ExpérimEntation afEstAction de Formation En Situation de Travailjuillet 2018rapport final Ce rapport présente la démarche et les enseignements d’une expérimentation sur les
actions de formation en situation de travail (les AFEST) initiée par la DGEFP en 2014, lancée
officiellement en novembre 2015 avec le soutien du FPSPP et du Copanef – et depuis du
Cnefop -, et achevée en juin 2018.
Il a été rédigé à partir de projets expérimentaux initiés par 13 Opca volontaires. Ces projets,
dont la plupart sont allés jusqu’au bout, constituent un matériau dont la richesse est restituée
à travers 18 monographies qui constituent le cœur du rapport. L’analyse de l’ensemble
des expérimentations a permis de préciser chemin faisant les éléments constitutifs d’une
AFEST, de dégager des conditions de réussite et des points de vigilance pour la mise en
œuvre des actions de formation en situation de travail, tout en illustrant une grande variété
de modalités possibles, en fonction des contextes d’entreprise, des compétences visées et
des environnements de travail.
Cette analyse prend appui sur un travail de suivi de chaque expérimentation réalisé par
les Opca avec l’appui du réseau Anact-Aract, et sur des travaux collaboratifs – séminaires,
ateliers participatifs – permettant de mettre en discussion, au sein d’une communauté
d’acteurs mobilisés autour de l’expérimentation, les avancées et les problématiques
communes repérées dans les projets.
Ainsi, les remarques et les questions du comité de pilotage, les apports du comité technique
et scientifique lors de la phase de montage des projets, à l’occasion des séminaires de suivi
organisés en cours d’expérimentation et dans la phase de capitalisation finale ont largement
contribué à la réflexion. Le soutien et les contributions de l’équipe technique dédiée à
l’expérimentation ont été plus que précieux tout au long du projet, que ce soit pour soutenir
les Opca dans leur démarche de professionnalisation, apporter des éclairages sur les liens
avec le droit et le financement de la formation professionnelle et l’évolution de la législation,
et pour « tenir le cap » de l’ambition de l’expérimentation, notamment dans la phase finale
de capitalisation et de rédaction du rapport.
La liste des personnes constituant les différentes catégories de contributeurs cités ci-dessus
est présente en annexe du rapport.
Au-delà des contributeurs impliqués dans les travaux nationaux, le concours d’entreprises
de tailles et de secteurs variés prêtes à expérimenter a bien sûr été indispensable pour
réaliser les expérimentations. Par ailleurs, les Opca porteurs de projets ont bénéficié de
l’appui de tiers facilitateurs (cabinets de conseil, organismes et centres de formation) dans
la mise en œuvre des expérimentations.
Les auteurs du rapport remercient l’ensemble des personnes qui ont apporté en
différentes occasions des éléments de compréhension et des retours d’expérience sur les
expérimentations.
Rédaction du rapport :
Coordination et rédaction de la partie transversale :
Fabienne Caser (Anact), Isabelle Freundlieb (Aract Centre-Val de Loire),
avec la relecture attentive et les contributions de :
Stéphane Amouroux, Moustapha Aouar et Laurent Duclos (DGEFP), Béatrice Delay (Cnefop),
Marc-Antoine Estrade (FPSPP).
Rédaction des monographies :
Lydie Dian (Aract Centre-Val de Loire), Dominique Dilly (Aract Hauts-de-France), Florent
Dubus (Aract Normandie), Isabelle Dudognon (Aract Nouvelle Aquitaine), Yann-Gaël
Fourquier (Anact), Sylvie Morin-Lagrange (Aract Bourgogne Franche-Comté), Michaël
Paquin (Aract Grand Est), Salima Rairi (Aract Ile-de-France).
Maquette et réalisation :
Corinne Berry-Billant, Laure de Vergnette (Anact).
