LA FORMATION PROFESSIONNELLE DANS LE CODE DU TRAVAIL
Pierre FOURNIER(*)
(extraits des Cahiers du Chatefp n°4, septembre 2000)
Nous poursuivons ici l’analyse des origines historiques des dispositions du Code du travail par
celle concernant les questions de formation professionnelle des jeunes et des adultes.
En l’état actuel du Code, les problèmes de formation sont abordés dans :
– le titre Ier du Livre Ier, Contrat d’apprentissage (articles L. 111-1 à L. 119-5) ;
– le Livre neuvième, relative à la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation
permanente ( articles L. 900-1 à L. 993-5 ) ;
– accessoirement, en ce qui concerne les actions de réadaptation de la main d’œuvre, au titre II ,
chapitre II du Livre troisième , concernant le Fonds national de l’emploi (articles L. 322-1 et
suivants).
Il importe également de tenir compte de l’article L. 231-3-1 pour ce qui concerne la formation
en matière de sécurité et des articles L. 323-9 et suivants sur le reclassement professionnel des
travailleurs handicapés. Il faudrait aussi rechercher la trace de certains textes dans le Code de
l’enseignement technique. En effet le domaine de la formation professionnelle est “frontalier”
entre l’Education nationale et le Travail et a donné lieu à une évolution séculaire. L’intitulé que
le ministère en charge du travail et de l’emploi a pris à plusieurs reprises au cours des années
récentes (« Travail, emploi et formation professionnelle »), et qui est actuellement celui de la
Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle et des directions régionales ou
départementales est le résultat d’un processus qui, pour l’essentiel, a duré un demi-siècle.
I – L’émergence de l’enseignement technique et professionnel au dix-neuvième
siècle (1)
La Révolution a, dans un premier temps, c’est bien connu, fait table rase de l’organisation
corporative des professions qui constituait le cadre de l’apprentissage des jeunes auprès de
maîtres qualifiés. Cela n’avait pas empêché le maintien de l’apprentissage dans les faits, et sans
règles précises, pendant toute le XIXème siècle. La loi du 22 février 1851 ne modifiera les
choses que dans leur principe.
Mais, autant on peut considérer qu’il n’existait rien pour la formation de la main d’œuvre banale
et non qualifiée, autant, au contraire, en ce qui concerne les cadres les plus qualifiés de la
Nation, les autorités révolutionnaires trouvaient un terrain déjà largement “balisé”, et prirent des
initiatives importantes.
Les écoles de la Marine royale ont été créées en 1682 en application de l’Ordonnance sur la
Marine de 1681 ( les écoles d’hydrographies avaient même été créées à Dieppe dès le XVIème
siècle ). Au XVIIIème siècle, en même temps que l’on crée des corps d’ingénieurs , on organise
(*) Inspecteur général honoraire des affaires sociales, ancien directeur au ministère du travail .Voir dans le cahier
n°2-3 (page 69 à 133), les articles de l’auteur portant sur le placement et l’embauche des travailleurs et les
conventions collectives, le salaire minimum et les conflits collectifs.
(1) pour la période antérieure à 1945 on citera : Guinot (Jean-Pierre), Formation professionnelle et travailleurs
qualifiés depuis 1789, introduction par Edouard Dolléans, Paris, (1946 Domat, collection d’histoire sociale).
1
les écoles destinées à les former et ces institutions ont pour la plupart été maintenues par les
assemblées révolutionnaires et subsisté jusqu’à nos jours : Ecoles d’artillerie 1720 ; Ecole des
Ponts-et-chaussées 1747 ; Ecole du Génie de Mézières 1748 ; Ecole royale militaire de Paris
1751 ; Académie royale de marine et Ecole des gardes de la Marine 1752 et 1764 ; Ecole des
constructeurs de Vaisseaux 1765 ; Ecole des mines 1783 – On crée même en 1780 une école de
la boulangerie.
Les assemblées révolutionnaires se sont largement préoccupées des questions de formation et
d’enseignement. On citera d’abord les rapports célèbres de ‘Talleyrand en 1791, de Lakanal en
1794, de Fourcroy et de Chaptal en 1795. Deux créations majeures doivent être portées à leur
crédit : le Conservatoire national des arts et métiers institué par décret du 19 vendémiaire an III
(10 octobre 1794) et l’Ecole polytechnique créée par décret du 15 fructidor an III (Ier septembre
1795).
