Projet de rapport sur l’entrepreneuriat
des jeunes en Méditerranée
Ce projet de rapport a été élaboré par M. Domenico Gambacorta (province d’Avellino, Italie) et sera
examiné au cours de la quatrième réunion de la commission du développement territorial durable qui
se tiendra le 11 octobre 2018 à Bruxelles, dans la perspective de l’adopter lors de la 10e session
plénière de l’ARLEM.
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Introduction
En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, 60 % de la population est âgée de moins de 30 ans, mais le
taux de chômage des jeunes y est l’un des plus élevé au monde1. Cela signifie que les jeunes de moins
de 30 ans vivent souvent dans des conditions économiques précaires, qu’exacerbent les bas salaires et
une faible mobilité sociale. Garantir aux jeunes des opportunités d’emploi équitables et durables
demeure une nécessité incontournable des stratégies de croissance économique, en particulier au sud
de la Méditerranée. Consolider le soutien de l’entrepreneuriat des jeunes, en particulier au niveau
local, constitue l’une des possibilités pour remédier efficacement aux problèmes régionaux en
promouvant le développement durable, ce qui peut aussi permettre de prévenir la migration et les cas
de radicalisation liés à l’exclusion sociale et économique des jeunes.
Encourager la croissance intelligente en renforçant par la même occasion l’entrepreneuriat innovant
des jeunes est, au sein de l’Union européenne, l’un des objectifs clés de la stratégie Europe 2020. Dans
les pays partenaires méditerranéens, le développement de l’entrepreneuriat des jeunes est soutenu par
l’initiative Med4jobs de l’Union pour la Méditerranée (UpM), ainsi que par certaines mesures de la
Commission européenne et de la Fondation européenne pour la formation (ETF). De graves problèmes
continuent toutefois d’exister dans la région, allant de l’absence d’opportunités de formation
professionnelle à la centralisation excessive des politiques de soutien à l’entrepreneuriat, en passant
par l’accès limité aux crédits. Ces difficultés, alliées à d’autres, empêchent les jeunes de lancer et de
gérer des entreprises ou des start-up rentables.
L’absence de politiques liées à l’entrepreneuriat des jeunes constitue, par conséquent, un problème
pluridimensionnel qui découle de quatre facteurs corrélés. En premier lieu, les programmes de
formation de nouveaux entrepreneurs et de promotion de la culture de l’entrepreneuriat auprès des
étudiants font défaut dans la région. En outre, les programmes de formation professionnelle sont peu
répandus. Les jeunes ne possèdent donc pas les compétences nécessaires pour lancer une entreprise ou
pour innover et faire fructifier leur propre entreprise. En deuxième lieu, l’entrepreneuriat des jeunes
doit être soutenu par une administration publique apte à fournir des informations et des services de
manière rapide et efficace. Les jeunes entrepreneurs sont cependant régulièrement confrontés à une
centralisation excessive des programmes destinés au monde de l’entreprise et à un manque de services
au niveau local. En troisième lieu, le crédit demeure difficile d’accès, ce qui est hautement
problématique dans la mesure où les jeunes entrepreneurs ont rarement la possibilité de financer leurs
propres projets entrepreneuriaux.
L’absence de décentralisation des politiques liées à l’emploi et au marché du travail constitue une
autre lacune grave. Dans plusieurs pays, les politiques tournées vers le développement local et la
formation professionnelle relèvent presque exclusivement de la prérogative des gouvernements
centraux. Les organismes locaux et régionaux n’ont, par conséquent, pas la voix au chapitre lorsqu’il
s’agit de soutenir l’entrepreneuriat ou de promouvoir des programmes spécifiques à destination de
leurs communautés. Cet état de fait entraîne également plusieurs effets préjudiciables pour la
démographie régionale: les besoins du tissu économique local ne sont pas pourvus, et la migration et la
fuite des cerveaux n’ont de cesse d’augmenter, sans qu’il semble possible d’y remédier efficacement.
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Report Youth Entrepreneurship in Mediterranean Partner Countries, p. 3 (2018).
