Etat des lieux et perspectives de la formation professionnelle
au Togo et dans la région des Savanes
Rapport définitif
– Préparé pour Acting for Life –
Fabrice Escot
Septembre 2013
1
Liste des acronymes
Banque Africaine de Développement
Chambre de Commerce et d’Industrie du Togo
Centre d’Enseignement Artisanal et Artistique
Collège d’Enseignement Technique
Centre de Formation aux Métiers Industriels
Centre de Formation Technique et Professionnelle
Centre International de Formation Technique
Centre Régional d’Enseignement Technique et de Formation
Professionnelle
Chambre Régionale des Métiers
Confédération Syndicale des Travailleurs du Togo
Direction des Examens, Concours et Certifications
Direction de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage
Direction de la Statistique, de la Recherche et de la Planification
Enseignement Technique et Formation Professionnelle
Fédération des Travailleurs du Bois et de la Construction du Togo
Fonds National d’Apprentissage et de la Formation Professionnelle
et Privée
Formation professionnelle
Groupement InterProfessionnel des Artisans du Togo
Institut National de Formation et de Perfectionnement
Professionnel
Lycée d’Enseignement Technique et de formation Professionnelle
Ministère de
l’Alphabétisation
Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
Ministère de
Professionnelle
Ministère du Développement à la Base, de l’Artisanat, de la Jeunesse
et de l’Emploi des Jeunes
l’Enseignement Primaire, Secondaire et de
l’Enseignement Technique et de
la Formation
2
BAD
CCIT
CEAA
CET
CFMI
CFTP
CIFT
CRETFP
CRM
CSTT
DECC
DFPA
DSRP
ETFP
FTBCT
FNAFPP
FP
GIPATO
INFPP
LETP
MEPSA
MESR
METFP
MDB
1. Présentation de l’étude
1.1. Rappel du contexte et des objectifs
Acting For Life a missionné Miseli, dans le cadre d’une mission au Togo, de dresser un
tableau général de l’état de la formation professionnelle au Togo, et dans la région des
Savanes en particulier, en vue de donner à voir un panorama de l’existant pour
d’éventuelles actions d’appui.
1.2. Récapitulatif de la méthodologie
La recherche, qui s’est déroulée sur 9 jours (dont 2 week-ends malheureusement) a
surtout été basée sur des entretiens avec des personnes impliquées dans la formation
professionnelle, néanmoins une approche documentaire a été menée en parallèle.
– Entretiens avec les institutions en œuvre dans le domaine de la FP : 9 personnes
ont été rencontrées, au cours de 7 entretiens :
la DFPA (direction de
la Formation professionnelle par
Apprentissage), et son adjoint, au ministère de l’Enseignement technique et de la
Formation professionnelle
Directeur de
Président du Conseil Permanent des Chambres Régionales des Métiers
Assistant du président de la chambre des Métiers de Dapaong
Personne en charge de dossiers relatifs à la formation professionnelle à l’ONG
Responsable de la formation professionnelle à la chambre d’Industrie et du
Rafia à Dapaong
Commerce du Togo
Responsable du centre GIPATO de Lomé
Deux assistants techniques de la GIZ en charge du programme d’appui à la
formation professionnelle
– Entretiens avec les structures de formation professionnelle proprement dits :
des entretiens/visites ont été réalisés dans 7 centres publics et privés :
Visite du CRETFP de Dapaong (structure publique), le directeur étant absent
Entretien avec le centre « la Ferme de Jacques » de Cinkassé (structure privée)
Entretien avec le centre confessionnel de couture de Cinkassé (structure privée)
Les centres publics de formation étant fermés (ou les responsables absents) lors du
passage dans les villes de Dapaong et Kara, nous avons programmé de faire des
entretiens à Kpalimé, ville secondaire du Sud où la GIZ a pu nous fournir tous les
contacts, pour comprendre certaines logiques « provinciales ».
Entretien avec le responsable formation du CRETFP de Kpalimé (structure
Visite du CEAA de Kpalimé (structure publique)
Entretien avec le Centre Diocésain de Formation professionnelle de Kpalimé
Entretien avec le centre AGETO (Association Germano-Togolaise)de Kpalimé
publique)
(structure privée)
(structure privée)
3
b. Documentation utilisée (fournie en annexes) :
Etude sur
la carte de développement des compétences techniques et
professionnelles (METFP – Université de Lomé, janvier 2012 ; transmis par l’Afd
Lomé)
Stratégie de formation technique et professionnelle et perspectives (EDORH T.
