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d o s s i e r m é d i c o – t e c h n i q u e
104 TC 105
La thanatopraxie:état des pratiques
et risques professionnels
La France compte environ 1 000 thanatopracteurs qui effectuent 200 000 soins de conservation par an.
Si certains sont liés contractuellement à une société, ils peuvent néanmoins être considérés comme des indépendants
compte tenu du caractère isolé de leur profession. Ce métier a été peu étudié et peu de littérature a été produite à son pro-
pos. Les expositions professionnelles varient en fonction de l’état du corps ainsi que des lieux dans lesquels les soins
sont effectués, ce qui est à l’origine de difficultés d’élaboration d’une méthode d’analyse et d’évaluation des risques.
Ce dossier est le résultat de la synthèse de deux mémoires [1, 2].
Introduction
Historique et place actuelle
de l’activité
Du grec Thanatos (dieu de la mort) et praxein (mani-
puler, traiter), la thanatopraxie a pour but d’effacer les
effets visibles de la thanatomorphose (1) en retardant les
phénomènes de décomposition post mortem, permettant
ainsi la conservation temporaire du cadavre dans les
meilleures conditions d’hygiène [3]. Alors que les procé-
dés d’embaumement, de momification ont et ont eu
pour but d’immortaliser le corps défunt, la thanato-
praxie a une utilité limitée dans le temps:elle permet de
suspendre pour une durée de deux à trois semaines, à
température ambiante, le processus de décomposition,
de diminuer les risques infectieux, de supprimer les
odeurs, de donner au visage un aspect naturel et apaisé,
et de ce fait d’aider les familles dans leur travail de deuil.
Elle offre aussi la possibilité de retarder une inhumation.
Ces « soins de conservation » consistent en l’injection
dans le système vasculaire de quatre à six litres d’un pro-
duit antiseptique et conservateur destiné à remplacer la
masse sanguine, qui est évacuée par drainage veineux.
On y associe l’évacuation des liquides et des gaz conte-
nus dans les cavités thoracique et abdominale, ainsi que
dans les organes creux. Elle est complétée par des soins
d’ordre esthétique, qui peuvent aller d’un maquillage
très léger à des soins de reconstruction (pour les per-
sonnes accidentées ou cachectiques). Après un bref his-
torique, la place et les conditions légales de cette
pratique, sont décrites les différentes étapes d’un soin de
conservation et les conditions de travail de ce métier.
Les différents risques professionnels sont ensuite dé-
taillés. Enfin, des propositions de moyens de prévention
des risques sont développées.
HISTORIQUE
Les termes de thanatopracteur et de thanatopraxie
sont peu connus. L’existence de cette activité est par-
fois même ignorée. Le terme d’embaumeur fait réfé-
rence, quant à lui, à l’histoire et est plus couramment
utilisé.
L’embaumement consiste à déshydrater le corps
pour le conserver et « l’immortaliser ». Cette tech-
nique fait référence à l’Égypte. Sous l’Ancien Empire,
il est réservé à Pharaon pour son dernier voyage. Puis,
peu à peu, il se démocratise : les riches et les notables
se font embaumer. En préservant le corps, les Égyp-
tiens permettent à l’âme du défunt de gagner le
monde souterrain pour y commencer une seconde
vie. Trois mille ans avant Jésus-Christ, l’idée d’em-
baumer les défunts pour qu’ils gardent une apparence
humaine est née de l’observation de corps naturelle-
ment momifiés par les sables du désert.
Les premiers témoignages sur la momification
remontent à la fin de la IIIe dynastie, vingt-six
siècles avant l’ère chrétienne. Mais c’est beaucoup
plus tard, sous la XXIe dynastie, que les procédés de
momification atteignent la perfection. À l’origine,
les morts sont simplement enveloppés de bande-
lettes enduites de résine, mais, dès la IVe dynastie,
les viscères sont ôtés et déposés dans les canopes
(urnes funéraires).
M. GUEZ-CHAILLOUX*,
P. PUYMÈRAIL**,
C. LE BÂCLE*
*Département Études
et assistance médicales,
INRS.
