Autour des mots de la formation
« référentiel »
> françoise cros
CNAM (Conservatoire national des arts et métiers), CRF (Centre de recherche
sur la formation)
> claude raisKY
Agrosup Dijon, Institut national supérieur des sciences agronomiques
de l’alimentation et de l’environnement
Cet article est en libre accès sur Internet à l’adresse suivante :
Si elle est ancienne 1, la notion de référentiel a pris de l’importance ces trente
dernières années, essentiellement dans le domaine de l’éducation et de la formation.
Et comme pour une grande partie des notions « fétiches » de l’éducation, elle
s’origine dans d’autres champs sémantiques.
C’est ainsi que lorsqu’une notion pénètre le monde de la formation, son sens se
trouve quelque peu transformé par un processus implicite de suggestions venues
de l’origine du mot, des attentes du milieu éducatif, de ses usages antérieurs et
des tendances sociopolitiques du moment. Le mot référentiel fait partie de cette
catégorie d’emprunts dans un jeu subtil et jamais épuisé de sens, à travers des
usages divers dont nous allons analyser la signification.
un mot révélateur de ce qu’il cache
Chauvière précise que ce terme appartient à une famille de mots émanant
autant du langage administratif que de l’action : référé, référence, référencer,
référencement, référencialisation, référendaire, référendum, référent, référer, se
référer, etc., « dont le point commun est de rapporter une chose à autre chose, avec
une certaine force conférée à l’acte » (2006, p. 21). Le sens du mot dans cet univers
tend à révéler une inflation normative : d’un côté, la complexité de la vie et, de
l’autre, des repères bien identifiés.
1
Cette notion trouve sa source dans le latin referre, littéralement rapporter, voire attribuer.
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Mais ce terme, avant d’être transféré à l’éducation et à la formation, existait
dans de nombreux domaines comme la physique, la linguistique, la psychologie
ou l’informatique.
En physique, et plus particulièrement en mécanique, le référentiel est la
référence que l’on utilise pour décrire un mouvement. Il est constitué d’un repère
d’espace (désignant l’ensemble des points qui semblent immobiles à l’observateur
et qui forment un solide) et d’une base de temps (formée d’une origine des temps
et d’une horloge).
En informatique, c’est un ensemble de bases de données contenant les
« références » d’un système d’information.
En sciences du langage, le référentiel est « ce qui est censé se rapporter au monde
réel (objectif) par opposition aux sentiments (subjectifs) des locuteurs » (Ardoino,
1994, p. 16). Le référentiel est relatif à la référence, c’est-à-dire à la fonction d’un
signe linguistique en tant qu’il désigne une chose.
En sémiotique (Hamon, 1977, p. 121), il existe trois grands types de signes : les
référentiels qui « renvoient à une réalité du monde extérieur ou à un concept. Ils
font tous référence à un savoir institutionnalisé ou à un objet concret appris » ;
les déictiques ou les embrayeurs, c’est-à-dire les traces de la présence de l’auteur,
du lecteur ou de leurs porte-paroles (énoncé/énonciation) ; les anaphoriques
qui participent des isotopies discursives. À partir de ces trois grands types de
signes, Hamon (1977) reconnaît l’existence de trois catégories de personnages :
une catégorie de « personnages-référentiels », une catégorie de « personnages-
embrayeurs » et une catégorie de « personnages-anaphores ». Le « personnage-
référentiel » est celui qui contient les personnages historiques, mythologiques ou
sociaux.
En psychologie du développement, le référentiel est « un système composé d’un
ou plusieurs référents et d’une capacité de mise en relations permettant de situer
un être ou un objet dans l’espace, éventuellement, plus abstraitement, dans le
cadre d’une étendue. Par exemple, le référentiel spatial est l’ensemble des activités
formant système par lesquelles l’enfant localise les objets les uns par rapport aux
autres, ainsi que par rapport à lui-même » (Ardoino, 1994, p. 17).
En évaluation des systèmes sociaux en général, le référentiel est « un système de
références constituant une optique, un type de lecture, une perspective d’analyse
privilégiés… C’est un ensemble de normes de l’évaluateur » (Nunziati, 1987, p. 53).
