La formation en alternance
pour une meilleure réinsertion
socio-professionnelle
Points-clés
Statut rémunéré des apprenants. Les apprenants ont un statut qui permet de
bénéficier d’une rémunération tout en continuant à se former. Cette formule alliant
travail et formation contre rémunération permet de toucher les couches les plus
pauvres et souvent les chefs de ménages.
La prise en compte du genre. Moteur de développement, les femmes ont un
rôle important à jouer mais ne sont bien souvent pas mise en avant. Une attention
particulière leur est portée en proposant une identification qui respecte la parité.
Des formations pour mieux cohabiter. Les formations humaines (formations
de développement individuel et communautaire) ont pour but d’être moteur du
changement de comportement des apprenants et de permettre une meilleure
cohabitation sur les chantiers et en dehors.
Une Ouverture professionnelle par la formation. Les formations profession-
nelles sont concrètes et basées sur la pratique. Aucune connaissance en écriture
et lecture n’est préconisée. En peu de temps, les apprenants peuvent apprendre
les bases d’une profession et peuvent bénéficier d’une attestation reconnue par
le Ministère de l’enseignement.
Des formations pour devenir acteur de changement. L’ensemble du cycle de
formation permet à chaque apprenants de prendre la mesure de sa capacité à
être acteur de changement tant par les formations humaines et le transfert des
compétences au sein de leurs communautés que par les formations profession-
nelles et entrepreneuriales.
Appuyer le développement d’activités génératrices de revenus. L’insertion
professionnelle est stimulée en donnant la possibilité à chaque apprenant de dé-
velopper une activité génératrice de revenus s’il le désire. Dans ce but, le Projet
Pavage cherche à orienter les formations professionnelles sur des créneaux inno-
vants afin de faciliter l’insertion économique.
Le Projet Pavage
en bref
Le projet « Développement écono-
mique et social via les chantiers de
pavage » ou Projet Pavage (2009-
2015) est géré par l’Agence belge de
développement (CTB) et le gouverne-
ment burundais. Ce projet consiste
en la construction de 36 kilomètres
de routes pavées dans le cadre de
chantiers-écoles situés dans les com-
munes de Kinama, Kamenge et Cibi-
toke, au nord de la ville de Bujumbura.
Ces chantiers appliquent la méthode
à haute intensité de main d’œuvre
(HIMO). A terme, le Projet Pavage per-
mettra de fournir des emplois à envi-
ron 4 500 personnes résidant dans
ces communes, pour une période de
maximum neuf mois. Environ 13 % des
ménages habitant dans la zone d’inter-
vention seront touchés par le projet.
Au-delà de la rénovation des infras-
tructures, le Projet Pavage a pour
but de contribuer au développement
et à la redynamisation économique
et sociale de ces communes, qui ont
été gravement atteintes par la guerre
de 1993-2004. Durant le cycle d’ap-
prentissage, les apprenants suivent
un apprentissage du pavage sur les
chantiers-écoles (pose de pavé, ma-
çonnerie, bétonnage…) et bénéficient
d’autres formations humaines, profes-
sionnelles et entrepreneuriales.
Ils finalisent leur cycle d’apprentissage
par une formation en éveil entrepre-
neurial et reçoivent une bourse d’ins-
tallation. Cette bourse leur permet de
lancer leur propre activité génératrice
de revenus. Pour ceux qui le désirent,
un accompagnement personnalisé est
proposé au lancement des activités
génératrices de revenus.
En parallèle à ces chantiers-écoles de
pavage, les tailleurs de pavés qui tra-
vaillent dans les carrières avoisinant la
ville de Bujumbura, bénéficient d’un
soutien technique et organisationnel.
Constituant un point d’attention du
Projet Pavage, un appui à la bonne
gestion environnementale des car-
rières est aussi fourni aux tailleurs de
pavés.