** consultant prévention
APAVE, Marseille.
(1) Thanatomorphose :
ensemble des altérations
morphologiques détermi-
nées par la mort.
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Le progrès le plus déterminant est la découverte des
propriétés du natron ou natrum, carbonate de sodium
provenant du delta du Nil qui déshydrate naturellement
les tissus. Les Égyptiens l’utilisaient par ailleurs comme
détergent, dentifrice et antiseptique. Sous la XXIe dy-
nastie, les embaumeurs améliorent la présentation du
corps en incisant la peau du visage afin d’y glisser de l’ar-
gile pour lui redonner sa forme. Quand la momification
se répand dans la société égyptienne, des formes plus
expéditives d’embaumement sont utilisées :
– injection par l’anus d’une huile destinée à dis-
soudre les viscères ;
natron.
– simple toilette du corps avant de le plonger dans le
La momie est un état consécutif aux techniques ex-
pliquées ci-dessus, ou encore à certains phénomènes
naturels, induisant alors la notion de momification
«spontanée» ou «naturelle».
La thanatopraxie, quant à elle, repose sur un sys-
tème de drainage artério-veineux, qui permet de rem-
placer le sang du défunt par un liquide à base de formol
de façon à fixer les tissus.
La technique d’injection artérielle utilisée en thana-
topraxie a pour origine la découverte de la circulation
sanguine (William Harvey, 1628). Utilisant cette même
découverte, le docteur Frédérick Ruysche (1638-
1731), responsable de la chaire d’anatomie d’Amster-
dam en Hollande de 1665 à 1717, mit au point une
technique d’injection extrêmement fine et réussit ainsi
à rendre un aspect reposé aux défunts. « Les momies de
Monsieur Ruysch prolongent en quelque sorte la vie, au
lieu que celles de l’ancienne Égypte ne prolongent que la
mort » [4]. Le premier à avoir expérimenté ce procédé
à grande échelle est Jean-Nicolas Gannal (1791-1851).
Ce chimiste et pharmacien de la Grande Armée rendit
possible le rapatriement des corps des soldats de Na-
poléon au cours de la retraite de Russie. Gannal disait
qu’une bonne technique devait être « évacuatrice »,
« réplétive », « antiseptique » et « conservatrice ». Il
ajoutait qu’il fallait qu’elle soit « facile », « rapide »,
« sans danger pour l’opérateur » et de surcroît « sans
inconvénient pour les instruments ». Gannal essaya tour
à tour le phosphate de chaux, le nitrate de potasse, le
sel de cuisine, l’alun, le sublimé (chlorure mercurique)
et l’arsenic (substances interdites en 1840 par Louis-
Philippe, car pouvant être par ailleurs utilisées à des
fins criminelles). C’est avec les sels d’alumine qu’il ob-
tint les meilleurs résultats.
C’est le docteur Thomas Holmes de New York,
s’inspirant de son collègue de la Grande Armée, qui fut
le père de la thanatopraxie aux Etats-Unis. De 1861 à
1865, pendant la guerre de Sécession, plusieurs soins
furent exécutés sur la ligne de feu et les corps étaient
ensuite transportés à des centaines de miles de dis-
tance. C’est ainsi que les États-Unis sont devenus le
pays où la thanatopraxie est le plus à l’honneur : elle y
est presque systématiquement pratiquée, ainsi qu’au
Canada (plus de 80 % des personnes décédées
sont concernées par ces soins). En 1882, le docteur
Baudrian embauma Gambetta et se montra précur-
seur en utilisant pour la première fois le formol.