Sans oublier « l’approche multiréférentielle des situations éducatives et
formatives » prônée par Ardoino (1993) qui souligne une approche de la recherche
en éducation comme se « fondant, s’authentifiant et s’assurant dans un cadre,
impliquant une caution d’autorité dans plusieurs disciplines ou approches
constituées » (Ardoino, 1994, p. 13).
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Un sens commun semble se dégager de ces définitions émanant de champs
disciplinaires et sociaux différents : le référentiel est un construit social qui clarifie
les normes d’une activité ou d’un sens donné à des systèmes sociaux. Il est ce
par rapport à quoi un jugement ou un sens est donné à un objet ou une action.
Autrement dit, le référentiel est un outil de médiation normatif permettant aux
activités humaines de s’y référer (de s’y rapporter) pour étudier un écart ou des
différences : « C’est un processus normatif qui permet de différencier » (Foucault,
1969, p. 65).
Il n’a nullement la prétention de correspondre à du réel ou une réalité. Il
produit des savoirs par les comparaisons que l’on peut faire. « Il permet de repérer
la position d’un objet par rapport à un ensemble d’autres objets qui jouent le rôle
de système de référence » (Figari, 1994, p. 45). C’est un ensemble rationalisé des
données dont se sert une application. Autrement dit, le référentiel sert de repère
pour un groupe social susceptible par la suite de prendre des décisions et de faire
des choix par rapport à cette mesure acceptée communément.
le référentiel dans les domaines de l’emploi, de l’éducation
et de la formation
L’éducation et la formation, comme nous le soulignions au début de cet article,
ont emprunté le terme « référentiel » ou, plus exactement, assimilé le mot dans
leurs paradigmes. L’arrivée du mot référentiel a alors permis de formaliser, selon des
orientations normatives, des activités de formation et de leur apporter signification
et orientation pour l’action.
Comment construire du sens collectif s’il n’existe pas des repères communs ?
Comment comprendre une situation de formation si on ne peut pas renvoyer à un
système normatif décrivant conceptuellement un cheminement, comme le définit
la psychologie du développement ?
Mais à vouloir procéder à un travail de compréhension conceptuelle des
phénomènes de formation et d’éducation, les sciences de l’éducation prennent des
risques et se trouvent parfois injustement clouées au pilori. Se souvient-on encore
du ministre de l’éducation, Claude Allègre, épinglant le « référentiel bondissant »,
synonyme du ballon et stigmatisant « l’infernal jargon du monde éducatif » (Le
Monde, 31 mars 2008) et Xavier Darcos, son successeur, d’ajouter le 20 février 2010,
à l’occasion de la présentation des nouveaux programmes de l’école primaire :
« Il suffit de rappeler que, dans certaines écoles, on a pu décréter qu’un ballon
de football était un référentiel bondissant et un ballon de rugby un référentiel
bondissant aléatoire, pour mesurer l’étendue des dégâts ». Même si tout cela est
une blague comme l’affirme Luc Cédelle, journaliste au Monde.
L’éducation et la formation ont, comme tout domaine correspondant à la fois,
à des champs de recherches et à des champs de pratiques, besoin d’affermir leur
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vocabulaire et, surtout, de l’adapter à leur monde, tout en gardant le noyau central
du sens de cette notion à travers différents domaines.
Le décret no 72-607 du 4 juillet 1972 relatif aux commissions professionnelles
consultatives dont la version a été consolidée le 24 mai 2006, invite à considérer
« le principe organisateur des formations construites par référentialisation qui peut
s’énoncer ainsi : les formations doivent être structurées non plus selon l’ordre des
raisons scolaires, mais selon l’ordre des finalités professionnelles ou sociales visées ».
Et c’est bien à partir de cet instant que se sont construites des fiches de métier,
décrivant au plus près les actions professionnelles nécessaires pour un métier, en
les classant et les hiérarchisant. « Le référentiel des emplois recense et décrit, par
famille professionnelle, chacun des métiers. Il se situe dans le prolongement des
actions déjà engagées (établissement des fiches de postes) » (BNF, novembre 2006).
