………………………………………… 13
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Le jeu de rôle en CNV – Version d’avril 2005
Le théâtre- forum ………………………………………………………………………. 13
L’aquarium interactif …………………………………………………………………. 14
Le cabaret ……………………………………………………………………………….. 14
F. Les valeurs du temps ………………………………………………………………………………… 15
Le temps de durée déterminée ……………………………………………………………….. 15
Le temps de durée indéterminée …………………………………………………………….. 15
Le temps de durée changeante ……………………………………………………………….. 15
Le temps de pause ………………………………………………………………………………. 15
Les conditions indispensables au jeu de rôle en CNV ………………………………….. 15
La procédure type d’un jeu de rôle en CNV …………………………………………………. 15
Quand arrêter un jeu de rôle …………………………………………………………..……….16
Les quatre types de shifts, par ordre croissant de profondeur ……………………….. 17
Illustration du cheminement intérieur d’une personne………………………..……….18
Exemple de jeu de rôle ……………………………………………………………………….. 19
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Le jeu de rôle en CNV – Version d’avril 2005
Origine de ce document
Pendant sa formation de formateur en Communication NonViolente (CNV), Jean-Philippe
Faure a fait le constat que les connaissances se transmettaient uniquement oralement ou par
l’observation de ce que faisaient les personnes certifiées en CNV. Il a trouvé son parcours de
formation souvent ardu et s’est rendu compte que cela provenait du manque d’informations,
notamment écrites, sur les éléments mis en jeu.
Cela l’a motivé à créer des moyens supplémentaires à l’intention des nouveaux formateurs,
qui auraient de l’intérêt pour le même type de soutien. Ainsi, désireux de disposer d’un
support écrit pour faciliter l’enseignement du jeu de rôle en CNV, Jean-Philippe a fait appel,
en août 2004, à Aline Bourrit et Jean-Maurice Muret pour constituer une équipe de rédaction.
En janvier et février 2005, ce projet de texte a été relu par Annie Plessy et Martine Casterman.
Françoise Keller a élaboré l’illustration du cheminement intérieur d’une personne.
Objectif de ce document
Ce document a pour objectif de servir de support didactique pour les personnes qui
transmettent la CNV, pour celles qui apprennent à la transmettre et pour les animateurs de
groupes de pratique. Il est donc destiné uniquement aux formateurs en CNV, aux membres
des groupes de transmetteurs ainsi qu’aux animateurs de groupes, et pas au grand public.
Ce texte, forcément schématique, ne prétend pas être complet, ni utiliser des termes et
modèles qui conviennent à tous. Ses auteurs souhaitent que chacun-e adapte son contenu en
fonction de ses besoins et que ce document évolue avec la vie et soit enrichi par les
expériences, représentations, prises de conscience et inspirations de ceux qui l’utilisent.
Nous invitons les personnes qui auraient l’élan de contribuer à l’évolution de ce texte
d’envoyer leurs commentaires à Jean-Philippe, par courriel, à son adresse électronique :
jpfaure@bluewin.ch
Préalables
Nous ne voudrions pas que quiconque s’imagine, à la lecture de ce document, être capable de
se lancer dans le jeu de rôle. Ce texte est mis à disposition uniquement pour soutenir une
pratique, sans laquelle il n’a pas de sens . Cette pratique nécessite un travail préalable
d’éclaircissement et de développement personnel.
Même si dans ces pages nous allons poser diverses procédures propres au jeu de rôle en CNV,
l’essentiel se situe ailleurs :
– dans une ouverture à l’énergie activée dans l’instant et dans le re spect de celle-ci ;
– dans une qualité d’intuition, couplée à une humilité face à ce à quoi nous pouvons
nous mettre en liaison ;
– dans une capacité de centrage et d’empathie ;
– dans une sensibilité aux difficultés de l’autre et à nos résistances internes ;
– dans une attention aux rythmes qui permettent de se relier aux besoins profonds.
