Observatoire national
de la vie étudiante
INFOS
n 30
Avril
2015
L’ACTIVITÉ RÉMUNÉRÉE
DES ÉTUDIANTS.
Une diversité de situations
aux effets contrastés
Feres BELGHITH, chargé d’études à l’OVE
L’activité rémunérée consti-
tue un thème central pour
l’analyse des conditions de vie
des étudiants. Donnant no-
tamment à voir les conditions
économiques et financières
contrastées des étudiants,
l’activité
rémunérée varie
également selon les filières
d’enseignement et leur degré
de professionnalisation. À
partir des données de l’en-
quête Conditions de vie des
étudiants 2013, cet OVE infos
propose une analyse des
différentes formes de l’acti-
vité rémunérée et de la place
qu’elles occupent dans le fi-
nancement des étudiants.
Parallèlement, il interroge les
effets différenciés des types
d’activités rémunérées sur les
conditions d’études, de travail
et de réussite des étudiants.
Parce qu’elle est au croisement des problématiques de la réussite étudiante,
de l’insertion professionnelle des diplômés et du financement des études, la
question de l’activité rémunérée constitue un thème central dans l’analyse des
parcours des étudiants, d’autant plus qu’elle concerne près de la moitié des étu-
diants. Dans un temps théoriquement consacré aux études, quelle place occupe
l’activité rémunérée ? Le travail rémunéré au cours des études est-il une néces-
sité financière indispensable au maintien des conditions de vie et à la poursuite
des études ou permet-il un revenu d’appoint dans un processus de transition vers
l’autonomie ? Travailler lorsqu’on étudie risque-t-il de détourner le temps consa-
cré aux études et, in fine, d’augmenter le risque d’échec dans les études, ou au
contraire, permet-il d’acquérir une première expérience professionnelle dont on
connaît le poids lors de l’arrivée sur le marché de l’emploi ? Tenter de répondre à
ces questions nécessite tout d’abord de rendre compte des diverses formes de
l’activité rémunérée, de leurs logiques et des motivations sous-jacentes, pour
analyser ensuite les manières dont elles influent sur les conditions d’études et le
parcours des étudiants, et par conséquent sur la réussite des études.
Des formes d’activités diverses
aux logiques distinctes
Selon l’enquête Conditions de vie, en 2013, 45 % des étudiants ont exercé une
activité rémunérée au cours de l’année universitaire et 55 % n’ont pas travail-
lé ou n’ont eu d’activité rémunérée qu’en période estivale (figure 1). La part des
étudiants qui exercent une activité rémunérée durant les études a légèrement
baissé entre 2010 et 2013 (- 4 points de %) mais n’en reste pas moins assez élevée.
Les activités exercées en période d’études sont relativement hétérogènes, se dif-
férenciant notamment selon leur durée, leur régularité mais aussi selon leur lien
1
Figure 1 – L’activité rémunérée des étudiants (en %)
Pas d’activité
rémunérée
pendant l’année
universitaire
55 %
Activité
rémunérée
pendant l’année
universitaire
45 %
13 %
6 %
29 %
35 %
17 %
Activité concurrente
des études*
Activité très
concurrente
des études*
Stage et alternance*
Activité liée aux études*
Job*
Lecture : parmi les étudiants qui exercent une activité rémunérée, 7 % exercent une activité rémunérée très concurrente des études
Champ : ensemble des répondants (n = 40 911)
* Cf. encadré 1 « Les activités rémunérées »
avec la formation suivie ou encore les raisons évoquées par
les étudiants pour en justifier le recours. Parmi les étudiants
qui ont exercé une activité rémunérée durant l’année uni-
versitaire, 13 % exercent une activité très concurrente des
études, 35 % exercent un job, 17 % exercent une activité liée
aux études et 29 % ont réalisé ou réaliseront un stage ou
sont en alternance (encadré 1).