PLACE ACTUELLE
Actuellement en Europe, un peu moins de trois
pour cent des défunts recevraient ces soins. La thana-
topraxie est quasi-inexistante en Belgique car interdite
par la loi sauf en cas de transport vers certains pays ; il
en est de même dans le sud de l’Allemagne. L’Italie et
l’Espagne imposent comme condition à la thanato-
praxie qu’elle soit exercée par des médecins ou des chi-
rurgiens ; elle est donc inexistante dans ces pays. Bien
que la Grande-Bretagne connaisse un regain d’intérêt
pour la crémation des corps (supérieure à 80 % des dé-
cès à Londres), les soins de conservation n’y sont pas
rares. La France, talonnée par la Grande-Bretagne, de-
vance les autres pays d’Europe avec jusqu’à quarante
pour cent de décès soumis à la thanatopraxie selon cer-
taines sources (European Federation of Funeral Ser-
vice, rapport du 25 septembre 1998), ce qui semble
surestimé quand on sait que quatre décès sur cinq en
France ont lieu à l’hôpital et que ce type d’établisse-
ment n’a pas l’utilité d’un recours régulier à la thanato-
praxie pour la conservation des corps du fait de
l’existence des chambres froides.
Cette pratique, interdite par la religion islamique,
est inexistante dans le monde musulman; il y est fait
toutefois recours pour ses ressortissants, afin de per-
mettre le rapatriement des corps vers les pays d’origine.
Les religions juive et catholique tolèrent les soins de
conservation, mais ne les encouragent pas.
La profession
de thanatopracteur
POPULATION ET ACTIVITÉ CONCERNÉES
Sont habilitées à exercer le métier de thanatoprac-
teur les personnes titulaires du diplôme national créé
en 1994 [5]. Une exception est faite pour les candidats
ayant reçu une équivalence pour avoir pratiqué au
moins 500 soins sur une période de 6 ans précédem-
ment à la création du diplôme. L’inscription à l’examen
n’est possible qu’après validation de deux programmes
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de formation ; l’un est théorique et l’autre pratique.
Ils sont identiques pour les sept écoles de formation en
France. Le programme pratique se déroule sous la
forme de stages en entreprise ; le stagiaire est encadré
par un thanatopracteur agréé et doit, dans un délai
d’un an, effectuer cent soins.
En 2004, les thanatopracteurs étaient au nombre de
888 [5] avec environ 11 % de femmes. Cette propor-
tion est importante si l’on considère l’activité physique
de cette profession. Les manipulations sont fréquentes
et les difficultés sont accrues selon le lieu de pratique
des soins de conservation et l’espace disponible.
Si certains des thanatopracteurs font partie de grands
groupes, d’autres sont intégrés dans de petites entre-
prises de pompes funèbres. En fait, ils peuvent être
considérés comme des indépendants, compte tenu du
caractère isolé de leur profession ; l’activité de thanato-
praxie est en général une spécialité au sein des entre-
prises. Le système de gestion de la sécurité de ces petites
entreprises est de type artisanal. Il ne s’intègre pas dans
un système de gestion globale. Les thanatopracteurs ne
sont pas des agents de la Fonction publique. C’est pour-
quoi aucun n’est attitré à l’hôpital. Cette caractéristique
a rendu difficile la mise en place de l’étude et le suivi
d’un thanatopracteur dans son travail.
En France, le nombre de soins de conservation
pratiqués sur les défunts s’élèverait actuellement à
plus 200 000 par an sur 537 459 décès en 1999
(INSERM, Institut national de la santé et de la re-
cherche médicale). Depuis 1976, le nombre de ces
prestations est en constante évolution. Il augmente
de 7 à 10 % par an.
Le poste de travail du thanatopracteur n’est pas fixe.
Ce professionnel peut être amené à travailler dans dif-
férents types de lieu. Il peut s’agir d’une salle de prépa-
ration réglementée ou de tout autre type de lieu tel que
domicile, maison de retraite ou encore caravane.
CADRE JURIDIQUE ET RÉGLEMENTAIRE
DE L’ACTIVITÉ
Préalablement au respect de la réglementation, la
prise en compte des règles religieuses est fondamentale
avant d’effectuer le soin de conservation ou la toilette
mortuaire. En effet, il est obligatoire de s’informer de
celle-ci afin de pouvoir respecter les croyances de cha-
cun (article 7 de la Charte du patient hospitalisé) [6].
L’utilisation de la thanatopraxie peut être recom-
mandée, mais non imposée, lorsque la fermeture du
cercueil est différée de plusieurs jours.
