En vue de l’obtention du
DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE
Délivré par l’Université Toulouse 3 – Paul Sabatier
THÈSE
Présentée et soutenue par
Jérémie FAGES
Le 17 avril 2020
JMJD6 participe au maintien de l’intégrité de l’ADN ribosomique
en réponse au dommage à l’ADN
Ecole doctorale : BSB – Biologie, Santé, Biotechnologies
Spécialité : BIOLOGIE CELLULAIRE
Unité de recherche :
LBCMCP – Laboratoire de Biologie Cellulaire et Moléculaire du Contrôle de la
Prolifération
Thèse dirigée par
Yvan CANITROT
Jury
Mme Erika BRUNET, Rapporteure
Mme Sarah LAMBERT, Rapporteure
M. Eric JULIEN, Rapporteur
M. Pierre-Emmanuel Gleizes, Examinateur
M. Yvan CANITROT, Directeur de thèse
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Sommaire
1. Rayonnement ionisant…………………………………………p9
2. Autres stress environnementaux…………………………p10
1. Espèces réactives de l’oxygène………………………………… p7
2. Erreurs de réplication…………………………………………… … p8
3. Dommages provoqués par la transcription…………………..p9
i.Type de dommage à l’ADN………………………………………………… p6
ii. Origines endogènes…………………………………………………………. p7
iii. Origines exogènes…………………………………………………………….p9
1. Introduction……………………………………………………………………………………………….. p6
I. Dommages à l’ADN…………………………………………………………………………………… p6
a. Origine et type de dommage à l’ADN………………………………………………p6
b. Réponse aux dommages à l’ADN…………………………………………………p12
c. Mécanisme de réparation des Cassures d’ADN double-brin………………p15
i. Jonctions des extrémités non homologues (NHEJ)……………..….p15
ii. NHEJ alternative……………………………………………………………….p16
iii. Recombinaison homologue (HR)…………………………………….p16
iv. Single strand annealing (SSA)…………………………………………p17
II. ADN ribosomique (ADNr)…………………………………………………………………..p18
a. Le nucleoli……………………………………………………………………………..p18
b. L’unité de l’ADNr………………………………………………………………………p20
c. Dommage à l’ADNr……………………………………………………………………….p21
i. Voie dépendante de la DNA-PK……………………………………………p12
ii. Voie dépendante d’ATM…………………………………………………..p13
iii. Voie dépendante d’ATR……………………………………………………..p15
i. Instabilité génétique de l’ADNr……………………………………………p21
ii. Arrêt de la transcription…………………………………………………..p22
iii. Formation des « nucleolar caps » ………………………………….p24
III. La chromatine…………………………………………………………………………………p27
a. Définition………………………………………………………………………….p27
b. Chromatine de l’ADNr………………………………………………………….p28
c. Contrôle épigénétique de la réponse au dommage à l’ADN………..p29
i. Relaxation de la chromatine………………………………………………p29
ii. Plateforme de recrutement………………………………………………p30
iii. Méthylation des histones……………………………………………p31
IV. Histone déméthylases………………………………………………………………….p32
a. La famille des histones déméthylases………………………………….p32
i. Amine oxydases dépendante du FAD…………………………….p32
ii. Oxygénases dépendante du 2-oxoglutarate……………………..p33
iii. Histone déméthylase et réparation de l’ADN……………………..p36
b. JMJD6………………………………………………………………………………………..p37
i. Découverte……………………………………………………………………..p37
ii. Activités enzymatiques………………………………………………..p38
iii. Fonctions…………………………………………………………………….p40
1. Régulation transcriptionnelle et post-
transcriptionnelle……………………………………………..p40
2. Réponse aux dommages à l’ADN………………………….p41
iv. Cancer………………………………………………………………………….p42
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2. Résultats……………………………………………………………………………….……….p43