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La capacité d’intuition ne peut pas s’acquérir par la volonté, mais par le lâcher prise. La
capacité de se relier à la vie de l’autre ne peut pas se développer par la lecture, mais par
l’expérience.
Les attitudes aidantes pour tenir un jeu de rôle
Dans un premier temps, pour assurer le meilleur soutien possible à la personne demandeuse
nous pouvons nous baser sur les mêmes points que pour créer une connexion empathique :
– Une attention non intentionnelle. Ce que nous offrons c’est notre capacité à ne pas
vouloir sauver l’autre, le consoler ou l’amener quelque part. Bref, de ne pas diriger
l’énergie sur le plan de la sympathie, avec les risques de souffrance et de confusion
inhérents.
– La force de notre compassion et de notre détachement vis-à-vis de l’autre .
– Un accueil centré sur les sentiments et les besoins, au service du dépassement de la
souffrance.
En plus, dans le cadre du jeu de rôle, nous pouvons développer un détachement vis-à-vis du
rôle que nous incarnons, afin de pouvoir accéder à la vulnérabilité du stimulus, tout en gardant
le cap de l’évolution du jeu. Ce recul va nous permettre de sentir de quelle manière exprimer
cette vulnérabilité. Il ne suffit pas de se relier à la vie du stimulus pour être aidant, encore
faut- il arriver à la rendre intelligible à la personne qui en souffre.
Pour permettre au jeu de rôle d’aller le plus loin possible, le « programme » le plus efficace
est de rester connecté avec le présent d’instant en instant. Il n’est pas utile d’avoir une vision
d’un but, car cette représentation coupe souvent le lien avec les besoins du moment présent,
mais de garder la confiance qu’un apaisement va émerger, pour autant que nous maintenons
notre attention sur le plan des besoins. Moins nous cherchons à aller dans une direction, plus
facilement un sens organique va pouvoir émerger, à travers les hésitations et le rythme propre
à la personne demandeuse.
Pertinence du jeu de rôle
Malgré son efficacité, le jeu de rôle reste un outil. Moyen puissant, il nécessite un
investissement important en temps et en énergie. Aussi, suggérons-nous, avant de lancer un
jeu de rôle, de vérifier toujours si son utilisation apparaît judicieuse pour la situation donnée.
Dans la plupart des cas, commencer par un temps d’accueil empathique sera d’un grand
soutien pour prendre cette décision. Cet accompagnement empathique suffira souvent à
dénouer la situation.
La force du groupe
La présence d’un groupe possède un effet démultiplicateur. Un jeu de rôle est porté par
l’ensemble des personnes présentes, pour autant qu’elles aient la conscience qu’elles sont co-
actrices de ce qui se passe. Certaines vont s’exprimer, d’autres se taire, mais c’est la qualité de
présence des unes et des autres qui est essentielle.
L’intégration de cette conscience va contribuer à créer cet effet de groupe. C’est pourquoi, et
particulièrement dans les groupes de pratique, il est utile d’investir le temps nécessaire pour
que chacun puisse sentir la place qu’il tient dans un jeu de rôle, que ce soit par une écoute
silencieuse ou en incarnant le stimulus.
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La mise en place du jeu de rôle dans le cadre d’un groupe de pratique
Les groupes de pratique débutent usuellement par un temps d’écoute des sentiments et des
besoins des participants – y compris de l’animateur-trice (tour de cercle). Pour permettre à
chacun-e de se relier à un rythme lent et à ses besoins profonds, un moment préalable de
centrage corporel est bienvenu.
Au cours du tour de cercle, il est important que l’animateur reste attentif à ce que la personne
qui s’exprime parle du présent et d’elle- même, qu’elle évite de s’exprimer sur le passé et sur
les autres. Si cela s’avère nécessaire, il l’invite à revenir au moment présent en se reliant à ses
émotions ou à ce qu’elle ressent physiquement dans l’instant.