En cas de transport de corps, la loi rend les soins de
thanatopraxie obligatoires dans deux circonstances :
– lors d’un transport de corps sans mise en bière effec-
tué entre 24 et 48 heures après le décès ;
– lors d’un transfert sans mise en bière de plus de six
cents kilomètres (décret n° 76-435 du 18 mai 1976
Journal Officiel du 20 mai 1976).
En dehors des cas prévus par la loi, la décision de
pratiquer ce type de soins revient à la famille du défunt.
En milieu hospitalier, le décès doit être constaté
par deux médecins de l’établissement qui devront em-
ployer tout procédé reconnu valable par le ministre de
la Santé pour s’assurer de la réalité de la mort. Pour le
personnel de santé, une recommandation de l’ARIH
(Assemblée régionale des infirmières hygiénistes) noti-
fie les règles de bonne conduite à respecter en cas de
décès [7].
En France, la loi impose quatre conditions (2) préa-
lables à tous soins de thanatopraxie (Code général des
Collectivités locales Art. R. 363-1, -2, -3) :
– l’autorisation de soins de conservation signée par la
famille ;
– l’autorisation de soins délivrée par la mairie ;
– la présence d’un fonctionnaire de police, à qui le
thanatopracteur devra remettre la description du mode
opératoire et un échantillon du produit d’injection uti-
lisé qui sera finalement placé dans le cercueil avec le
défunt. Ce flacon échantillon est parfois saisi et ana-
lysé, afin de vérifier que le produit de conservation ne
contient aucune substance interdite telle que l’arsenic,
le mercure, le plomb et autres métaux lourds et sub-
stances polluantes et classées ;
– la non-opposition légale portée sur le certificat de
décès par le médecin ayant constaté le décès signifiant
l’absence de maladies contagieuses interdisant les soins
de conservation.
Les soins de conservation sont proscrits dans un
certain nombre de cas. Selon l’arrêté pris en Conseil
d’État du 20 juillet 1998 fixant la liste des maladies
contagieuses portant interdiction de certaines opéra-
tions funéraires prévues par le décret n° 76-435 du
18 mai 1976 modifiant le décret du 31 décembre
1941, « il ne peut être délivré une autorisation de prati-
quer des soins de conservation sur le corps des personnes
décédées de charbon, de choléra, de fièvres hémorragiques
virales, d’hépatite virale B, C, D ou E, de peste, de rage,
d’infection par le VIH (3), de variole et autres orthopoxvi-
roses ». Un arrêt du Conseil d’État du 29 novembre
1999 a levé l’interdiction (initialement prévue dans
l’arrêté du 20 juillet 1998) de soins de conservation
en cas de maladie de Creuzfeldt-Jakob, d’état sep-
tique grave et d’hépatite A confirmée. Les corps des
personnes décédées de ces maladies infectieuses doi-
vent être déposés en cercueil, immédiatement après
un décès à domicile et avant la sortie de l’établisse-
ment en cas de décès dans celui-ci.
La réglementation relative aux chambres funéraires,
lieu dans lesquels les thanatopracteurs interviennent,
fait l’objet de l’encadré 1 « réglementation relative aux
chambres funéraires ».
(2) Il n’est pas rare que
deux de ces obligations
ne soient pas respectées.
Bien souvent, le certificat
de décès est incorrecte-
ment complété, source
d’une fausse sécurité en
cas de maladie conta-
gieuse passée sous silence,
voire d’une illégalité. Par
ailleurs, la présence systé-
matique d’un fonction-
naire de police est maté-
riellement impossible.
(3) VIH : Virus de
l’immunodéficience
humaine.
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ENCADRÉ 1
Réglementation relative aux chambres funéraires
L es équipements de la salle de préparation relèvent de la circulaire DGS/VS 3 n° 68 du 31 juillet 1995 et du décret
n° 99-662 du 28 juillet 1999, relatifs aux prescriptions techniques applicables aux chambres funéraires [8, 9]. Une
recommandation du CCLIN SO (Centre de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales de Sud-Ouest) prend
en compte l’hygiène dans les services mortuaires [10]. Une salle de préparation des corps doit être réservée aux toilettes
mortuaires, aux soins de conservation des corps et, le cas échéant, aux retraits de prothèses fonctionnant au moyen
d’une pile.