La même inspiration conduisit le gouvernement du Consulat à organiser par un décret du 6
ventôse an XI ( 25 février 1803 ) au sein du collège de Compiègne une instruction pour les bons
ouvriers et les chefs d’ateliers. C’était la préfiguration des Ecoles d’Arts et métiers créées en
1806 et 1811, multipliées plus tard (et aussi de l’université de technologie de Compiègne
d’aujourd’hui ! ) .
Au cours du siècle, c’est surtout après la révolution de 1830 que se développèrent les initiatives
tendant à favoriser l’éducation populaire – La plus notable fut “l’Association polytechnique “,
fondée précisément par des élèves de l’Ecole Polytechnique qui avaient participé aux journées
de juillet. Il y eut de nombreuses initiatives du même genre et les “cours d’adultes” se
multiplièrent.
La deuxième partie du dix-neuvième siècle est marquée par un développement considérable du
système d’enseignement dont l’analyse sort de notre sujet. Le domaine de la formation
professionnelle a alors fait l’objet de deux types d’initiative appelées à d’importantes suites
ultérieures.
En premier lieu, l’Assemblée nationale de la Deuxième République a élaboré la loi du 22 février
1851 sur l’apprentissage . Cette loi, dont on retrouvera les principales dispositions dans le titre
Ier du Livre Ier du Code du travail de 1910, créait le contrat d’apprentissage et déterminait les
conditions de moralité auxquelles devaient répondre les maîtres. La loi fixait également la durée
du travail maximale pour les apprentis à dix heures par jour pour ceux de 12 à 14 ans, et douze
heures pour ceux de 14 à 16 ans. Elle prévoyait deux heures par jour pour l’éducation de ceux
qui ne savaient ni lire, ni écrire. Ce texte, qui tentait de répondre au développement alors
considérable d’un apprentissage jusqu’alors non organisé, fixait des règles adaptées à un
apprentissage artisanal et familial. On verra qu’il dut être réformé plus tard.
Le deuxième phénomène est le développement considérable de l’enseignement professionnel
sous la Troisième République, parallèle d’ailleurs à celui de l’enseignement général. C’est
notamment la Ville de Paris qui fut pionnière en ce domaine. La défaite de 1871 avait provoqué
dans ce secteur, comme dans d’autres, un sursaut. Entre 1871 et 1893, furent créées les écoles
Dorian, Turgot, Chaptal, Jean-Baptiste Say, Diderot , Boulle, Estienne et, pour les filles,
Sophie-Germain et Edgar-Quinet . Après 1893, on multiplia les cours techniques. Toutes ces
institutions préfiguraient nos lycées professionnels ou technologiques.
Pendant toute cette période les discussions ont été vives pour déterminer à quel département
ministériel devaient être rattachées les responsabilités en matière d’enseignement technique.
Cela recouvrait un problème de fond : devait-on concevoir une formation proche des
entreprises, ce qui conduisait à attribuer ces questions au Ministère du Commerce, alors
compétent pour l’Industrie, et le Travail, ou bien s’agissait-il d’une mission englobée dans le
contexte plus général de l’éducation, de la responsabilité du Ministère de l’Instruction
2
publique ?. On verra que ce conflit de compétence s’est renouvelé de nos jours à propos de la
formation professionnelle des adultes.
Au cours du XIXème siècle, les services des ministères du Commerce et de l’Instruction
publique ont pris des initiatives parfois communes ou, au contraire, concurrentes. Il est même
arrivé qu’une sorte de “condominium” soit organisé entre les deux départements.
Des textes de 1880, 1886, 1892 et 1900 ont progressivement placé sous la tutelle du Ministère
du Commerce les écoles d’apprentissage, puis les écoles pratiques de commerce et d’industrie.
