Assises du Maintien à Domicile – 14 – 17 juin 2000 –
Prise en charge et modes de financements
Des facilités et des difficultés d’aide à domicile
DES FACILITES ET DES DIFFICULTES D’AIDE A DOMICILE
Marie-Odile COTTIN
Directrice
Association ASSAD du Pays de Rennes
En 1954, les premiers services d’aide ménagère en faveur des personnes âgées sont créés.
Depuis les années 1960, la politique du maintien à leur domicile des personnes âgées est
affirmée Nous pouvons nous référer au rapport LAROQUE (années 1962-1965), au
programme finalisé du 6ème plan des années 1970, au programme d’action prioritaire du 7ème
plan (fin des années 1970), à la circulaire du 7 avril 1982 de Monsieur J. FRANCESCHI qui
présente, de façon nouvelle, les résultats à atteindre en matière de maintien à domicile.
Quarante ans après la création des premiers services de maintien à domicile l’offre s’est
diversifiée et les premiers services d’aide ménagère sont devenus des services d’aide à
domicile (au sens large du terme) polyvalents qui ont pour objectif de permettre une réponse
globale aux besoins des personnes âgées, handicapées ou malades à leur domicile.
Ces services sont tantôt gérés par des C.C.A.S., tantôt par des associations ou autres
organismes de l’Economie Sociale (Mutuelles) voire, aujourd’hui, par des entreprises à but
lucratif. De taille importante (sur tout un département) ou implantés sur une petite commune
rurale, ils ont en commun la volonté de répondre au choix de la personne qui a besoin d’une
aide de pouvoir rester à son domicile.
Ce besoin d’aide est multiple : médical, social, psychologique, relationnel. Il requiert des
compétences variées, coordonnées entre elles, des réponses différenciées et adaptées.
On peut penser que les réponses ne sont pas toujours faciles à apporter, à organiser. Quels
sont aujourd’hui les atouts du maintien à domicile ? Quelles en sont les principales
difficultés ? Nous vous en présentons ci-après les illustrations les plus marquantes.
Nous allons, bien entendu, commencer par les atouts.
(cid:190) Citons d’abord cette chance extraordinaire de nos services de répondre à une volonté
souvent très forte des personnes aidées, de contribuer à ce défi de rester chez soi, en
surmontant des difficultés parfois importantes. (financières, adaptation de l’habitat, recours à
des professionnels de façon importante…). La personne aidée reçoit chez elle, dans son
intimité. Elle accueille l’intervenant extérieur et est donc, de fait, acteur, décideur de l’aide.
Elle peut la refuser, la modifier, elle peut, si cela est son choix, prendre des risques. Elle est
soucieuse du maintien de son autonomie. c’est à dire comme le souligne Bernard ENNUYER,
le droit de choisir elle-même les règles de sa conduite, l’orientation de ses actes et les risques
qu’elle est prête à courir…
(cid:190) Les services d’aide à domicile favorisent le maintien de la personne aidée dans son
réseau de voisinage et sont donc de formidables vecteurs de lien social. Très souvent,
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l’aide professionnelle n’est pas suffisante en soi. Le maintien à leur domicile des personnes
les plus dépendantes requiert la présence d’aidants familiaux ou de voisinage. Il est faux de
penser que l’entr’aide, la solidarité de voisinage n’existe plus. Nous pourrions apporter ici de
nombreux témoignages de cette aide informelle. Celle-ci a d’ailleurs été démontrée dans le
bilan qui a été fait, lors de l’évaluation de la P.E.D. (Prestation Expérimentale Dépendance
dans le département d’Ille et Vilaine).
(cid:190) Les services d’aide à domicile sont des lieux privilégiés de mise en réseaux des
différents acteurs. Ils établissent des ponts, favorisent le travail avec les autres, initient des
rapprochements, fondent des collaborations, fédèrent, coordonnent, créent des synergies. En
cela, ils sont acteurs de constructions collectives. (exemple : Coordinations gérontologiques,
Conventions entre services à domicile, conventions avec des C.C.A.S.).
