informAtions juridiques
Clause de dédit-formation
Si l’employeur peut exiger le remboursement des frais de formation enga-
gés, il ne peut pas prétendre au remboursement de la rémunération main-
tenue au salarié durant la période de formation
(Cass. soc., 23 oct. 2013, n° 11-16.032)
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Dans un arrêt du 23 octobre 2013,
la Cour de cassation considère
que, si au titre de la clause de
dédit-formation, l’employeur peut exiger
le remboursement des frais de forma-
tion engagés, il ne peut pas prétendre
au remboursement de la rémunération
maintenue au salarié pendant la période
de formation. En effet, la Cour précise
que la clause de dédit-formation, qui pré-
voit qu’en cas de départ prématuré, le
salarié devra rembourser les rémunéra-
tions qu’il a perçues durant sa formation,
est nulle.
Dès lors que le maintien de salaire
durant le stage résulte d’une stricte
obligation légale (C. trav., L. 6321-2),
l’employeur ne peut en demander le rem-
boursement. Cet arrêt est l’occasion de
rappeler ci-après les conditions de licéi-
té et d’application des clauses de dédit-
formation. On rappellera que ces clauses
sont des clauses contractuelles, par les-
quelles le salarié s’engage, en contrepar-
tie de la formation qui va lui être dispen-
sée :
– à rester au service de l’entreprise,
après sa formation, pendant une du-
rée minimale (deux ou trois ans, par
exemple),
– et à verser à l’entreprise, au cas où il
la quitterait avant cette échéance, une
somme convenue à l’avance, à titre de
remboursement des frais de formation.
■ Les conditions de licéité de ces
clauses
Un tel engagement constitue juridique-
ment une clause pénale, que l’article
1152 du Code civil définit et réglemente
ainsi : “lorsque la convention porte que
celui qui manquera de l’exécuter payera
une certaine somme à titre de dommages-
intérêts, il ne peut être alloué à l’autre par-
tie une somme plus forte, ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office,
modérer ou augmenter la peine qui avait
été convenue, si elle est manifestement
excessive ou dérisoire. Toute stipulation
contraire sera réputée non écrite.”
La jurisprudence reconnaît la validité
de la clause de dédit-formation et ac-
corde alors à l’employeur, en cas de dé-
part anticipé du salarié, les dommages-
intérêts prévus par cette clause. Les
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clauses de dédit-formation sont licites,
dans la mesure où elles constituent
la contrepartie d’un engagement pris
par l’employeur d’assurer une forma-
tion entraînant des frais réels au-delà
des dépenses imposées par la loi ou la
convention collective, et dans la mesure
où elles n’ont pas pour effet de priver
le salarié de la faculté de démissionner.
En plus des conditions de fond dé-
taillées ci-avant, la clause de dédit-
formation doit également remplir des
conditions de forme. Cette clause
doit en effet :
– faire l’objet d’une convention parti-
culière conclue avant le début de la
formation ;
– préciser la date, la nature, la durée
de la formation et son coût réel pour
l’employeur, ainsi que le montant et
les modalités de remboursement à
la charge du salarié.
La clause de dédit-formation est inop-
posable au salarié, dès lors qu’elle ne
comporte pas les mentions obligatoires
au moment de sa signature. Il importe
peu de pouvoir démontrer que le sala-
rié connaissait la portée de son enga-
gement par la présentation de plusieurs
documents annexes (contrat de travail
et accord d’entreprise).
■ Les conditions d’application
Une clause de dédit-formation ne peut
valablement être mise en œuvre que si
la rupture du contrat de travail est im-
putable au salarié. Elle ne s’applique
donc pas en cas de rupture à l’initiative
de l’employeur, même s’il y a eu faute
grave du salarié. Le salarié qui est li-
cencié n’a pas à verser l’indemnité for-
faitaire prévue par la clause de dédit-
formation (Cass. soc., 10 mai 2012, no
11-10.571). En outre, la clause de dédit-
formation ne peut recevoir application
que dans le cas où le versement prévu
correspond, non pas à une évaluation
forfaitaire, mais à des dépenses précises
et effectives. De même, le montant de
l’indemnité de dédit doit être proportion-
nel aux frais de formation engagés.
Par ailleurs, les dommages-intérêts
qui seraient fixés forfaitairement ne
pourraient être réduits que s’ils sont ma-
nifestement excessifs. Enfin, la question
peut se poser de savoir si une clause de
dédit-formation peut inclure ou non, en
plus de frais de formation, les salaires
et charges sociales du salarié pendant
le temps de sa formation.
On précisera ici que seul le coût réel
de la formation peut être demandé au
salarié, correspondant au coût de l’ins-
cription et aux frais annexes. En re-
vanche, s’agissant du salaire, la réponse
est incertaine et n’a pas encore été tran-
chée, à notre connaissance, par la Cour
de cassation. Ainsi, seules des Cours
d’appels se sont prononcées, mais sans
avoir adopté les mêmes positions. En ef-
fet, certaines Cours d’appel ne retiennent
que les frais de formation, considérant
que “l’employeur ne peut introduire dans
la clause de dédit-formation le salaire et
les charges sociales. Ces derniers ne
peuvent être analysés en frais de forma-
tion susceptibles d’être appréhendés pour
le calcul d’un éventuel dédit, dans la me-
sure où le contrat de travail entraîne l’obli-
gation normale pour l’employeur de verser
le salaire” (CA de Paris, 5 févr. 1992).
D’autres Cours, au contraire, acceptent,
si tels sont les termes de la clause de dé-
dit, le remboursement des salaires et
charges patronales, en plus des frais de
formation (CA de Nancy, 20 janv. 1993).
A noter, en revanche, qu’il a été décidé
que, lorsque la convention collective met
à la charge de l’employeur l’obligation de
rémunérer les salariés durant les stages
de formation, la clause de dédit-forma-
tion ne peut prévoir qu’en cas de départ
prématuré, les salariés devront rembour-
ser les rémunérations perçues (Cass.
soc., 5 janv. 1995, n° 90-45.374). Ce
principe reprend celui énoncé dans l’ar-
rêt précité du 23 octobre 2013.
interdite dans
Enfin, on rappellera que la clause de
le
dédit-formation est
cadre d’un contrat de professionnalisa-
tion. Comme le stipule l’article L. 6325-
15 du Code du travail : “est nulle, toute
clause prévoyant le remboursement à
l’employeur par le titulaire d’un contrat
de professionnalisation des dépenses de
formation en cas de rupture du contrat de
travail”. Si une telle clause figure dans le
contrat, elle sera nulle et de nul effet.
Informations Mensuelles Cisme|Janvier 2014