2
Rapport final expérimentation Afest juillet 2018préambule 01 Présentation de l’expérimentation …………………………………… p 4
I. Le lancement de l’expérimentation ………………………………………………… p 4
II. L’AFEST dans le paysage de la formation professionnelle ……………………… p 8
III. Les éléments constitutifs d’une AFEST …………………………………………… p 15
IV. Les différents profils de projets expérimentaux …………………………………… p 19
02 Monographies …………………………………………………………… p 25
I. Présentation : finalités, usages, plan ……………………………………………… p 25
II. Les 18 monographies classées par objectif dominant …………………………… p 26
Objectif dominant : Aider les entreprises à structurer des apprentissages plus ou
moins organisés et formalisés
Objectif dominant : Compléter et enrichir un dispositif de formation existant
Objectif dominant : Renforcer une politique de certification de branche
03 Ce que nous enseignent les expérimentations sur les Afest …p 227
I. Les actions de formation mises en œuvre ………………………………………… p 227
Rappel des éléments constitutifs d’une AFEST
Les AFEST expérimentées s’inscrivent naturellement dans une logique de parcours
Des cas illustrant la possibilité d’installer une situation de formation reposant sur
l’exploitation pédagogique des traces de l’activité : différentes configurations
observées qui illustrent la plasticité des AFEST
Des cas illustrant des difficultés – ou un moindre intérêt – à installer une situation de
formation reposant sur l’exploitation pédagogique des traces de l’activité
Les éléments et documents repérés susceptibles de servir de preuves
II. Ingénierie ……………………………………………………………………………… p 244
Phases de l’ingénierie
Répartition des rôles et de la charge formative : des éléments communs et des variantes
Temps passé par les différents acteurs
III. Conditions d’installation ……………………………………………………………… p 259
L’opportunité d’une AFEST pour l’entreprise
Le ciblage des compétences visées
L’analyse de la faisabilité : une intention partagée
La faisabilité de l’AFEST passe aussi par la possibilité d’aménagements organisationnels
et managériaux
La faisabilité de l’AFEST passe aussi par la disponibilité des ressources internes et leur
capacité à endosser une mission de formation en situation de travail
La formalisation pour une garantie de bon fonctionnement
IV. Effets et retombées de l’AFEST ……………………………………………………… p 268
Les effets directs : acquisition, développement et prise de conscience des compétences
acquises
Les effets indirects
04 Bibliographie ……………………………………………………………… p 273
05 Annexes …………………………………………………………………… p 278
Annexe 1 Annuaire des contributeurs de l’expérimentation ………………………… p 278
Annexe 2 Cartographie de l’expérimentation ………………………………………… p 279
Annexe 3 Inventaire de l’ensemble des éléments et documents produits dans le
cadre des expérimentations ……………………………………………… p 280
3
SOMMAIRE Rapport final expérimentation Afest juillet 2018
PrésentAtion de
l’exPériMenAtion
L’expérimentation AFEST, pour Action de Formation en Situation de Travail, vise à installer, au bénéfice
des TPE PME et de leurs salariés, prioritairement les moins qualifiés, les conditions pour que puissent
se développer des actions de formation en situation de travail :
• Efficaces en termes de développement des compétences ;
• Reconnues par la législation comme de véritables actions de formation ;
• Praticables par les entreprises (a fortiori de taille modeste).
Initiée en 2014 par le Département des Synthèses de la DGEFP1, elle s’inscrit dans le prolongement
de l’ANI de 2013 et de la loi de mars 2014 qui réforment la formation professionnelle.
Elle est officiellement lancée en novembre 2015 avec 13 Opca volontaires pour porter des projets
expérimentaux : Actalians, Afdas, Agefos PME, Constructys, Fafih, Fafsea, Faf.TT, Forco, Opcalia,
Opcalim, Opca TS, Unifaf, Uniformation.