(cid:190) Pour les professionnels de l’aide à domicile (infirmières, aides-soignantes, aides à
domicile), l’exercice au domicile de la personne aidée, du patient, est très valorisant. Peu
d’entre elles envisagent de travailler dans des institutions fermées, si ce n’est pour des raisons
financières que nous allons présenter plus loin. Travailler à domicile favorise les échanges,
non seulement avec la personne aidée, mais aussi avec sa famille, les voisins, les autres
intervenants (médecins, autres professionnels du maintien à domicile). Une grande liberté est
laissée à ces professionnels qui travaillent seuls, au domicile de la personne aidée. L’aspect
relationnel de la prestation de service est primordial. Il revêt au moins autant d’importance
que l’acte technique.
(cid:190)Les services d’aide à domicile ont, pour les pouvoirs publics et les financeurs un atout
majeur : leur souplesse d’intervention, leur offre souvent globale, leur étonnante
capacité à s’adapter à de nouvelles situations. Les services, souvent polyvalents, (soins,
habitat, repas, transport, loisirs, se sont pour la plupart d’entre eux, dotés de moyens leur
permettant d’intervenir dans des délais courts (quelques heures), quelles que soient les heures
d’intervention et la prestation sollicitée. Les sociétés d’assistance l’ont compris. Leurs
sollicitations sont aujourd’hui très importantes.
(cid:190) Les services d’aide à domicile, tout en assurant cette permanence des interventions,
interviennent à des tarifs défiant toute concurrence. J’en apporte ici quelques exemples :
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l’intervention d’un centre de soins, en accompagnement de personnes en fin de vie
(cancéreux, sidéens…) coûtera à la sécurité sociale, en moyenne : 200 F par jour,
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le service de soins infirmiers qui prend en charge les soins réalisés par l’infirmière, l’aide-
soignante, la pédicure, est pris en charge sur la base d’un forfait journalier maximum de
208,74 F.
l’aide «ménagère », que nous appelons aujourd’hui «l’aide à domicile » qui apporte une
aide matérielle et morale aux personnes âgées dépendantes, aux malades, aux personnes
handicapées est financée sur la base de tarifs qui varient entre 78,20 et 88 F de l’heure
selon que la prestation bénéficie d’exonérations de charges ou non.
(cid:190) Enfin, les services d’aide à domicile ont un rôle économique important en tant que
contributeurs à la création d’emplois. Ces emplois ne doivent évidemment pas être
précaires mais de véritables emplois doivent être proposés. Cela est possible lorsque des
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partenariats sont établis, dans le cadre de contrats d’objectifs, avec les Conseils généraux, les
différentes administrations. Nous pouvons prendre comme un exemple parmi de nombreux
autres la professionnalisation des aides à domicile en Bretagne, rendue possible grâce à un
rapprochement des Fédérations Régionales de l’Aide à Domicile (URADMR, URASSAD,
UNCASS, COORACE avec les Pouvoirs Publics : Etat, Conseil Régional, Conseils
Généraux). La création d’un Comité Régional de Promotion du CAFAD a permis le
financement de cette formation et, demain, de formations en cours d’emploi pendant plusieurs
années.
Mais, les services d’aide à domicile se caractérisent surtout par leur capacité à maintenir une
action de qualité dans un contexte ultra complexe, de plus en plus complexe, souvent
incompréhensible pour les personnes aidées.
Les principales difficultés auxquelles sont confrontés nos services résident dans
(cid:190)le manque de lisibilité de l’offre de service. Comment différencier les services prestataires
des services mandataires, le titre emploi service du chèque emploi service, les associations
intermédiaires des associations d’emplois familiaux ? Les prestations des uns et des autres
sont pourtant très différentes. Le client ne sait plus à qui s’adresser.