Biova ; transmis par l’Afd Lomé)
Charte de partenariat public/privé en matières de développement de
compétences techniques et professionnelles (METFP ; transmis par DFPA/GIZ)
Abstract du programme « Formation professionnelle et Empli des Jeunes » mis en
œuvre par la GIZ (transmis par la GIZ)
Liste des établissements publics et leur contact (transmis par la DFPA)
Programme de formation de la CCIT 2013 (transmis par la CCIT)
Statistiques de la formation duale (transmis par la DFPA)
Statistiques de l’éducation au Togo (transmis par la DFPA)
c. Enfin, quelques recherches sur Internet ont permis d’identifier certaines structures
et notamment quelques centres de formation, et de consulter leur offre (ou leur identité
publique ou privée) pour statuer sur l’état des lieux réel face à quelques imprécisions du
corpus des entretiens.
4
2. Résultats détaillés
2.1. En toile de fond : tableau général, historique et problématiques actuelles de
l’enseignement technique et de la formation professionnelle (ETFP) au Togo
a. Statistiques socio-économiques et de la scolarisation au Togo
Sources : DFPA pour 2010, études fournies par l’Afd
Le Togo comptait en 2010 environ 6,2 millions d’habitants, dont 13% (environ 750 000)
âgés de 15 à 20 ans. La forte croissance démographique amène des projections 2025 où
ces chiffres devraient être augmentés de 50%. Le PIB/hab pour 2010 est égal à la
moyenne des pays ouest-africains (510 USD/an/hab).
Les statistiques internationales placent le Togo parmi les pays aux plus forts taux de
scolarisation dans le supérieur en Afrique de l’Ouest avec le Bénin (et dans une moindre
mesure le Ghana et la Guinée). L’éducation y est néanmoins sélective et souvent peu
suivie : pour 2010-2011, les statistiques des ministères concernés1 indiquaient2 :
– 1,3 millions d’enfants au primaire
– 400 000 au secondaire général 1er cycle (équivalent collège français)
– 156 000 aux cycles suivants, partagés entre :
o 123 000 au secondaire général 2ème cycle (équivalent lycée « généraliste »
français)
o 33 000 dans l’enseignement technique et professionnel
– 60 000 dans le secondaire (dont 55 000 dans les universités publiques : 44 000 à
Lomé et 11 000 à Kara, université fondée en 2003)
On note une très forte progression de ces effectifs par rapport à 2000-2001 ; en dix ans3,
si la formation dans le privé semble stable, c’est la scolarisation dans les écoles
publiques (et notamment, note le rapport, dans les écoles d’initiative locale) qui a très
fortement augmenté. La population du secondaire « généraliste » a quasiment triplé,
celle de l’enseignement technique et professionnel a quasiment doublé.
Nous verrons plus loin que cet agrégat global doit être pondéré selon la région, le sexe et
vraisemblablement la classe sociale et qu’il existe des inégalités manifestes dans l’accès
à des formations qualifiantes/diplômantes. De plus, face à cet afflux croissant, l’offre de
formation togolaise ne s’est pas réellement modernisée ni actualisée au cours des
dernières décennies. La structure (ou infrastructure) existe, et depuis apparemment
longtemps, mais elle semble aujourd’hui peu harmonisée voire très disparate et souvent
marquée par des limites d’efficience fortes, notamment en termes d’insertion post-
formation.
Néanmoins, il semble que, soutenue par le retour de bailleurs qui s’étaient retirés du
Togo depuis dix ans, cette (infra)structure puisse être, dans les années à venir, engagée
1 MEPSA pour l’enseignement primaire et secondaire, METFP pour l’enseignement technique et la
formation professionnelle, et MESR pour l’enseignement supérieur et la recherche
2 Nous avons arrondi les effectifs pour une meilleure lisibilité
3 Même en tenant compte d’éventuelles questions de qualité des recensements, les données montrent une
réelle progression
5
dans un processus d’harmonisation d’une part, de modernisation d’autre part, pour
mieux correspondre aux critères de l’insertion. Mais ceci, surtout dans le Sud du pays, le
Nord et la région des Savanes demeurant en effet le « parent pauvre » de la politique
nationale.
b. La politique nationale d’ETFP
Comme dans d’autres pays de la sous-région, l’enseignement technique et la formation
professionnelle sont perçus comme un levier de la lutte contre le chômage et
notamment des jeunes, et un dispositif nécessaire pour développer l’industrie. La
création de l’ANPE va dans ce sens, pour autant elle n’existe encore qu’à Lomé. Le
Programme de Volontariat National (PROVONAT) financé par la Banque mondiale, vise à
permettre à des jeunes de vivre une première expérience professionnelle. Le Togo a par
ailleurs lancé une politique de grands travaux qui favorise l’émergence de certains
métiers du BTP (maçonnerie et génie-civil en particulier), mais celui-ci a surtout mis au
jour la pénurie de main-d’œuvre qualifiée.
