L’HYPNOSE DANS
LA CONSULTATION PÉDIATRIQUE
Formation continue
Dr med. Camilla Ceppi Cozzio
Traduction Rudolf Schlaepfer
En général les enfants et les adolescents viennent à
la consultation pédiatrique au sujet de maladies in-
ternes ou chirurgicales pour lesquelles la médecine
moderne met à notre disposition des médicaments
ou des interventions effi caces. De plus en plus on
évoque toutefois des troubles tels la peur avant un
examen, le manque d’estime de soi, des situations
de stress ou des troubles fonctionnels, et les jeunes
patients respectivement leurs parents souhaitent une
amélioration de la faculté d’agir, pour pouvoir maî-
triser de manière autonome les multiples défi s de la
vie quotidienne. Bien qu’effi caces, les moyens pédia-
triques classiques atteignent alors souvent leurs li-
mites. Dans ce contexte j’aimerais présenter l’hyp-
nose en tant qu’option thérapeutique élargie et abor-
der la question, dans quelle mesure elle peut s’avérer
utile dans le quotidien de la consultation pédiatrique.
Les enfants et adolescents amènent leur capa-
cité naturelle à entrer en transe dans le champ d’ex-
périence qu’est le cabinet pédiatrique. Ils s’y trouvent
confrontés à des défi s spécifi ques en lien avec les in-
terventions médicales. Comment les aider à mettre
à profi t leur capacité naturelle à entrer en transe?
Quelles stratégies permettent au pédiatre de tirer
avantage de la transe naturelle? Comment faire en
sorte que le cabinet pédiatrique soit vécu comme un
espace sûr, où de nouvelles expériences amènent à
plus d’autonomie et capacité d’agir?
La transe naturelle est un état de conscience qui
permet aux enfants d’avoir recours à leur vécu et à
leurs propres ressources disponibles. Les enfants
plongent dans les expériences vécues pour explorer,
par l’imagination, diff érents options ou scénarios pou-
vant s’avérer utiles 1). La transe naturelle, comme on
l’observe dans le contexte médical, prend dès lors le
caractère d’une stratégie d’autonomie dont les en-
fants se servent lorsqu’ils sont exposés à des expé-
riences nouvelles et potentiellement dangereuses.
On peut le comprendre comme une tentative sponta-
née et inconsciente de l’enfant de classer d’abord les
expériences, pour les ajuster ensuite aux domaines
partiels de la faculté d’autorégulation (cognitive, af-
fective/émotionnelle, physiologique, comportemen-
tale) 2). Pendant la transe, l’attention est focalisée de
sorte que se manifestent des phénomènes d’absorp-
tion, de dissociation et/ou d’association. Ces phé-
nomènes sont identiques à ceux d’une transe thé-
rapeutique. Dans la pratique pédiatrique les transes
spontanées, pendant lesquelles les enfants écoutent
attentivement et sont réceptifs aux suggestions, se
prêtent aux interventions hypnotiques ciblées. Nous
les appellerons ici interventions hypnotiques courtes.
L’utilisation de ce terme nous permet de distinguer les
interventions hypnotiques courtes des consultations
d’hypnose thérapeutique formelles.
Pendant la consultation médicale les enfants
montrent en outre des stratégies de défense qu’on
peut interpréter comme des capacités à l’autohyp-
nose 2). Le fait d’explorer intensément une crécelle
avec la bouche, de s’adonner minutieusement au jeu
séquentiel ou symbolique avec la maison de poupées
dans la salle d’attente, de se concentrer sur un dessin
pendant un examen préventif ou de se plonger dans
un jeu sur son smartphone, sont des exemples de
cette capacité naturelle à l’autohypnose. Et on peut
apprendre aux enfants à utiliser des aptitudes à l’au-
tohypnose comme une ressource dans le contexte
d’interventions médicales et en tant que stratégie
thérapeutique lors de maladies.
La transe thérapeutique, appliqué dans la consul-
tation hypnothérapeutique, s’adresse aux maladies les
plus variées. Une formation solide en hypnothérapie
est une condition essentielle pour pouvoir proposer
des consultations hypnothérapeutiques.