© CTB / Rosalie Colfs
Professionnalisation de la filière des pavés au Burundi
“
Le fait d’avoir travaillé dans le Projet Pavage nous a beaucoup aidés. On y a acquis
une éducation et une expérience exemplaire : la cohabitation avec les autres,
le respect mutuel et la culture d’un travail bien fait hérités du projet font que nous
sommes meilleurs que les autres travailleurs sur ce chantier de construction
du nouveau marché de Bujumbura.
Jonas Nduwimana
ex-apprenant du chantier-école
”
Des travailleurs ? Non, des apprenants !
Les chantiers de pavage ont lieu dans des communes de
Bujumbura où le taux de chômage est extrêmement élevé et
où les opportunités éducatives et professionnelles sont limi-
tées. Partant de ce constat, le Projet Pavage vise à aller plus
loin qu’un chantier à Haute Intensité de Main-d’œuvre (HIMO)
classique en proposant aux apprenants toute une série de
formations qui stimuleront le développement économique et
social de la zone d’intervention. En effet, ces apprenants ne
sont ni des salariés ni des travailleurs. Pour autant, les appre-
nants sont rémunérés pour leurs présences tout au long du
cycle d’apprentissage.
Il y a une formation pratique, qui se fait sur les chantiers-
écoles de pavage. Là, les apprenants se forment aux tech-
niques du pavage, allant du compactage au déblayage/net-
toyage. Mais ils apprennent aussi à respecter la discipline de
travail, les horaires, les rendements et les normes de qualité.
Pour des populations qui sont depuis longtemps au chômage
et dont l’activité est intermittente, cette éducation au travail
représente un grand pas en avant.
En alternance avec le travail sur les chantiers-écoles, les
apprenants ont des formations tout au long de leur cycle
d’apprentissage. Ils suivent tout d’abord des formations
humaines, qui ont pour but de les aider à se développer
en tant qu’individus et au sein de leur communauté. Ces
formations débutent avant l’insertion sur les chantiers et se
prolongent durant les 3 premiers mois. Ils suivent ensuite
des formations professionnelles leur donnant des compé-
tences de base dans un métier précis. Pour compléter cela,
ils bénéficient de formations « en éveil entrepreneurial »
avant l’insertion sur les chantiers et de formations entrepre-
neuriales une fois le chantier-école terminée. Elles visent à
susciter et améliorer le taux d’auto-entrepreneurs chez les
ex-apprenants.
Des apprenants ? Non, des apprenantes !
Sur ces chantiers HIMO à vocation sociale, les effectifs y sont
constitués à 51 % de femmes en 2014. Lors de l’identification,
le tirage au sort respecte une parité 50-50 garantissant un équi-
libre dans la réserve. Cependant, dans les personnes appelées
à intégrer le chantier-école, les femmes sont plus nombreuses à
se présenter que les hommes.
2
Une attention particulière est portée à cette égalité des genres.
Les femmes ont un rôle primordial à jouer dans le dévelop-
pement économique et social. En passant par les chantiers-
écoles, cette formule permet de les aider à prendre en main leur
vie et à endosser des responsabilités plus importantes au sein
de leur foyer, étant donné qu’elles contribuent dorénavant plus
aux revenus du ménage. C’est un outil puissant d’autonomisa-
tion et d’égalité des genres.
En effet, le statut socio-économique de la femme burundaise et
notamment les tâches ménagères qui lui incombent, constitue
un frein important à la poursuite d’études secondaires ou de
programmes d’alphabétisation1. Le recensement général de la
population de 2008 indique que trois femmes sur cinq sont illet-
trées2. De plus, seulement 9 % des filles terminent le deuxième
cycle du secondaire, contre 17,1 % de garçons3.
Grâce au cycle d’apprentissage mis en place par le projet, les
femmes peuvent désormais suivre des formations profession-
nelles en alternance avec l’apprentissage sur les chantiers-
écoles. Si elles le désirent, elles peuvent suivre une formation
gratuite en alphabétisation.
