MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE,
DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE
LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE
DES INSPECTEURS TERRITORIAUX
Jean FERRIER
André MENAGER
Inspecteurs généraux de l’éducation nationale
Juillet 1999
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RECOMMANDATIONS
FORMATION INITIALE
Fondements
1. Préciser la commande institutionnelle
2. Revoir le statut juridique du centre de formation
3. Confirmer le rôle de pilote et l’autonomie du centre de formation
4. Définir ce qu’on entend par culture commune
5. Maintenir les principes actuels de la formation mais revoir leur mise en œuvre
6. Faire preuve de réalisme dans les ambitions compte tenu du temps disponible
7. Améliorer les modalités de recrutement par l’introduction d’une épreuve écrite et l’utiliser pour
donner aux futurs stagiaires les premiers éléments d’une culture commune
8. Améliorer les modalités de l’évaluation des stagiaires aux fins de titularisation
9. Améliorer la communication au sein du dispositif et le pilotage
Encadrement
10. Renforcer l’encadrement au centre de formation
11. Associer plus étroitement les acteurs de la formation à l’élaboration du plan de formation
12. Sélectionner soigneusement les intervenants
13. Renforcer la collaboration des chefs d’établissement
14. Evaluer l’activité des acteurs de la formation et en tirer les conséquences pour les années suivantes
Modalités de la formation
15. Décloisonner la formation au centre de formation
16. Individualiser la formation de manière effective mais réaliste.
17. Rythmer l’alternance autour des temps forts de la vie en académie
18. Donner priorité à la professionnalisation en renvoyant les stages en milieu socio-économique ou à
l’étranger hors temps scolaire
19. Développer l’utilisation des nouvelles technologie de l’information et de la communication
20. Limiter les modes de transmission magistraux ; les accompagner en amont et en aval
21. Eviter de transformer les rapports d’ateliers territoriaux en mémoires et leur présentation au recteur
en soutenance
FORMATION CONTINUE.
22. Mettre en place une véritable formation continue
23. Faire de la formation continue une obligation professionnelle
24. Confier au niveau national la formation par spécialité, au niveau académique ou inter académique
ce qui relève de l’interdisciplinarité et de l’intercatégorialité
25. Tirer profit des possibilités offertes par les TIC
26. Eviter les périodes d’intense activité sur le terrain pour les périodes de regroupement
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RESUME
Une formation relativement récente, novatrice et encore à la recherche de son équilibre.
Des différentes catégories d’inspecteurs concernés par la présente enquête, seuls les
inspecteurs départementaux de l’éducation nationale (IDEN), devenus inspecteurs de l’éducation
nationale (IEN) premier degré, et les inspecteurs de l’enseignement technique (IET), désormais IEN
de l’enseignement général (EG) ou de l’enseignement technique (ET), bénéficiaient depuis 1974
d’une véritable formation postérieure au concours de recrutement. C’est à la rentrée 1991 qu’a été
organisée pour la première fois une formation à l’intention de tous les inspecteurs territoriaux. La
nouveauté de la formation réside surtout dans la volonté de rapprocher les diverses catégories
d’inspecteurs territoriaux, entre elles d’abord, avec les autres cadres du système ensuite. Une
modification des modalités de recrutement, par l’adjonction d’une épreuve écrite, pourrait permettre
en même temps de mieux sélectionner les candidats et de commencer à construire une culture
commune.
Cette volonté affirmée “d’établir les bases d’une nécessaire cohésion de l’encadrement”,
garante d’une meilleure efficacité du système éducatif, n’est remise en cause par personne. Elle
donne son trait le plus marquant à la formation actuelle : tous les stagiaires sont rassemblés dans un
même centre pour y suivre une formation en partie commune.
La courte histoire du centre de formation des inspecteurs territoriaux a été marquée par une
instabilité chronique : diversité des appellations successives, fréquence des changements de
directeur et nomadisme. Sans doute peut-on regretter qu’une institution ayant vocation à former des
cadres connaissent de telles vicissitudes mais sa relative jeunesse, ses réussites dans certains
secteurs et ses réactions aux crises qui l’ont secouée, témoignent d’une vigueur de bon augure.
Toutefois, son statut juridique, qui en fait explicitement une sous-direction, n’est, ni pour l’image, ni
pour la gestion, le mieux adapté à la situation.