Pilotée par l’État (DGEFP) et les partenaires sociaux (Copanef, FPSPP), avec le soutien du Cnefop,
elle bénéficie de l’appui du réseau Anact-Aract, opérateur en charge du déploiement opérationnel et
du suivi-capitalisation de l’expérimentation.
Elle bénéficie également depuis son lancement du soutien d’un Comité Technique et Scientifique
composé d’experts issus d’horizons professionnels et disciplinaires variés (didacticiens, juristes,
chercheurs, praticiens).
Le cadre d’expérimentation vise des actions ayant pour caractéristiques :
• De se dérouler exclusivement dans des TPE-PME (moins de 300 salariés) ;
• De viser prioritairement des actifs peu qualifiés ;
• D’être organisées autour d’un modèle générique d’alternance de deux séquences, une mise en
situation organisée à des fins didactiques, articulée à un moment de recul réflexif en rupture avec
le cours de l’activité productive.
1 Delay, B. ; Duclos, L. (dir. publ.). 2014. Formation et parcours : la réforme de la formation professionnelle au prisme de la relation travail-
formation, Recueil des travaux préparatoires au Séminaire DGEFP du 5 novembre.
Delay, B. ; Duclos, L. 2015. Le soutien au développement des AFEST, Mémoire technique relatif au projet d’expérimentation AFEST/TPE-
PME, DGEFP, mai. En ligne < https://ec.europa.eu/epale/sites/epale/files/formations-en-milieu-de-travail-2015_dgefp.pdf > (consulté le 23
nov. 2016).
i. le lancement de l’expérimentation
Le contexte d’émergence de cette expérimentation peut être spécifié par 3 éléments structurants
(Delay, Duclos, 2015, Éducation Permanente) :
• Une situation, en apparence, paradoxale : d’un côté, la reconnaissance relativement consensuelle
du « travail » comme un vecteur d’acquisition de compétences, comme en témoignent par exemple
les plans successifs de développement de l’alternance ou l’instauration, en janvier 2002, de la VAE
comme voie d’accès à la certification ; de l’autre, la quasi inexistence d’actions de formation en
situation de travail au sens du droit : c’est le stage « hors lieu de production », inspiré du modèle
scolaire, qui depuis la loi de 1971 s’est imposé comme la forme dominante des actions de formation
dites imputables hier, et éligibles aujourd’hui, au titre des fonds mutualisés.
• Une incitation : dès fin 2014, une nouvelle impulsion conventionnelle et législative tournée vers
l’innovation pédagogique. La réforme de mars 2014 promeut un usage plus stratégique de la
formation au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation du parcours des
actifs. Elle vise par ailleurs le développement des compétences de chaque salarié – et non plus
seulement de quelques-uns -, voulant ainsi rompre avec le « processus d’exclusion sélective »
qui caractérise historiquement l’accès à la formation « formelle », au détriment en particulier des
actifs peu qualifiés et des salariés des TPE-PME. La concrétisation de ces paris suppose que les
entreprises déploient des politiques formatives plurielles, ajustées à leurs besoins, qui articulent
4
Rapport final expérimentation Afest juillet 201801 du présentiel, du distanciel et de l’expérientiel. La loi du 8 aout 2016 approfondit, par ailleurs,
les ouvertures ménagées par la loi de mars 2014 à l’égard de dispositifs alternatifs au stage en
présentiel se déroulant en dehors de l’entreprise1. Se dessine ainsi un cadre institutionnel et normatif
plus « accueillant » pour favoriser l’émergence de supports formatifs innovants et leur inscription
dans l’ordre juridique ; ce qui est une condition insuffisante mais nécessaire à leur développement.