“
Avec l’argent que je gagnais au
chantier-école, j’ai pu acheter mes
propres pagnes avec mon propre
argent. Avant c’était mon mari qui
les achetait ; avec mon épargne
j’ai pu aider mon mari à acheter
des vêtements pour moi et pour les
enfants. J’ai un peu aidé mon mari et
puis pour une fois j’ai pu choisir mes
pagnes moi-même !
”
Médiatrice
ex-apprenante
1 | Politique nationale genre au Burundi 2011-202, Ministère de la Solidarité
Nationale, des Droits de la Personne Humaine et du Genre, Bujumbura,
septembre 2011, p. 9.
2 | Recensement Général de la Population et de l’Habitat, Burundi, 2008.
3 | Politique nationale genre au Burundi 2011-202, loc.cit.
La formation en alternance :
le pari de la réinsertion socioprofessionnelle
Tout au long du cycle d’apprentissage, les apprenants sont
formés sur les chantiers-écoles ou sont en formations. Dans
les deux cas la participation compte comme une prestation
qui est rémunérée par une bourse journalière d’apprentissage
qu’ils touchent chaque quinzaine. Le choix de la rémunération
par une bourse a été fait pour éviter de parler de salaire ou
de per diem puisqu’il s’agit d’apprenants et non d’employés.
Cette distinction a été faite pour éviter toute complication juri-
dique que suppose le régime salarié.
En rémunérant les formations, plusieurs avantages peuvent
être constatés. C’est tout d’abord un moyen de lutter contre
l’absentéisme dans les formations. Un apprenant verra sa
bourse augmenter en fonction du nombre de jours de pré-
sence. Cette bourse permet d’atteindre les objectifs de for-
mations d’adultes ayant une charge de famille. De plus, le
manque à gagner que suppose le suivi d’une formation n’est
plus à craindre.
Ensuite, c’est un bon moyen pour permettre aux apprenants
de suivre des formations qu’ils n’auraient pas pu se financer.
En effet, les formations techniques sont assez coûteuses en
raison du matériel qu’elles nécessitent et bien souvent ils ne
peuvent pas financer ce genre de formation.
© CTB / Rosalie Colfs
Enfin, en termes de réinsertion socioprofessionnelle, l’impact
du Projet Pavage est multiplié par les formations proposées.
Les apprenants peuvent en effet mettre à profit les connais-
sances acquises sur le chantier-école et dans les centres de
formation pour trouver ensuite un emploi. Ils reçoivent par ail-
leurs une attestation de participation aux formations qui leur
permet de prouver leurs compétences à un employeur poten-
tiel. La formation professionnelle qu’elle soit sur chantier ou
dans les centres de formation professionnelle est également
reconnue par le Ministère burundais de l’Enseignement4, ce
qui est particulièrement intéressant pour les personnes sans
éducation et/ou analphabètes.
En utilisant la combinaison travail et formation, les formations
proposées ne sont pas accaparées par des personnes autres
que les membres du groupe-cible. Les apprenants sont en effet
identifiés par tirage au sort, et comme il s’agit d’un travail non
qualifié à bourse journalière peu élevée (montant défini suivant
le niveau de vie, le secteur et tout en respectant les principes
de rémunération minimale), les candidats sont généralement
issus des couches les plus précarisées de la population.
Le parcours de formation
Le programme complet se déroule sur une période de maxi-
mum neuf mois. Tout commence par la journée d’identifica-
tion, dont le but est de constituer une réserve de recrutement
dans laquelle l’équipe technique pourra puiser selon les be-
soins du chantier. Toute personne intéressée peut se présen-
ter le jour de l’identification, quelle que soit sa nationalité, son
sexe, son appartenance politique et son ethnie.
Graphique 1 : Cycle d’apprentissage de l’apprenant
4 | Le Ministère de l’Enseignement de Base et Secondaire, de l’Enseignement des Métiers, de la Formation Professionnelle et de l’Alphabétisation.