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Les milieux politique et financier sont pourtant dotés de multiples outils et possibilités d’élaboration
de solutions aux problèmes que rencontre l’entrepreneuriat des jeunes sur les rives méridionale et
orientale de la Méditerranée. En ce qui concerne les aspects financiers, les pays partenaires sont
répartis selon différents cadres stratégiques. Il y a par exemple les pays candidats qui cherchent à faire
partie de l’Union, comme la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie et le Monténégro, qui peuvent utiliser des
instruments d’aide de préadhésion (IAP II). Ces instruments peuvent être utilisés pour améliorer le
développement économique dans différents secteurs. Il y a également les pays du Maghreb et du
Proche-Orient, qui ont accès à des instruments comme l’instrument de voisinage européen (IVE). En
outre, en plus de ces fonds, certains États membres financent de nombreux projets à titre individuel (le
GIZ en Allemagne, le FAD en France et l’AICS en Italie, parmi d’autres). Un bon exemple à ce niveau
est l’initiative de Nicosie, qui permet aux partenaires européens et méditerranéens de partager leurs
savoir-faire avec les autorités libyennes grâce à une aide concrète. Il est par conséquent évident que les
autorités régionales et locales peuvent fournir une réelle valeur ajoutée dans le domaine du soutien à
l’entrepreneuriat des jeunes, en utilisant des outils comme la diplomatie des villes et la coopération
décentralisée.
Finalité
L’objectif de ce document est d’envisager, de la perspective des autorités locales et régionales, les
possibilités de mesures destinées à soutenir l’entrepreneuriat des jeunes et le rôle que ces autorités
peuvent jouer pour aider les jeunes entrepreneurs dans la région méditerranéenne. Ce rapport comporte
également des suggestions d’initiatives et de réformes possibles pour les organisations internationales
et les gouvernements centraux, dans la perspective de renforcer les programmes existants dans les
domaines de la formation professionnelle, de la cohésion territoriale et du soutien financier aux
entreprises.
Recommandations
ARLEM demande aux organisations intergouvernementales, en particulier à l’UE, à l’UpM et aux
Nations unies de:
1)
reconnaître que l’entrepreneuriat des jeunes est un facteur clé du développement économique de
la région méditerranéenne. Il convient en particulier de mentionner les effets bénéfiques qu’une
potentielle augmentation du nombre de jeunes entrepreneurs pourrait avoir dans d’autres
domaines, comme les politiques sociales, la prévention de la fuite des cerveaux ou la lutte
contre le chômage;
faciliter la création d’initiatives relatives aux entreprises et à la formation professionnelle au
niveau local. Il convient d’établir et de promouvoir des programmes qui permettent d’acquérir
les compétences essentielles en affaire et autres pour pouvoir monter une entreprise, garantir sa
compétitivité sur le marché et surmonter le potentiel échec de la tentative;
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3)
4)
5)
7)
8)
10)
augmenter la portée des programmes de soutien à l’entrepreneuriat des jeunes, comme le
programme Erasmus pour jeunes entrepreneurs, à tous les pays des rives méridionales de la
Méditerranée, afin de créer un échange transfrontalier constant d’idées et d’opportunités pour
les entreprises;
renforcer les instruments de coopération transfrontalière entre les pays méditerranéens
partenaires, afin de créer des plateformes d’échanges constants de bonnes pratiques, ce qui peut
entraîner des initiatives conjointes de la part des jeunes entrepreneurs;
développer davantage d’instruments de financement et de microcrédit pour soutenir la mise en
place ou le développement de petites et moyennes entreprises, y compris dans des domaines au
potentiel élevé, comme les technologies numériques, le tourisme et l’énergie. Par exemple le
plan d’investissement extérieur (PIE) et l’instrument de voisinage européen (IVE) devraient être
utilisés pour soutenir le financement de l’entrepreneuriat des jeunes.
ARLEM demande aux gouvernements centraux de la région méditerranéenne de:
6)
faire participer davantage les autorités locales aux politiques liées à l’entreprise. Dans de
nombreux pays de la région méditerranéenne, les autorités locales ont peu d’autonomie pour
soutenir l’entrepreneuriat des jeunes, ce qui a des conséquences négatives sur le tissu
économique et social régional. Les gouvernements centraux sont invités à reconnaître les
avantages d’une décentralisation plus importante, en particulier en ce qui concerne les fonds
destinés à promouvoir l’emploi et à développer les agences pour l’emploi;
développer des stratégies de spécialisation intelligente pour aider à créer des synergies dans des
domaines clés pour le développement local et régional, en utilisant des nouvelles technologies et
en faisant participer les jeunes entrepreneurs à des initiatives conjointes avec les ministères du
développement économique. Par exemple, les gouvernements centraux peuvent inclure un
système de financement dans leurs politiques de développement régional pour garantir les fonds
des PME dans des secteurs stratégiques, comme
technologies de l’information,
l’agroalimentaire et l’énergie;
les
simplifier la législation commerciale et réduire les fardeaux administratifs et fiscaux qui pèsent
sur les projets d’entreprise des jeunes afin de créer davantage de transparence pour les
investissements public et privé;
9) mettre en œuvre une législation favorable à la création et au développement d’incubateurs
d’entreprises, de réseaux de «business angels» et de fonds de capital-risque, à la fois dans les
grandes villes, dans les plus petits centres urbains et dans les zones périphériques, afin de
soutenir et de connecter les écosystèmes entrepreneuriaux des régions périphériques, libérant
ainsi le potentiel des régions périphériques et contribuant à la prévention de l’exode rural dans
l’espace méditerranéen;
investir davantage dans l’innovation, la recherche et le développement de la culture
entrepreneuriale, en introduisant l’entrepreneuriat dans les programmes scolaires à tous les
niveaux. Cette initiative devrait avoir des effets positifs, non seulement en ce qui concerne
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l’entrepreneuriat, mais aussi les politiques destinées à la prévention de la radicalisation des
jeunes2;
11) promouvoir le rôle et la participation des femmes sur le marché du travail et appuyer les
initiatives nationales, locales et régionales pour le soutien et le développement de
l’entrepreneuriat des femmes.