• Une hypothèse : celle d’une forte congruence entre les AFEST et les besoins de professionnalisation
– en particulier à l’égard des peu qualifiés – auxquels font face les entreprises, en particulier les
TPE-PME ;
– Les AFEST se réalisent par définition in situ ; or les entreprises de taille modeste recourent moins
aux stages que les grandes, en premier lieu en raison de la difficulté à trouver un remplaçant au
salarié absent ;
– Les AFEST, par construction là encore, fabriquent des compétences directement articulées au
contenu des activités et aux « spécificités métiers ». Or les employeurs affirment ne pas toujours
trouver à se satisfaire dans l’offre de formation disponible, a fortiori pour les peu qualifiés plus
rétifs, en général, aux formats scolaires ;
– On peut supposer que comparativement aux apprentissages incidents qui surviennent au travail,
les AFEST, en tant que formations structurées avec une intention et une organisation explicites,
procurent un gain en termes d’efficacité (fertilité des acquisitions / rapidité d’incorporation) ;
– On peut également supposer que les AFEST viennent contrebalancer la faible appétence
spontanée de certains peu qualifiés (en tous cas ceux avec un vécu scolaire difficile) à l’égard
des formations descendantes et théoriques, à distance des contextes d’utilisation des savoirs
professionnels ;
– Enfin, si ces AFEST sont réputées conformes aux conditions règlementaires, elles seront éligibles
à une prise en charge financière, d’une part ; et pourront être invoquées pour justifier que
l’employeur a satisfait à ses nouvelles obligations, notamment au moment du bilan des 6 ans2,
d’autre part.
Le diagnostic d’une faible « capacité collective à faire » des acteurs potentiellement impliqués dans
le développement des AFEST a précipité la décision d’opter pour une démarche volontariste.
Cette faible « capacité à faire » est l’héritage d’un système qui a consacré un modèle « séparatiste »
(J-M. Luttringer, 2015) entre « travail » et « formation ».
• L’obligation fiscale a induit comme effet pervers au sein des entreprises une approche comptable
de la formation adossée à la notion d’imputabilité. Ces dernières ont externalisé leur fonction
formative et délégué la responsabilité afférente à un appareil de formation lui-même pléthorique.
Ce qui a construit un modèle transactionnel de vente et d’achat, et tenu l’entreprise à distance de la
formation. Une articulation plus étroite entre « travail » et « formation » supposerait de s’émanciper
d’une logique strictement marchande pour introduire un régime collaboratif de co-définition de
l’action de formation (Santelmann, 2015). Sachant, par ailleurs, que les chefs d’entreprises, a fortiori
de petites structures, peuvent estimer que l’impératif productif empêche de dégager des marges
de manœuvre pour investir dans une organisation délibérée de développement des compétences.
Ainsi, et contrairement à une croyance répandue, le moindre recours des TPE-PME aux stages n’est
pas compensé par un meilleur taux d’accès des salariés concernés à des formations articulées aux
situations productives. Ce taux croit lui aussi avec la taille de l’entreprise (Marion-Vernoux, 2013).
• Les formateurs, de leur côté, ont peu développé d’expertise en « analyse du travail » alors que
l’AFEST suppose pour reprendre les termes de Bertrand Schwartz de partir de la situation de travail
pour remonter vers l’acquisition de savoirs théoriques et pratiques. Même dans les dispositifs
institutionnalisés d’alternance, le mode d’articulation entre des séquences hétérogènes est dominé
par une logique juxta positive et déductive, ainsi que par une distribution clivée et hiérarchisée des
1 Trois dispositions en particulier méritent d’être mentionnées : faculté ouverte d’opter pour une logique de « forfait », émancipée de la
référence horaire en tant qu’unité d’œuvre ; reconnaissance du caractère « ajustable » du « programme » ; introduction de la notion de «
séquences » – positionnement, accompagnement, évaluation -, plus explicitement rattachables à l’action de formation, définie quant à elle
comme « parcours» précisément « séquentiel ».
2 « Tous les six ans, l’entretien professionnel (…) fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié (…). Il permet de
vérifier que le salarié, au cours des 6 dernières années, a : 1) suivi au moins une action de formation ; 2) acquis des éléments de certification
par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ; 3) bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle » (Code
du Travail, art. L.6315-1).