Parmi l’ensemble des étudiants qui travaillent, la motivation
financière reste la raison la plus couramment invoquée,
presque les trois quarts des étudiants déclarant que leur
Encadré 1
Les activités rémunérées
Activité liée aux études : activité rémunérée dont le
contenu est en lien avec la formation suivie
Job : activité rémunérée non liée aux études et exer-
cée moins d’un mi-temps.
Activité rémunérée concurrente des études :
activité rémunérée non liée aux études, exercée au
moins à mi-temps et moins de 6 mois par an.
Activité très concurrente des études : activité
rémunérée non liée aux études, exercée au moins à
mi-temps et plus de 6 mois par an.
activité professionnelle permet d’« améliorer leur niveau
de vie » et la moitié la jugeant « indispensable pour vivre »
(figure 2). Parallèlement,
l’acquisition d’une expérience
professionnelle » est également une motivation forte
du recours à l’activité rémunérée (69 % des étudiants).
À l’opposé, les étudiants qui n’exercent aucune activité
rémunérée pendant l’année universitaire invoquent princi-
palement le choix de se consacrer entièrement aux études
(56 %) ou le manque de temps pour exercer une activité ré-
munérée (37 %). Une part plus petite mais non négligeable
de ces étudiants développe également des arguments de
« suffisance financière », comme le fait d’avoir suffisam-
ment de ressources sans travailler (19 %) ou le fait d’avoir
des revenus suffisants tirés d’un travail estival (16 %). Les
étudiants socialement les plus favorisés sont proportion-
nellement les plus nombreux à déclarer ne pas travailler
du fait de ressources suffisantes (27 % des CSP supérieures
contre 12 % des CSP populaires). Enfin, presque un étudiant
sur cinq déclare avoir voulu travailler mais ne pas l’avoir
fait faute d’avoir trouvé un emploi. Ce type d’explication se
retrouve plus souvent chez les étudiants d’origine sociale
« populaire » (23 %) que chez les étudiants d’origine sociale
« supérieure » (13 %) 5.
2
1
2, 3, 4,
5
Si l’on excepte les étudiants ayant réalisé un stage ou une alternance, la part des étudiants ayant exercé une activité rémuné-
rée durant l’année universitaire est alors de 38 %.
cf. encadré 1 « Les activités rémunérées ».
Origine sociale supérieure : cadres et professions intellectuelles supérieures.
Origine sociale moyenne : professions intermédiaires.
Origine sociale populaire : employés et ouvriers.
Figure 2 – Raisons de l’exercice et du non-exercice d’une activité rémunérée (en %)
é
t
i
v
i
t
c
a
e
n
u
e
c
r
e
x
E
s
a
p
e
c
r
e
x
e
N
’
e
é
r
é
n
u
m
é
r
e
é
r
é
n
u
m
é
r
é
t
i
v
i
t
c
a
d
’
Permet d’améliorer le niveau de vie
Permet d’acquérir une expérience professionnelle
Assure l’indépendance à l’égard des parents
Indispensable pour vivre
Parce que j’ai du temps libre
18
Préfère se consacrer entièrement aux études
Souhait de travailler mais pas assez de temps
37
73
69
58
51
56
Souhait de travailler mais n’a pas trouvé d’emploi
Les ressources financières sont suffisantes
Les revenus de l’activité rémunérée pendant les vacances sont suffisants
19
19
16
0
10
20
30
40
50
60
70
80 %
Lecture : parmi les étudiants qui exercent une activité rémunérée, 73 % considèrent qu’elle leur permet d’améliorer leur niveau de vie
Champ : ensemble des répondants (n = 40 911)
Le sexe, l’âge, la possession d’une bourse, la filière d’études
et le niveau d’études sont les principales caractéristiques
qui influencent l’exercice d’une activité rémunérée (indé-
pendamment du type d’activité) : les hommes, les étudiants
les plus jeunes, les boursiers, les étudiants de STS et CPGE
et les étudiants en licence 6 sont les moins nombreux à exer-
cer une activité rémunérée. Quel que soit l’origine sociale
des étudiants ou le niveau d’études des parents, il n’y a pas
de clivage net et significatif en ce qui concerne l’exercice
ou non d’une activité rémunérée 7. Les différences les plus
pertinentes ne résident donc pas tant dans le fait d’exer-
cer ou pas une activité que dans le type d’activité exercée,
celles-ci n’étant ni de même nature ni de même intensité.