ARLEM demande aux représentants des autorités locales et régionales de l’espace méditerranéen de:
12) mettre en avant les exemples de réussite où les municipalités et les régions ont soutenu avec
succès l’entrepreneuriat des jeunes, ce qui pourrait être imité ailleurs. Dans ce contexte,
ARLEM pourrait, en tant que projet pilote, récompenser les jeunes entrepreneurs qui mènent
des projets visant au développement territorial durable, y compris grâce à l’innovation. ARLEM
pourrait en particulier récompenser des projets ayant bénéficié d’un environnement favorable à
l’entrepreneuriat grâce aux administrations locales ou régionales. Une attention spécifique
pourrait être accordée aux projets innovants générateurs d’emplois pour les jeunes et les
femmes, contribuant ainsi à plusieurs buts des objectifs de développement durable (ODD), dans
la lignée des recommandations et des politiques de l’UpM et de l’UE.
reconnaître le rôle que pourraient jouer les communautés de la diaspora en Europe dans la
formation de jeunes entrepreneurs. Elles peuvent, par exemple, encadrer de jeunes entrepreneurs
dans leurs pays d’origine et représenter les opportunités de coopération économique pour des
entreprises locales. Dans ce contexte, les plateformes de médias numériques et de formation en
ligne se révèlent des outils utiles de tutorat et d’encadrement.
13)
14) développer des initiatives conjointes avec les chambres de commerce et les organisations
d’entreprises afin de fournir un soutien spécifique aux jeunes désireux de lancer une entreprise.
En particulier, promouvoir les réunions entre des experts en mentorat d’entreprise et des
aspirants entrepreneurs, encourageant ainsi le développement professionnel et personnel, surtout
dans les domaines du numérique, de la technologie, du tourisme et de l’énergie;
15)
créer des réseaux transfrontaliers avec d’autres organismes locaux pour entraîner les futurs
fonctionnaires responsables du maintien des contacts avec les entrepreneurs. Une administration
publique locale formée est indispensable à la fourniture d’une aide effective, compétente et
transparente à destination des entreprises locales;
16) promouvoir les initiatives de communication dans les écoles locales afin d’encourager
l’entrepreneuriat et de développer des initiatives conjointes avec les universités et les centres de
formation pour la diffusion de la culture de l’entrepreneuriat, y compris au sein de la société
civile. Une attention particulière doit être accordée à la participation des femmes à ces
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Rapport de l’ARLEM sur le rôle des autorités infranationales de la région de la Méditerranée dans la lutte contre la radicalisation et
l’extrémisme violent chez les jeunes (2017).
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initiatives, car ARLEM reconnaît que dans la région, sans soutien politique approprié, elles
courent un réel risque de marginalisation économique3;
collecter des données et des statistiques en continu au sujet de l’entrepreneuriat des jeunes et
publier des rapports périodiques détaillés, afin qu’il soit facile pour les organisations
internationales de développer des projets dans ce domaine.
17)
Liste des contributeurs4:
Municipalité de Chambon-Feugerolles (France)
Municipalité du Grand Amman (Jordanie)
Municipalité de Zintan (Libye)
Municipalité de Beit Sahour (Palestine)
Municipalité de Hatay (Turquie)
Arc Latin
Medcités
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Rapport de l’ARLEM sur l’émancipation des femmes dans la région méditerranéenne (2017).
Le rapporteur a également rencontré la Commission européenne (Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de
l’inclusion) et la Fondation européenne pour la formation.
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