5
Rapport final expérimentation Afest juillet 201801 savoirs : les savoirs théoriques, réputés plus nobles, sont dispensés dans les centres, de manière
déconnectée des apprentissages réalisés pendant les périodes en entreprise. Ces dernières
sont envisagées, au mieux, comme moments d’application pratique et non comme un moyen de
constitution de savoirs.
• Les Opca, malgré les injonctions législatives et conventionnelles successives, entretiennent un
lien encore ténu avec le public des TPE-PME, et peinent à opérer un glissement de leur cœur de
métier historique en passant d’un rôle à dominante gestionnaire et administrative lié à la collecte/
redistribution des fonds à un rôle de « prestataire de services » à haute valeur ajoutée via en
particulier un enrichissement de leur offre sur le versant pédagogique. Il semblait donc judicieux
de désigner ces organismes paritaires comme la cible prioritaire d’une montée en compétence
collective.
• Les organisations syndicales, quant à elles, ont pu dans le passé, au nom de la visée émancipatrice
de l’éducation permanente promulguée par la loi de 1971, être réticentes à rendre poreuse la
frontière entre la formation et l’espace productif, qui est aussi celui de la subordination salariale.
• Enfin, les instances publiques et paritaires en charge de contrôler le « bon usage » des fonds
peuvent craindre qu’une confusion spatiale et temporelle entre l’acte formatif et productif ouvre
la porte à des « abus ». Il convient notamment d’éviter que les fonds de la formation prennent
directement en charge le salaire et/ou dérogent au régime des aides aux entreprises…
Corrélativement, ces instances ont développé des outils pour tracer la réalité d’un stage en
présentiel hors production mais pas d’une AFEST, perçue notamment par les Opca comme une «
zone à risques »1.
Une méthode innovante pour parvenir à déplacer les lignes : évaluer par l’expérimentation
L’expérimentation relative aux formations en situation de travail vise à révéler les conditions d’installation,
de faisabilité, d’efficacité et d’éligibilité (au titre de « l’action de formation ») d’un objet – l’AFEST –
dont on ne connait, au départ, que très partiellement les contours et la composition. Pour cette raison
notamment, la démarche expérimentale a pour finalité l’élaboration progressive et itérative de repères
communs autour des actions de formation en situation de travail et de leur mise en œuvre effective,
repères susceptibles accessoirement d’inspirer la réglementation à venir2. De ce point de vue,
l’expérimentation AFEST constitue à la fois le lieu et le vecteur d’un processus organisé de révélation
(enactment)3 et d’apprentissage collectif et organisationnel face à des conditions d’implantation a
priori problématiques.
L’expérimentation AFEST constitue simultanément un instrument d’évaluation. On parlera alors
d’évaluation par l’expérimentation4 : il s’agit de révéler en marchant les qualités contributives – et
donc la valeur – des composantes et des environnements propres à une AFEST, de façon à ce qu’elle
s’en trouve elle-même mieux déterminée dans sa forme et/ou son contenu5. Au regard des notions et
des rapports classiquement investis par les évaluations (pertinence / cohérence / effectivité / efficacité
/ efficience), l’évaluation par l’expérimentation – qui est une variante de l’analyse de contribution6 –,
se préoccupe d’abord de la cohérence des moyens et des objectifs. Elle ne se préoccupe pas d’en
juger d’emblée – car ils ne sont pas entièrement connus au départ – mais de les déterminer à la
fois conjointement et chemin faisant. De ce point de vue, l’expérimentation est d’abord un opérateur
de « valuation »7 cherchant à créer un accord sur la valeur des choses : il s’agit, d’une part, de
progresser dans la compréhension partagée de l’objectif véritablement recherché ; par ailleurs – dans
1 Le contrôle par les Opca du service fait par les organismes de formation, rapport IGAS, 2014.
2 A travers le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, il semble acquis que l’action de formation peut être réalisée en
situation de travail ; il restera à déterminer les modalités d’application de cette disposition nouvelle du code du travail.
