La mise en œuvre d’un projet innovant au sein d’une
Mission Locale : démarche et enjeux
L’exemple de la caravane numérique dans le Pays de Fougères
Master 2
Jeunesse : politiques
et prises en charge
Promotion : 2014-2015
CAROLE DUBREIL
23 septembre 2015
Sous la direction de
Éric Le Grand
R e m e r c i e m e n t s
Je tiens à adresser mes plus vifs remerciements aux personnes qui ont concouru à la
réalisation de cet écrit.
En premier lieu, je remercie Joseph LEGRAND, directeur de la Mission Locale du Pays de
Fougères et tuteur de stage, de m’avoir offert la possibilité de vivre cette expérience au
sein de la structure. Je le remercie également du temps et de la confiance qu’il a su
m’accorder, son écoute, son encouragement et ses précieux conseils.
Je tiens aussi à remercier Rachel BERTHIER, responsable de secteur, d’avoir acceptée
d’être ma co-tutrice. Son regard extérieur a été d’une grande aide.
Mes remerciements vont également à Eric LE GRAND, tuteur académique, et Karinne
GUILLOUX pour leur expertise, leurs conseils et leur écoute.
Merci à Antoine GARNIER, en service civique à la Mission Locale, pour son soutien.
Antoine a contribué à la richesse de cette expérience.
Enfin, je remercie l’ensemble de l’équipe professionnelle pour son accueil chaleureux lors
de mon arrivée et sa bienveillance tout au long de cette année.
Carole DUBREIL – Mémoire de l’Université de Rennes 1, de l’École des Hautes Études en Santé Publique, de
l’Université Rennes 2 & de l’Université de Bretagne Occidentale – année 2014-2015
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S o m m a i r e
Liste des sigles utilisés ……………………………………………………………………………………………… 5
Introduction …………………………………………………………………………………………………………….. 7
1. Contexte de ma mission de stage …………………………………………………………………………….. 10
1.1 Contexte politique et institutionnel ……………………………………………………………….. 10
1.2 Cadre de l’appel à projet ……………………………………………………………………………… 15
1.3 Retour sur les deux notions au centre de l’expérimentation ……………………………… 16
2. Mise en œuvre de la caravane numérique ………………………………………………………………… 21
2.1 Le caractère innovant de la caravane numérique …………………………………………….. 21
2.2 L’appréhension du territoire par la réalisation d’un diagnostic …………………………. 22
2.3 Construction des stratégies d’action………………………………………………………………. 25
2.4 Les actions conduites sur le territoire : l’ouverture de la caravane au public ………. 29
3. Regard sur le sens de l’expérimentation : les enjeux de la caravane …………………………….. 32
3.1 Un enjeu de communication : l’image de la Mission Locale …………………………….. 32
3.2 Un enjeu de reconnaissance des capacités d’action de la Mission Locale …………… 33
3.3 Un enjeu politique ………………………………………………………………………………………. 35
3.4 Un enjeu économique ………………………………………………………………………………….. 39
Conclusion ………………………………………………………………………………………………………………. 42
Bibliographie …………………………………………………………………………………………………………… 44
Liste des annexes ……………………………………………………………………………………………………… 51
Carole DUBREIL – Mémoire de l’Université de Rennes 1, de l’École des Hautes Études en Santé Publique, de
l’Université Rennes 2 & de l’Université de Bretagne Occidentale – année 2014-2015
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L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s
APRAS
Association pour la Promotion de l’Action et de l’Animation Sociale
Etablissement Public de Coopération Intercommunale
Centre d’Information et de Documentation Jeunesse
Conseiller en Insertion Professionnelle
Contrat d’Insertion dans la Vie Sociale
Centre Régional d’Information Jeunesse
Conseil National des Missions Locales
Diagnostic Socio-Economique
Fonds d’Expérimentation pour la Jeunesse
Point Accueil Emploi
Permanence d’Accueil, d’Information et d’Orientation
Point Information Jeunesse
UFOLEP 35
L’Union Française des Œuvres Laïques d’Education Physique
EPCI
CIDJ
CIP
CIVIS
CRIJ
CNML
DSE
FEJ
PAE
PAIO
PIJ
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l’Université Rennes 2 & de l’Université de Bretagne Occidentale – année 2014-2015
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Introduction
Plus de trente ans se sont écoulés depuis la création des premières Missions Locales. Elles
doivent leur apparition au rapport de Bertrand Schwartz commandé par le premier ministre
de l’époque, Pierre Moroy, qui portait alors un intérêt particulier pour la jeunesse.
