Notes de l’Ifri
Notes du Cerfa
143
La formation en alternance :
clé de voûte du made in Germany ?
Gerhard Bosch
Juillet 2018
Comité d’études
des relations
franco-allemandes
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ISBN : 978-2-36567-897-1
© Tous droits réservés, Ifri, 2018
Gerhard Bosch, « La formation en alternance : clé de voûte du made in Germany ? »
Comment citer cette publication :
Notes du Cerfa, n° 143, Ifri, juillet 2018.
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Notes du Cerfa
Publiée depuis 2003 à un rythme régulier, cette collection est consacrée à
l’analyse de l’évolution politique, économique et sociale de l’Allemagne
contemporaine : politique étrangère, politique
intérieure, politique
économique et questions de société. Les Notes du Cerfa sont des textes
concis à caractère scientifique et de nature policy oriented. À l’instar des
Visions franco-allemandes, les Notes du Cerfa sont accessibles sur le site de
l’Ifri, où elles peuvent être consultées et téléchargées gratuitement.
Le Cerfa
Le Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) a été créé en
1954 par un accord gouvernemental entre
la République fédérale
d’Allemagne et la France. Il bénéficie d’un financement paritaire assuré par
le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et l’Auswärtiges Amt. Le
Cerfa a pour mission d’analyser l’état des relations franco-allemandes sur le
plan politique, économique et international ; de mettre en lumière les
questions et les problèmes concrets que posent ces relations à l’échelle
gouvernementale ; de présenter des propositions et des suggestions
pratiques pour approfondir et harmoniser les relations entre les deux pays.
Cette mission se traduit par l’organisation régulière de rencontres et de
séminaires réunissant hauts fonctionnaires, experts et journalistes, ainsi que
par des travaux de recherche menés dans des domaines d’intérêt commun.
Hans Stark est secrétaire général du Cerfa et dirige avec Barbara Kunz,
chercheur, les publications du Cerfa. Katja Borck est chargée de projets et
du « Dialogue d’avenir franco-allemand ». Catherine Naiker est assistante
au sein du Cerfa.
Auteur
Gerhard Bosch, né en 1947, étudie les sciences économiques et
sociologie à l’université de Cologne ; il obtient son doctorat en 1977 à
l’université de Dortmund, puis son habilitation en 1991 à l’université
d’Osnabrück. En 1993, il devient professeur en sociologie du travail et
économie à l’université de Duisbourg-Essen.
Gerhard Bosch a été chercheur au service de recherches sociales de
Dortmund, à
l’université de Bielefeld et au Wirtschafts- und
Sozialwissenschaftliches Institut du DGB (Institut économique et social
de la confédération syndicale DGB) à Düsseldorf. De 1993 à 2006, il est
vice-président de l’Institut Arbeit und Technik (IAT) à Gelsenkirchen.
En 2007, il crée à l’université de Duisbourg-Essen l’Institut Arbeit und
Qualifikation (IAQ). Il en est le directeur jusqu’en 2016, avant de devenir
professeur émérite au IAQ. Il a réalisé et publié de nombreuses études
comparatives internationales sur les relations industrielles, les salaires,
le temps de travail, la formation professionnelle, le marché du travail et
l’emploi.
Résumé
Le système allemand de formation professionnelle en alternance est une
référence dans le monde entier. Il forme de la main-d’œuvre pour une
économie innovante, et n’est pas un pis-aller pour les élèves en échec
scolaire. Dans l’esprit des parents et des jeunes, la formation professionnelle
débouche sur un emploi qui ouvre des possibilités d’évolution
professionnelle, tandis que les entreprises apprécient les avantages d’une
formation adaptée à leurs besoins, qu’elles contribuent à définir et qui leur
évite de financer l’intégration laborieuse de jeunes qui viennent de finir leur
scolarité.
La réforme de la formation professionnelle et l’assouplissement de
l’organisation du travail expliquent en partie la bonne santé de l’économie
allemande depuis le milieu des années 1990. Les partenaires sociaux et les
acteurs politiques estiment qu’il est de leur responsabilité de veiller à ce que
le nombre de places d’apprentissage soit suffisant, même lorsque les jeunes
sont nombreux ou que l’économie traverse une crise. Les jeunes ne se
retrouvent donc pas marginalisés et ne supportent pas le poids des crises,
contrairement à ce qui se passe dans nombre d’autres pays.