Le premier pas vers une utilisation effi cace de
l’hypnose au cabinet pédiatrique, consiste à recon-
naître les états de transe spontanée, indépendam-
ment des circonstances pendant lesquelles ils se ma-
nifestent lors d’une consultation. On peut alors les
mettre à profi t en tant que des moments de transe
naturelle. Nous présenterons ici brièvement l’histoire
de l’hypnose pédiatrique, la défi nition de l’hypnose et
ses fondements neurobiologiques. La partie principale
sera consacrée au langage hypnotique, aux interven-
tions hypnotiques courtes et à l’hypnothérapie dans
le cadre de la consultation pédiatrique. Pour terminer,
des précisions sur les conditions pour réussir une hyp-
nose et les possibilités de formation.
Histoire de l’hypnose
Les transes rituelles (lat. transire, franchir, dépas-
ser, aller au-delà), induites par des mouvements ryth-
miques, des danses, la musique ou le chant et des
exercices de méditation, ont une longue tradition dans
les civilisations anciennes et modernes. Des enfants
participent aussi à ces cérémonies et cultes, notam-
ment lors de rites initiatiques.
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Camilla Ceppi Cozzio
Kinder- und
Jugendpraxis
Leepüntstrasse 5
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Correspondance:
c.ceppi@hin.ch
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Kohen et Olness 1) décrivent dans le détail, quels
médecins renommés ont marqué le développement de
l’hypnose dans l’Europe du 18ème et 19ème siècle, alors
que Kohen et Kaiser 3) présentent une vue d’ensemble
très complète des jalons de l’hypnose pédiatrique. Au
milieu du 20ème siècle, Milton Erickson, fondateur de
l’hypnothérapie orientée sur les ressources, donne un
premier élan à l’hypnose pédiatrique. Erickson accorda
une attention toute particulière à la capacité naturelle
des enfants à entrer en transe et mentionne les pos-
sibilités de l’activer et les ressources potentielles in-
hérentes. Depuis les années 1970 l’intérêt pour l’hyp-
nose pédiatrique grandit constamment aux USA. La
Stanford Children’s Hypnotic Susceptibility Scale, qui
mesure la réceptivité hypnotique des enfants, a été
développée. Le nombre de publications augmente
régulièrement. Karen Olness a implémenté l’hypnose
pédiatrique dans la pratique clinique quotidienne et
fait des recherches sur son application clinique. Elle
est considérée aujourd’hui comme la mère de l’hyp-
nose pédiatrique 3). Daniel Kohen est un autre pion-
nier remarquable. Il est actuellement avec Pamela Kai-
ser, une experte mondialement reconnue en hypnose
pour les angoisses de l’enfant, codirecteur du Natio-
nal Pediatric Hypnosis Training Institute (NPHTI). Son
manuel de l’hypnose pédiatrique, édité avec la co-au-
teure K. Olness, est considéré une œuvre standard
1). Leora Kuttner, auteure 4) et cinéaste canadienne, a
également beaucoup contribué, avec ses publications
sur le développement de techniques d’hypnose effi-
caces contre les douleurs aiguës et chroniques, aux
progrès de l’hypnose pédiatrique.
Qu’en est-il de l’hypnose pédiatrique aujourd’hui
en Europe et en Suisse? Les Pays Bas jouent un rôle
de précurseurs par l’implémentation de l’hypnose au
niveau national. L’hypnose y est pratiquée p.ex. en tant
que thérapie de premier choix pour le traitement de
douleurs abdominales fonctionnelles. Le groupe de
Vlieger à Utrecht a montré dans une étude à double
aveugle que l’hypnothérapie centrée sur l’intestin est
très efficace, comparée au traitement standard, pour
réduire l’intensité et la durée des douleurs. Ont été
examiné des enfants de 8 à 18 ans avec des douleurs
abdominales fonctionnelles ou un syndrome du co-
lon irritable. Le succès thérapeutique persistait après
une année (85% dans le groupe avec hypnothérapie
vs. 25% dans le groupe avec thérapie standard) 5). En
Suisse alémanique ce sont Susy Signer-Fischer, psy-
chologue pour enfants et adolescents, et le pédiatre
Thomas Gysin (1936-2018), qui ont reconnu très tôt
les possibilités thérapeutiques de l’hypnose en pé-
diatrie. La deuxième partie de leur livre «Der kleine
Lederbeutel mit allem drin: Hypnose mit Kindern und
Jugendlichen» 6) est vouée à l’hypnose en consultation
pédiatrique. La popularité de l’hypnose augmente ac-
tuellement dans les cabinets pédiatriques, sa valeur
en tant que mesure complémentaire à la médecine
conventionnelle étant reconnue. Parallèlement l’hyp-
nose est utilisée aussi de plus en plus en milieu hospi-
talier. À mentionner que l’Hôpital universitaire de Ge-
nève a débuté en 2017, sous la direction de Claire-Anne
Sigrist et Adriana Wolff, un vaste et unique programme
de formation en hypnose pour le personnel médical.