L’enquête Conditions de vie permet de distinguer, à un pre-
mier niveau, trois grands types d’activité rémunérée : les
activités non liées aux études, les activités intégrées aux
études et les stages et alternance. Ces activités sont rela-
tivement hétérogènes quant à leur nature et leurs effets
sur les études et les conditions de vie des étudiants. Si l’on
se concentre sur leurs déterminants, les activités intégrées
aux études et les stages rémunérés sont plus nettement
liés aux caractéristiques du type et du niveau d’études sui-
vies alors que les activités non liées aux études sont un peu
plus dépendantes des caractéristiques des étudiants.
Les activités non liées aux études :
revenu d’appoint ou
financement des études ?
En comparaison des autres types d’activités, les activités
non liées aux études apparaissent un peu plus étroitement
liées aux caractéristiques socio-démographiques des étu-
diants. Dans ce cas, la filière d’études peut également avoir
une influence sur l’activité rémunérée, mais de manière
plus indirecte, par le temps libre, plus ou moins long, qu’elle
autorise aux étudiants. Ainsi, c’est pour ce type d’activité
que se pose, de manière plus accrue (ou, tout au moins, de
manière différente), la question du recours à l’activité ré-
munérée : « travailler pour financer ses loisirs », « travailler
pour financer ses études » ou « travailler pour assurer sa
subsistance » conduira à des formes d’activités différentes
et n’aura pas le même effet sur la réalisation de ses études.
Un élément distinctif à prendre en compte ici sera la durée
et l’intensité de l’activité rémunérée non liée aux études.
En ce qui concerne l’exercice d’une activité rémunérée non
liée aux études, l’origine sociale semble avoir peu d’effet.
En revanche, les femmes sont plus nombreuses que les
hommes à exercer une activité non liée aux études (24 %
contre 18 % des hommes). Mais c’est principalement sur
l’exercice d’une activité rémunérée occasionnelle que se
fait la différence, les étudiantes étant plus nombreuses que
les étudiants à exercer ce type d’activité. Dans ce cas, on
6
7
Des effets d’âge entrent aussi en compte en ce qui concerne les différences dans les taux d’exercice d’une activité rémunérée
selon la filière et le niveau d’études.
Ceci est notamment dû à un effet de construction, l’activité rémunérée intégrant également les stages et les alternances. Nous
verrons plus bas que le milieu social d’origine joue notamment sur le type d’activité rémunérée exercée.
3
Figure 3 – Exercice d’une activité rémunérée non liée aux études selon les caractéristiques des étudiants (en %)
18 ans ou moins
2
1
4
2
3
23
2
4
21
3 1
9
3
2
3
3
15
21
25 ans ou plus
11
2
9
13
2
e
x
e
S
e
g
A
*
o
i
t
a
N
P
S
C
s
t
n
e
r
a
p
s
e
d
s
u
n
e
v
e
R
Homme
Femme
19 ans
20 ans
21 ans
22 ans
23 ans
24 ans
Français
Étranger
Supérieures
Moyennes
Populaires
1 500 euros ou moins
1 501 à 2 500 euros
2 501 à 3 500 euros
3 501 à 4 500 euros
4 501 à 5 500 euros
5 501 à 6 500 euros
Plus de 6 500 euros
13
13
18
18
19
19
16
15
18
16
16
16
17
17
17
18
17
16
15
16
3
3
2
4
2
5
2
3
8
2
2
3
3
3
2
3
3
5
3
3
3
3
2
2
2
2
2
1 2
35
37
39
35
22
22
23
23
19
19
21
23
24
24
27
25
0
10
20
30
40
50
60
%
Activité occasionnelle
Activité concurrente
Activité très concurrente
Autres types d’activités
*Natio : Nationalité
Lecture : 13 % des étudiants et 18 % des étudiantes exercent une activité occasionnelle pendant l’année universitaire.