On ne peut toutefois pas passer sous silence les difficultés que rencontre
le système de formation en alternance. L’érosion du système salarial, qui ne
garantit plus aux travailleurs qualifiés un salaire à la hauteur de leur
formation, incite de nombreux jeunes à entamer des études dans
l’enseignement supérieur. Les secteurs à bas salaires ont de plus en plus de
mal à trouver des apprentis.
Abstract
The German dual system of professional training is seen as an international
reference model. It aims at training qualified employees for an innovative
economy rather than being the last resort for less able pupils. Parents and
adolescents regard apprenticeships as an entry ticket to a good job with
career opportunities; companies value the advantages of practice-oriented
training in situ conceived in cooperation with its own professionals as this
spares them the costs of integrating school graduates.
The modernisation of professional training in combination with more
flexible forms of work organisation partly explain the recovery of the
German economy in the mid-90s. Social partners and politicians feel
responsible for the creation of adequate numbers of apprenticeship
positions – even when year groups are particularly large or in times of crisis.
Contrary to the situation in many other countries, young people in Germany
do therefore not become outsiders that carry the burden of crises.
However, the problems of the dual system cannot be ignored. The
undermining of the German collective wage system that is unable to
guarantee appropriate wages has led school graduates to prefer university
studies over professional training schemes. Particularly in the poor wage
sectors apprenticeships are becoming less and less attractive.
Sommaire
INTRODUCTION ………………………………………………………………………… 7
LA TRANSITION DE L’ÉCOLE AU MONDE DU TRAVAIL …………………… 9
LA VOLONTÉ DE FORMATION DES ENTREPRISES ……………………….. 13
L’ÉVOLUTION INTERNE DU SYSTÈME DE FORMATION
EN ALTERNANCE ……………………………………………………………………… 16
L’INTERFACE AVEC LA FORMATION PERMANENTE ……………………… 22
L’INTERFACE AVEC L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ……………………… 25
LES LIENS AVEC LE SYSTÈME D’EMPLOI …………………………………….. 28
CONCLUSION ………………………………………………………………………….. 31
Introduction
Dans les années 1950, de nombreux pays de l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE), aux rangs desquels le Royaume-
Uni et les États-Unis, ont des systèmes d’apprentissage très développés
(Marsden, 1995), qui répondent aux besoins en main-d’œuvre qualifiée des
entreprises. Ces systèmes sont actuellement en recul dans la plupart des
pays. Leur déclin dans les pays anglo-saxons est étroitement lié aux
différences de vues entre les syndicats professionnels, attachés aux
spécificités de leurs métiers (« demarcation »), et les entreprises, qui
souhaitent pouvoir déployer leur personnel de façon plus souple en
s’affranchissant des métiers. Dans nombre d’autres pays comme la France,
la réticence des entreprises à former des apprentis et les exigences
croissantes en matière d’enseignement général et de connaissances
techniques théoriques ont conduit à confier la formation professionnelle à
des établissements scolaires qui n’entretiennent pas de liens étroits avec les
entreprises (Bosch, 2017).
Les pays germanophones et le Danemark ont emprunté une voie à part
en optant pour la formation en alternance, qui se déroule à la fois en
entreprise et dans un établissement public de formation professionnelle.
Ce n’est pas l’État mais les partenaires sociaux qui élaborent ensemble les
réglementations professionnelles et font passer les examens aux apprentis.
Pour commencer un apprentissage, il ne faut pas produire un certificat
scolaire ou passer un examen d’entrée dans un établissement de formation
professionnelle, mais conclure un contrat d’apprentissage avec une
entreprise. L’Allemagne se distingue des autres pays par une forte
progression du taux de professionnels qualifiés, qui est passé de 29 % en
1964-1965 à 70 % en 2000 (Geißler, 2002, p. 339). Des formations
professionnelles sont également proposées pour des emplois qui, dans de
nombreux pays, sont soit peu qualifiés, soit nécessitent d’avoir suivi au
préalable une formation universitaire.
Le système allemand de formation professionnelle est une référence
dans le monde entier. Dans l’esprit des parents et des jeunes, la formation
professionnelle débouche sur un emploi qui ouvre des possibilités
d’évolution professionnelle, tandis que les entreprises apprécient les
avantages d’une formation adaptée à leurs besoins, qu’elles contribuent à
Ce texte a été traduit de l’allemand par Isabelle Bonnefond.