« On voit actuellement plein de main-d’œuvre qualifiée que le Togo ne peut pas
fournir, les entreprises vont chercher au Ghana ou au Nigéria, comme pour les
grands travaux, le port » (AssTech GIZ)
Le Togo ne s’est toujours pas doté d’un cadre fixant les termes formels de la formation
professionnelle. Le ministère concerné travaille sur la base d’un rapport d’Etat sur le
secteur éducatif national, avec des statistiques fournies par la DSRP (direction nationale
de la Statistique, de la Recherche et de la Planification), et d’un plan sectoriel de
l’éducation.4 Mais la règlementation demeure floue, ce qui explique (et a autorisé) la
complexité de l’offre publique et ses fortes disparités internes. Les études menées
pointent que, vingt ans après la mise en œuvre du programme de restructuration de
l’ETFT, « force est de constater que les formations proposées par l’ETFP se révèlent
toujours inadaptées aux réalités technologiques et aux besoins du marché de l’emploi, et ne
couvrent pas l’ensemble des domaines de compétences dans lesquels les entreprises
recherchent des ressources humaines ». Dans cette perspective, l’Etat s’est engagé à
fortement développer les filières de l’ETFP.5
L’Etat vise toujours à date à dégager les termes pour élaborer une stratégie harmonisée
et cohérente de formation technique et professionnelle.6
« Il n’y a pas au Togo de document comme il en existe au Mali » (dir. DFPA)
4 Etude sur la carte de développement des compétences techniques et professionnelles
5 « A cet effet, l’Etat s’engage : à offrir à l’horizon 2020 une formation professionnelle à 33 % des sortants en
fin de cycle primaire et de premier cycle du secondaire ; et porter le nombre d’apprenants professionnels à 45
000 d’ici 2020. »
6 « Conscient des défis à relever, le Gouvernement togolais a élaboré et adopté un Plan d’Action National de
l’Education Pour Tous (PANEPT), découlant de plusieurs travaux de diagnostic du système éducatif national
réalisé par l’Etat togolais et des organismes internationaux. Néanmoins, il a été constaté que le PANEPT : ne
prend pas en compte tous les aspects du secteur de l’éducation, ne fait pas référence aux contraintes
financières, n’établit pas de priorités claires entre les objectifs, et ne fait pas de lien avec le marché de
l’emploi. Face à ce constat, les autorités togolaises ont senti la nécessité d’élaborer une politique et une
stratégie sectorielle globale pour refléter une vision unitaire et cohérente de l’éducation au Togo. »
6
En 2011, une Charte de partenariat public/privé en matière de développement de
compétences techniques et professionnelles7 a été signée par l’Etat d’une part, les
organismes consulaires et le patronat d’autre part. Ce document, globalement assez
générique et parfois vague, prévoit pour autant l’élaboration des « référentiels métiers »,
des « référentiels de la formation », ainsi que des « référentiels de la qualification et de
certification (l’architecture des certificats/qualifications/diplômes en référence à la
structuration des compétences dans les différents corps de métiers et les modalités de
validation des compétences et acquis professionnels – le cadre national de certification »
(p. 7). La charte prévoit également des mesures visant à « faciliter l’insertion
professionnelle et l’installation des formés » (p.8). Pour autant, elle n’a jamais été
appliquée.
Les référentiels métiers/curriculae décrivent environ 100 métiers (dont 53 sont
recensés par la formation duale, cf. infra), mais ils ne semblent pas avoir été réactualisés
(ou peu) récemment, et doivent être revus, avec notamment une harmonisation entre les
structures de formation et les entreprises. La GIZ (en partenariat avec des institutions
suisses, potentiellement SwissContact, mais non vérifié) a réactualisé quelques
référentiels, avec un coût de 70 000 francs suisses (soit env. 57 000 €) par métier.
c. Les institutions et structures faîtières de l’ETFP au Togo
La formation professionnelle relève directement du ministère de l’Enseignement
technique et de la Formation professionnelle (METFP). On notera qu’à la différence
d’autres pays de la sous-région, la formation professionnelle et l’enseignement
technique relèvent d’un même ministère8. La DFPA, direction de la Formation
professionnelle par Apprentissage, relève du METFP.