(cid:190)Solvabilisation des personnes :
– Concernant les personnes âgées : L’instauration de la P.S.D. représente une
injustice sociale. Elle est appliquée différemment selon les départements. Elle relève d’une
prestation d’aide sociale accessible seulement aux plus démunis et aux plus dépendants.
Nous reprenons ici les propos du livre blanc :
« Il est inacceptable qu’une personne qui a été toute sa vie assurée sociale ne bénéficie pas à
la fin de celle-ci, d’une protection sociale en ce qui concerne son handicap. Cette
déconsidération en raison de son âge met en cause la dignité de la personne ».
et ceux de Madame MARTEL, Présidente de l’UNASSAD lors de son allocution de clôture
au congrès de Toulouse en 1999 :
« L’UNASSAD persiste dans sa revendication de voir s’instaurer une loi instituant une
prestation autonomie adoptée à tous les âges, et à chacun des âges de la vie…. Par la mise en
place de la P.S.D., nos professionnels appelés à aider les personnes âgées et handicapées ont
assisté, la mort dans l’âme, à l’implacable dégradation d’un sysgème qui, s’il n’était pas
satisfaisant, apportait de meilleures solutions ».
– Concernant la garde des enfants : Il conviendrait de se pencher sur les problèmes
de gardes atypiques, avant et après l’accueil à l’école, l’ouverture et la fermeture des crèches.
– Concernant l’accompagnement des malades, des personnes lourdement
handicapées : la solvabilisation insuffisante de ces personnes ne permet pas de répondre aux
besoins et attentes de celles-ci. Les services d’hospitalisation à domicile sont trop rares. Sur
Rennes, nous n’en avons pas malgré des sollicitations depuis plusieurs années. Il est demandé
à nos services d’aide et de soins à domicile d’intervenir pour pallier ces manques, avec les
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mêmes résultats que des services qui sont financés sur des bases minimum d’environ 500
F/jour.
– Le titre emploi service est un bon moyen de solvabilisation des personnes. Il est
cependant peu développé à ce jour et principalement par les comités d’entreprises pour
des prestations dites de «service » (ménage, repassage, petits travaux).
(cid:190) L’inadaptation des financements – enveloppes fermées –
Outre la P.S.D., limitée aux personnes âgées les plus dépendantes (GIR 1 à 3), les
financements des caisses de retraite sont totalement dépassés, incohérents, injustes. Ainsi, un
retraité du régime général bénéficiera d’aides beaucoup importantes que celui du régime
agricole ou des commerçants et artisans.
Concernant les CRAM, les aides sont accordées aux organismes dans le cadre d’enveloppes
fermées. Celles-ci ont d’ailleurs tendance à diminuer alors que les besoins augmentent du fait
d’un développement de la politique du maintien à domicile et du vieillissement de la
population.
Chaque organisme financeur de «l’aide ménagère » applique ses propres règles de
financement. A l’heure où la coordination est de règle, il est surprenant que les différentes
institutions de retraite n’aient pas encore montré l’exemple.
Le financement «à l’heure », selon des critères mal adaptés, ne permet pas de répondre aux
besoins des personnes qui nécessitent des interventions souples, modulables, parfois courtes.
Le principe du financement des services de soins infirmiers, qui interviennent dans le cadre
d’un financement global, selon des critères définis par le service après évaluation au domicile
de la personne et concertation avec le médecin me semble mieux adapté.
Enfin, tous les services «d’aide ménagère » sont financés sur les mêmes bases alors que les
prix de revient sont différents selon les prestations offertes, le statut juridique du service, le
secteur d’intervention, la convention collective appliquée…. Là encore, l’exemple des
services de soins me paraît mieux répondre aux exigences des services (tarifs différenciés
après examen des budgets par les organismes de contrôle).