La partie technique comporte une salle de préparation qui dispose d’une surface utile au sol d’au moins 12 mètres
carrés, cases réfrigérées non comprises. Elle doit être équipée d’une table de préparation, d’un évier ou d’un bac à com-
mande non manuelle et d’un dispositif de désinfection des instruments de soins.
La salle de préparation des corps est équipée d’un évier ou d’un bac avec arrivée d’eau à commande non manuelle,
d’un vidoir, d’un distributeur de serviettes en papier, d’une poubelle réservée aux déchets à risques infectieux. Les tha-
natopracteurs qui procèdent à des soins de conservation au sein des chambres funéraires doivent recueillir les déchets is-
sus de ces activités et procéder à leur élimination conformément aux dispositions du décret n° 97-1048 du 6 novembre
1997 [11] et de l’arrêté du 7 mai 2001 [12].
L’arrivée d’eau de la salle de préparation des corps est munie d’un disconnecteur évitant toute pollution du réseau
public d’alimentation d’eau potable. Les siphons de sol sont équipés de paniers démontables et désinfectables. Les effluents
de la salle de préparation des corps sont canalisés séparément du réseau des eaux usées de la chambre funéraire et trai-
tés avant rejet.
Le revêtement au sol sans aspérités, les siphons d’évacuation, les piétements du mobilier et les plinthes sont suscep-
tibles d’être désinfectés de façon intensive, sur une hauteur de 5 centimètres, sans altération et doivent résister au désin-
fectant. Les murs et plafonds sont durs, lisses, imputrescibles et lessivables. Les points lumineux et les prises de courant
sont encastrés et étanches.
La salle de préparation doit être équipée d’une ventilation avec entrée haute et sortie basse. Cette ventilation doit as-
surer un renouvellement d’air minimum de 4 volumes par heure pendant la durée de la préparation d’un corps. L’air re-
jeté à l’extérieur du bâtiment est préalablement traité par un filtre absorbant et désodorisant. Pour des raisons
d’économie d’énergie, la ventilation de la salle de préparation des corps peut être limitée à la durée du soin. Le système
de filtration de l’air peut être distinct du système de ventilation ; dans ce cas, un appareil mobile de filtration peut être
placé dans la salle de préparation des corps. Ce système de filtration peut notamment comporter du charbon actif.
Les systèmes de chauffage à air pulsé sont interdits. Cette interdiction vise la circulation d’air chaud favorable à la dis-
sémination des germes. Les radiateurs fixés au mur n’ont aucun contact avec le sol.
La table de préparation des corps est de type « indépendant », proche de la paillasse et doit permettre la libre cir-
culation sur trois côtés au minimum, dont les deux longueurs de cette table. Elle est lavable. La commande du mitigeur
est non manuelle. La table de préparation des corps, l’évier ou le bac et le vidoir sont en acier inoxydable. Dans le cas
contraire, ils sont constitués d’un matériau offrant une résistance équivalente aux produits chimiques.
Un système de désinfection du matériel utilisé pour les soins de conservation ou les toilettes mortuaires est placé dans
la salle de préparation des corps. Le système accepté est un autoclave, un stérilisateur ou un appareil à désinfectant chi-
mique, de dimensions suffisantes pour contenir le matériel de soins de conservation, y compris le trocart ou le bocal de
drainage si le matériel de soins de drainage n’est pas intégré à la table de préparation des corps.
Si un téléphone est placé dans la salle de préparation des corps, il est de type « mains libres ». L’installation élec-
trique de la salle de préparation est étanche aux projections.
Gestes professionnels
et conditions de travail
GESTES PROFESSIONNELS
Les différentes étapes de la procédure de soins
de conservation d’un thanatopracteur dans un cas
habituel sont les suivantes :
de soins ont été délivrées par la famille et la mairie.