Aujourd’hui actrice incontournable de l’insertion socio-professionnelle, la Mission Locale
participe à la création d’une place pour les jeunes dans notre société. Pour cela, elle
s’appuie sur une démarche de projet co-construite d’insertion sociale et professionnelle et
adopte une approche globale de la jeunesse. Ces associations à caractère social régies par
la loi 1901 et à but non lucratif, agissent en tant qu’opératrices du service public de
l’emploi. Labbé (2011) constate que la Mission Locale est devenue l’outil reconnu de mise
en œuvre des politiques d’insertion sociale et professionnelle de la jeunesse. Ainsi, les 12
232 professionnels des 447 missions locales, ont été en contact avec 1,45 million de jeunes
en 2013 (Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue
social).
La Mission Locale du Pays de Fougères accompagne plus de 1 500 jeunes sur son territoire
(1 570 en 2013, 1 690 en 2014). Ces jeunes sont âgés de 16 à 25 ans et ne sont plus
scolarisés. Depuis sa création, la structure connaît une hausse significative de ses premiers
accueils sur l’ensemble de son territoire. L’accompagnement individuel se concentre
essentiellement sur les jeunes entrés dans un dispositif (exemples : contrat CIVIS et/ou
dispositifs régionaux d’insertion professionnelle). En effet, ces jeunes semblent plus
vulnérables car moins qualifiés et plus éloignés de l’emploi durable et demanderaient une
attention régulière ; ils concentrent alors un fort pourcentage de l’activité accompagnement
(rapport d’activité de la Mission Locale, 2013). Pour cette activité, la structure compte dix
conseillers en insertion socio-professionnelle (CIP) dont deux responsables de secteur, une
chargée de projet et deux conseillers à l’emploi. En outre, suite à l’arrivée de la « garantie
jeunes » sur le territoire brétilien début 2015, la structure associative a développé son
équipe : quatre conseillers sont actuellement dédiés au dispositif national. La structure
dispose également d’un volet « accompagnement collectif » notamment à travers la
proposition d’ateliers (sur les techniques de recherche d’emploi par exemple).
Par ailleurs, la structure dispose d’une capacité d’ingénierie sociale. En 2014, deux
professionnelles de la Mission Locale ont notamment participé à la formation « De
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l’Université Rennes 2 & de l’Université de Bretagne Occidentale – année 2014-2015
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l’observation du territoire et des jeunes vers l’ingénierie de projet » proposée par Philippe
Labbé. Cette formation a pour principal objectif de favoriser la mobilisation des conseillers
sur la mission d’ingénierie sociale par l’articulation entre l’observation et l’innovation dans
le but de faire évoluer l’offre de services de la structure selon les besoins du territoire.
Ainsi, la Mission Locale du Pays de Fougères s’investit et participe au développement de
projets expérimentaux. En 2014, le projet « Caravane numérique » a été retenu par la
Fondation Orange dans le cadre du programme Orange solidarité numérique en partenariat
avec le Conseil National des Missions Locales (CNML). Il s’agit d’un projet innovant
conduit par quatre Missions Locales d’Ille-et-Vilaine (Redon, Dinan, Fougères et Saint-
Malo). Il a pour objectif d’aller à la rencontre des jeunes ruraux isolés sur le territoire afin
de faciliter leurs usages numériques et ainsi favoriser leur insertion sociale et
professionnelle. La caravane se déplace donc dans tout le territoire du Pays de Fougères.
Cet outil itinérant est équipé pour accueillir le public ; elle compte trois ordinateurs
portables, deux tables, quatre chaises et tabourets. La caravane se doit d’être un lieu
d’échange et d’information ; elle doit également permettre aux jeunes de (re)nouer contact
avec les structures d’insertion et plus particulièrement avec la Mission Locale. Aussi,
l’arrivée de la « Garantie jeunes » sur le département représenterait un facteur
supplémentaire d’inscription du projet dans la nécessité de ne laisser aucun jeune sans
solution, c’est-à-dire sans emploi ni formation.
C’est dans le cadre du projet « Caravane numérique » que la Mission Locale du Pays de
Fougères a accepté de m’accueillir en stage sur une période de 11 mois (de septembre 2014
à juillet 2015). La mission qui m’a été confiée a consisté à contribuer à la mission
d’ingénierie sociale de la structure par la mise en œuvre de cette expérimentation. J’ai eu
l’opportunité de travailler en collaboration avec Antoine Garnier, en service civique à la
Mission Locale, Joseph Legrand, directeur de la structure, et Rachel Berthier, responsable
de secteur.
