Philippe LHUILLIER
L’HYPNOSE
Le Larousse en donne la définition suivante : « État de conscience particulier, entre
la veille et le sommeil, provoqué par la suggestion ». Dans son appellation habituelle,
l’hypnose est souvent dénommée « état modifié de conscience » (EMC). Cependant,
le terme « état de conscience modifiée » me semble plus approprié, car il n’existe
pas plusieurs degrés d’une même conscience, mais plusieurs états de conscience
différents. Chertok a dénommé cet état de conscience modifiée « quatrième état »,
Roustang « veille paradoxale » ou « perceptude ».
L’hypnose existe depuis les premières civilisations. Les traces de son utilisation se
retrouvent dans toutes les sociétés, dès la préhistoire. Elle était liée à la magie ou à
la religion. En Afrique, les Chamans ou sorciers utilisaient différents moyens (chants,
danses, son d’un tambour long et monocorde…) pour obtenir une « transe » dans le
but d’obtenir une guérison. Il y a 3 000 ans que ces pratiques existent en Chine, en
se basant sur les flux d’énergies, perturbés en cas de maladie. Ces flux peuvent être
rétablit par différents moyens, notamment le Qi Gong qui déclenchent une
modification de l’état de conscience. Depuis 2400 av. J-C, en Inde, les yogis et les
fakirs utilisent des exercices respiratoires, de concentration et de méditation sur un
objet afin d’entrer dans un état hypnotique proche de l’extase, qui les rapproche de
l’être suprême. En Europe, l’hypnose est un phénomène qui intrigue le corps médical
depuis plus de 200 ans.
Le magnétisme animal. Franz-Anton Mesmer (1734–1815) découvre une méthode
de traitement collectif dite du « baquet » où des patients présentent des crises
extrêmement spectaculaires et se rétablissent en utilisant des passes magnétiques.
La théorie psychofluidiste. Jacques de Chastenet de Puységur (1751–1825),
disciple de Mesmer, a une conception plus spiritualiste. Il pense que le moteur est la
volonté et qu’elle a besoin d’un vecteur, le fluide, pour s’exprimer.
La théorie imaginationiste. L’abbé Faria (1755–1819), prêtre portugais conteste la
réalité du fluide magnétique et rapproche le somnambulisme magnétique du sommeil
naturel. Il est le premier à employer le terme de « sommeil lucide » pour désigner
les passes magnétiques ne sont pas
l’état hypnotique.
indispensables. L’Abbé Faria utilise la technique de la fascination et les injonctions :
le magnétiseur présente au sujet une main ouverte (ou un crucifix) en recommandant
de la regarder fixement.
Il démontre que
La théorie psycho-neurophysiologique. James Braid (1795–1860), médecin et
chirurgien anglais, définit l’hypnotisme comme « un état particulier du système
nerveux, déterminé par des manœuvres artificielles ». Il décrit trois niveaux distincts :
l’état cataleptique, l’état léthargique et l’état de somnambulisme. Braid est celui qui a
donné à l’hypnose son statut scientifique. En 1859, Il introduit le « braidisme » en
France, comme méthode anesthésique dans les blocs chirurgicaux, avant que ne
soit faite plus tard la découverte du chloroforme.
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L’école de Paris. Jean-Martin Charcot (1825–1893), fondateur de la neurologie mo-
derne à la Pitié Salpetrière, considère l’hypnose comme un phénomène pathologique
imputable à un état nerveux spécifique. Il assimile les signes cliniques de l’hypnose à
ceux d’une forme d’hystérie artificielle et expérimentale (théorie psychopathologique).
En exhibant ses malades, chacune de ses interventions est vue comme une
représentation théâtrale. En 1882 est créée la première chaire de clinique des
maladies nerveuses.
L’école de Nancy. Pour Hippolyte Bernheim (1840–1919) et Ambroise-Auguste
Liébault (1823–1905), l’hypnose ne relève pas d’un état pathologique, mais d’un état
psychophysiologique naturel caractérisé par une hypersuggestibilité. Le psychisme
agit sur le physique (effet psychosomatique). Liébault et Bernhein définissent la
suggestion comme une capacité du cerveau à recevoir une idée, à l’accepter, et à la
transformer en actes. Bernheim considère que les signes cliniques proposés par
Charcot ne sont d’aucun intérêt car ils sont suggérés par le thérapeute.
La théorie psychanalytique. Sigmund Freud (1856-1939) a suivi les cours de
Charcot puis de Bernheim. Sa théorie psychanalytique de l’hypnose est centrée sur
le problème de la gratification des désirs instinctifs du sujet : l’hypnotiseur prend la
place de l’Idéal du moi du sujet et joue le rôle du père tout-puissant. Il prendra en
compte cette relation hypnotique de soumission et fera ainsi la découverte du
phénomène de transfert. Freud propose ensuite sa théorie psychanalytique. Le
retentissement de la psychanalyse en Europe, freine le développement de l’hypnose
en France pendant 40 ans.
la conscience. Pierre Janet (1859–1947), philosophe,
La dissociation de
psychologue et médecin, dans sa thèse intitulée « L’automatisme psychologique »,
décrit les différentes formes de la vie mentale : catalepsie, somnambulisme, sugges-
tion, pratiques spirites, rêve, instinct, etc. Il développe sa théorie sur « la dissociation
de la conscience » où l’état d’hypnose serait un fonctionnement psychique dissocié
du reste de la conscience « sous hypnose tout se passe comme s’il y avait deux
psychés, l’une en relation avec la conscience et la volonté et une autre sans volonté
ni conscience mais capable de mener des activités complexes, automatiques,
dissociés de la conscience normale et échappant au contrôle conscient ».
