L’APICULTURE
POUR
TOUS
5e édition
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printed edition (5th). Page images of the original printed edition can be found here:
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Abbé WARRÉ
L’APICULTURE
POUR
TOUS
MANUEL-GUIDE
DES
FIXISTES ET DES MOBILISTES
CINQUIÈME ÉDITION
BUREAUX DU «TRAVAIL AU GRAND AIR»
17, rue Littre, 17 TOURS
Téléphone 4-9O
A mes lecteurs
Pendant 30 ans, j’avais étudié les principaux systèmes de ruches, supprimant les
uns, transformant les autres.
Pendant 30 ans /avais travaillé à établir la Ruche Populaire, en accord avec les lois
indiscutées de la nature, de l’apiculture, de la physique, de l’architecture, etc.
Je pouvais toutefois avoir ignoré, avoir oublié quelqu’une de ces lois. Et ce ne fut pas
sans appréhension que j’offris la Ruche Populaire au public.
Depuis 6 ans, la Ruche Populaire a pris sa place clans les jardins de France et dans
toutes les parties du monde. Sa méthode a été étudiée, discutée partout.
Or, j’ai reçu de nombreuses félicitations, des comparaisons élogieuses, et pas une
critique de valeur.
J’ai donc le droit de dire ce que je pensais: La Ruche Populaire est la meilleure
ruche.
D’ailleurs, si je lui découvrais quelque défaut, je m’empresserais de le corriger.
N’hésitez donc pas, chers Lecteurs, à adopter la Ruche Populaire.
La Ruche Populaire vous fera économiser du temps, de l’argent et des déboires.
La Ruche Populaire vous donnera aussi, en abondance, le miel le plus doux et les
jouissances les plus saines.
Tours, le 25 Mars 1923.
E. Warré.
L’apiculture pour tous
But de ce livre
Les manuels apicoles sont nombreux. Malheureusement plusieurs ont été écrits par
des apiculteurs en chambre. Il n’est pas téméraire, ce me semble, d’oser les
compléter, voire même les contredire.
Le praticien a horreur de la plume. On ne trouve de lui que quelques pages aussi
brèves que rares. Je crois être utile à l’apiculture en y ajoutant ces quelques feuillets
qui sont le fruit de plus de 30 ans de pratique et d’étude.
Des savants éminents, des écrivains de renom ont étudié et décrit la vie de l’abeille
et ses mœurs. Je ne veux ni les copier ni les compléter. J’ai un tout autre but.
Ce ne sont pas des admirateurs de l’abeille que je recherche; mais des amis, des
visiteurs, des compagnons. Ce ne sont pas des jouissances de salon de lecture que
je veux procurer à mes lecteurs, mais des jouissances champêtres.
Je ne m’occuperai donc que de la pratique de l’apiculture et encore seulement de sa
partie la plus utilitaire: la production du miel.
Mais je conduirai mes lecteurs depuis l’A B C D de l’apiculture jusqu’à la production
du miel facile et économique.
Utilité de l’apiculture
L’apiculture est Fart de cultiver les abeilles dans le but de retirer de cette industrie le
maximum de rendement avec le minimum de dépenses.
Or, les abeilles produisent des essaims et des reines, de la cire, du miel.
La production des essaims et des reines doit être réservée aux spécialistes.
La production de la cire a quelque importance, mais diminuée par les frais de sa
fonte.
La production du miel est le principal but de l’apiculture, celui que vise avant tout
l’apiculteur, parce que ce produit est important et qu’il peut être pesé, estimé.
Or, le miel est un excellent aliment, un bon remède, le meilleur des sucres. Nous le
redirons plus longuement. Et ce miel, on peut le vendre, comme on peut le
consommer sous bien des formes, en nature, en confiseries, en pâtisseries, ‘en
boissons hygiéniques et agréables: hydromel, cidres sans pommes, vins sans
raisins.
L’apiculture est aussi, il faut le noter, un travail passionnant, qui repose par
conséquent l’esprit et même le corps.
L’apiculture est encore un travail moral, puisqu’il éloigne du café et des mauvais
milieux et qu’il met sous les yeux de l’apiculteur l’exemple du travail, de l’ordre, du
dévouement à la cause commune.
L’apiculture est en plus un travail souverainement hygiénique et bienfaisant, car ce
travail se fait le plus souvent en plein air, par beau temps, au soleil. Or, le soleil est
l’ennemi de la maladie puisqu’il est le maître de la sève et de la force.
Enfin, et c’est une chose importante, l’abeille féconde les fleurs des arbres fruitiers.
L’apiculture contribue, par conséquent, pour une large part, à remplir notre fruitier.
Cette raison, seule, devrait suffire pour pousser à l’apiculture, tous ceux qui ont le
moindre coin de verger.
D’après Darwin, la fécondation d’une fleur par elle-même n’est pas la règle générale.
La fécondation croisée qui intervient le plus communément, est nécessitée, soit par
la séparation des sexes dans des fleurs ou même sur des pieds différents, soit par la
non coïncidence de la maturité dans le pollen et dans le stigmate ou par des
dispositions diverses qui empêchent une fleur de se féconder elle-même. Il en résulte
que bien souvent, si une cause étrangère n’intervient pas, nos plantes ne donneront
pas de fruits ou en donneront beaucoup moins: de nombreuses expériences l’ont
démontré.