Dès la deuxième moitié du XIXème siècle, le Ministère du Commerce, sous ses diverses
configurations comprend un bureau chargé de l’enseignement industriel et commercial puis une
direction. En 1894, c’est la Direction du commerce intérieur et de l’enseignement technique puis
en 1900, une Direction de l’enseignement technique (2). Cette situation, qui fut confirmée comme
on le verra plus loin par la loi “Astier” de 1919, dura jusqu’en 1920.
II – Les crises et hésitations du premier vingtième siècle.
La période marquée par les deux guerres mondiales et par la crise économique et sociale des
années de l’entre-deux guerres a vu intervenir des réformes importantes, retardées ou accélérées
par les évènements. Le domaine de la formation professionnelle (l’expression apparaît alors) est
aux frontières des deux ministères du travail et de l’instruction publique, ce qui rend complexe
la description des politiques suivies. On distinguera plusieurs tendances, en ne donnant pour ce
qui concerne l’éducation nationale que les références nécessaires à la compréhension des textes
relevant du “Travail”.
La consécration du statut de l’enseignement technique
Le foisonnement des créations d’établissements d’enseignement professionnel depuis le XIXème
siècle fit apparaître un besoin d’organisation, et, progressivement, la préoccupation d’accorder à
l’enseignement technique une place et une dignité égales à celles de l’enseignement général. En
1911, Couyba, ministre du Commerce (ministère désormais distinct de celui du Travail ) institue
des comités départementaux et cantonaux de l’enseignement technique et crée pour les jeunes
des certificats de capacité professionnelle, délivrés après examen à ceux qui justifient de trois
ans de pratique. En 1912 est créée l’Ecole normale supérieure de l’enseignement technique.
Le Conseil supérieur de l’Enseignement technique, conjointement ou en concurrence avec le
Conseil supérieur du travail, étudie à la fois la réforme de l’apprentissage, l’organisation de
l’enseignement technique et la création de cours professionnels. Cela n’aboutira, en raison de la
guerre et des retards dus au Sénat, à l’adoption des projets présentés en 1913 par Astier que dans
la loi du 25 juillet 1919 (dite précisément “loi Astier”, dont il sera encore question plus loin)
dont les premiers titres réglementent l’enseignement technique.
La rivalité entre ministères
La loi Astier prévoyait que l’enseignement technique relevait du Ministère de l’Industrie et du
Commerce. Mais dès le 20 janvier 1920, lors de la constitution du ministère Millerand,
l’enseignement technique fut définitivement rattaché au Ministère de l’Instruction publique, avec
un sous-secrétariat d’état et une direction spécifique (curieusement, Millerand, à l’époque où il
avait été ministre du commerce, dont relevait alors le travail, avait soutenu la position inverse !).
Par contre, les questions concernant le contrat d’apprentissage relevaient du ministère du travail.
(2) On se référera au Cahier n° 1 du Comité d’histoire “Evolution et organisation de l’administration centrale du Ministère du
travail de 1887 à 1940”, pages 31 et suivantes.
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Les réformes concernant la formation des jeunes
Retardée, comme on l’a dit, par la première guerre mondiale, la loi Astier, promulguée le 25
juillet 1919 marque une étape essentielle. Son titre V instituait une obligation pour tous les
jeunes, apprentis ou salariés, garçons ou filles, de moins de dix-huit ans, de suivre des cours
professionnels. En même temps était créé le certificat d’aptitude professionnelle, le C.A.P.. On
portait remède ainsi au manque d’efficacité du système d’apprentissage résultant de la loi de
1851.
En 1925, étaient créées la taxe d’apprentissage (loi du 13 juillet 1925) et les Chambres de
métiers (loi du 26 juillet ).
L’apprentissage fut réformé par la loi du 20 mars 1928. Désormais le contrat devait être écrit et
l’apprentissage concernait les professions commerciales comme les professions industrielles.
La formation dispensée devait être “méthodique et complète”, alors que la loi de 1851 ne
prévoyait qu’un” enseignement pratique de la profession “. Sous l’impulsion des conseils
supérieurs de l’enseignement technique et du travail, des listes de métiers pouvant donner lieu à
apprentissage étaient établies ; un comité central et des comités départementaux de
l’enseignement technique contrôlaient le dispositif.