Champ : ensemble des étudiants inscrits en formation initiale (n = 37 313)
observe une différenciation sexuée des types d’emploi, 40 %
des étudiantes déclarant par exemple faire du baby-sitting
contre seulement 10 % des étudiants.
L’âge a également un effet important sur l’activité rémuné-
rée. Parmi les étudiants âgés de 18 ans ou moins, seulement
un étudiant sur cinq exerce une activité rémunérée durant
les études. Cette proportion, qui va en augmentant avec
l’avancée en âge, est multipliée par trois pour les étu-
diants de 25 ans ou plus (58 %). Dans le même temps, la
part de l’activité non liée aux études augmente également,
passant de 15 % pour les étudiants de 18 ans ou moins à
21 % pour les étudiants âgés de plus de 25 ans. Cependant,
cette augmentation s’accompagne d’une modification de la
durée et de l’intensité de l’activité rémunérée. Ainsi, pour
la totalité des classes d’âges exceptés les « 25 ans et plus »,
l’activité occasionnelle (essentiellement du baby-sitting, de
l’animation et des cours particuliers) représente la majorité
de l’activité rémunérée non liée aux études. La proportion
d’activité rémunérée très concurrente des études (plus
d’un mi-temps et plus de six mois par an) augmente sen-
siblement à partir de 24 ans (5 % des étudiants) et atteint
son maximum au-delà de 25 ans, où elle concerne 9 % des
étudiants (figure 3).
Enfin, la nationalité des étudiants joue également un rôle
dans la pratique d’une activité rémunérée très concurrente
4
Activité occasionnelle
Activité concurrente
Activité très concurrente
Autres types d’activités
Figure 4 – Activités rémunérées et indicateurs de difficultés financières (en %)
Étudiant
déclarant
ne pas avoir
assez d’argent
pour couvrir
les besoins
mensuels
Étudiant
déclarant
rencontrer
des difficultés
financières
Étudiant
déclarant
que l’activité
rémunérée est
indispensable
pour vivre
Étudiant dont
les parents ont
des revenus
de 1 500 € ou
moins
Étudiant dont
les parents ont
des revenus
supérieurs à
6 500 €
Étudiant ne
recevant
aucune aide
financière des
parents
Pas d’activité
Activité liée aux études
Activité occasionnelle
Activité concurrente des études
Activité très concurrente des études
Ensemble
31
31
40
49
48
33
48
49
40
31
30
46
–
51
36
49
85
48
18
14
17
14
29
17
9
10
9
5
5
9
29
45
33
34
68
34
Lecture : parmi les étudiants exerçant une activité liée aux études, 31 % déclarent ne pas avoir assez d’argent pour couvrir leurs besoins mensuels
Champ : ensemble des étudiants inscrits en formation initiale (n = 37 313)
des études : 8 % des étudiants étrangers exercent une acti-
vité très concurrente des études contre seulement 3 % de
leurs homologues de nationalité française.
Parce que l’exercice d’une activité rémunérée a également
des motifs d’ordre financiers, se pose la question du lien
entre ce type d’activité et la situation financière des étu-
diants. L’enquête Conditions de vie des étudiants contient
deux indicateurs subjectifs de difficultés financières qui
nous donnent une première information : presque la moi-
tié des étudiants exerçant une activité concurrente ou
très concurrente des études indiquent ne pas avoir assez
d’argent pour couvrir leurs besoins mensuels et 37 % dé-
clarent être confrontés à des difficultés financières (figure 4).
Plus l’activité entre en concurrence avec les études et plus
elle est présentée comme indispensable pour vivre : lors-
qu’ils exercent une activité occasionnelle, un peu plus d’un
tiers indiquent qu’elle leur est indispensable pour vivre ; ce
chiffre atteint 85 % lorsque les étudiants exercent une acti-
vité très concurrente des études.