Une entreprise confrontée à de réelles difficultés
Des attentes convergentes
La création d’un centre unique répond aussi bien aux critiques formulées à l’égard des
inspecteurs territoriaux qu’aux attentes des différents acteurs concernés. Ainsi, des recteurs, par
exemple, regrettent l’individualisme des inspecteurs d’académie – inspecteurs pédagogiques
régionaux (IA-IPR), et les délégués académiques à l’enseignement technique (DAET) celle des IEN
EG/ET. Ils souhaitent davantage de travail interdisciplinaire et intercatégoriel, un goût plus
développé pour le travail en équipe et une vision plus globale du métier. Le centre prend en compte
ces préoccupations.
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Les enquêtes conduites auprès des inspecteurs ex-stagiaires, des recteurs et de leurs
collaborateurs et des inspecteurs généraux de l’éducation nationale (IGEN) permettent de conclure à
une grande convergence des attentes respectives. Elles mettent l’accent, d’une part, sur les
techniques professionnelles (inspection, suivi, audit, gestion des ressources humaines, examens et
concours), d’autre part, sur la connaissance du système administratif qui va de pair avec les
connaissances juridiques et réglementaires, deux domaines qui renvoient globalement aux concepts
de professionnalisation et de culture commune.
Une commande institutionnelle floue
Plusieurs décrets, arrêtés, notes de service, dont la parution s’est échelonnée dans le temps,
traitent du statut des personnes et du centre de formation, des missions, des modalités et des
contenus de la formation des inspecteurs territoriaux. Cette succession de textes témoigne d’une
sorte d’interrogation identitaire accentuée par l’absence de cadrage précis sur les finalités de la
formation.
Un public hétérogène
La volonté simplificatrice du législateur qui a regroupé les inspecteurs territoriaux en deux
catégories, IA-IPR et IEN, n’a pas fait disparaître pour autant la spécificité des métiers qu’ils
exercent. A titre d’exemple, les IEN se déclinent en IEN du premier degré, IEN de l’information et
de l’orientation (IO), IEN EG et IEN ET. A cette diversité il convient d’ajouter celle des origines
professionnelles. Ainsi, les IEN du premier degré sont recrutés parmi les instituteurs ou professeurs
des écoles, les conseillers pédagogiques auprès des IEN, les maîtres formateurs, les instituteurs
spécialisés mais aussi les enseignants du second degré, chacun d’eux, ceux du premier degré surtout,
ayant pu faire fonction d’inspecteur.
Les problèmes de formation sont donc différents d’un groupe à l’autre et, à l’intérieur de
ceux-ci, les besoins individuels sont très variables. Une telle hétérogénéité d’origine et de vocation
constitue pour les responsables de formation un obstacle de taille.
Principes et modalités de la formation n’échappent pas toujours à une certaine ambiguïté
Professionnalisation et culture commune, même si ce dernier concept a besoin d’être défini
avec précision, constituent les deux principes de base de la formation. Du premier découlent :
– l’organisation en filières métiers dirigées chacune par un responsable de formation,
– l’élaboration du plan de formation autour de six axes communs à tous les métiers,
– l’alternance qui met les stagiaires sur le terrain au contact de leurs pairs,
– les ateliers de professionnalisation.
Au second il faut attribuer :
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– l’idée de la création d’un centre unique regroupant les divers inspecteurs territoriaux,
– tous les dispositifs destinés à apporter à l’ensemble des stagiaires des connaissances
sur le système éducatif, l’administration et des notions juridiques minimales,
– l’intercatégorialité, dont les ateliers territoriaux qui, sur un projet commun, mobilisent
les diverses catégories d’inspecteurs, sont la meilleure et la plus convaincante
illustration.
Même si la frontière entre ces deux principes n’est pas aussi nette que l’énumération qui précède
pourrait le laisser croire, la formation, tant dans sa conception que dans la perception qu’en ont les
différents personnels concernés, se trouve parfois tiraillée entre ces deux pôles. Indépendamment
des difficultés de mise en œuvre, qui seront évoquées plus loin, les principes sur lesquels repose la
formation sont accueillis de manière très positive par les stagiaires comme par leur encadrement et
leurs “employeurs”.
A ces principes de base se combine celui d’individualisation qui trouve des points
d’application dans tous les domaines. Des tensions peuvent apparaître entre ces trois principes qui
fondent la formation. Elles s’expriment par une compétition entre trois logiques de formation :
– une logique qui prend la formation dispensée au centre comme point de départ et point
d’appui.
chaque stagiaire.
– une logique d’articulation entre le terrain et le centre et dans laquelle le terrain devient
l’essentiel, le centre apportant seulement des compléments théoriques.
– une logique d’individualisation dans laquelle on s’efforce de répondre aux besoins de
Aucune n’est totalement satisfaisante, la première conduisant à se couper du terrain et les deux
autres entraînant une atomisation contraire à toute idée de formation organisée et cohérente. A
condition de s’articuler sur les temps forts du terrain, une logique qui se nourrit d’observations,
ciblées autour de grands thèmes, avant exploitation au centre paraît la plus fructueuse.