Définition
Il n’existe ni de définition universellement reconnue ni
scientifiquement validée de l’hypnose. Des éléments
caractérisant l’hypnose sont une limitation passagère
de l’attention, une concentration accrue, un relâche-
ment mental, une modification de la perception, l’ab-
sence de pensée critique-analytique et la faculté d’as-
similer des suggestions.
À partir d’une perspective clinique, Kohen et
Olness 1) définissent l’hypnose et les expériences hyp-
notiques de la façon suivante:
L’hypnose est un état de conscience alternatif, spon-
tané ou induit (avec ou sans relaxation, manifeste
ou non), pendant lequel l’individu développe une
concentration centrée sur une idée ou une image,
avec le but explicite de maximisation de son poten-
tiel, d’obtenir un changement et/ou une réduction
ou la résolution d’un problème.
Leur définition souligne expressément que l’in-
dividu est seul détenteur compétent de ressources.
L’hypnose soutient le détenteur de ces ressources
dans le redécouverte du potentiel de solutions inhé-
rent à ses ressources et à l’orienter de sorte à parve-
nir à des expériences de réussite et d’auto-efficacité.
Revenstorf 7) décrit l’hypnothérapie comme étant:
Un procédé psychothérapeutique qui utilise la transe
hypnotique en tant qu’état de conscience modifié
afin de permettre des changements de comporte-
ment, d’établir de nouveaux liens entre structures de
pensée, de corriger des attitudes et comportements,
de modifier (minimiser, renforcer, reconditionner)
des schémas affectifs, de reconstruire des événe-
ments émotionnels et des sentiments, et de favori-
ser des modifications physiologiques/biochimiques
à la faveur de processus de guérison.
Il décrit que l’hypnothérapie fait appel à des
contenus cognitifs, émotionnels, comportementaux
et physiologiques.
Bases neurobiologiques
Il est prouvé que l’hypnose n’est pas identique au
sommeil. Les enregistrements EEG de l’activité cé-
rébrale montrent que pour l’état de veille détendu de
l’hypnose sont caractéristiques majoritairement des
ondes alpha à amplitude brève, alors que pour le som-
meil sont typiques les ondes lentes delta et thêta à
faible amplitude 8).
La recherche sur la transe s’est longtemps préoc-
cupée de la question à savoir si un état hypnotique et
les réactions à des suggestions hypnotiques ne cor-
respondent qu’à un vécu subjectif de courte durée ou
bien s’ils fondent sur des mécanismes neuronaux et
des modifications plastiques du cerveau. L’utilisation
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de techniques d’imagerie modernes, dynamiques du
cerveau, comme l’imagerie par résonance magnétique
fonctionnelle (IRMf) et la tomographie par émission
de positrons (PET), ont permis une importante per-
cée dans la représentation de la neuroplasticité cor-
ticale qui se produit pendant l’hypnose. Ainsi la sug-
gestion hypnotique de percevoir un graphique gris en
couleur a occasionné une augmentation significative
bilatérale de l’activité dans le gyrus fusiforme et dans
deux noyaux du cortex cingulaire antérieur 8).
Des suggestions proposées pour moduler l’inten-
sité ou le désagrément d’une douleur, induisent des
modifications spécifiques du flux sanguin cérébral
dans le cortex somato-sensoriel et le cortex cingu-
laire antérieur 9). Ces résultats, parmi d’autres, des
neurosciences cognitives et des examens fonction-
nels du cerveau mettent en évidence que pendant
l’hypnose ont lieu des processus neurophysiologiques
spécifiques.
Langage hypnotique
Dès qu’un pédiatre emploie efficacement des éléments
d’hypnose au bénéfice de ses patients, sa conscience
langagière se modifie parce qu’il réalise quels élé-
ments langagiers sont efficaces et permettent d’ou-
vrir aux enfants et adolescents des options de coopé-
ration. Il saisit l’importance du langage en tant qu’ins-
trument thérapeutique et élément clé de l’hypnose.
Sa sensibilité pour la langue s’accroit régulièrement.