De plus, si l’origine sociale seule semble avoir peu d’effets, des
différences apparaissent lorsque l’on se focalise sur le niveau
de revenus des parents. Si l’activité occasionnelle et l’acti-
vité concurrente des études varient légèrement à mesure
qu’augmentent les revenus des parents et l’aide financière
apportée aux étudiants, l’activité très concurrente des études
connaît des variations assez importantes : les étudiants dont
les parents ont des revenus supérieurs à 6 500 euros sont
3 fois moins nombreux à exercer une activité rémunérée très
concurrente des études par rapport à ceux dont les parents
ont des revenus inférieurs à 1 500 euros (figure 3).
Les étudiants étant, particulièrement au début des études,
encore fortement dépendants des parents, l’exercice d’une
activité rémunérée apparaît très nettement corrélé à la si-
tuation financière des parents et à l’aide financière apportée
aux étudiants. Notons tout d’abord que plus le revenu des
parents est élevé et plus l’aide qu’ils apportent est impor-
tante : lorsque les parents gagnent plus de 6 500 euros par
mois, 68 % des parents prennent en charge au moins 50 %
du budget de leurs enfants ; à l’opposé, lorsque les parents
gagnent moins de 1 500 euros par mois, ils sont 65 % à ne
fournir aucune aide dans les ressources de leur enfant.
L’importance des revenus des parents et de leur capacité
financière à aider leur enfant a une traduction directe dans
l’exercice d’une activité rémunérée : parmi les étudiants
exerçant une activité rémunérée très concurrente des
études, 29 % ont des parents dont les revenus sont infé-
rieurs ou égaux à 1 500 euros et 68 % déclarent ne recevoir
aucune aide financière de leurs parents (figure 4).
De même, le taux d’activité rémunérée concurrente des
études est multiplié par 13 entre les étudiants ne recevant
aucune aide de leurs parents et ceux dont l’aide parentale
couvre plus de 75 % de leurs ressources. Lorsque l’on rai-
sonne par tranche d’âge pour neutraliser l’effet de l’âge
dans le niveau d’aide financière apporté aux étudiants par
leurs parents, les différences s’amenuisent mais subsistent.
Les revenus des parents et leur capacité à aider financiè-
rement leurs enfants jouent donc un rôle important dans
l’exercice ou non d’une activité rémunérée très concur-
rente des études, mais également dans l’importance des
revenus tirés de cette activité dans la vie matérielle des
étudiants. Parmi les étudiants qui exercent une activité très
5
concurrente de leurs études, ceux qui ne reçoivent aucune
aide de leurs parents sont 90 % à déclarer que ces revenus
leur sont indispensables pour vivre alors qu’ils sont 73 %
parmi ceux dont les parents couvrent financièrement plus
de 75 % de leur budget.
Les stages et activités intégrés aux études : des effets de filière et un
objectif de professionnalisation
Les activités rémunérées liées aux études, ainsi que les
stages et alternances sont, plus que les autres types d’acti-
vités rémunérées, liés au type d’études suivies et au niveau
de formation. Dans ce cas, un élément essentiel est le
degré de professionnalisation de la formation, c’est-à-dire
« le degré d’engagement des milieux professionnels dans la
formation, le positionnement terminal de la professionnali-
sation dans l’ensemble du cursus et les modes d’entrée sur
le marché du travail » 8. Un des objectifs de ces formations
à visée professionnalisante est de répondre à des besoins
sur le marché du travail, en formant des personnes rapide-
ment opérationnelles. Cela nécessite donc une formation
spécifique, qui sera notamment acquise au contact de
professionnels 9. Ainsi, les formations à visée explicitement
professionnalisante intègrent plus traditionnellement la
réalisation d’un stage (qu’il soit rémunéré ou non) dans le
cursus.