Les regroupements au centre de formation suscitent des réactions contrastées et parfois très
négatives de la part de stagiaires
Les inspecteurs interrogés ont fréquenté le centre entre 1991 et 1998. Les efforts entrepris
récemment (avec un certain succès tout particulièrement pour les IEN EG/ET) pour améliorer
l’image de la formation dispensée lors des regroupements, n’avaient pas encore porté leurs fruits et
n’apparaissent donc pas dans leurs propos. Ceux-ci mettent en évidence un contraste très net entre
les IEN du premier degré, satisfaits pour l’essentiel, et les IA-IPR qui expriment des critiques
radicales. Les IEN IO se rapprochent plutôt des premiers et les IEN EG/ET des seconds, au moins
les inspecteurs qui font partie des dernières générations formées à Paris.
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D’une manière générale, les stagiaires soulignent l’inadéquation entre la durée et la densité
des regroupements ; ils font état de leur déception et, dans toutes les catégories, se plaignent d’être
“infantilisés”. Les deux seuls points qui trouvent grâce aux yeux de tous sont les contacts et les
échanges avec les collègues et l’initiation à l’informatique. Sur ce dernier point, les évolutions en
cours et la politique volontariste du ministère, rendent nécessaire une redéfinition des objectifs en
vue d’améliorer la maîtrise des outils de gestion et des supports d’enseignement.
Pour s’en tenir aux extrêmes, les conférences suscitent de vigoureuses réactions de rejet de la
part des IA-IPR qui les interprètent comme une juxtaposition d’apports mal coordonnés, alors
qu’elles sont appréciées des IEN du premier degré. C’est que la densité, la teneur, la préparation et
l’exploitation de ces conférences sont très différentes entre les deux groupes.
Le même clivage apparaît à propos de la professionnalisation ce qui ne saurait totalement
surprendre. Outre les choix opérés dans l’utilisation du temps disponible, intervient la plus ou moins
grande homogénéité des métiers préparés : IEN du premier degré et IEN IO ne connaissent pas les
mêmes problèmes de dispersion disciplinaire et fonctionnelle que les IEN EG/ET et les IA-IPR.
Les stagiaires et anciens stagiaires partagent le même avis et le même regret concernant
l’intercatégorialité et l’individualisation des parcours de formation : ces deux principes de base de la
formation ne reçoivent qu’une traduction concrète très limitée ou inexistante au centre. Ce déficit va
à l’encontre du développement d’une véritable culture commune et contribue à creuser des
différences que le centre a vocation à atténuer, entre les inspecteurs territoriaux.
La formation en académie n’échappe pas aux critiques mais est mieux perçue
Les clivages constatés à propos des regroupements se retrouvent lorsqu’il est question du
travail en académie. Les IEN du premier degré se plaignent souvent de ce que les correspondants
territoriaux ne prennent suffisamment en compte, ni l’expérience antérieure des stagiaires, ni la
finalité de la formation. Pour nombre d’entre eux, les regroupements au rectorat prennent trop de
temps et se font aux dépens de celui qu’ils souhaiteraient passer à l’inspection académique ou en
circonscription où, par ailleurs, certains se disent confinés dans un rôle de spectateur. A l’autre
extrémité du spectre les IA-IPR estiment que seules les périodes passées en académie ont un sens et
sont utiles. Ces positions diamétralement opposées se rapprochent à propos des ateliers territoriaux
perçus comme un exemple d’intercatégorialité authentique et fructueuse. Cela valide l’option d’un
centre de formation commun et prouve qu’il n’y a pas de fatalité de l’échec dans cette voie.
La diversité des points de vue exprimés à propos des regroupements au centre d’une part, et
des séjours en académie de l’autre, pose la question de la mise en œuvre de l’alternance qui, selon
les textes “repose sur la complémentarité entre les différents temps et lieux de formation”. Cette
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mise en œuvre est rarement satisfaisante. Pour l’améliorer, il apparaît nécessaire de choisir
clairement une logique de formation et de promouvoir une collaboration plus étroite entre les
différents acteurs du système dont le nombre, la diversité fonctionnelle et la dispersion
géographique constituent autant de ferments de division. A cet égard, un recours aux technologies
de l’information et de la communication pour réduire ce déficit de communication, outre sa valeur
exemplaire, devrait permettre de mieux irriguer le réseau et de renforcer sa cohérence.