3
Professionnalisation de la filière des pavés au Burundi
tant qu’apprenants et qu’ils ont l’obligation de porter lorsqu’ils
se trouvent sur le chantier-école.
La formation en résolution pacifique des conflits
La formation en résolution pacifique des conflits a été sélec-
tionnée en raison du contexte post-conflit du pays. La crise
socio-politique vécue par le Burundi a en effet été particuliè-
rement ressentie dans les communes d’intervention où le tissu
social a besoin d’être restauré.
Cette formation a pour but de préparer les apprenants à gérer
la mixité sociale sur le chantier et à prévenir les conflits. Les
apprenants sont familiarisés avec les techniques de base de
la communication non violente et apprennent à désamorcer
des conflits au travers de cas pratiques. Au départ, cette for-
mation avait lieu le quatrième mois de l’incorporation, mais
maintenant la formation se fait avant le début des apprentis-
sages sur chantiers. Ce changement a eu des répercussions
positives sur les relations entre les apprenants. En effet, peu
de conflits sont à souligner en sein de cette population hété-
roclite.
“
Le module sur la gestion de conflits
m’a beaucoup intéressé. Avant,
quand je voyais deux personnes se
disputer dans la rue, je passais sans
m’arrêter, c’était quelque chose
d’ordinaire auquel je ne prêtais
pas attention. Maintenant quand je
vois une dispute, je m’arrête pour
essayer de résoudre le problème.
Janine
ex-apprenante du chantier-école
”
La formation « éveil entrepreneurial »
Cette formation a pour but de faire réaliser aux apprenants
qu’ils sont responsables de leur propre développement, qu’ils
ont un rôle à jouer dans la société et peuvent entreprendre de
petits projets pour améliorer leur situation. Dispensée par une
organisation partenaire spécialisée en activité génératrices de
revenus, les apprenants y apprennent les principes du déve-
loppement intégral, reçoivent des conseils pour l’épargne
et l’utilisation de leur bourse d’installation. Cette bourse est
différente de la bourse journalière d’apprentissage. Elle est
perçue à la fin du cycle d’apprentissage et calculée selon le
nombre de jour de formation et d’apprentissage sur les chan-
tiers-écoles. On leur suggère aussi la possibilité de se regrou-
per à des fins d’épargne et d’entraide (notamment grâce aux
tontines et caisses sociales) et pour la réalisation de petits
projets.
© CTB / Rosalie Colfs
L’identification se fait par tirage au sort, sous réserve de rem-
plir les conditions pour participer : à savoir d’avoir entre 18
et 45 ans, d’être résident d’une des trois communes cibles,
d’être en bonne condition physique et d’être en possession
de papiers d’identité en règle.
Les formations pré-chantier
Après avoir été identifiés, les apprenants sont sélectionnés
selon les besoins du chantier et ils démarrent leur cycle d’ap-
prentissage. Les nouveaux apprenants sont conviés à une
semaine de formation avant de commencer la formation sur
le chantier. Lors de cette semaine, ils suivent deux formations
spécifiques : la formation en gestion de conflits et la formation
« éveil entrepreneurial ». Par ailleurs, on les informe sur le Pro-
jet Pavage (cogéré entre le Ministère burundais de l’Intérieur et
la CTB) en général, et plus particulièrement sur l’organisation
du chantier-école : les différentes catégories d’apprenants, les
bourses, les droits et les devoirs de chacun. Les différentes
organisations partenaires présentent également leurs activités.
Enfin, les apprenants bénéficient d’une introduction sur l’utili-
sation des comptes bancaires au sein d’un institut de micro-
finance et les principes de l’épargne puisque le Projet Pavage
ouvre à chaque nouvel apprenant un compte bancaire.
Les apprenants visitent les chantiers auxquels ils seront affectés.
