Articulation du sanitaire et du social :
Quels enseignements de formation et pratique en retirer ?
Présentation d’une étude menée auprès d’infirmiers et d’éducateurs spécialisés de cinq
établissements de secteurs sanitaire, social et médico – social.
Nous présenterons la première phase d’une étude menée sur l’articulation entre les
pratiques d’éducateurs et d’infirmiers au sein de mêmes équipes pluri-professionnelles dans
différents établissements. Cette étude – menée en partenariat entre le Centre Régional de
Formation aux Métiers du Social Erasme et l’Institut de Formation aux Soins Infirmiers du
centre hospitalier Gérard Marchant vise à préciser et analyser ce que recouvre cette
articulation, à faire des propositions pratiques aux terrains partenaires ainsi qu’à alimenter les
dispositifs de formation. C’est par l’observation des pratiques et de leurs articulations, par
l’association des praticiens concernés que nous souhaitons réinterroger nos dispositifs de
formation.
I.
Eléments de contexte sur la question de l’articulation du sanitaire et du social
Un cloisonnement des secteurs qui subsiste
Plusieurs auteurs (Rapport du CSTS de 2007 ; Jaeger, 2012) font état d’une division
structurelle et historique des secteurs sanitaire et social et médico-social. Division entretenue
par deux aspects selon les auteurs précités : un cloisonnement législatif qui continue de
séparer les secteurs et un cloisonnement historique des secteurs psychiatrique, social et
médico-social (Jaeger, 2012) : l’existence de ces trois blocs de prise en charge, des tentatives
de catégorisation des usagers et l’existence de courants professionnels au sein même de
chaque secteur agit directement sur les cultures et les pratiques professionnelles ou de métiers.
Les enjeux d’un décloisonnement
Les évolutions des problématiques des usagers consécutives à la montée de la précarité
économique et sociale se traduisent par l’apparition de problématiques multifactorielles des
personnes (montée de la souffrance psychique chez les personnes fragilisées par la précarité
économique et la misère sociale par ex.). On voit également apparaitre une augmentation des
problématiques sociales dans le soin des personnes. Il y a donc nécessité à décloisonner ces
deux secteurs (Jaeger, 2012 ; rapport du CSTS, 2007) pour améliorer la prise en charge
globale des personnes.
Concrètement cette volonté de décloisonnement apparait à différents niveaux :
Programmes régionaux de santé, Programmes régionaux d’accès à la prévention et au soin, loi
2002.2 (…). Certains schémas régionaux dont celui de Midi – Pyrénées (2012 – 2016)
marquent également la nécessité d’un rapprochement.
Dès lors le sanitaire et le social se doivent de coopérer et se coordonner pour répondre
à une prise en charge adaptée. Cette coopération est pensée à différents niveaux : la mise en
œuvre de partenariats et de réseaux et également l’interrogation de la pluridisciplinarité. Le
travail en équipe pluridisciplinaire, l’articulation des différentes cultures professionnelles et
des pratiques, est désormais mis au cœur des préoccupations et devient le levier du
rapprochement, du décloisonnement des secteurs sanitaire, social et médico-social. C’est sur
cette question là que nous avons choisi de travailler pour enrichir nos dispositifs de formation.
Aujourd’hui comment ce travail pluridisciplinaire se traduit-il dans les institutions ?
Quels enseignements peut-on en retirer pour la formation et pour les pratiques ?
II.
Présentation du dispositif engagé
Nous nous
intéressons, dans
travail, aux dynamiques
pluridisciplinaires et nous souhaitons étudier l’articulation des pratiques des éducateurs et des
infirmiers. Ces éléments servant à réinterroger les savoirs dispensés en formation avec les
professionnels de terrain.
le cadre de notre
Cette étude s’inscrit dans un dispositif de stages croisés Educateurs / Infirmiers mis en
place récemment en partenariat entre le Centre Régional de Formation aux Métiers du Social
Erasme, l’Institut de Formation aux Soins Infirmiers du centre hospitalier Gérard Marchant et
cinq établissements du secteur sanitaire et/ou social (l’Institut des Jeunes Aveugles, le Centre
Départemental de l’Enfance et de la Famille, le Pôle Psychiatrie Infanto – juvénile de l’hôpital
Marchant, le lycée Bayard et les services de Veille Sociale).
C’est principalement des éducateurs et infirmiers de ces cinq établissements qui sont
associés à ce travail. C’est dans une démarche de co-construction des axes de travail que nous
nous situons. Le parti pris épistémologique de cette étude est donc de définir les savoirs
professionnels avec les terrains. C’est donc dans l’articulation de théories sur le travail
pluridisciplinaire, l’équipe (Clety, 2009) au sein des secteurs sanitaire et social avec
l’observation de l’interaction des pratiques que nous fondons notre travail. C’est également
par la confrontation de nos observations, résultats aux différents acteurs associés que nous
posons nos hypothèses de travail et axes de travail, que nous questionnons les évolutions
perçues, les pratiques et les savoirs qui peuvent y être liés.