Plus tard intervinrent, une loi du 10 mars 1937 organisant l’apprentissage dans les entreprises
artisanales et un décret-loi du 24 mai 1938 sur l’orientation et la formation professionnelles.
L’apparition de la formation professionnelle des adultes
Déjà, pendant la Première guerre mondiale, les besoins en main d’œuvre des industries de
l’armement avaient nécessité la mise en œuvre d’actions de formation. Mais dans les années
1930 la crise économique et l’accroissement considérable du chômage conduisirent les
gouvernements à engager des actions de grande ampleur. De nombreux textes sur les fonds
d’aide aux chômeurs ou sur les programmes de grands travaux, qu’il n’y a pas lieu de développer
ici, intervinrent. C’est à partir de 1935 qu’apparaît une nouvelle mission confiée au Ministère du
Travail, celle de favoriser la création de centres de formation professionnelle pour les
travailleurs adultes en chômage.
C’est alors une novation, puisque le ministère va désormais agir dans un domaine jusqu’alors
réservé à de rares institutions relevant de l’Instruction publique. C’est la préfiguration de la
F.P.A., alors appelée formation professionnelle accélérée et appliquant des méthodes
spécifiques.
Interviennent successivement :
– le décret du 30 octobre 1935 portant ouverture de crédits au Ministère du Travail pour
subventions aux centres de formation professionnelle des chômeurs ; ces crédits furent,
renouvelés et abondés par un décret du 30 octobre 1936, par la loi de finances du 31 décembre
1937 et par un décret-loi du 12 novembre 1938 ;
– le décret du 4 juin 1937 fixant les conditions d’attribution des subventions aux centres de
formation professionnelle pour chômeurs ;
– le décret-loi du 12 novembre 1938 relatif au reclassement professionnel des chômeurs et à la
promotion ouvrière ;
– le décret du 6 mai 1939 portant codification des textes concernant le chômage, dont le titre V
s’intitule : « Dispositions spéciales aux institutions de promotion ouvrière et aux centres de
reclassement professionnel des chômeurs ».
Ces textes, où l’on trouve tous les éléments de ce qui sera plus tard le statut des centres de
F.P.A., sont pour la plupart intervenus en application des pouvoirs spéciaux obtenus par les
gouvernements (le régime des “décrets-lois”). Ce fait, si l’on considère en outre que le décret de
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codification du 6 mai 1939 remplace des dizaines de textes antérieurs, traduit l’ampleur des
problèmes nés de la grande crise de chômage et une certaine panique. On y trouve à la fois les
préoccupation des gouvernements modérés d’avant 1936, le souci de la promotion ouvrière
après le Front populaire et la pression des besoins des industries d’armement à la veille de la
guerre.
Les premières créations de centres de formation professionnelle accélérée ont concerné
l’industrie métallurgique et les usines d’armement notamment l’industrie aéronautique.
Les conditions de gestion et de contrôle seront renforcées, une fois la guerre déclarée, par un
décret du 27 janvier 1940.
III – De la formation professionnelle des adultes à la formation continue
Le demi-siècle qui s’est écoulé depuis la fin de la deuxième guerre mondiale a vu
s’effectuer dans le domaine qui nous occupe des transformations considérables. La partie du
Code du travail, le Livre neuvième, intitulé “De la formation professionnelle continue dans le
cadre de l’éducation permanente ” évoque des notions totalement inconnues dans l’ancien code
et tous les textes qui le composent sont postérieurs à 1959 .
Pourtant, dès 1945, les besoins de la reconstruction de l’économie justifièrent la mise en
place de moyens de formation de la main d’œuvre. Plus tard, les transformations de l’économie
et des techniques, l’élévation du niveau général de formation de la population ont fait apparaître
des besoins nouveaux et des concepts que résume la formule purement symbolique, introduite
par la loi du 3 décembre 1966 et qui figure en tête du Livre neuvième : « La formation
permanente continue constitue une obligation nationale » ( article L.900-1 ).