Autrement dit, face à deux mouvements conjoints, celui de la multiplication et
de la mobilité des descriptifs de métiers anciens et nouveaux, et celui du principe
de formation tout au long de la vie et de validation des activités des personnes (loi
de modernisation sociale de 2002), une nomenclature des métiers est devenue
indispensable. Sa création est essentielle, non pas en termes narratifs et descriptifs,
mais en termes normatifs, c’est-à-dire, ce qu’il est souhaitable de faire dans tel
type de poste, reposant sur la distinction entre le prescrit 2 et le réel. La validation
des acquis d’expérience (VAE) et la validation des acquis professionnels (VAP)
requièrent une clarification non seulement des activités mais des compétences
nécessaires pour exercer dans l’activité désignée). Le processus européen de Bologne
et la mondialisation de la formation ont provoqué l’obligation de dresser une
organisation des compétences requises dans les différentes branches de métiers.
Il ne faut pas pour autant minorer les effets d’une telle rationalisation des
activités humaines et « la surnormalité ambiante dont le référentiel n’est qu’un
symptôme, fait écran au renouvellement de l’approche qualitative et dialectique
des enjeux de la relation sociale » (Chauvière, 2006, p. 22)
La notion de référentiel vient ainsi couvrir urgemment et de manière ambiguë
cette nouvelle donne sociale, économique et politique dans les mondes de l’emploi,
de l’éducation et de la formation.
référentiels au service de divers niveaux de la chaîne articulant
la formation et les emplois
Dans le domaine de l’éducation et de la formation, sont apparus plusieurs
référentiels qui s’emboîtent et/ou se complètent.
2 « Le travail prescrit s’efforce de normaliser la définition même des situations par des procédures
d’identification et de description » (Perrenoud, 2001).
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Tout d’abord, il y a le référentiel professionnel, c’est-à-dire « le document
qui décrit la profession ou le secteur professionnel visé par le diplôme ». Puis le
référentiel de formation, c’est-à-dire « le document qui indique aux enseignants les
objectifs, les contenus sur lesquels ils doivent faire travailler les apprenants et qui
donnent un certain nombre d’instructions pédagogiques pour sa mise en œuvre »
et le référentiel d’évaluation, c’est-à-dire « le dispositif permettant de délivrer
le diplôme avec ses types de contrôles et ses modalités ». Enfin, le référentiel de
diplôme « qui désigne l’ensemble de ces documents ». (Raisky, 2005, p. 3).
La logique prônée par le décret de 1972, invite à modifier les curricula des
formations professionnelles en les articulant de façon étroite avec les activités
professionnelles que seront conduits à pratiquer les formés. Autrement dit, ce
n’est pas la formation (qualifiée de « scolaire ») qui est en amont mais bien la
profession ou, du moins, un ensemble de professions proches. En d’autres termes,
raisonnablement (mais qui a son revers dans la mesure où les professions sont sans
cesse modifiées et de nouveaux métiers émergent) pour former quelqu’un à quelque
chose, encore vaut-il mieux savoir à quoi et définir précisément ce dernier : « Le
référentiel est la clé de voûte d’une bonne architecture curriculaire fondée sur la
description précise des pratiques professionnelles de référence comme base de leur
transcription didactique en un plan de formation.[…] C’est un véritable outil de
conception ou d’évaluation d’un cursus de formation professionnelle » (Perrenoud,
2001, p. 1).
Cette logique s’est substituée, non, comme le dit le décret de 1972, à une
logique scolaire de formation, mais à la logique dominante de l’époque, celle de la
pédagogie par objectifs (PPO) née des auteurs nord-américains « des années soixante
qui ont développé une approche nommée pédagogie de maîtrise » (Carroll, 1963 ;
Bloom, 1968 ; Mager, 1969).
Le succès d’une telle approche s’explique à la fois par le flottement des
instructions pédagogiques et par l’évidence de l’observable, c’est-à-dire par l’idée
que le concret et le visible liés au comportementalisme étaient plus directement
accessibles aux formateurs. Ces derniers emportés par le mouvement béhavioriste
ont souvent produit des « monstruosités » dans la mise en œuvre de la PPO à
travers des grilles de plus en plus complexes, décrivant la moindre performance et
l’inscrivant dans un échafaudage d’objectifs inépuisable, occupant la plus grande
partie du temps de formation. Cette atomisation des actions faisait perdre de vue
le sens de la formation, son but et la rabattait sur de l’observable. Elle s’accordait
à la conception taylorienne du travail.