Ils reçoivent la vareuse et le badge qui servent à les identifier en
4
Les formations humaines
Les formations humaines ont pour but d’aider les apprenants à
s’intégrer pleinement dans la société, à veiller à leur bien-être
personnel et familial mais aussi au bien-être de l’ensemble
de leur communauté. Avant tout, l’objectif est d’améliorer la
cohabitation sur les chantiers et en-dehors. Les apprenants
participent activement à ces formations où le partage d’ex-
périences vécues est encouragé, au travers d’échanges de
témoignages ou de jeux de rôles. Il s’agit aussi pour les appre-
nants, une fois formés, de transmettre leurs connaissances à
leur famille et dans leur quartier, où ils serviront d’ambassa-
deurs d’un meilleur comportement. Chaque formation com-
porte trois séances de trois heures, pour lesquelles les appre-
nants sont rémunérés. Les séances de formation humaine ont
lieu tous les samedis, pendant neuf semaines.
La formation en éducation civique
La formation en éducation civique a été conçue pour tenter
de répondre à un problème récurrent : le nombre insuffisant
de citoyens qui procèdent aux formalités administratives de
base. Durant la guerre de 1993-2004, l’appareil d’État était
profondément déstabilisé et peu efficace. Les citoyens ont
donc perdu l’habitude de se rendre dans les administrations
communales. Il est donc nécessaire d’informer les appre-
nants de leurs droits et de leurs devoirs de citoyens pour les
encourager à recréer un lien avec les entités administratives
de base. Certaines formalités administratives de base (telles
que l’inscription à l’état civil) sont expliquées en détail et les
apprenants sont encouragés à les remplir pour prendre plei-
nement leur place dans la société.
Durant la formation, il est aussi question du respect des droits
de l’homme en général et des droits de l’enfant et de la femme
en particulier. Ces questions sont abordées dans la partie
consacrée au Code de la famille.
“
La formation en civisme m’a ouvert
les yeux ; je suis allé faire légaliser
mon mariage à la commune et j’ai
inscrit mes enfants à l’état civil.
Venant
ex-apprenant du chantier-école
© CTB
vulnérables au virus. Les informer sur les moyens de préven-
tion semblait donc vital. Par le biais de témoignages vidéo et
d’échanges entre les participants, les séances abordent les
modes de prévention et de contamination par le VIH, mais
aussi la prise en charge des personnes séropositives et les
infections sexuellement transmissibles (IST). La dernière
séance, consacrée au planning familial, sensibilise les appre-
nants au concept des naissances planifiées et à l’utilisation
des méthodes de contraception.
“
La formation sur le sida et le planning
familial, je l’applique dans ma vie
quotidienne. Je sais que si j’ai un
comportement sexuel indigne et
non protégé, je peux apporter le sida
dans ma famille, et c’est un risque
que je ne veux pas prendre.
Jean-Claude
ex-apprenant du chantier-école
”
”
La formation en hygiène et assainissement
Les déchets jetés sur la voie publique atterrissent bien sou-
vent dans les caniveaux, ce qui les bouche et peut provo-
quer des inondations en cas de fortes pluies, sans parler des
dégâts causés aux caniveaux et à la route pavée.
La formation en VIH/sida et planning familial
Dans un pays comme le Burundi, où le taux de prévalence du
Sida chez les adultes de 15 à 49 ans est de 1,3 %5, la forma-
tion en VIH/Sida et planning familial semble pertinente. Les
populations urbaines de Bujumbura sont particulièrement tou-
chées étant donné la promiscuité dans laquelle elles vivent.
Les bénéficiaires du Projet Pavage sont principalement des
jeunes, vivant dans des quartiers surpeuplés, et souvent peu
informés des risques encourus. Ils sont donc particulièrement
La formation en hygiène et assainissement a été ajoutée au pro-
jet afin de sensibiliser les apprenants de la nécessité d’entretenir
les infrastructures qu’ils ont contribué à construire et de changer
de comportement pour être moins sujet aux maladies hydriques.