La théorie béhavioriste. Clark Leonard Hull (1884–1952), psychologue behavioriste
de Harvard, est avant tout connu pour l’introduction de la notion de pulsion dans sa
théorie de l’apprentissage. Dès 1930, il se rapproche de la loi idéo-dynamique de
Bernheim (école de Nancy), selon laquelle dans certaines conditions, l’idée peut se
transformer en mouvement ou en acte. Dans ses expérimentations de type béhavio-
riste (stimulus-réponse), Hull introduit des groupes-contrôles composés de sujets
non hypnotisés. Seront ainsi explorés différents aspects de l’hypnose considérés
comme spécifique : renforcement des performances musculaires, amnésie, etc. Il
conclura que les phénomènes considérés comme spécifiques de l’hypnose doivent
être rejetés du côté de la suggestibilité car ils sont observables également en
réponse à la suggestion en état de veille.
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L’autohypnose. Johannes Heinrich Schultz (1884–1970), psychiatre, élabore le
« training autogène » (TA). Cette technique de relaxation, basé sur des données
physiologiques et psychologiques, doit se comprendre comme un entraînement à
l’autohypnose. Le TA permet une réduction des tensions et du stress. Il présente un
intérêt dans les maladies psychosomatiques, la psychothérapie, mais aussi dans la
médecine du sport. Le cycle inférieur du training autogène se décompose en six
phases : pesanteur, chaleur, contrôle cardiaque, contrôle respiratoire, plexus solaire
et fraîcheur du front. Chacune de ces phases doit être parfaitement acquise avant de
passer à la suivante.
La théorie de la communication. Milton Erickson (1901–1980), réhabilite l’hypnose
abandonnée par Freud. L’hypnose éricksonienne est à l’origine d’un profond change-
ment de la théorie sur l’hypnose. Il est convaincu que les gens sont déjà en
possession de ressources qui leur sont nécessaires pour changer. Il a élaboré un
grand nombre de méthodes et techniques d’approches interpersonnelles dont
l’objectif est de libérer chez un patient, en état d’hypnose, les potentialités qui lui
permettront d’améliorer son état. Caractérisée par une approche souple, indirecte
(métaphores) et non dirigiste, l’hypnose éricksonienne a donné naissance à de
nombreux courants de psychothérapie moderne :
thérapies brèves, PNL, et
l’hypnose thérapeutique telle que nous la connaissons actuellement. Pour Erickson,
l’Hypnose est un état modifié de conscience, différent de l’état de conscience
ordinaire, dans lequel la personne va puiser les ressources dont elle dispose dans
son inconscient. L’hypnose est « une conscience inconsciente ». Erickson n’a jamais
été un théoricien de l’hypnose, mais il a orienté celle-ci dans une nouvelle direction.
La sophrologie. La différence entre l’hypnose et la sophrologie est surtout termino-
logique. En France dans les années 1960, le mot hypnose fait toujours peur. Alfonso
Caycedo, psychiatre colombien, lui trouve un substitut moins brutal : la sophrologie,
qui est « l’étude des états de modification de la conscience avec les techniques qui
l’hypnose
les provoquent ». La sophrologie s’appuie essentiellement sur
thérapeutique, le training autogène de Schultz, les techniques de méditation et du
raja yoga, mais aussi sur l’approche phénoménologique.
La programmation neuro linguistique (PNL). Dans les années 1970, la PNL
provient des travaux de deux chercheurs américains, Richard Bandler (psychologue
et mathématicien spécialisé en intelligence artificielle) et John Grinder (linguiste).
Ensemble, ils s’intéressent à la modélisation de la pratique de thérapeutes qui
obtiennent des résultats : Erickson (fondateur de l’hypnose ericksonnienne), Fritz
Perls (1893–1970) (fondateur de la Gestalt thérapie) et Virginia Satir (1916–1988)
(fondatrice de la thérapie familiale). Ils cherchent non pas à créer un modèle
théorique mais plutôt à décrire de manière opérationnelle les pratiques afin de
pouvoir les reproduire. La PNL s’affirme surtout dans les domaines du « coaching ».
L’hypnoanalyse. Léon Chertok (1911–1991), considère que les psychanalystes
négligent la pratique de l’hypnose, et l’a réintroduit dans la cure analytique. Il s’attire
de nombreuses critiques de leur part et ne parvient jamais à devenir psychanalyste à
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la Société psychanalytique de Paris (SPP). Chertok considère l’hypnose comme un
« quatrième état » de l’organisme actuellement non objectivable qui renverrait aux
relations pré-langagières d’attachement de l’enfant. En 1957, il contribue à la
création de la Société française de médecine psychosomatique avec Michel Sapir.
La perceptude ou la veille paradoxale. François Roustang, philosophe et
hypnothérapeute, a été psychanalyste durant plus de vingt ans avant de rompre avec
cette discipline et de développer ses travaux sur l’hypnose. Pour lui, l’état hypnotique
ne saurait être confondu avec la veille, le sommeil ou le rêve. Comme pour Chertok,
c’est un quatrième état de conscience, la « perceptude » ou « veille paradoxale » (en
référence au sommeil paradoxal) où les choses se passent un peu comme dans un
rêve avec ses images entièrement axées sur les perceptions de son monde intérieur.
Juin 2010
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