Les actions du ministère du travail
Le ministère du travail a, dès la fin de la guerre, amplifié son action par la création de centres de
formation professionnelle accélérée, désignés plus
tard comme centres de formation
professionnelle des adultes ( F.P.A. ). La base juridique de ces interventions est le décret du 9
novembre 1946 relatif aux centres de formation professionnelle. Ce décret curieusement n’est
pas codifié, bien qu’il soit le fondement de la tutelle exercée par le ministère sur l’A.F.P A.(3).
On n’insiste pas ici sur cette action qui a été décrite récemment à 1’occasion du cinquantenaire
de l’organisme (4). Notons simplement qu’à partir de la loi de programme du 3 décembre 1966,
l’A.F.P.A., qui avait joué un rôle considérable dans l’après-guerre pour la formation de la main
d’œuvre nécessaire à la reconstruction, a bénéficié d’importants crédits d’investissement pour la
création de nouveaux centres et la mise en place de nouvelles formations.
Il faut rappeler que les actions du Ministère du Travail, menées par l’intermédiaire de l’A.F.P.A.
ou d’autres centres assimilés, ont été en quelque sorte le prototype d’actions généralisées depuis,
grâce à ses caractères spécifiques, pédagogie adaptée à des adultes, formations courtes,
rémunération des stagiaires.
(3) L’A.F.P.A. (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes ) succédait en 1966 à
l’ancienne A.N.I.F.R.M.O. (Association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la
main d’œuvre). On avait substitué « formation des adultes » à l’expression « formation accélérée », qui
paraissait désormais péjorative et le mot « rationnelle », référence à la méthode Carrard, devenue quelque
peu dogmatique disparaissait.
(4) Dânzer-Kantof (Boris) Former pour l’emploi, L’A.F.P.A. : 50 ans de formation professionnelle des
adultes, AFPA Montreuil , 1999. Voir aussi : Bayard André : la formation professionnelle des adultes
dans les esprits et dans la loi A.F.P.A. Montreuil 1970.
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L’action des pionniers
Le point de départ d’une transformation des idées et de l’émergence de la notion de formation
continue est l’initiative de Michel Debré, alors Premier ministre, qui fit voter la loi du 31 juillet
1959 ” relative à diverses dispositions tendant à la promotion sociale”. Michel Debré n’a pas
cessé, même lorsqu’il exerça plus tard d’autres fonctions, de jouer un rôle moteur dans la
politique de formation permanente et dans l’élaboration de la législation que l’on résumera plus
loin. Il s’appuyait sur l’action déterminée et efficace de pionniers tels que Bertrand Schwartz,
ancien directeur de l’Ecole des mines de Nancy, théoricien et concepteur de la formation
continue, conseiller écouté, créateur du Centre universitaire de coopération économique et
sociale ( C.U.C.E.S.,) devenu Institut national de la formation professionnelle ( I.N.F.A.)
Raymond Vatier qui fut quelques années directeur de la formation continue au Ministère de
l’éducation nationale, Jacques Delors dans ses multiples fonctions, et notamment comme
secrétaire général de la formation professionnelle auprès du Premier ministre. Beaucoup d’autres
hauts fonctionnaires ou responsables professionnels ont apporté leur contribution.
Le reclassement de la main d’oeuvre
Les formules qui avaient été esquissées dans les années trente pour faire face à la croissance du
chômage ont trouvé une nouvelle forme vingt ans plus tard pour répondre aux mutations que
connaissait l’industrie. Le “reclassement” et la “réadaptation” de la main d’œuvre ont fait l’objet
de textes et d’ouvertures de crédits donnant au Ministère du travail les moyens d’accompagner
les conversions par des actions de formation. Intervinrent successivement :
– le décret n° 54-951 du 14 septembre 1954 qui, entre autres dispositions instituait un Fonds de
reclassement de la main d’œuvre géré par le Ministère du Travail et appelé à financer les actions
de réadaptation professionnelle des travailleurs licenciés à la suite de cessation, réduction ou
conversion d’activité ou de concentration ou spécialisation des entreprises ;
– le décret du 6 décembre 1954 précisait les conditions de ces interventions ;
– le décret n° 55-875 du 30 juin 1955 regroupait les financements dans le Fonds de
développement économique et social F.D.E.S.).