3 Weick (K. E.), 1977, « Enactment Processes in Organization », in Staw, B. M. & Salancik, G. (Eds), New Direction in Organizational
Behavior, Chicago, St Clair Press, p. 267-300.
4 De ce point de vue, l’évaluation (intégrée et in itinere) par l’expérimentation se distingue des expérimentations pour l’évaluation typiques des
« évaluations d’impact » à base de contrefactuel. Dans ce dernier cas, l’expérimentation, peut être conçue comme la construction d’une
parenthèse « taillée » pour l’évaluation des effets d’une mesure (un « traitement ») dont les termes sont entièrement connus.
5 En France, il faut revenir au rapport Viveret (1989) pour retrouver cette dimension normative : « évaluer une politique, c’est former un
jugement sur sa valeur ». Viveret (P.), 1989, L’évaluation des politiques et des actions publiques, Rapport au Premier ministre, CGP-
Documentation Française, juin.
6 Par exemple, Delahais (T.), Toulemonde (J.), 2012, « Applying Contribution Analysis: Lessons from Five Years of Practice », Evaluation 18
(3), p. 281-293.
7 Prairat (E.), 2014, « Valuation et évaluation dans la pensée de Dewey », Le Télémaque, 46,(2), p. 167-176.
6
Rapport final expérimentation Afest juillet 201801 des configurations complexes autour de l’objet à éclairer – de trouver les conditions de réalisation et
de concrétisation qui traduiront un accord entre les différentes activités déployées par les intéressés
(Opca ; entreprises ; apprenants).
En cohérence avec ces présupposés et ces attendus, l’évaluation est intégrée et continue, à la fois
répartie sur l’ensemble des parties prenantes et « équipée » via la mise à disposition de ressources
au service d’une dynamique de professionnalisation et d’échange de pratiques : mobilisation du
réseau Anact-Aract pour assurer une mission de suivi/capitalisation ; contribution du FPSPP aux frais
d’ingénierie engagés par les Opca qui ont généralement eu recours à l’appui de tiers facilitateurs
(consultants, OF) ; organisation régulière de séminaires et d’ateliers d’échange ; animation d’une
plateforme numérique ; mise en place d’un Comité Technique et Scientifique ; développement d’un
programme de formation à destination des Opca ; etc.
Les questions évaluatives sont structurées autour de 3 axes :
• L’ingénierie de projet qui doit présider à la mise en place d’une AFEST : quelles sont les actions
connexes, en amont de l’installation d’une AFEST (analyse d’opportunité, ciblage des compétences
Copanef, DGEFP,
FPSPP et Cnefop
Pilotage de projet
Fixent les orientations stratégiques,
les objectifs de l’expérimentation,
déterminent son organisation
OPCA
volontaires
Porteurs de projets
expérimentaux
Co-construisent, capitalisent
et mutualisent
Réseau
Anact / Aract
Assistance
maîtrise d’ouvrage
Suit et capitalise les différentes
expérimentations
Consultants /
Organismes
de formation
Intervention terrain
Réalisent l’accompagnement
et participent à la capitalisation
Les acteurs
d’une démarche
collaborative
Experts
Appui technique expertise
Appuient et soutiennent selon
leurs domaines d’expertise les
différents acteurs
à acquérir, repérage des situations dotées d’une haute valeur formative, etc.); qui est en capacité de
faire quoi, entre l’Opca, le consultant, l’OF, et l’entreprise – et en son sein, le dirigeant, le manager,
le formateur AFEST, le collectif, les partenaires sociaux.
• Les pratiques pédagogiques et organisationnelles probantes.