La réalisation d’un stage rémunéré 10 ou d’une alternance
est donc plus fréquente dans ces filières : c’est notamment
le cas des étudiants en école d’ingénieurs, en école de com-
merce et en IUT. À l’opposé, dans les filières généralistes
de l’université, comme les lettres et sciences humaines
et sociales, la réalisation d’un stage rémunéré reste rela-
tivement faible (figure 5). La proportion d’étudiants ayant
effectué un stage rémunéré augmente également avec le
niveau d’études, et ce sont les étudiants inscrits en master
qui ont le plus souvent réalisé un stage rémunéré (26 % des
étudiants).
L’activité intégrée aux études est également très nette-
ment liée aux caractéristiques de la formation suivie. C’est
dans les filières de santé, formation professionnalisante par
excellence 11, que l’activité rémunérée intégrée aux études
est sur-représentée (25 % contre 8 % de l’ensemble des étu-
diants). Dans ce cas, l’activité rémunérée est obligatoire et
son lieu d’exercice et ses contours assez strictement délimi-
tés par la formation suivie.
L’élévation du niveau d’études augmente également la
proportion d’étudiants exerçant une activité rémunérée
liée aux études : 54 % des étudiants de 3e cycle exercent
une activité rémunérée intégrée aux études (par exemple
vacataire d’enseignement ou attaché temporaire d’ensei-
gnement et de recherche), alors que ce n’est le cas que de
10 % des étudiants de niveau master et 4 % des étudiants
de niveau licence.
Notons enfin que les activités rémunérées liées aux études
varient légèrement selon l’origine sociale des étudiants :
parmi les étudiants d’origine sociale « populaire », 7 %
exercent une activité liée aux études et 12 % sont en stage
ou en alternance contre 9 % et 14 % des étudiants d’origine
sociale « supérieure ».
Que ce soit la réalisation d’un stage ou l’exercice d’une ac-
tivité rémunérée intégrée aux études, ces types d’activité
apparaissent assez fortement liés aux dynamiques et aux
enjeux des formations dans lesquels ils sont développés. Le
lien de l’activité rémunérée avec la formation suivie a pour
effet de rendre l’activité rémunérée plus compatible avec
les études. Ainsi, les étudiants exerçant une activité inté-
grée aux études ou un stage indiquent plus que les autres
que ces activités sont en lien étroit avec le contenu de leurs
études (figure 6). Dans ce cas, la valeur pédagogique de l’ac-
tivité rémunérée est primordiale, une partie de l’acquisition
du savoir scolaire passant par cette activité.
De même, le lieu où s’exerce l’activité rémunérée est un
indicateur pertinent de sa plus ou moins grande adé-
quation avec la réalisation des études. De ce point de
vue, l’exercice d’une activité sur le lieu des études ap-
paraît également comme facilitateur de la réalisation
des études. En 2007, dans un rapport sur le travail des
étudiants, le Conseil Économique et Social, préconisait
déjà le développement des emplois étudiants au sein des
établissements, permettant une « réduction des temps
et des coûts de transport », et assurant « une présence
plus continue et plus longue des étudiants au sein de
8
9
10
11
Gayraud L., Agulhon C, Bel M., Giret J.-F., Simon G., Soldano C., « Professionnalisation dans l’enseignement supérieur : quelles
logiques territoriales ? », Net.doc, n° 59, Cereq, décembre 2009.
Giret J.-F., Moulet S., « Une analyse de la professionnalisation des formations de l’enseignement supérieur à partir de l’insertion
de leurs diplômés », Net.doc, n° 35, Cereq, février 2008.
La rémunération des stages est également un indicateur de la durée de ces derniers puisque depuis la loi n° 2014-788 du
10 juillet 2014 sur l’encadrement des stages, tout stage supérieur à deux mois entraine automatiquement une rémunération.
Définis comme les « formations pour lesquelles l’obtention du diplôme est indispensable pour accéder à l’exercice de métiers bien
identifiés », Gayraud L., Simon-Zarca G., Soldano C., « Université : les défis de la professionnalisation », NEF, n° 46, Céreq, mai 2011.