I. Introduction………………………………………..………………………………p43
II. Résultat……………………………………………………………………………p44
III. Manuscrit de l’article……………………………………….……………p44
IV. Résultats supplémentaires…………………………………..…………p88
3. Discussions et perspectives………………………………………..……p92
I. Réponse aux dommages dans le nucléole…………………………..p92
a. Contrôle de la transcription de l’ADN ribosomique en réponse aux
dommages……………………………………..………………………….p93
b. Formation des « nucleolar caps »…………………………..……p94
II. Rôle de JMJD6 dans la SDA nucléoplasmique………………….……..p96
III. Activité enzymatique de JMJD6………………………………………..p97
a. JMJD6 et l’activité tyrosine kinase………………………p97
b. L’hydroxylation par JMJD6, une nouvelle PTM ?…p98
IV. JMJD6 et pathologies………………………………………………..p99
4. Conclusion générale……………………………………………….p100
5. Bibliographie……………………………………………………….p101
6. Annexe………………………………………………………………..p116
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Résumé
L’ADN est continuellement endommagé par des agents exogènes et endogènes générant
des dommages à l’ADN. Un défaut dans la prise en charge de ces dommages peut générer
des mutations à l’origine de pathologies telle que le cancer. Afin de maintenir l’intégrité
du génome, les cellules ont mis en place des mécanismes de réparation qui se déroulent
dans un contexte chromatinien. Celui-ci est façonné par de nombreuses modifications
post-traductionnelles des histones qui sont régulées en réponse aux dommages à l’ADN
pour permettre une réparation efficace. Parmi ces modifications, la méthylation des
histones joue un rôle majeur. C’est une modification réversible et dynamique gérée par
les histones méthyltransferases et les histones déméthylases. A l’aide d’un crible, nous
avons identifié l’histone déméthylase JMJD6 dont la déplétion altère la réponse aux
dommages à l’ADN et la survie cellulaire après irradiation. Nous observons que JMJD6
est spécifiquement et rapidement recruté dans le nucléole lorsque les dommages sont
produits dans cette structure. De plus, JMJD6 influence la relocalisation de l’ADN
ribosomique en réponse aux dommages dans une structure nouvellement formée en
périphérie du nucléole, le nucleolar cap, sans affecter l’arrêt de transcription de l’ADNr.
La délocalisation dans les nucleolar caps serait impliquée dans la gestion de la
réparation des dommages afin d’éviter les réarrangements recombinogènes nuisible
pour la cellule. Or, la suppression de l’expression de JMJD6 cause davantage d’instabilité
génétique de l’ADNr par perte ou réarrangement des unités de l’ADNr. Afin de
comprendre les mécanismes sous-jacents au rôle de JMJD6 dans la réparation de l’ADNr,
nous avons créé des lignées cellulaires génétiquement modifiées exprimant une forme
étiquetée de JMJD6. Ces dernières nous ont permis d’identifier par des approches
protéomiques les partenaires de JMJD6 en absence et en réponse aux dommages. Parmi
ceux-ci, la protéine nucléolaire Treacle qui est impliquée dans le recrutement de NBS1,
un acteur bien connu de la réponse aux dommages à l’ADN, dans le nucléole en réponse
aux dommages. L’ensemble de mes travaux montre un découplage entre l’arrêt de
transcription de l’ADNr et la formation du nucleolar cap suggérant l’existence
d’évènements les liant auxquels JMJD6 pourrait être impliqué et ainsi favoriser le
maintien de la région de l’ADNr.