La notion de référentiel avec ce qu’elle véhicule comme connotations et
dénotations, est arrivée à point pour échapper à l’obsession de la PPO et à ses
dérives. L’arrivée d’une nouvelle terminologie, plus en accord avec les recherches
récentes, les insatisfactions des formateurs, fait advenir un autre univers d’approche
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de la formation. La notion de référentiel est arrivée dans le berceau de la notion de
compétences dont elle s’avère inséparable.
compétences et référentiel
La formation professionnelle s’est installée au premier plan des préoccupations
des systèmes de formation, y compris à l’université qui s’est progressivement
« professionnalisée ». Elle a bénéficié des recherches en ergonomie sur les
gestes professionnels, en psychologie et sociologie du travail, en didactique
professionnelle, etc. Cet ensemble de recherches a fait apparaître la complexité de
l’exercice du métier et, par conséquent, de son apprentissage.
Les savoirs, qu’ils soient savoirs, savoir-faire ou savoir-être, liés aux capacités
de la PPO, sont apparus aux formateurs comme réducteurs des éléments de toute
formation car un formé peut être capable de faire telle activité dans le centre de
formation et ne pas la réaliser à l’occasion d’une situation réelle de travail, situation
complexe et toujours singulière (Barbier, 2007).
Le mot « compétence » est alors venu se substituer au vocabulaire précédent
(Le Boterf, 2003, p. 70). Il renvoie à la maîtrise globale d’une situation sollicitant à
chaque fois une reconfiguration de savoirs et de capacités auxquelles s’ajoutent les
connaissances, l’expérience, les affects et l’émotion. Une compétence ne s’observe
qu’à travers une performance. Cette dernière étant une appréciation du groupe
socioprofessionnel concerné. Mais cette performance observée ne dit rien des
opérations qui ont permis de choisir, de mobiliser et de combiner les ressources
pertinentes en temps réel et souvent dans l’urgence de l’exercice professionnel. Nous
sommes face à une « boîte noire » ou à ce que Le Boterf (1993) qualifie « d’attracteur
étrange ».
La « compétence reste un construit hypothétique, une pure construction
sociale. Schématiquement, la compétence est cette boîte noire, ce processus de
transformation supposé qui permet à un individu de tirer parti de ses diverses
ressources personnelles et de les agencer de manière à apporter une réponse
intelligente, adaptée à une situation professionnelle plus ou moins complexe. Elle
ne correspond donc à aucune réalité observable directement et ne se laisse deviner
qu’à travers ses manifestations » (Delobbe, 2009, p. 259).
Vue sous cet angle, la compétence est irréductible à l’idée même d’un référentiel
puisque complexe, singulière et propre à chacun. Il s’est alors produit un léger
glissement sémantique qui accorde à la compétence une « référence » commune
renvoyant à « la maîtrise globale d’une situation et donc à l’orchestration d’un
nombre plus ou moins important de ressources cognitives acquises au préalable, au
gré de formations ou d’expériences antérieures » (Perrenoud, 2001). Et cet auteur
d’ajouter : « La définition de la compétence se réfère d’abord à une catégorie
de situations et à ce que représente une maîtrise honorable, compte tenu des
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résultats attendus, des contraintes, des règles à respecter. Mais l’identification de la
compétence n’est pas complète si l’on ne peut dire à quelles ressources cognitives
elle fait appel » (Perrenoud, 2001). Se produit alors un tour de passe-passe où se
retrouvent les savoirs et les capacités de la PPO auxquels s’ajoutent « d’autres
ressources » à dimension normative comme les attitudes, les valeurs et le rapport
au savoir, à l’action, à l’autre et au pouvoir.
Ajoutons que les travaux récents adossés aux théories de l’activité permettent
d’entrer de manière plus fine dans la construction verbale des compétences (Barbier
& Durand, 2008).
C’est ainsi qu’on aboutit à un référentiel de compétences qui se divise en
deux : celui des compétences nécessaires au métier (référentiel professionnel) et
sa déclinaison dans le monde de la formation, le référentiel de compétences à
développer lors de la formation.
du référentiel professionnel au référentiel de formation
Le premier pas est celui de l’élaboration du référentiel professionnel. Comment
aborder une profession toujours complexe et multiple : par quel découpage
procéder ? Comment articuler une formation à la suite de ce référentiel et qui
corresponde à un découpage de formation et non de situations professionnelles ?