Il change les formules, les types d’expression, en rem-
plaçant des termes négatifs ou potentiellement bles-
sants par des formules constructives, induisant et fa-
vorisant une progression.
L’adoption d’un langage ciblé, attentif, qui trans-
met des suggestions positives, orientées sur les com-
pétences («mastery»), est essentiel. Le discours vise
des objectifs personnels comme l’amélioration de la
capacité à l’autorégulation, du bien-être, de la santé
et de la résilience 10).
Ce set de compétences linguistiques propose des
modes de communication accueillants, permettant
aux enfants de puiser dans leurs propres ressources
et expériences et de les utiliser dans le but d’un chan-
gement thérapeutique 11).
Le langage verbal est tout aussi permissif et ac-
cueillant, par le choix des mots, de la vitesse et de la
prosodie, que le langage averbal par la mimique, la
gestuelle et le comportement. Cette manière de com-
muniquer favorise la confiance et la coopération. Des
messages tel «Je ne serais pas surpris, si tu…» trans-
mettent de l’espoir. Ils évoquent des attentes positives
et s’orientent vers l’avenir. La facilité avec laquelle
peuvent intervenir des changements rapides, est sou-
tenue et volontairement renforcée par des énoncés
comme «Peut-être as-tu remarqué comment ta res-
piration a changé» ou bien «N’est-il pas merveilleux
avec quelle facilité tu réussis à…». Des questions du
type «Comment as-tu fait pour…» et «Comment sais-tu
que…» montrent à l’enfant qu’on s’intéresse à sa fa-
çon d’agir. Elles l’encouragent à réfléchir et à explo-
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rer ses propres stratégies. Le répertoire du langage
hypnotique renonce expressément aux phrases conte-
nant des suggestions négatives, comme «La perfusion
ne va brûler qu’un petit peu» ou qui pourraient être
comprises comme telles, comme «Il ne faut pas avoir
peur». Il évoque des situations d’impuissance et dé-
tresse tout en suggérant des options pour agir, comme
«Je te montrerai comment tu peux contribuer à t’ai-
der. Tu pourras assumer des tâches importantes». Les
mots à connotation «douloureuse» sont remplacés par
des termes comme désagréable, inconfortable. Une
attaque (p.ex. attaque de panique) sera nommée épi-
sode. Le terme épisode comprend une structure tem-
porelle: début, milieu et fin. Le choix du nouveau mot
favorise d’une part une perception différente des ex-
périences faites à ce moment, d’autre part commu-
nique qu’on peut apprendre à s’en sortir. Les termes
impersonnels, inadéquats, qui réduisent le patient à
sa maladie et font abstraction des ressources dispo-
nibles, comme «un diabétique» ou «un asthmatique»,
appartiennent au passé. La langue est utilisée tel un
agent thérapeutique puissant, pour transmettre des
messages de renforcement de soi («Il fait bon de sa-
voir que tu fais cela tout juste»), de sérénité («Cela
aide de savoir ce qui se passe, sans être perturbé»),
de bien-être («Pour que tu te sentes à nouveau bien,
je ferai…») ou de guérison («D’après ce que je pense,
c’est exactement le bon médicament pour toi»). Le dis-
cours doit évidemment être adapté à l’âge de l’enfant.
Il est important d’employer les mots avec attention et
précision, parce que les enfants en transe sont parti-
culièrement curieux, écoutent attentivement et sont
très réceptifs pour des suggestions. L’utilisation du
langage hypnotique pendant l’examen physique, aide
les enfants et adolescents à se sentir plus à l’aise.
La description «Dis-moi, s’il-te-plait, si ce n’est pas
agréable» met le côté agréable au centre de l’examen.
Par la question «Quelle oreille veux-tu que j’examine
en premier, la gauche ou la droite?» on offre un choix.
Interventions hypnotiques courtes
Comme mentionné, pendant les consultations nous
pouvons observer des transes spontanées plusieurs
fois par jour. Les pédiatres disposant d’un sens de
l’observation précis, ils ont souvent perçu chez les
enfants des signes physiques d’une transe sponta-
née. Mais il est possible qu’ils ne les aient pas recon-
nus comme tels. Signes physiques de transe sont un
regard fixe, la relaxation de la musculature et des ex-
trémités qui sont comme hors service ou gelées. La
respiration est profonde et ralentie. Est typique pen-
dant l’enfance la transe éveillée, pendant laquelle le
jeu est intensifié et l’attention fixée exclusivement sur
l’activité présente. Les enfants ont la faculté d’entrer
et sortir d’une transe par des séquences rapides et
changeantes 4).