Ensuite, il installe son matériel : instruments chi-
rurgicaux et matériel à injection près de la tête, maté-
riel à ponction près des pieds. Il enfile sa blouse et ses
deux paires de gants, et après avoir dénudé le corps,
sous lequel il glisse une alèse imperméable, il vérifie
qu’il n’y a ni trace de perfusion (idéalement signalée
par l’équipe soignante par un sparadrap avec ou sans
compresse), ni plaie, ni escarre, qui pourraient donner
lieu à des fuites.
En premier lieu, le thanatopracteur s’assure de
l’identité du défunt et vérifie que les autorisations
Il mobilise avec attention les articulations du dé-
funt. La fermeture des yeux est complétée par la pose,
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sous les paupières, de couvre-yeux afin de compenser
l’effet produit par l’affaissement des globes oculaires.
À l’aide d’un scalpel, le thanatopracteur dégage l’ar-
tère carotide (4) qu’il incise sur un centimètre. Il en
clampe la partie supérieure et introduit dans l’artère
une canule reliée par un tuyau au bidon de cinq litres
contenant le liquide d’injection (encadré 2). Dans un
second temps, la manœuvre sera inversée (canule vers
le haut et clampage de la partie inférieure de l’artère),
afin d’irriguer tête et cou. La préparation du fluide
d’injection artériel varie en fonction de la corpulence et
de l’état général du défunt : un sujet amaigri, cachec-
tique requiert moins de formol (qui a un fort pouvoir
déshydratant) qu’un sujet corpulent, ascitique ou œdé-
mateux. Le fluide contient également de l’éosine ou de
l’amarante pour corriger la décoloration tégumentaire
due à la substitution du sang par le formol, ainsi qu’un
agent réhydratant et un fluidifiant.
Après avoir essuyé son scalpel sur un gros morceau
de coton, l’opérateur pratique une deuxième incision,
dans la région épigastrique. Il y insert un trocart qui per-
mettra l’extraction sanguine:introduit dans l’oreillette
droite, il est relié à un système d’aspiration (un tuyau re-
lié à un bidon en plastique de cinq litres, vide, relié à une
pompe d’aspiration manuelle ou électrique).
Le thanatopracteur débute l’injection de la solution
artérielle à l’aide d’un appareil à injection (ou d’une
pompe manuelle) relié au bidon d’injection. Il arrête
l’injection après les trois premiers litres, le temps
d’amorcer le drainage, grâce à la pompe d’aspiration.
L’injection de solution artérielle et l’évacuation
du sang se font ensuite simultanément. En
moyenne six à huit litres sont perfusés en un quart
d’heure environ.
En fin d’opération, l’opérateur procède, à l’aide du
trocart épigastrique, à l’évacuation des liquides et
des gaz contenus dans les cavités et les organes (sur-
plus de sang, urine, contenu gastrique, gaz intesti-
naux). L’exploration systématique à 360 degrés des
cavités thoracique et abdominale se fait en maniant
le trocart de façon radiaire. Le thanatopracteur dé-
monte ensuite le tuyau d’aspiration du bidon et le
branche sur une petite bouteille d’un litre contenant
du formaldéhyde, dont il injecte environ la moitié
dans les cavités abdominale et thoracique, toujours
grâce au trocart. Temporairement, avant désinfec-
tion, le tuyau d’injection est retiré du bidon de solu-
tion artérielle formolée et inséré sur la canule
d’injection, en circuit fermé. Le trocart, à nouveau
relié au bidon d’aspiration par la tubulure, est retiré
du corps et plongé dans le bidon d’injection.
Ayant le champ libre, le praticien introduit alors
un peu de formaldéhyde en poudre et du coton
dans les incisions, avant de les fermer à l’aiguille
courbe, ou bien à l’aide d’une vis sans fin en plas-
tique pour l’incision épigastrique. Une colle cya-
noacrylate est également employée, par exemple
pour l’incision carotidienne (chaque bout de l’artère
ayant auparavant été ligaturé).