Par exemple, si un participant parle de ce qu’une personne lui a fait, des griefs qu’il a contre
elle et se concentre uniquement sur elle, l’inviter à revenir au moment présent et à lui- même
en l’aidant à prendre conscience de son état d’épuisement et de son besoin de repos.
Quand un demandeur de jeu de rôle exprime une situation, l’animateur-trice essaie de réduire
le temps consacré au partage de l’histoire. Cette phase lui sert surtout à identifier les
possibilités d’animation ; l’empathie que le demandeur peut y trouver reste superficielle.
Souvent une personne demandeuse tente de se relier à sa souffrance tout en se préservant de
son intensité. Elle reste donc dans la description de l’histoire qu’elle a vécue. Une des aides
que va lui apporter l’empathie ou le jeu de rôle sera de lui permettre d’écouter directement ce
qu’elle a éprouvé quand l’événement s’est déroulé.
Lorsque le tour de cercle est terminé, l’animateur-trice revient à la situation pour laquelle le- la
participant-e a demandé un jeu de rôle. Trois possibilités s’offrent alors à lui-elle:
1. Il-elle questionne le sens du jeu de rôle. Par exemple : “C’est la troisième fois que tu
demandes que nous traitions ce problème. Je crains que ce groupe de pratique ne soit pas
le cadre approprié pour t’aider à avancer dans cette difficulté. J’aimerais me rassurer
que tu te donnes les moyens pour résoudre ta difficulté et que nous restions bien focalisés
sur l’apprentissage de la CNV. Est-ce que c’est douloureux pour toi de m’entendre ? ”
2. Avec l’accord du groupe, il-elle lui propose un temps d’écoute empathique. Par exemple :
“J’ai l’impression que la situation que tu vis est douloureuse pour toi; voudrais-tu un
temps d’écoute empathique ? Est-ce que quelqu’un aurait une autre proposition ?” Ce
temps est parfois suivi d’un jeu de rôle (troisième possibilité).
3. Avec l’accord du groupe, il- elle propose directement à la personne de faire un jeu de rôle.
Dans le cadre d’un groupe de pratique le jeu de rôle répond à deux buts : sa mise au service
d’une personne en souffrance ou en questionnement, et une visée d’apprentissage. L’efficacité
du premier est plus assuré par des acteurs expérimentés en CNV, mais au détriment de
l’apprentissage du processus par les autres. Il y a un équilibre à trouver, d’où l’intérêt de
développer l’usage de jeux de rôle évolutifs ou tenus par plusieurs personnes.
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Les éléments de base du jeu de rôle en CNV
Le jeu de rôle en CNV consiste en un ensemble d’activités tenues par deux personnes, ou plus,
dans le but de soutenir l’une d’elles afin qu’elle devienne capable d’accueillir ce qu’elle vit, par
la prise de conscience que
•
les personnes, ou les parts (voix) qui s’expriment en elle, qui lui posent problème et qu’elle
considère comme des ennemies, sont en fait des amies,
les événements extérieurs qui déclenchent en elle un sentiment de mal-être sont en fait des
catalyseurs de croissance personnelle,
•
• ce qu’elle considère comme absurde a en fait du sens.
Le jeu de rôle en CNV comporte les éléments importants suivants :
A. Le type de jeu de rôle
B. Le mode de communication
C. Les rôles de l’animateur-trice
D. Les fonctions de l’espace
E. Les genres de jeu de rôle
F. Les valeurs du temps
A. Le type de jeu de rôle
La mise en place de tout jeu de rôle débute par la description d’une situation concrète difficile
à vivre par une personne et qu’elle souhaite débloquer. Nous appellerons “demanderesse (D)”
la personne qui sollicite le jeu de rôle.
Cette mise en place se poursuit par le décryptage de la situation par l’animateur-trice (A) du
jeu de rôle; en effet, dans la majorité des cas, il existe un décalage entre ce que raconte D – il-
elle se focalise le plus souvent sur un stimulus extérieur – et les éléments dont A a besoin
pour animer le jeu de rôle.