Un bilan nuancé selon les catégories de stagiaires
A l’évidence, la formation des IEN du premier degré peut être considérée comme une
réussite. Les quelques réserves formulées par les intéressés portent moins sur le contenu de la
formation au centre que sur le travail en académie. Au total, ils portent une appréciation très
positive sur la formation qu’ils ont reçue et le point de vue des IGEN qui les évaluent est tout à fait
convergent. Même si elle est perfectible, la formation des IEN premier degré est bien perçue et
efficace.
A l’exception de l’ancienneté de la formation, l’essentiel de ce qui vient d’être dit vaut pour
les IEN IO mais les stagiaires sont peu nombreux et cela facilite leur encadrement et leur cohésion.
Depuis que les IA-IPR suivent une année de formation on n’a pas observé de chute de leur
efficacité. Affirmer pour autant que leur formation est une réussite irait à l’encontre du sentiment
général. Depuis des années, les regroupements au centre suscitent un malaise profond. Parmi les
causes plausibles de cette situation, figurent sans doute l’hétérogénéité des stagiaires (formation et
vocation disciplinaire) aggravée par leur nombre, le recours excessif aux apports magistraux
insuffisamment préparés en amont et exploités en aval ou encore le confinement des stagiaires dans
une attitude passive peu stimulante. Même si tout n’est pas transférable, les réussites d’autres
groupes peuvent inspirer des réajustements.
Le groupe des IEN EG/ET présente de nombreuses similitudes avec celui des IA-IPR :
diversité des origines, éclatement disciplinaire et, dans certains secteurs comme les sciences et
techniques industrielles, les fonctions sont pour l’essentiel identiques. Il est significatif que l’aisance
que les inspecteurs ont pu ressentir en prenant leurs fonctions est le plus souvent attribuée à des
facteurs extérieurs au centre. Cependant, ces remarques seraient incomplètes si l’on n’y ajoutait les
résultats des évaluations systématiques conduites au début de la présente année scolaire qui mettent
en évidence un très net redressement de la situation avec des taux de satisfaction rejoignant ceux
des autres IEN, résultat d’un travail de fond du nouveau responsable de formation.
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Observations d’ordre général sur la formation initiale
Le principe d’une année de formation, organisée au niveau national, n’est jamais récusé. En
dépit des imperfections critiquées avec plus ou moins de vigueur, cette période est perçue comme
un temps de rupture, comme une période nécessaire de prise de recul et d’élargissement de la
vision. A ce titre, elle fait l’objet d’une approbation unanime de la part des stagiaires, toutes
catégories confondues. Elle n’est jamais remise en cause par les responsables interrogés – IGEN,
recteurs, IA DSDEN, DAET, chefs du service académique de l’information et de l’orientation
(CSAIO)… Au moment où la déconcentration s’accentue, on peut interpréter ce consensus comme
la marque d’un attachement profond au caractère national de l’éducation en France.
Les principes autour desquels le centre annonce bâtir la formation : professionnalisation,
intercatégorialité, alternance, individualisation, culture commune, recueillent un assentiment
général. Sur tous ces points, l’adhésion des inspecteurs interrogés est totale. Celle de leurs
“employeurs” ne l’est pas moins mais, si le projet retient l’attention, sa concrétisation suscite parfois
de très fortes réserves qui peuvent s’expliquer par l’inadaptation de certaines modalités de mise en
œuvre et par un déficit de communication.
Au centre de formation, le cloisonnement excessif des groupes avec comme corollaire le
caractère théorique et virtuel de l’intercatégorialité, l’insuffisante individualisation de la formation
et le recours parfois excessif au mode de transmission magistral posent problème. Les responsables
de formation partagent ce constat. Une réflexion est engagée et il a déjà été procédé à des
réajustements significatifs.
Compte tenu de la multiplicité des lieux où elle se construit et du grand nombre d’acteurs
qui apportent leur contribution, la cohérence de la formation ne peut être assurée que si
l’information circule bien, qu’il s’agisse de la communication entre les filières de formation, entre
les responsables et les stagiaires, entre le centre et le terrain par l’intermédiaire des correspondants
territoriaux et des tuteurs principalement. L’indispensable coordination de ce dispositif est à ce prix.
Une formation continue nécessaire, insuffisante, qui devra être développée et améliorée
L’évolution des connaissances, des technologies, de la législation ou de la réglementation et
des politiques ministérielles est telle qu’il faut former et informer les cadres du système éducatif de
façon permanente. Dans l’immédiat, l’offre de formation continue aux inspecteurs territoriaux par le
biais des universités d’été ou des actions du PNF est faible et aléatoire. Elle ne met pas les
inspecteurs en situation de participer dans de bonnes conditions à l’adaptation du système éducatif
conformément à la politique ministérielle.