Les enfants amènent leur capacité naturelle à en-
trer en transe sur le terrain d’expériences qu’est le
cabinet pédiatrique. La transe spontanée est déclen-
chée dans le meilleur des cas par la nouveauté de la
situation, dans le pire des cas par une expérience an-
térieure désagréable. On peut la comprendre comme
une invitation à se joindre au monde et au vécu de l’en-
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Formation continue
fant, afin de saisir le moment de suggestibilité accrue
et le mettre à profit pour une intervention hypnotique
courte. La condition pour réussir une telle interven-
tion est l’établissement d’une relation de confiance.
Les interventions hypnotiques courtes doivent aussi
tenir compte de la situation clinique et du développe-
ment de l’enfant. Les pédiatres constatent souvent
avec étonnement qu’ils ont inconsciemment inclus
ces éléments dans leur quotidien, en veillant, en tant
que praticiens, à ce que les enfants et adolescents
ressentent et vivent le cabinet pédiatrique comme
un lieu sûr et protégé.
Sont considérées des interventions hypnotiques
courtes toutes les approches adéquates, adaptées à
l’enfant, qui par dissociation amènent le calme et la
détente. Des interventions hypnotiques courtes vi-
suo-auditives bien connues consistent à proposer une
boite à musique ou une éolienne pendant la vaccina-
tion. Des interventions hypnotiques courtes kinesthé-
siques par des mouvements rythmiques (p.ex. berce-
ment) ou synesthésiques (poser une main protectrice
ou chantonner pendant une intervention médicale)
sont précieux pour induire une transe et agir de façon
dissociative. Un léger fond sonore, un fredonnement
ont un effet hypnotique lors de l’examen des oreilles 12).
Les interventions hypnotiques courtes verbales
basent sur des formules qui créent une interface entre
la curiosité de l’enfant et le laisser aller à une nou-
velle expérience hypnotique accompagnée 2). Elles
s’adressent au plaisir de découverte, à l’enthousiasme
et la volonté d’apprendre de l’enfant. Elles touchent
à quatre domaines: maîtrise de compétences déve-
loppementales, attentes positives, changements de
comportement/motivation et autorégulation 2). Des
messages comme «J’ai un truc intéressant, quelque
chose de différent à te proposer et je t’apprendrai et
te montrerai ce que je sais. Connais-tu l’interrupteur
de la douleur?» éveillent la curiosité en évoquant une
chose inconnue 13), et invitent en même temps l’inter-
locuteur à devenir partenaire d’une alliance. Une in-
tervention hypnotique courte verbale pour réduire le
stress et augmenter la sensation de bien-être peut
se présenter ainsi: «Sais-tu comment tu peux t’aider
pendant cet examen? Laisse-moi te montrer, com-
ment devenir plus calme. Tu peux respirer trois fois
profondément et devenir calme. – Excellent, tu fais
cela très bien. C’est un travail important que tu fais,
car tu aides ton corps à se sentir mieux». De telles
interventions hypnotiques courtes verbales incitent
l’enfant à faire des choses dont il ne savait pas qu’il
s’agit de stratégies lui permettant d’influencer des si-
tuations médicales de manière auto-active et de les
percevoir comme un succès.
L’intervention hypnotique courte suivante, combi-
née à une analgésie médicamenteuse adéquate, est
recommandée notamment pour des situations dou-
loureuses aiguës, parce qu’elle permet une dissocia-
tion temporelle, spatiale ou situative: «On dirait que tu
préférerais ne pas être ici? Est-ce bien cela? Où pré-
férerais-tu être plutôt qu’ici? – Bien. Alors je t’invite
à imaginer de te trouver à l’endroit où tu t’occupes
de ce que tu préfères ou …» 2) 12). La perception de
soi et l’intensité de la pensée peuvent être renforcées
par l’intervention hypnotique courte suivante: «C’est
surprenant ce que l’esprit peut faire pour le corps.
N’est-il pas intéressant de constater que rien qu’en
pensant intensément à frotter la partie douloureuse
de ton corps, il se produit un changement et l’endroit
ce sent mieux?».
Une comptine créée par l’enfant est une interven-
tion hypnotique courte qui peut s’avérer utile, p.ex.
pendant une désensibilisation, pour le renforcement
du moi et pour gagner du courage; p.ex. «easy-peasy
j’ai du courage plein, easy-peasy tout va bien».