Une séance a lieu sur le terrain afin d’encourager l’entretien
des caniveaux, de favoriser chez les bénéficiaires le sentiment
d’appropriation des infrastructures, et de leur permettre de sen-
sibiliser leur entourage. Les apprenants nettoient un caniveau
ensemble et peuvent constater eux-mêmes les dégâts causés
par les déchets, mais aussi leurs effets néfastes pour la santé.
5 | Chiffres ONUSIDA 2011 : http://www.unaids.org/fr/regionscountries/countries/burundi/.
5
Professionnalisation de la filière des pavés au Burundi
Une autre séance est consacrée à l’hygiène domestique et
l’assainissement de leur environnement immédiat. Enfin lors
de la dernière séance, les apprenants font la synthèse des
enseignements tirés de la partie théorique et de la partie pra-
tique. Ils sont encouragés à transmettre ce qu’ils ont appris à
leurs voisins et amis.
La formation en alphabétisation fonctionnelle
Étant donné le peu d’instruction de certains apprenants du
Projet Pavage, une formation en alphabétisation est égale-
ment proposée. 10% des apprenants suivent cette formation
facultative et non rémunérée. Elle sert aussi à les préparer à
suivre ensuite les formations professionnelles, qui exigent un
minimum de compétences en lecture et en écriture. La forma-
tion en alphabétisation a lieu après les heures de travail, lors
de 25 à 30 séances de deux heures chacune.
Les formations professionnelles
Au début du quatrième mois d’apprentissage a lieu la séance
de choix des formations professionnelles. Une liste d’options
est présentée et expliquée aux apprenants par une organi-
sation partenaire en charge de la gestion sociale. Les appre-
nants font alors trois choix, classés par ordre de préférence,
et sont orientés en fonction de la disponibilité des places dans
les centres de formation. Ils ne se voient donc pas forcement
attribuer leur premier choix, ce qui cause parfois des frustra-
tions et un manque de motivation pour la formation retenue.
Ensuite, à partir du cinquième mois du cycle d’apprentissage,
les apprenants partent en formation professionnelle dans un
des centres d’enseignement technique qui travaillent en par-
tenariat avec le Projet Pavage. Ils quittent les chantiers-écoles
pour se consacrer uniquement à leur formation profession-
nelle. Chaque jour de formation est rémunéré comme une
journée travaillée sur le chantier. La formation professionnelle
peut durer entre une et neuf semaines, suivant l’option choisie.
Ces formations sont dispensées par des centres de formation
professionnelle privés ou étatiques, et sont toutes reconnues
par le Ministère de l’Enseignement de Base et Secondaire, de
l’Enseignement des Métiers, de la Formation Professionnelle
et de l’Alphabétisation.
Les options de formation professionnelle proposées aux
apprenants du Projet Pavage ont été élaborées en se basant
sur les modules dispensés dans l’enseignement des métiers.
© CTB / Rosalie Colfs
Les apprentissages sont cependant beaucoup plus centrés sur
la pratique que sur la théorie, contrairement à ce qui se passe
souvent dans l’enseignement professionnel. En outre la forma-
tion a lieu en un temps relativement court pour répondre aux
exigences du chantier-école. Le but est qu’à la fin du module,
l’apprenant soit capable de produire un ou deux produits finis.
L’utilisation efficace des nouvelles connaissances apprises
durant les formations professionnelles ne va pas de soi. Mais
même si l’apprenant a pu suivre la formation qui l’intéressait le
plus, il ne la met pas forcément en pratique après le chantier-
école. Par ailleurs, certains préfèrent apprendre un tout nou-
veau métier au lieu de se spécialiser dans un domaine dans
lequel ils disposent de quelques rudiments. Cela est dû à la
pluriactivité qui prévaut dans le secteur informel au Burundi :
plus on a de compétences différentes, plus on est susceptible
de décrocher un petit contrat.