Le ministère du Développement à la Base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi
des Jeunes intervient indirectement ; s’il n’a pas de rôle dans la formation, il développe
en revanche des programmes liés à l’insertion (appui/accompagnement). Il est
également intéressant de constater que l’Artisanat est articulé avec ces thématiques
d’insertion.9
d. Le rôle politique des organisations professionnelles au Togo est très important
du fait de leur très forte structuration et de leur proximité au patronat
Les artisans togolais étaient depuis apparemment longtemps regroupés en CCM (conseil
consultatif des métiers), qui regroupaient aussi bien les organisations professionnelles,
les syndicats10, les associations et les groupements. Ces diverses structures se sont
7 Présentée en annexe
8 Alors qu’au Mali, au Sénégal ou au Burkina par exemple, la formation professionnelle relève du ministère
de l’Emploi et/ou de la Jeunesse
9 Au Mali par exemple, y compris à l’heure d’une réflexion sur l’artisanat, celui-ci est toujours une
direction du ministère de l’Artisanat et du Tourisme, ce qui montre bien l’acception limitative qui peut
être faite du premier terme.
10 Les deux syndicats les plus importants et en tout cas les plus influents semblent être la Confédération
Syndicale des Travailleurs du Togo (CSTT), et la Fédération des Travailleurs du Bois et de la Construction
du Togo (FTBCT)
7
regroupées en corporation, par corps de métier, comprenant les 6 secteurs les plus
importants (dont l’agroalimentaire, le textile, le BTP, le bois) avec un élargissement aux
« petites » corporations.
En 2002, le secteur lui-même (dixit le CPCM) ou l’Etat (dixit le ministère) a engagé un
processus de représentation des corporations à travers la création d’un système de
chambres régionales de Métiers (CRM).
« Avec la multitude des syndicats, l’Etat a mis en place les CM pour avoir un
interlocuteur unique. » (DFPA)
La structure des CM est très décentralisée et hiérarchisée et organisée. Chaque région
dispose d’une chambre régionale de Métiers (CRM), mais aussi de chambres
préfectorales et cantonales, dont les membres sont des représentants élus des
corporations. Les délégués des CRM constituent le Conseil Permanent des Chambres
Régionales de Métiers, qui compte 262 membres : 37 pour Lomé et 45 pour chacune des
5 régions, ce qui traduit la forte décentralisation du système.
Le CPCRM est reconnu comme un établissement public à caractère professionnel, qui
dispose d’une autonomie financière et dont le rôle est de représenter et le cas échéant
de défendre les intérêts des artisans auprès de l’Etat et des bailleurs notamment. Le
bureau du Conseil Permanent se compose d’un président, un vice-président, un trésorier
et deux rapporteurs. Ce phénomène de structuration et d’intégration semble toujours en
œuvre, avec le projet à court terme de créer une Union des Chambres de Métiers, sous
l’inflexion de l’Etat.
De fait, le système des CM semble constituer un corps assez puissant politiquement, avec
lequel il « faut compter » en termes de politique nationale, et qui de fait intervient
indirectement dans la formation professionnelle en tant qu’interface entre la DECC et les
acteurs privé. La direction des Examens, Concours et Certifications (DECC) a pour
fonction d’harmoniser les examens de la FP au niveau national, en collaboration avec les
représentations et organisations professionnelles. Elle envoie les propositions de sujets
pour tous les examens de tous les métiers confondus au CPCRM, qui transfère/transmet
à chaque corporation pour validation, et désignation des « correcteurs ».
« La DECC nous sollicite pour la liste des enseignants correcteurs. Les présidents
de jury sont des fonctionnaires d’Etat. » (Dir. CM Togo)
La DECC a notamment la charge d’organiser les examens des structures privées (pour le
CFA), à la place et suite semble-t-il à des dérives des syndicats (ceux-ci monnayant
l’attribution des certificats). L’examen du CFA semble avoir été perturbé et avoir repris
en 2006.
« Il y a eu trop d’abus de la part des syndicats, l’Etat a repris les choses en main
pour arrêter le massacre. Pour que l’apprenti passe l’examen, on lui demandait
150 000 voire 200 000 francs pour sa libération. Ça conduisait pas mal de
jeunes filles à la prostitution. » (DFPA)
A noter que pour la région des Savanes, la plus éloignée et excentrée, c’est le CRETFP de
Dapaong qui sert de structure de relais (et de centre d’examen) entre la DECC et les
organisations.
8