Il est à noter que ces textes, qui ont joué un rôle important dans la politique de l’emploi, sont
intervenus à l’initiative de Pierre Mendes-France, président du conseil et d’Edgar Faure, ministre
des finances, puis président du conseil .
Dans la même ligne, et appelées également à un important développement, les actions de
reclassement et de reconversion professionnelle ont été reprises par le Fonds national de
l’emploi ( F.N.E.) institué par la loi du 18 décembre 1963. Modifié notamment par une
ordonnance du 13 juillet 1967, ce texte est toujours en vigueur ( articles L.322-4 et suivants du
Code).
L’influence des textes européen
Les textes qui précèdent trouvent une part de leur origine dans les dispositions prises au niveau
européen pour accompagner les conversions industrielles. Le texte pionnier est le Traité de Paris
du 18 avril 1951 instituant la Communauté Européenne du charbon et de l’acier (C.E.C.A.). Son
article 56 et le paragraphe 23 de la convention annexe concernant les dispositions transitoires
permettaient le financement de la rééducation professionnelle des travailleurs amenés à changer
d’emploi. Les textes cités au paragraphe précédent organisaient pour partie la contribution
proprement française de ces actions. Ils furent appelés à jouer largement pour accompagner les
fermetures de mines de fer et de charbon ou la conversion de la sidérurgie.
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Des dispositions analogues ont été reprises dans le Traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la
Communauté économique européenne (C.E.E., comprenant alors, comme la C.E.C.A., six pays)
dont l’article 123 institue le Fonds social européen.
Ce fonds contribue au financement des actions de rééducation professionnelle. Il a fait l’objet
d’un premier règlement du Conseil européen du 25 août 1960 (Règlement n° 9), profondément
réformé par le Règlement du 8 novembre 1971 (n° 2396).
Enfin, la C.E.E. a adopté des Principes généraux pour la mise en œuvre d’une politique
commune de formation professionnelle par une décision du Conseil du 2 avril 1963 et des
orientations générales pour un programme d’activités en ce domaine par décision du Conseil du
26 juillet 1971.
On s’en tient ici aux références datant de l’époque où la Communauté européenne ne comprenait
encore que six pays, mais on souligne la simultanéité des préoccupations nationales et
communautaires.
Une “salve” législative de douze ans
A partir de la loi de 1959 due à l’initiative de Michel Debré, la politique de la formation
permanente a été définie par une série de lois qui, restent le fondement du dispositif encore en
vigueur.
Sont intervenues successivement :
– la loi du 31 juillet 1959 relative à diverses dispositions tendant à la promotion sociale ;
– la loi du 3 décembre 1966, d’orientation et de programme sur la formation professionnelle ;
– la loi du 31 décembre 1968 relative à la rémunération des stagiaires de la formation
professionnelle
– les quatre lois du 16 juillet 1971 : n° 71-575 portant organisation de la formation
professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente, n° 71-576 relative à
l’apprentissage, n° 71-577 d’orientation sur l’enseignement technologique, ainsi que la loi n°
71-578 sur la participation des employeurs au financement des premières formations
technologiques et professionnelles.
On trouve dans ces textes, actuellement abrogés après avoir été fréquemment modifiés, l’origine
de plusieurs réformes importantes, toujours en vigueur. En particulier les actions de F.P.A. du
Ministère du Travail sont reconnues comme éléments d’une politique d’ensemble, la loi de 1959
autorise le ministère à engager des formations dite “du second degré”, ce qui à l’époque, était
une novation importante par rapport aux stages de formation limités aux ouvriers qualifiés et la
loi du 3 décembre 1966 ouvre des autorisations de programme portant sur plusieurs années (
1967, 1968 et 1969 ).
La rémunération des stagiaires, jusque là limitée aux stages de F.P.A. du Ministère du Travail et
à quelques bourses du ministère de l’Education nationale, fait l’objet de dispositions d’ensemble
à la suite notamment du rapport présenté par M. Delors en août 1968, à l’origine de la loi du 31
décembre 1968.
La loi 71-576 sur 1 ‘apprentissage apporte une novation en faisant du contrat d’apprentissage un
contrat de travail avec ce que cela comporte en matière de respect des conditions de travail et de
la rémunération (qui fait l’objet de règles particulières).