Les formations liées aux activités de pavage
Les apprenants ont la possibilité de suivre des formations liées
au pavage. Ces formations sont en grande partie dispensées
sur les chantiers-écoles, après une courte période de forma-
tion théorique dans un centre de formation professionnelle.
A partir du cinquième mois, il quitte les chantiers-écoles pour
suivre des formations d’une semaine pour la pose des pa-
vés et de 7 et 8 semaines pour les formations respectives en
maçonnerie/bétonnage et en ferraillage/coffrage. Une fois leur
formation terminée, ils regagnent les chantiers-écoles pour
mettre en pratique ce qu’ils ont appris.
“
J’ai suivi la formation bar/restaurant lors du chantier-école de pavage. C’est là que
j’ai tout appris : comment cuisiner les légumes, comment faire la sauce provençale,
comment accueillir les clients et aussi comment cuisiner dans une bonne hygiène.
Grâce à la bourse d’installation du Projet Pavage, j’ai créé un petit restaurant tout
près de la Gare du Nord de Bujumbura. Lors de la formation, j’ai appris à améliorer la
qualité de ma cuisine, que les aliments aient bon goût par rapport à d’autres cantines.
Je suis fière de la qualité que je suis parvenue à atteindre et ma clientèle est satisfaite
elle aussi.
Aline, 30 ans, ex-apprenante
”
6
Les formations non liées au pavage
D’autres formations non liées au pavage sont également pro-
posées aux apprenants. Dans ce cas, les apprenants sont
envoyés dans les centres de formations à la fin de leur cycle
d’apprentissage (autour du huitième et neuvième mois). Ces
formations ont lieu exclusivement dans des centres de for-
mation professionnelle. Certaines de ces formations profes-
sionnelles sont très largement répandues au Burundi (couture,
menuiserie, maçonnerie, etc.). Ces filières de métiers sont
saturées et seuls les meilleurs artisans peuvent espérer vivre
de leur activité.
Transformation alimentaire
Réparation d’appareils électroménagers
Bar/restaurant
Informatique et secrétariat
Couture
Broderie à la machine
Plomberie
Les créneaux innovants
Pour une meilleure insertion professionnelle, le Projet Pavage
essaye de proposer des formations dans des créneaux d’acti-
vité peu exploités et créateurs d’emplois. L’éventail des for-
mations proposées aux apprenants évolue donc constam-
ment pour correspondre aux réalités du marché. Dans ces
formations innovantes, les apprenants sont peu nombreux
mais le Projet Pavage souhaite de plus en plus se tourner vers
ce type d’apprentissage à la carte qui répondrait aux envies
des apprenants et surtout qui trouverait un marché porteur.
Réparation de vélos-motos
Culture de champignon
Élevage de poules
Energie électrique et photovoltaïque
Menuiserie : divan lit et chaises pliantes
Insertion professionnelle et appui à la création
d’activités génératrices de revenus
À la fin des apprentissages, les participants reçoivent deux
attestations : l’une signée par le Projet Pavage qui atteste
leur participation au chantier-école de pavage, l’autre signée
conjointement par le Projet Pavage et le Ministère de l’Ensei-
gnement qui atteste leur participation à une formation profes-
sionnelle. Les apprenants en sont souvent très fiers. Cela leur
permet aussi de prouver leurs compétences à un employeur
potentiel, ce qui n’est pas négligeable en termes de réinser-
tion socioprofessionnelle.
En plus de ces attestations, les apprenants reçoivent une bourse
d’installation correspondant à un montant de 1 200 FBU par
jour de travail réalisé. En moyenne, cela constitue une somme
de 240 000 FBU (environ 120 Euros, chiffre de 2013). Cette
bourse a pour but de leur donner l’opportunité de se lancer
dans une activité génératrice de revenus.