(cid:190) Les moyens financiers insuffisants :
Outre l’inadaptation des financements, ceux-ci sont nettement insuffisants. Les services
d’aide à domicile, et plus particulièrement les services «d’aide ménagère » doivent faire face à
des besoins qui ont beaucoup évolué : accompagnement de la grande dépendance, de la
dépendance psychique, des grands malades. Des évaluations au domicile des demandeurs de
services sont les seules garantes de l’adaptation de l’offre de service. L’encadrement des
intervenants est primordial afin de garantir la qualité du service et la stabilité de l’emploi. Or,
ces moyens ne nous sont pas donnés aujourd’hui. La norme consiste à prévoir une responsable
de secteur pour 25 000 heures d’intervention soit, en moyenne un personnel d’encadrement
pour 25 intervenants et 100 personnes aidées !…
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Prise en charge et modes de financements
Des facilités et des difficultés d’aide à domicile
Concernant l’aide aux aidants familiaux, celle-ci relève de l’exploit et d’une recherche de
financement sans cesse renouvelée. Citons ici l’expérience rennaise. Un groupe informel,
composé de bénévoles et de professionnels de l’aide à domicile, organise régulièrement des
conférences et a mis en place des temps de parole et d’écoute animés par les bénévoles
formés.
(cid:190) Manque de reconnaissance du métier d’aide à domicile (formation)
Pour les intervenants des services d’aide à domicile, la principale difficulté réside dans la non
reconnaissance de leur métier. Pourquoi sont-elles si mal rétribuées ? Comment peut-on
justifier que ces salariées soient bloquées au niveau du SMIC pendant 7 ans ? Pourquoi le
taux de participation de la prestation aide ménagère ne comporte pas la prise en charge des
déplacements d’un domicile à un autre ? Pourquoi le financement des services ne comprend-il
pas la juste rémunération des niveaux de formation ? Pourquoi la professionnalisation n’est-
elle pas reconnue et prise en compte ? Malgré tout l’intérêt de ces professionnelles pour leur
métier, on peut comprendre, dans ces conditions, qu’elles quittent nos services pour travailler
soit dans des établissements, soit dans des métiers plus rémunérateurs et moins contraignants.
(cid:190) Gestion des risques :
Nous l’avons dit plus haut, un des atouts du maintien à domicile est la possibilité, pour la
personne aidée, de gérer sa prise de risque. On peut concevoir cependant, que cette situation
d’insécurité, calculée et choisie, soit difficilement acceptable pour les professionnelles qui
accompagnent la personne au quotidien. D’où l’importance de la formation, de l’encadrement,
de lieux et de temps de parole.
(cid:190) Se positionner comme professionnelle
Il est parfois difficile pour l’aide à domicile de se comporter en professionnelle en laissant
leur place aux aidants familiaux. Le travail en équipe est de ce fait primordial dans le maintien
à domicile afin d’aider les intervenantes à se positionner dans chaque relation.
(cid:190) La solitude de l’aidant professionnel :
Enfin, il convient, avant de terminer cette longue liste de difficultés du service à domicile de
mettre l’accent sur la solitude de l’intervenante. Elle exerce son métier seule face à la
personne aidée, seule devant les situations difficiles, seule face à la demande des familles. Là
encore nous percevons bien la nécessite de recourir à de véritables professionnelles, formées,
encadrées.
Je terminerai en reprenant à nouveau les propos de Madame MARTEL au congrès de
l’UNASSAD à Toulouse :
« Pourquoi sommes-nous si mal traités ? Parce que les tâches accomplies sont de nature
modeste, mais en apparence seulement, car notre métier est fait d’un peu de technicité et de
beaucoup de relationnel et que le relationnel, c’est d’une rareté extraordinaire. Est-ce parce
qu’il s’exerce auprès de personnes qui ne répondent pas aux critères de dynamisme, de
jeunesse et de succès ? Est-ce parce qu’il s’agit tout bêtement d’un métier de femmes ?
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