Le financement de centres privés de formation est favorisé par la création du Fonds de la
formation professionnelle et de la promotion sociale auprès du Premier ministre. Un conseil de
gestion qui sera présidé longtemps par M.Grégoire, Conseiller d’Etat est institué. Les centres
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subventionnés sont liés par des conventions conclues avec les ministères selon des règles et des
conventions-types établies en commun.
Les organisations professionnelles, à la suite notamment des “accords” de 1968, ont engagé des
négociations qui aboutissent à la signature de l’Accord national interprofessionnel du 9 juillet
1970 sur la formation et le perfectionnement professionnel, puis à l’avenant du 30 avril 1971
concernant les cadres.
Le Ministère du Travail, de son côté, procède à une réorganisation de l’A.F.P.A., dont les
rapports avec le ministère sont redéfinis par une circulaire du 6 juin 1966.
Les travaux du Plan abordent désormais les problèmes de la formation professionnelle. Lors de
la préparation du 5ème plan puis du 6ème (1966-1970 et 1971-1975) un “intergroupe” s’occupe
de ces problèmes.
La notion de congé de formation, apparue dans la loi du 3 décembre 1966, sous une forme qui
se révéla difficilement applicable, est définitivement adoptée dans le titre III de la loi du 16
juillet 1971 sur la formation continue. Le financement à la charge des employeurs, en vigueur
pour les premières formations depuis 1925 sous la forme de la taxe d’apprentissage, est réformé
par la loi du 16 juillet1971 (n° 71-578) mais une nouvelle ” participation des employeurs au
financement de la formation professionnelle continue” est instituée par une autre des lois de la
même date ( loi 71-575, titre V ).
Enfin, les ministères, souvent rivaux sont assujettis à une coordination.
la coordination interministérielle
On ne peut pas contester la vocation naturelle du Ministère de l’Education nationale à s’occuper
de formation professionnelle, ne serait-ce qu’en raison de l’importance du système de formation
initiale (l’enseignement technique). Mais au cours des années le Ministère du Travail avait pris
une place spécifique dans le domaine de la formation des adultes, avec les centres de la F.P.A.
dont les méthodes et les principes d’organisation ne sont pas les mêmes que ceux de l’éducation
nationale. En outre, d’autres ministères, et surtout celui de l’Agriculture, ont développé des
institutions particulières. Aussi, lors de la première impulsion donnée par Michel Debré lors de
la loi du 31 juillet 1959, c’est un dispositif “neutre” de coordination, pour ménager les
susceptibilités des diverses administrations qui fut institué. Depuis, les choses ont évolué
sensiblement.
Plusieurs phases successives peuvent être distingués.
La loi du 31 juillet 1959 institue auprès du Premier ministre un Comité de coordination de la
promotion sociale ; puis un délégué à la promotions sociale est nommé auprès du Premier
ministre. Ce sera un inspecteur du travail, Jacques Decoust, assisté de fonctionnaires “neutres”,
venus du Plan, des P.T.T. ou du Commissariat à l’énergie atomique. La loi du 3 décembre 1966
institue une politique coordonnée de la formation professionnelle et de la promotion sociale ;
elle est pilotée par un comité interministériel et un groupe permanent de hauts fonctionnaires ; le
ministre de l’Education nationale est vice-président, et le Secrétaire général de l’Education
nationale est président du groupe permanent, par délégation du Premier ministre. Cette
organisation ambiguë ménage les susceptibilité entre ministères. On note que le secrétaire
général de l’éducation nationale poste qui n’existera plus après lui, est Pierre Laurent, ancien
directeur général du travail et de l’emploi au ministère du travail. C’est son successeur dans ce
dernier poste qui représente le ministère du travail (Jacques Legrand).
Par ailleurs, le Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale, placé
également auprès du Premier ministre, a un conseil de gestion présidé par le Conseiller d’Etat
Grégoire
La loi du 16 juillet 1971 confirme l’organisation du comité interministériel et du groupe
permanent ; elle y ajoute un conseil national (qui ne semble pas avoir existé réellement) et des
comités régionaux et départementaux .
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