Les interventions hypnotiques courtes se prêtent
aussi pour prendre congé, p.ex. par des questions
comme «Admettons que tu vas beaucoup mieux, com-
ment t’en apercevras-tu?» ou «Comment sentiras-tu
que la toux a passé?» Elles attirent l’attention sur de
possibles changements et en aiguisent les percep-
tions. Que le vécu lors d’interventions hypnotiques
courtes peut s’avérer utile à l’avenir et dans d’autres
contextes, peut être transmis de la façon suivante:
«Maintenant que tu sais comment tu peux t’aider toi-
même, pour te détendre et …, tu pourras utiliser tes
capacités dans de nombreuses autres situations dans
la vie, p.ex. des examens et …, et plus souvent tu le
fais, meilleur tu seras».
Hypnoanalgésie
Le gant magique (magic glove), conçu par Leora Kut-
ter, est une intervention hypnotique courte rapide,
kinesthésique. Il s’agit d’une technique de maîtrise
de la douleur par l’hypnose très polyvalente, en rédui-
sant la douleur anticipative et la douleur pendant l’in-
tervention médicale. En outre la sensation de douleur
est diminuée. Par l’attention ciblée, l’imagination de
l’enfant est canalisée de sorte qu’il s’installe une sensi-
bilité réduite voire une insensibilité à la douleur à l’en-
droit où est appliqué le gant magique. Cela renforce
la confiance de l’enfant de pouvoir maîtriser par lui-
même des interventions médicales angoissantes. Cela
renforce durablement la capacité d’autorégulation et la
confiance en soi. La réussite du gant magique dépend
strictement de la confiance de l’enfant dans la tech-
nique de maîtrise de la douleur et d’une attente posi-
tive de l’enfant. Le gant magique est adapté aux en-
fants de 3 à 12 ans. Son utilisation est recommandée
pour des prises de sang, la pose de voies veineuses,
les ponctions de port-a-cath et la suture de plaies.
On trouve une vidéo avec les instructions sur You-
Tube (www.youtube.com/watch?v=cyApK8Z_SQQ).
Consultation hypnothérapeutique
La consultation hypnothérapeutique est une plate-
forme qui permet d’aborder des problèmes, p.ex. l’énu-
résie, la phobie des aiguilles ou des douleurs abdomi-
nales fonctionnelles, avec suffisamment de temps.
C’est attrayant, pour les enfants et le pédiatre, de
développer, dans un processus créatif de discussion
et coopération, des solutions sur mesure. L’annonce
«Réfléchissons ensemble aux compétences que tu
aimerais acquérir pour te libérer de tes difficultés»
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l’illustre. Cette introduction invite l’enfant à la parti-
cipation et déclare la disposition à une collaboration
respectueuse. Elle précise par ailleurs que les points
de vue de l’enfant seront entendus, réfléchis et pris
en considération. Cela favorise l’élaboration d’un rap-
port de confiance, base indispensable à la réussite du
travail thérapeutique.
La première consultation est très importante,
cela vaut donc la peine d’y réserver suffisamment de
temps, 60-90 minutes. La première rencontre se fait
avec l’enfant/adolescent et sa famille. Une anamnèse
détaillée, médicale et orientée sur les ressources,
est importante. Des approches comme «Raconte-moi
quelque chose que tu fais dans ta vie et qui t’absorbe
complètement, parce que tu l’aimes beaucoup, au
point d’oublier le temps» permettent d’explorer sys-
tématiquement les intérêts, les préférences et les
forces 2) 12). Il faut réunir les informations concernant
les diagnostics et traitements antérieurs et les pro-
fessionnels impliqués. Une écoute et observation at-
tentives sont la clé pour reconnaître les transes na-
turelles. Tout ce que l’enfant amène, dit ou fait, a son
importance. Il est essentiel de prendre des notes pré-
cises, p.ex. en retenant à la lettre certaines formula-
tions 2). Les caractéristiques spécifiques de l’enfant
seront ensuite utilisées pour l’induction et le proces-
sus de la transe thérapeutique 1). Il faut s’assurer que
toutes les personnes concernées soient entendues.
L’hypnothérapie est une stratégie dynamique, de
progression. On définit un objectif, qui comprend en
général l’amélioration de l’autorégulation et de l’au-
tonomie. On respecte ainsi le développement, les be-
soins, les ressources et les intérêts de l’enfant 2).