Tout au long de cette expérience, j’ai été amenée à me poser de nombreuses questions. Je
me suis interrogée sur le sens du projet, le public visé et plus particulièrement sur la
démarche et les enjeux de la caravane numérique. Quel sens donner au projet de la
caravane numérique ? Qui sont les jeunes ruraux ? Comment repérer les jeunes isolés ?
Quelle démarche faut-il suivre pour mettre en œuvre de façon cohérente le projet ? Quels
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sont les enjeux pour les jeunes et pour la Mission Locale ? Autant de questions auxquelles
je tenterai de répondre au fil de ce rapport d’analyse.
L’analyse des pratiques constitue une activité centrale dans nombre de professions et place
le professionnel dans une posture de praticien réflexif. Elle fait ainsi partie intégrante de
l’ingénierie de projet. A travers ce rapport, je vais donc m’attacher à articuler pratique
professionnelle et analyse praxéologique. Toutefois, une analyse pertinente et constructive
d’une pratique professionnelle nécessite des échanges. Ce dossier tente donc de restituer le
résultat d’interactions avec mon tuteur de stage, des professionnels de la Mission Locale,
des intervenants et étudiants du master « Jeunesse : politiques et prises en charge ». Par
ailleurs, le croisement entre savoirs pratiques et savoirs théoriques doit permettre de
dégager de nouvelles clés de compréhension dans le but de donner du sens et d’améliorer
ma pratique professionnelle.
Selon Gomez (2005), l’analyse des pratiques peut se définir comme « une démarche
de formation dont l’originalité est de prendre le travail pour point de départ et non
pour point d’application. Il ne s’agit plus de décliner des savoir-faire dérivés
d’éléments de théories qu’il suffirait d’appliquer, mais de chercher, à l’aide de
références diverses, à clarifier et, partant, mieux maîtriser
les activités
professionnelles. Avec l’analyse des pratiques, la frontière entre formation et
situation de travail s’estompe » (p.41).
Le contexte politique ainsi que le cadre de l’appel à projet constituent un premier niveau
d’analyse essentiel à la compréhension de ma mission de stage et seront ainsi présentés en
première partie. J’aborderai également les notions au cœur du projet de la caravane
numérique. Je me concentrerai ensuite sur le caractère innovant de cette expérimentation et
la démarche de mise en œuvre du projet à travers la réalisation du diagnostic, la
construction des étapes et les actions conduites. Dans une dernière partie, je m’attarderai
sur les enjeux du projet et tenterai de montrer en quoi la caravane numérique participe au
système local d’action publique.
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1. Contexte de ma mission de stage
Comprendre avant d’agir constitue la première étape de la mise en œuvre d’un projet. Dès
le début de mon stage, il me paraissait alors essentiel d’appréhender et de questionner le
sens de la caravane numérique. Dans quel contexte s’inscrit ce projet ? A quelles
orientations politiques peut-il être lié ? Quelle est son origine ? Qu’entend-on par « jeunes
ruraux » ? Qu’est-ce que la fracture numérique ? Dans cette première partie, j’exposerai
donc les éléments qui m’ont permis de m’approprier le projet et de lui donner du sens : le
contexte politique et institutionnel ainsi que le cadre de l’appel à projet. Je reviendrais
ensuite sur les notions au cœur de cette expérimentation.
1.1 Contexte politique et institutionnel
Les politiques en matière de jeunesse
L’insertion socio-professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans figure parmi les priorités
européennes – on parle actuellement de la garantie européenne de la jeunesse – et
nationales. Le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle a
notamment rédigé en décembre 2013 un plan national de mise en œuvre de la garantie
européenne de la jeunesse. Le dispositif national « Garantie jeunes » découle de cet intérêt
politique ; il s’inscrit dans le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale
et sa mise en œuvre a été confiée au réseau des Missions Locales.
Au niveau régional, la jeunesse est aussi placée au cœur de l’action notamment avec
l’adoption le 21 septembre 2011 de la « Charte d’engagement pour les jeunes en
Bretagne » ciblant notamment quarante-cinq mesures concrètes. Celles-ci ont pour
ambition d’améliorer les conditions de vie (transport, santé, logement…), de réussite au
niveau de la formation et de l’insertion professionnelle mais aussi les capacités d’initiative
des jeunes bretons (Région Bretagne). Le département d’Ille-et-Vilaine fait également de la
jeunesse une de ses priorités, il « s’inscrit pleinement dans la dynamique nationale qui vise
à remettre cette catégorie d’âge (moins de 25 ans) au cœur de l’action publique » (Site de
l’Ille-et-Vilaine). Ainsi, le conseil général a mis en place le programme Génération
Bretilliens dont l’objectif est d’ajuster sa politique en tenant compte du travail des autres
acteurs de la jeunesse dont la Mission Locale.
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