Or l’abeille, comme le dit si bien M. Hommell, l’abeille, attirée par le nectar sécrété à
la base des pétales, pénètre jusqu’au fond des enveloppes florales pour se repaître
des sucs élaborés par les nectaires et s’y couvre de la poussière fécondante que les
étamines laissent tomber sur elle. La première fleur épuisée, une seconde offre à
l’infatigable ouvrière une nouvelle moisson; le pollen qu’elle porte tombe sur le
stigmate et la fécondation, qui, sans elle, serait restée livrée aux hasards des vents,
s’opère d’une manière certaine. Poursuivant ainsi sans relâche sa course, l’abeille
visite des milliers de corolles et mérite le nom poétique, que Michelet lui donne, de
pontife ailé de l’hymen des fleurs.
M. Hommell essaie même de chiffrer le bénéfice qui résulte de la présence des
abeilles. Une colonie, dit-il, qui ne dispose que de 10.000 butineuses doit être
considérée comme atteignant à peine la moyenne et une famille très forte logée en
grande ruche en possède souvent 80.000. Supposons que 10.000 butineuses sortent
chaque jour 4 fois; en 100 jours cela fera 4 millions de sorties; si chaque abeille,
avant de revenir au logis, entre seulement dans 50 fleurs, les abeilles de cette ruche
auront visité dans le cours d’une année 100 millions de fleurs. Il n’est pas exagéré de
supposer que, sur 10 de ces fleurs, une seule au moins soit fécondée par l’action des
butineuses et que le gain qui en résulte soit de 1 centime seulement par 1.000
fécondations. Eh bien, malgré des évaluations si minimes, il ressort un bénéfice de
200 fr. par an produit par la présence d’une seule ruche. Cette conclusion
mathématique est sans réplique.
Certains producteurs de fruits, des viticulteurs surtout, s’élèvent contre les abeilles,
parce qu’elles vont sucer le jus sucré des fruits et des raisins. Mais si l’on examine
attentivement l’abeille, on s’aperçoit vite qu’elle délaisse les grains intacts et qu’elle
ne vide que ceux dont la pellicule a déjà été perforée par les oiseaux ou les
mandibules puissantes des guêpes. L’abeille ne recueille qu’un suc qui, sans elle, se
dessécherait en pure perte. L’abeille est même dans l’impossibilité absolue de
commettre le vol dont on l’accuse: les pièces masticatrices de sa bouche ne sont pas
assez puissantes pour lui permettre de perforer la pellicule qui protège la pulpe.
L’apiculture sans piqûre
Le premier obstacle à l’extension de l’apiculture, c’est l’aiguillon de l’abeille.
On peut discourir de longues heures sur l’abeille, dans tous les pays, dans toutes les
classes de la société, on trouvera partout et toujours des oreilles attentives. L’abeille
est sympathique, mais les meilleurs amis des abeilles avoueront qu’ils ne font pas
d’apiculture parce qu’ils redoutent l’aiguillon de l’abeille. Cet aiguillon paraît, en effet
redoutable; mais l’est-il en réalité?
L’abeille est souvent maltraitée, bousculée par le moissonneur, par les animaux,
quand elle butine dans une prairie artificielle. Or, jamais elle ne les pique.
Faites vous-même cette expérience. Quand vos arbres sont en fleurs, examinez les
abeilles qui butinent sur ces fleurs. Si vous le voulez, pour la mieux distinguer, jetez
sur l’une d’elles un peu de farine ou de poudre de riz et suivez-la. Poussez-la du bout
du doigt, elle va sur une autre fleur. Poussez-la encore, elle va plus loin. Vous
pouvez continuer ce jeu aussi longtemps que vous voudrez. L’abeille ne s’en ira que
lorsqu’elle aura recueilli sa charge de miel. Jamais elle ne vous piquera.
Vous avez pu voir des apiculteurs professionnels, travailler au milieu de leurs
abeilles, sans crainte, sans précautions apparentes, sans même se couvrir la tête
d’un voile. C’est ce que vous pouvez constater dans les photographies ci-contre,
figures 1, 2, 3. 4, 6 et 7. Je suis l’un des deux opérateurs et je puis vous certifier que
clans ces circonstances comme dans beaucoup d’autres, nous n’avons été piques
par aucune des millions d’abeilles qui nous entouraient.
Les abeilles ne sont donc pas méchantes de leur nature.
Mais les abeilles ont pour mission de créer une famille et de la faire prospérer,
d’amasser du miel et de le conserver. Et pour défendre cette famille et ce miel, les
abeilles ont reçu une arme puissante, leur aiguillon et son venin. Elles s’en servent
contre tout ennemi, réel ou apparent, avec une précipitation à laque Ile personne ne
saurait se soustraire, avec une force contre laquelle ne peuvent prémunir ni les
voiles, ni les gants, ni les guêtres, ni les vêtements les plus épais.
Que l’apiculteur, toutefois, fournisse à ses abeilles une habitation bien conditionnée,
des provisions suffisantes, qu’il se présente à elles en ami, il sera bien accueilli par
les abeilles et après quelques instants de fraternité, il pourra, sans danger, secouer
ces bonnes abeilles, les bousculer, les brosser comme nous le faisons sur l’une des
photographies ci-contre.
Fig. 1. Rucher de 100 colonies (Méléressart [Somme]).
Dans ce rucher, les ruches sont disposées en fer à cheval l’ouverture tournée vers le
Nord
Fig. 2. Rucher de 60 colonies (Warél [Somme]).
Dans ce rucher, les ruches sont disposées sur deux faces; il v a deux étages sur
chaque face; une allée sépare les faces dont l’une regarde l’Est, l’autre l’Ouest.