Les apprenants sont suivis par une organisation partenaire spé-
cialisée dans l’orientation professionnelle tout au long de leur
cycle d’apprentissage : de la formation « éveil entrepreneurial »
pour les inciter à développer une activité génératrice de reve-
nus, en passant par la séance de sélection d’une formation
professionnelle pour les orienter vers une filière prometteuse
correspondant à leurs aspirations et à leurs aptitudes, et
jusqu’à la période d’après le chantier. Ce suivi régulier permet
d’identifier les apprenants faisant preuve d’un potentiel entre-
preneurial. L’organisation partenaire leur propose alors des
conseils personnalisés en matière de gestion des comptes,
d’épargne et de budget afin de les accompagner dans la créa-
tion et gestion de leur activité génératrice de revenus.
Après le chantier-école, les nouveaux entrepreneurs peuvent
également suivre gratuitement une formation de trois jours en
entrepreneuriat. Lors de ce module baptisé « créativité et inno-
vation », ils réfléchissent ensemble aux qualités nécessaires à
un bon entrepreneur, à leurs propres capacités, aux facteurs à
prendre en compte avant de se lancer dans l’entrepreneuriat,
etc. l’organisation partenaire en charge de l’orientation profes-
sionnelle organise également des modules de formation com-
plémentaire en fonction des besoins des ex-apprenants. Ces
formations portent sur le marketing, la comptabilité, la gestion
des ressources humaines, la compréhension du marché, l’éla-
boration d’un business plan, etc. Des approfondissements de
connaissances dans des matières techniques peuvent égale-
ment être organisés.
Succès et défis de la réinsertion
socioprofessionnelle
Les formations dispensées permettent à certaines personnes
qui n’avaient jamais eu l’occasion de se former à un métier, ou
d’apprendre à lire et à écrire. L’accès d’un grand nombre des
femmes à ces formations est indéniablement un avantage de
taille au niveau de l’égalité des genres.
L’approche participative retenue pour dispenser les formations
humaines remporte un franc succès. Souvent les apprenants
demandent à ce que leur conjoint puisse également y partici-
per. Cette participation des conjoints aux formations humaines
est un aspect à prendre en compte pour l’avenir. Il serait éga-
lement opportun d’étendre les formations en éducation civique
(et peut-être d’autres formations humaines) au personnel des
administrations communales des zones d’intervention, qui
jouent un rôle primordial dans le développement économique
et social de la commune. Les formations humaines ont un réel
impact sur le comportement des apprenants. En effet, la for-
mation en résolution pacifique des conflits s’est révélée extrê-
mement utile pour les apprenants et ex-apprenants, qui conti-
nuent de l’appliquer dans leur vie quotidienne.
En ce qui concerne les formations professionnelles, elles
doivent permettre d’apporter dans un temps très courts, des
compétences à des apprenants qui pour certains sont anal-
phabètes ou qui n’ont jamais été à l’école. Étant donné la briè-
veté de la formation, La difficulté est importante. Une attention
toute particulière doit être accordée à la qualité du programme
et des enseignants. L’approche doit être participative et pra-
tique plutôt que théorique.
7
Rendre les formations plus accessibles et susceptibles de
trouver plus facilement des débouchés tout en conservant
le format court et participatif est le défi majeur concernant
les formations professionnelles. En effet, certains des métiers
proposés dans les formations correspondent à des secteurs
où le débouché est difficile, mais qui continuent d’attirer des
apprenants, comme la couture, la menuiserie et la maçonnerie.
Pour tenter d’apporter une solution à ce problème, le Projet
Pavage propose aussi des formations dans des créneaux
d’activités innovantes, Encore faut-il que les apprenants s’y
intéressent, et que les clients burundais soit assez réceptifs
aux innovations pour les acheter.
lisée en activités génératrices de revenus au début du cycle
d’apprentissage sont ensuite introuvables ou indisponibles.
Du reste, le coaching ne sera pas disponible en permanence,
et rien ne garantit que les activités créées continuent de pros-
pérer une fois le Projet Pav