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Abstract
DNA is continuously damaged by exogenous and endogenous agents producing DNA
damages. A defect in the management of this damage can lead to mutations that cause
pathologies such as cancer. In order to maintain the integrity of the genome, the cells
have evolved repair mechanisms that take place in a chromatinian context. It is shaped
by numerous post-translational histone modifications that are regulated in response to
DNA damage to allow effective repair. Among these modifications, histone methylation
plays a major role in DNA repair. It is a reversible and dynamic modification managed by
methyltransferase histones and demethylase histones. Using a screen, we identified
histone demethylase JMJD6 whose depletion alters DNA damage response and cell
survival after irradiation. We observe that JMJD6 is specifically and rapidly recruited
into the nucleolus upon damage induced in this structure. In addition, JMJD6 influences
the relocation of ribosomal DNA in response to damage in a newly formed structure at
the periphery of the nucleolus, the nucleolar cap, without affecting the transcription
inhibition of rDNA. Relocation in nucleolar caps would be involved in the management
of damage repair to avoid harmful recombinogenic rearrangements for the cell
(translocation and chromosomal rearrangement). Relevantly, JMJD6 depletion causes
more genetic instability of rDNA by loss or rearrangement of rDNA units. In order to
understand the mechanisms underlying the role of JMJD6 in rDNA repair, we have
created genetically modified cell lines expressing a tagged version of JMJD6. These have
allowed us to identify JMJD6 partners through proteomic approaches in absence and in
response to the damage. Among these, the nucleolar protein Treacle which is involved in
the recruitment of NBS1, a well-known actor in the response to DNA damage, into the
nucleolus in response to damage. All my work shows a decoupling between the
inhibition of rDNA transcription and the formation of nucleolar cap suggesting the
existence of signaling mechanism in which JMJD6 could be involved and thus promote
the maintenance of the rDNA region.
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1. Introduction
Un organisme humain est constitué de dizaines de milliers de milliards de cellules qui
sont les unités structurelles et fondamentales du vivant. L’expression de leur génome
contrôlé dans l’espace et le temps définit leur type cellulaire et leurs fonctions associées.
Cette chorégraphie est indispensable pour le développement et le fonctionnement d’un
organisme et elle est régulée à la fois par leur génome (identique à toutes les cellules de
l’organisme) et par leur épigénome (l’état de toutes les modifications épigénétiques du
génome qui diffère selon le type cellulaire). Cependant, Les cellules de l’organisme
subissent de perpétuelles agressions qui endommagent irréversiblement ou non leur
ADN.
I.
Dommages à l’ADN
a. Origine et type de dommage à l’ADN
i. Type de dommage à l’ADN
L’ADN subit de multiples types de dommages qui lorsqu’ils sont mal pris en charge
peuvent induire de l’instabilité génétique et ainsi augmenter l’incidence d’apparition de
pathologies telle que le cancer. Parmi ces dommages, on retrouve des modifications de
bases (8-oxoguanine), des sites abasiques, des mésappariements (A-G, C-T), des
insertions/délétions, des adduits encombrants gênant transcription et réplication, des
cassures simple-brin, des cassures d’ADN double-brin (CDB). La réparation de ces
différentes altérations est gérée par des mécanismes de réparation spécifiques à chaque
catégorie de dommage (Figure 1). Dans certains cas, en réponse au dommage, un
mécanisme de tolérance s’ajoute, il s’agit de la synthèse translésionnelle. Par exemple,
les dimères de thymidine induits par la lumière ultraviolette qui bloquent les ADN
polymérases conventionnelles sont franchis sans erreurs par l’ADN polymérase
spécialisée η (êta). Celle-ci incorpore 2 adénines sur le brin naissant en face du dimère
et ainsi ne causant pas de mutation, mais la lésion perdure sur le brin copié. Cependant
toutes les lésions ne sont pas tolérables, surtout les CDB qui sont les plus nocives pour la
survie cellulaire. L’origine des lésions est multiple et elles peuvent être induites par des
agents d’origines exogènes ou endogènes (intra et extra cellulaires).
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Figure 1 : Les origines des différents types de dommages à l’ADN et leurs
mécanismes de réparation
Ce schéma synthétise l’ensemble des différents types de dommages pouvant
affecter l’ADN, leurs causes potentielles et les mécanismes de réparation les
prenant en charge. Adapté de (Dexheimer, 2013)
ii. Origines endogènes
1. Espèces réactives de l’oxygène
Les espèces réactives de l’oxygènes (ERO) sont une source non négligeable de dommage
à l’ADN et probablement la source dominante de dommages endogènes. Les ERO sont
issues de la réduction de l’oxygène et surviennent principalement au cours du
métabolisme mitochondrial lors de la phosphorylation oxydative. Les ERO sont des
espèces chimiques oxygénées comme des ions (Anion superoxyde O2−) ou des radicaux
libres (Radical hydroxyle HO•) qui sont hautement réactifs. Une fois produite, les ERO
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