Le thanatopracteur comble ensuite la bouche et les
Type des produits utilisés pour le liquide d’injection et dosages
Les fluides de conservation sont les produits dont le rôle est de désinfecter et de préserver les tissus humains [13].
Ils contiennent des substances chimiques qui permettront d’atteindre ce but. Le principal agent actif de ces fluides est le
formaldéhyde, reconnu pour ses propriétés déshydratantes. Les fluides d’index faibles ont une concentration en formal-
déhyde qui se situe entre 16 et 22 %. Ils sont conçus pour le traitement des cas sans problème particulier (ni décompo-
sition, ni mutilation par accident ou acte criminel…). Les fluides d’index moyens ont une concentration en formaldéhyde
qui se situe entre 22 et 28 %. Ils sont utilisés dans les mêmes cas que ci-dessus, mais permettent une fixation plus rapide
des tissus. Les fluides d’index élevés contiennent entre 28 et 35 % de formaldéhyde. Ils sont faits pour préserver très ra-
pidement et pour raffermir les tissus de façon importante. Ces produits sont employés pour venir à bout des cas difficiles
(putréfaction avancée, œdème, mutilations graves…). D’autres fluides de conservation spécialisés sont conçus pour traiter
certains cas particuliers (ictère par exemple).
Les fluides d’accompagnement sont ajoutés à la solution de fluide d’injection que prépare le thanatopracteur, mais
ils ne contiennent pas ou très peu de produits de conservation. Ces fluides ont pour propriété d’augmenter la qualité gé-
nérale de la solution et contribuent souvent à améliorer ses performances préservatives aussi bien que cosmétiques (pré-
sence d’éosine ou d’amarante). Ils permettent entre autres une dissolution des caillots sanguins.
Le dosage, dans un bocal d’injection, dépend de la corpulence du défunt, de l’état du corps ainsi que des causes du dé-
cès et de l’index en formaldéhyde correspondant au pourcentage de formaldéhyde dans le fluide. Ce dosage s’effectue à
l’aide de deux grandes catégories de produits : les fluides de conservation et les fluides d’accompagnement auxquels on
ajoute de l’eau. En général, plus un cas est problématique, plus il y aura de fluide artériel et moins il y aura d’eau.
Un dossier concernant un produit sans formaldéhyde a été transmis pour homologation au ministère en charge
du travail.
(4) Les autres voies
d’accès principales sont
les voies fémorale et
sous-clavière, le choix de
la voie dépendant de la
cause de la mort et de
l’état général du corps.
ENCADRÉ 2
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narines (en remontant jusque dans les sinus) avec du
coton imbibé d’un produit désinfectant. La fixation de
la bouche passe également par la pose d’un point de
suture (à l’aide d’une grosse aiguille courbe, sans
pince) : un premier point le long du maxillaire inférieur,
un deuxième point le long du maxillaire supérieur en
ressortant l’aiguille par une narine, avec un retour par le
même chemin (narine puis le long du maxillaire supé-
rieur), et nœud.
La fin de l’intervention comprend l’habillage (avec
des contraintes physiques augmentant avec la corpu-
lence de la personne décédée), le maquillage et le coif-
fage du défunt.
Avant de retirer et de jeter blouse et gants, le thana-
topracteur range les bocaux contenant les déchets de
soins (5) dans une valise. Il jette les instruments à usage
unique (scalpel) dans un conteneur prévu à cet effet, es-
suie (pour enlever des déchets) puis rince au-dessus de
l’évier les instruments à usage multiple (trocart et tuyau
d’aspiration relié, canule et tubulure d’injection reliée,
pince de Kocher), à l’eau courante puis à l’eau de Javel.
En dehors de toute difficulté, les soins de thanato-
praxie durent entre une heure et une heure et demie.
En cas de corps accidenté ou autopsié, le mauvais état
vasculaire oblige les thanatopracteurs à multiplier les
voies d’accès. Le travail de présentation du corps est
également beaucoup plus difficile dans ces cas-là, exi-
geant des soins de reconstruction, ce qui rallonge
d’une à deux heures la durée des soins.