Sur ce plan, on dispose déjà de tout un corpus de savoirs issus principalement de la didactique
professionnelle et de la clinique de l’activité1, sur les facteurs susceptibles de rendre une situation
de travail apprenante : aménagement des exigences productives ; constitution d’un droit à l’erreur ;
confrontation à des aléas ; intégration dans un collectif « professionnalisant » ; construction d’une
progressivité dans la complexité des tâches ; introduction d’un moment réflexif en rupture avec
l’activité productive. Ce dernier point fait consensus chez les spécialistes : c’est en effet le retour
critique sur « ce qui se fait » par différence avec « ce qui est à faire » (Leplat, Hoc, 1983) qui produit
une « discordance » génératrice de compétences (Clot, Prot, 2003). A travers la confrontation à
des réalités de travail variées, l’expérimentation doit permettre d’affiner la connaissance de ces
principes, d’éprouver la résistance que leur opposent les contraintes productives et d’inventer les
modes de dépassement adaptés.
• Les formations en situation de travail à l’épreuve du droit (Delay, Duclos, 2015, Dossier Droit Social).
L’enjeu est double :
–
d’une part, évaluer le niveau de « compatibilité » du cadre normatif, et en particulier des
1 Mayen et al., 2010 ; Conjard et Devin, 2009 ; Fotius et Pagès , 2013
7
Rapport final expérimentation Afest juillet 201801 –
conditions d’exécution d’une action de formation1, avec les AFEST, et, dans l’hypothèse où cette
piste s’avère pertinente, proposer des modifications de la règlementation.
d’autre part, identifier des éléments qui auront vocation demain à administrer la preuve de la
conformité légale des AFEST, et à apporter des éléments d’objectivation pour sécuriser le jugement
des Opca sur l’effectivité, voire sur la qualité2 d’une AFEST. Dans ce registre de la preuve,
tout reste à construire dans la mesure où le format AFEST déclasse les outils traditionnellement
mobilisés par le contrôle, du type attestation de présence et feuille d’émargement.
1 « Les actions de formation professionnelle […] sont réalisées conformément à un programme préétabli qui, en fonction d’objectifs
déterminés, précise le niveau de connaissances préalables requis pour suivre la formation, les moyens pédagogiques, techniques et
d’encadrement mis en œuvre ainsi que les moyens permettant de suivre son exécution et d’en apprécier les résultats » (Code du travail,
art. L. 6353-1 al. 1).déterminés, précise le niveau de connaissances préalables requis pour suivre la formation, les moyens pédagogiques,
techniques et d’encadrement mis en œuvre ainsi que les moyens permettant de suivre son exécution et d’en apprécier les résultats »
(Code du travail, art. L. 6353-1 al. 1).
2 Les Opca, au même titre que les autres financeurs de la formation professionnelle, sont investis par le législateur d’une responsabilité
croissante dans le champ de la qualité.
ii. l’Afest dans le paysage de la formation professionnelle
ire
Dans ce chapitre et dans la suite du rapport, nous désignerons par :
Formateur AFEST : la personne qui va former en situation de travail, en mettant en œuvre sur le
terrain les éléments pédagogiques constitutifs d’une AFEST.
Tiers facilitateur : la personne (le plus souvent un organisme extérieur à l’entreprise) qui va faciliter la
mise en place des AFEST, y compris en accompagnant le formateur AFEST dans sa mission.
a
s
s
o
G
l
Ce chapitre vise à situer l’ambition de l’expérimentation AFEST en qualifiant ses points de convergence
et de divergence par rapport :
• Aux pratiques adjacentes plus ou moins formelles pouvant déboucher sur un développement des
compétences ;
professionnelle ;
• Aux modalités de formation (formelles donc) identifiées dans le paysage français de la formation
• A différents concepts élaborés pour décrire les pratiques de développement des compétences en
lien avec le travail, notamment dans la terminologie européenne.
8
Rapport final expérimentation Afest juillet 201801