6
Figure 5 – Exercice d’une activité rémunérée liée aux études selon la filière d’études (en %)
30
7
25
7
2
3
INGÉNIEURS
COMMERCE
IUT
CULTURE
UNIVERSITÉ – SANTÉ
10
UNIVERSITE – SCIENCES
19
UNIVERSITE – DROIT, ÉCONOMIE
UNIVERSITE – LETTRES, SHS
13
11
8
10
CPGE
1
STS
Total
14
8
27
25
8
5
11
6
0
5
10
15
20
25
30
35
40
%
Stage ou alternance
Activité intégrée aux études
Lecture : 7 % des étudiants inscrits en écoles d’ingénieur exercent une activité rémunérée intégrée aux études
Champ : ensemble des étudiants inscrits en formation initiale (n = 37 313)
Figure 6 – Activités rémunérées et indicateurs du lien avec les études (en %)
%
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
85
73
85
65
38
55
26
11
11
14
13
2
Stage
ou alternance
Activité liée
aux études
Activité non liée
aux études
Lien étroit entre activité rémunérée
et contenu des études
Activité exercée au sein de l’établissement
Activité rémunérée permet d’acquérir
une expérience professionnelle
Activité rémunérée a un impact négatif sur les études
Lecture : parmi les étudiants qui exercent une activité rémunérée intégrée
aux études, 65 % indiquent que cette activité a un lien étroit avec le conte-
nu de leurs études
Champ : ensemble des étudiants inscrits en formation initiale (n = 37 313)
l’établissement » 12. Plus récemment, un rapport de l’Inspec-
tion générale de l’administration de l’Éducation nationale et
de la Recherche (IGAENR), datée de mai 2011, tirait un pre-
mier bilan de la mise en œuvre du décret du 26 décembre
2007 13 et soulignait l’importance de ces emplois, qui « par-
ticipe d’une démarche qualitative pour concilier études et
emploi » 14. Ces emplois sont ainsi plus généralement orga-
nisés de manière à tenir compte des exigences spécifiques
de la formation suivie 15. Aussi, c’est en toute logique que
parmi les emplois exercés au sein de l’établissement, 93 %
sont des activités en lien avec les études (activités inté-
grées aux études et stage ou alternance).
La valeur professionnalisante et la plus-value des acti-
vités rémunérées se retrouvent dans la manière dont les
étudiants expliquent les raisons du recours à l’activité ré-
munérée et la place qu’ils accordent à la valorisation de
l’expérience. Les étudiants exerçant une activité rémunérée
intégrée aux études ou un stage déclarent très majori-
tairement (au moins les trois quarts d’entre eux) que ces
activités leur permettront d’acquérir une expérience pro-
fessionnelle. À l’opposé, ils sont aussi les moins nombreux à
penser que celle-ci a un impact négatif sur leurs résultats
d’études. Ainsi, pour ces étudiants, les activités rémunérées
liées aux études sont moins perçues comme venant entra-
ver les études, mais au contraire comme une valeur ajoutée
qui permet d’améliorer les chances d’insertion profession-
nelle par l’acquisition de compétences.
12
13
14
15
Bérail L., Le travail étudiant. Rapport et avis du Conseil économique et social, Paris, Les journaux officiels, 2007.
Les emplois étudiants au sein des établissements publics d’enseignement ont été rendus possibles par la loi LRU et sont
réglementés par le décret n° 2007-1915 en date du 26 décembre 2007, qui fixe les conditions de recrutement et d’emploi des
étudiants au sein des établissements publics d’enseignement supérieur.
Anglès N., Bétant B., Billon A., Boutet-Waïs F., Korolitski J.-P., L’emploi étudiant dans l’enseignement supérieur : bilan et perspec-
tives, Rapport IGAENR n° 2011-036, mai 2011.
Dans la droite ligne de ces recommandations, différents dispositifs ont été mis en place, comme le « soutien à l’emploi étudiant
en bibliothèques universitaires » mis en place début 2015 par la région Île-de-France ou la création d’emplois au sein des éta-
blissements, réalisée dans le cadre du projet « Initiative d’excellence » porté par la Comue Sorbonne Universités.