Une des manières de construire un référentiel professionnel a été de repérer des
familles de situations génériques pour une profession, familles pour lesquelles les
organismes professionnels s’y reconnaissent. Cette appréciation est subjective mais
on peut considérer que la « socialisation et la culture professionnelles structurent
la perception des situations de travail les plus typiques et garantissent au sein
d’une organisation ou d’une profession une relative homogénéité de définition. La
situation emprunte au sens commun ou à la culture professionnelle » (Perrenoud,
2001). Pour donner plus de véracité à cette construction du référentiel professionnel,
cet auteur souligne que, d’ailleurs, « le discours de la profession et des organisations
contient déjà une codification des situations de travail et en propose souvent un
certain regroupement en familles logiques ».
Le référentiel professionnel comporte en général deux parties : la description du
contexte et des fonctions spécifiques des professions visées, et une « fiche descriptive
d’activités » qui liste l’ensemble des activités que les professionnels de tel niveau
accomplissent. Ce référentiel servira de référence pour la construction du référentiel
de formation.
Or, comme le souligne Raisky (2001, p. 19), peu de chose est dite sur le passage
du référentiel professionnel au référentiel de formation : « depuis presque vingt
cinq ans, ce passage, [c’est-à-dire] le rapport entre savoirs de référence et savoirs
à enseigner, est décrit en termes de transposition didactique ». Mais que sont ces
savoirs de référence ? Comment se construisent-ils ?
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françoise cros et claude raisKY
Tous les chercheurs ne semblent pas s’accorder sur cette éventuelle transposition
entre référentiel professionnel et référentiel de formation car « lors de la diffusion
de l’idée de référence, deux interprétations sont apparues. La première consiste
à garder dans une problématique de transposition restreinte les savoirs savants
pris comme tels et d’y adjoindre des pratiques sociales de référence. Cela revient à
proposer une sorte de dualité instable qui se résout en fait en une centration sur
le savoir avec prise en compte des contextes pratiques du savoir. L’idée de pratique
de référence est à l’opposé : il ne s’agit pas de contextualiser des savoirs, mais de
prendre en compte des pratiques dans tous leurs aspects, y compris dans leurs
composantes de savoirs, discursifs ou non, explicites ou implicites, individuels ou
collectifs » (Martinand, 2001, p. 22).
Dans tous les cas, il s’agit de « didactiser » le référentiel professionnel, c’est-à-
dire de le présenter, de l’apprêter et de le modifier pour permettre l’apprentissage
du formé. Comment, selon quelle forme et quel degré de rupture ? Il revient
aux formateurs de transformer les compétences professionnelles requises en
compétences d’apprentissages, compétences dont la définition se rapproche des
capacités (Perrenoud, 2001) : « les compétences de formation deviennent alors des
objectifs ». Il semble que nous revenons à l’idée de capacités « qui ne renvoient pas
à un contexte complètement défini » (ibid.).
Cette question est loin d’être résolue.
un référentiel de formation à géométrie variable
Le sémantisme flottant du terme référentiel a fréquemment autorisé dans
l’éducation et la formation des recouvrements avec d’autres termes comme
curriculum, programme, syllabus, cursus. Cependant certains auteurs en font une
distinction très nette qui éclaire leur propre définition du référentiel de formation.
Le référentiel professionnel a permis de procéder à l’analyse fine d’une tâche et à
son découpage en ses unités constitutives, « le postulat exprimé est que la formation
et son évaluation, sont facilitées par une décomposition d’ordre procédural en
une succession de savoir-faire qui peuvent être réellement observés. Chaque
micro-activité repérée est alors décrite et fait l’objet d’un objectif de formation. Le
curriculum, lui, est un plan d’études ayant pour vocation de rationaliser un projet
global d’enseignement. Il se concrétise sous la forme de textes réglementaires à
valeur contraignante » (Duplessis, 2009). Alors que le référentiel de compétences est
essentiellement pragmatique et vise le ponctuel, le curriculum vise le long terme.
Le programme se situe plus dans une temporalité découpée selon des séquences
précises donnant souvent des contenus. Il affiche l’ensemble des thèmes abordés
pour la formation dans un laps de temps donné. Son mode d’organisation est
temporel et n’a aucune prétention à se définir par des modules ou des structurations
en accord avec des modalités précises de formation ou de didactisation.
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