Nous pourrions en effet croire qu’il n’y a qu’un stimulus extérieur, alors qu’en réalité lui
correspond toujours un stimulus intérieur, et réciproquement. Grâce à l’application du
processus de CNV, A détermine quel est le stimulus le plus important par rapport à la
situation que vit D.
Selon le résultat, il va faire le choix d’explorer : soit la relation de D à une personne extérieure
/ la réaction de D à un événement, soit d’explorer la relation entre deux parts (voix) en D dont
le dialogue tourne en rond.
Dans le premier cas, le type de jeu de rôle est dit “externe ” et, dans le deuxième, il est dit
“interne “.
Exemple : depuis que son fils adolescent est en échec scolaire, un parent (D) n’arrive plus à
communiquer avec lui. Il souhaite rétablir le dialogue. Si A choisit d’explorer la relation de D
avec son fils, il s’agira d’un jeu de rôle externe; s’il choisit d’explorer la relation entre la part de
D qui a besoin de sécurité et celle qui a besoin de faire confiance, il s’agira d’un jeu de rôle
interne.
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Le jeu de rôle externe
Dans le jeu externe, six rôles sont usuellement joués. Ce sont :
1. Le- la demandeur-deresse (D) : personne qui sollicite le jeu de rôle.
2. Le stimulus (S) : toute personne, toute chose ou tout événement qui déclenche en D une
réaction de refus de la réalité/ une réaction de rejet/ une chaîne de réactions.
3. L’animateur-trice (A) : personne qui anime le jeu de rôle ou le rôle.
4. Les participant-e-s (P) : personnes qui, par leur présence silencieuse, vont soutenir
énergétique ment le jeu de rôle.
5. Le- la médiateur-trice (M) : personne qui peut être A, D ou P, et va essayer de rétablir,
grâce à une médiation, une communication entre D et le stimulus externe, ou entre deux
parts de D.
Schématiquement, cette médiation a pour intention :
• l’identification des besoins de la première personne/part par elle-même,
• l’identification des besoins de la deuxième personne/part par elle- même,
• la reformulation des besoins de la deuxième personne/part par la première,
• la reformulation des besoins de la première personne/part par la deuxième,
• l’émergence de demandes mutuelles à partir de la compréhension des besoins.
6. L’observateur-trice (O) : il peut s’agir de D, mis en retrait, afin qu’il lui soit possible
d’observer le jeu de rôle en étant émotionnellement moins impliqué, ou d’une personne qui
observe le jeu de rôle, afin de pouvoir restituer à D les étapes de ce qui s’est passé ou, plus
rarement, d’un P qui joue le rôle de mémorialiste.
Le jeu de rôle interne
Dans le jeu interne, cinq rôles, correspondant à cinq parts de D, sont usuellement joués :
1. La part animatrice : qui a le besoin d’explorer le monde, veut aller de l’avant, nous pousse
à prendre des risques (par exemple à changer de travail). Même si fréquemment elle peut
être coupée de ses besoins, et s’exprimer alors sous la forme de jugements ou d’exigences,
nous l’appellerons la part girafe animatrice (GA) puisque son moteur, parfois inconscient,
est le besoin d’autonomie.
2. La part protectrice : dont la motivation est de veiller toujours à une sécurité globale de
l’individu et qui freine GA. Nous l’appellerons la girafe protectrice (GP) puisque son
moteur est le besoin de sécurité.
3. La part éducatrice : qui a besoin de donner du sens à chaque action, qui pose la question
“A quoi cela va-t- il te servir ?”. Nous l’appellerons la girafe éducatrice (GED) puisque son
moteur est le besoin de sens.
4. La part empathique (GEM) : part sereine, que nous avons tous en nous. Elle peut poser
alternativement à GA, GP et GED les questions : “Qu’observes-tu ?”, “Comment te sens-
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