7
L’activité rémunérée, un point d’appui
dans la transition vers l’autonomie
La période des études supérieures constitue, pour les
étudiants, une période de transition et de passage à l’âge
adulte. Cette transition se traduit notamment par un pro-
cessus d’indépendance et d’autonomisation vis-à-vis des
parents et donc par une évolution des modes de vie. De
ce point de vue, la première étape sur le chemin de l’in-
dépendance est le départ du domicile parental, dont la
proportion augmente à mesure que les étudiants avancent
en âge. Ce passage à la « décohabitation » s’accompagne
d’une augmentation de l’exercice d’une activité rémuné-
rée, qui devient peu à peu « un point d’appui d’autonomie
à l’égard de la tutelle familiale » 16. Plus précisément,
c’est le type d’activité rémunérée exercée qui distingue
les étudiants cohabitants des étudiants décohabitants.
Ainsi, lorsqu’ils travaillent, les étudiants cohabitants sont
plus nombreux à exercer une activité occasionnelle (47 %
contre 32 % des décohabitants) alors qu’à l’inverse, les
étudiants décohabitants sont légèrement sur-représen-
tés dans les activités très concurrentes des études (8 %
contre 5 % des étudiants cohabitants).
Cependant, cette indépendance résidentielle est souvent
graduelle et sous-tutelle 17 : quitter le domicile des parents
ne signifie pas nécessairement indépendance vis-à-vis des
parents. À cet égard, la fréquence du retour chez les pa-
rents le week-end peut permettre d’affiner le lien entre
décohabitation et exercice d’une activité rémunérée. Tout
d’abord, les « décohabitants indépendants » (qui ne re-
tournent qu’un week-end par mois ou moins chez leurs
parents) se distinguent par un taux d’activité plus élevé
(48 %) que les « décohabitants semi-indépendants », qui
déclarent retourner chez leurs parents au moins deux à
trois week-end par mois (figure 7). Lorsqu’ils travaillent, les
« décohabitants indépendants » sont trois fois plus nom-
les « décohabitants semi-indépendants » à
breux que
exercer une activité très concurrente des études. Ainsi, les
« décohabitants indépendants », qui sont à un stade avancé
de l’indépendance résidentielle, sont aussi plus nombreux à
être dans une situation d’indépendance financière : ils sont
nettement plus nombreux à ne recevoir aucune aide finan-
cière des parents dans leur budget ou à faire leur propre
déclaration d’impôts.
Figure 7 – Activité rémunérée et indices d’indépendance des étudiants selon le mode de logement (en %)
é
t
i
v
i
t
c
a
d
e
p
y
T
’
e
é
c
r
e
x
e
e
é
r
é
n
u
m
é
r
Étudiants exerçant une activité rémunérée
Stage ou alternance
Activité intégrée aux études
Activité occasionnelle
Activité concurrente des études
Activité très concurrente des études
Étudiant effectuant sa propre déclaration de revenus
Étudiant ne recevant aucune aide des parents dans le budget
Étudiant déclarant que l’activité rémunérée indispensable pour vivre
Étudiant ayant son loyer intégralement payé par les parents
Cohabitant
Décohabitant
semi-indépendant
Décohabitant
indépendant
42
27
14
47
6
5
8
37
32
35
33
17
40
7
3
14
21
39
55
48
34
22
29
5
10
45
42
66
28
Lecture : parmi les étudiants cohabitants, 42 % exercent une activité rémunérée pendant l’année universitaire.
Champ : ensemble des étudiants inscrits en formation initiale (n = 37 313)
16
17
Grignon C., Gruel L., La vie étudiante, Paris, PUF, 1999.
Régner-Loilier A., « Situation résidentielle des étudiants et retour au foyer parental le week-end : une marche progressive
vers l’indépendance », in Galland O., Verley E., Vourc’h R. (dir), Les Mondes étudiants. Enquête Conditions de vie 2010, Paris, La
Documentation Française, coll. « Études et recherche », 2011.
8