Concrètement le dispositif d’étude est réalisé sur 2 ans et se découpe en différentes phases :
1ère phase (de janvier à juin 2013) : observation de l’articulation des pratiques des
infirmiers et des éducateurs. Pour ce faire nous utilisons trois outils que nous soumettons aux
praticiens :
a. Un questionnaire sur les dispositifs organisationnels où les praticiens doivent
repérer ce qui est formulé et mis en place par l’institution sur cette articulation
(projets d’établissement, dispositifs, outils permettant cette articulation)
b. Un questionnaire sur les pratiques où les praticiens doivent préciser ce qu’ils
identifient de cette articulation et des liens existants entre les corps
professionnels – éducateurs et infirmiers. Le questionnaire vise également à
saisir les représentations réciproques des missions et compétences entre corps
professionnels.
c. Un journal de bord à réaliser par les praticiens où ils précisent ce qui dans leur
quotidien relève de cette articulation.
Ces outils ont été construits à partir d’une revue de travaux concernant les questions de
l’articulation du sanitaire et du social (Jaeger, 2012) et du travail d’équipe pluridisciplinaire
(Clety, 2007). Etant au démarrage de l’étude, ils sont exploratoires et sont essentiellement
construit à partir de questions ouvertes.
2ème phase (de juin 2013 – juin 2014) : présentation des premiers éléments de résultats
et élaboration et/ou approfondissement d’hypothèses explicatives avec les terrains.
3ème phase (de juin 2014 à octobre 2014) : propositions pratiques et identification avec
les terrains de ce qui est à prendre en compte dans la pratique pour améliorer la prise en
charge et l’accompagnement des personnes. Identification de ce qui est à prendre en compte et
III.
à prioriser dans le dispositif de formation, communication des enseignements retirés et
propositions aux différentes instances institutionnelles.
Etant au démarrage de cette étude nous présenterons dans cette communication les premières
pistes de travail et les perspectives afférentes.
Premiers constats et perspectives de travail, niveaux à interroger au sein de la
formation
Premiers constats
La pluridisciplinarité du point de vue de l’institution
Il existe une forte hétérogénéité de la formulation de l’articulation au sein des
institutions : par ex. au niveau des projets d’établissement, certains établissement
distinguent deux projets : le sanitaire et le social, d’autres accordent une centralité au
projet de soin et traduisent le projet social de manière périphérique, enfin certain n’ont
qu’un seul projet.
Cette hétérogénéité est également constatée au regard de l’articulation des champs
disciplinaires. Les corps de métiers sont distingués dans la prise en charge des usagers
au sein même des projets et sont articulés à différents niveaux (dichotomie nette entre
les corps de métiers, hiérarchisation ou égalité).
…
La question qui nous reste à approfondir est de voir si ces formes d’organisation prédisposent
des pratiques des équipes et des liens entre infirmiers et éducateurs ou pas. Si oui lesquelles et
pourquoi ? Et si non lesquelles et pourquoi ?
La pluridisciplinarité du point de vue des acteurs
Malgré la multiplicité des résultats, nous souhaitons évoquer trois éléments en particulier
susceptibles de poser des pistes de travail.
Nous pouvons commencer à dégager des typologies de savoir-faire, missions
spécifiques et communes à chaque corps de métiers étudié.
Nous observons des distorsions, des décalages dans les représentations réciproques des
missions et compétences entre infirmier et éducateur.
Nous constatons également que les acteurs interrogés disent avoir une volonté forte de
travailler ensemble, avoir des facilités de communication et être à l’écoute les uns des
autres. Cependant la principale difficulté rencontrée dans leur travail en commun reste
la différence d’analyse et de points de vue.
Perspectives de travail et niveaux à interroger au sein de la formation
Au premier stade de notre travail il nous semble que des pistes d’interrogation de la formation
pourraient se dégager. Il s’agit 1) de la question des cultures de métiers mise en tension avec
la recherche d’une culture commune. Comment travailler ces points de mises en tension ? 2)
La question des représentations réciproques : dans les enseignements dispensés, comment
travailler les représentations mutuelles, les représentations des autres métiers constitutifs des
équipes pluridisciplinaires ?
Eléments bibliographiques
Clety, H. (2009). Dynamique de représentations et efficacité dans les systèmes « Equipe de
travail ». Thèse de doctorat, Université Charles de Gaulles, Lille 3.
Jaeger, M. (2012). L’articulation du Sanitaire et du social. Paris, Dunod.
Conseil Supérieur du Travail Social (2007). Décloisonnement et articulation du sanitaire et
du social, Rennes, ENSP.