L’analyse des différents gestes professionnels
permet d’identifier un certain nombre de dangers
auxquels sont exposés les thanatopracteurs (ta-
bleau I).
CONDITIONS DE TRAVAIL
Les soins de conservation pouvant avoir lieu
n’importe où, le thanatopracteur est mobile, trans-
portant tout son matériel dans trois valises (une
pour les bidons de cinq litres, bidon d’aspiration
pour les déchets de soins et bidon d’injection avec
la solution formolée, une autre pour tous les petits
instruments et une troisième pour le matériel de
maquillage).
Il n’a pas été retrouvé de statistiques ou d’études
concernant les conditions de travail des thanato-
Identification des types de dangers : les différentes tâches du thanatoprac-
teur permettent de lister une estimation des dangers lors des soins
de conservation.
Dangers identifiés
Agents
biologiques
Substances
dangereuses
Mécaniques :
objets piquants
et tranchants
Tâches
Toilette
Analyse
Préparation
des instruments
Recherche
de la voie
Injection de la préparation
Ponction
Injection du liquide
de cavité
Suture des incisions
Méchage des orifices
naturels
Finition et cosmétique
Nettoyage et rangement
des instruments
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
(5) NDLR : les déchets
de soins évoqués ici sont
assimilés à des DASRI –
déchets d’activité de soins
à risque infectieux – qui
sont régis par le Code de
la Santé publique
(article 1335-1). Leur
élimination doit se faire
dans des emballages pré-
vus à cet effet (embal-
lages DASRI). Cf. bro-
chure de l’INRS ED
918 « Déchets infec-
tieux. Élimination des
DASRI et assimilés ».
TABLEAU I
Documents
pour le Médecin
du Travail
N° 104
4e trimestre 2005
454
practeurs. Ces conditions de travail sont cependant
essentielles à considérer car elles déterminent pour
une large part les risques professionnels encourus.
Des témoignages de thanatopracteurs exerçant en
région parisienne, il ressort que l’existence d’une
salle dévolue aux soins est loin d’être généralisée : en
dehors des chambres funéraires et des chambres
mortuaires d’hôpital, elle est rare.
Dans environ trente pour cent des cas, le thana-
topracteur travaille au domicile du défunt. Il inter-
vient également dans les chambres de maisons
médicalisées (maisons de retraite, de cure, de conva-
lescence) ou dans des locaux plus ou moins bien
équipés tels que les funérariums, qu’il s’agisse de
chambres funéraires (équipements de service public
gérés soit par une commune, soit par une entreprise
privée, pouvant correspondre aussi bien à une simple
salle de présentation qu’à une installation plus so-
phistiquée avec respect strict des règles d’hygiène –
tout corps peut y être déposé à condition qu’il ne soit
pas infecté par une maladie contagieuse) ou de
chambres mortuaires (qui équipent les établisse-
ments de santé, privés ou publics ; obligatoires
pour tout établissement comptant plus de 200 décès
annuels).
Ce sont les funérariums des établissements de
santé qui offrent en général les meilleures conditions
de travail :
– de bonnes conditions d’hygiène ;
– une ventilation efficace ;
– de la place pour évoluer ;
– des corps à la thanatomorphose moins avancée,
puisqu’ils sont conservés au froid.
Une table réservée à la préparation des corps n’est
pas systématiquement mise à disposition. Quant aux
autres supports, il peut s’agir de chariots élévateurs, de
tables réfrigérantes, de reposoirs en carrelage, de
planches. À domicile, il s’agit du lit du défunt et donc
de conditions de travail moins adaptées.
Le lavabo est absent ou non réservé aux opéra-
teurs funéraires en fonction des lieux d’interven-
tion. Les lieux qui en sont équipés ne disposent pas
toujours d’un conditionnement satisfaisant du sa-
von et l’essuyage des mains est parfois impossible
ou incorrect.
Les méthodes de travail et le respect des précau-
tions d’hygiène diffèrent donc radicalement entre une
chambre funéraire ou une chambre mortuaire de
conception récente et les autres lieux de pratique qui
ne