Les vignettes ci-après illustrent, comment profi-
ter d’éléments de la transe spontanée pour atteindre
des objectifs prédéfinis.
•Objectif: maîtriser une prise de sang
Une fillette de 11 ans atteinte d’une maladie chro-
nique, souhaitait ardemment pouvoir maîtriser tran-
quillement les prises de sang régulières, au lieu de
pleurer et hurler. Lors de la description des prises
de sang antérieures, elle se trouvait dans une transe
négative, angoissée. Questionnée sur ses activités
préférées, elle commença à sourire et glissa, en par-
lant de sirènes, danse et théâtre, dans une transe
positive. Tout en parlant, elle protégeait les coudes
de ses deux mains.
La fascination pour les sirènes, la danse et le théâtre
apparût être l’élément idéal pour le développement
d’une histoire. Au cours d’une transe thérapeu-
tique on lui raconta l’histoire d’une sirène qui, in-
vitée à un bal au château, n’osait pas y aller. Alors
que, couchée dans l’eau peu profonde, elle regar-
dait indécise la plage, elle découvrit une paire de
ravissants gants de bal qu’elle se dépêcha d’enfi-
ler jusqu’aux coudes. Les gants couvraient les bras
et les coudes d’une couche protectrice et agréable.
Ils conférèrent tellement de courage à la sirène
qu’elle osa se rendre au bal et danser. Les invités
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applaudissaient la beauté, le courage et l’élégance
avec laquelle la sirène dansait. Par la suite, chaque
fois que la sirène touchait ses coudes, elle sentait
la couche protectrice et son courage grandissait.
Lors des consultations suivantes on lui proposa une
désensibilisation progressive. On joua d’abord des
prises de sang imaginaires, étape par étape. Puis la
fillette osa toucher le matériel nécessaire à la prise
de sang. Finalement elle participa au casting pour
un film. On cherchait une actrice convaincante et
compétente, sachant expliquer et montrer aux en-
fants comment on faisait chez elle, simplement et
rapidement, une prise de sang.
•Objectif: suffisamment de sommeil
Un adolescent de 15 ans qui faisait ses devoirs et
communiquait avec ses pairs tard le soir, constata
qu’il lui fallait plus de sommeil. La tension émo-
tionnelle l’empêchait de s’endormir. Il ne lui était
pas possible d’atténuer le stress interne. Lorsqu’il
parlait des fêtes avec ses copains ou de son ska-
teboard, il entrait en transe. Il imitait ces activités
préférées avec des mouvements rythmiques de son
corps. Pendant la transe thérapeutique, le sommeil
se présenta en ami fidèle qui lui apprit à laisser sor-
tir les tensions comme les petites bulles d’un coca.
Ensuite l’ami l’invita à faire du skateboard. Ensemble
ils descendirent une pente tels des champions et
plongèrent de la lumière du jour dans le calme pro-
metteur du pays des rêves.
Un enregistrement vocal de la consultation a été
remis à l’adolescent, pour qu’il puisse exercer l’au-
tohypnose tous les jours chez lui.
•Objectif: bien-être dans le ventre
Une fillette de 8 ans décrit en transe, les yeux ou-
verts, que ses maux de ventre étaient comme si
un homme avec une longue barbe la chatouillait.
Elle pensait réagir peut-être de façon excessive. On
profita de ce moment spécifique pour se joindre à
la construction de la fillette. Elle fut encouragée à
prendre contact, en tant que cheffe de son corps,
avec le monsieur à la longue barbe afin de lui don-
ner des instructions de conduite claires, de sorte
qu’une sensation de bien-être put se répandre dans
son ventre.
La fillette réussit à utiliser habilement et de manière
ciblée la nouvelle expérience faite lors d’une seule
consultation hypnothérapeutique.
L’offre d’une consultation hypnothérapeutique re-
présente un élargissement substantiel de l’éventail
thérapeutique dans la pratique pédiatrique. Il est pos-
sible de développer, au bon moment et à bas seuil, des
solutions créatives pour des domaines très vastes:
douleurs aiguës, chroniques ou récurrentes, céphalées
de tension et migraines, douleurs abdominales récur-
rentes, syndrome du colon irritable, énurésie, enco-
présie, troubles du sommeil, maladies psychosoma-
tiques, troubles du comportement (p.ex. angoisses,
troubles de l’adaptation), troubles de l’apprentissage,
tics nerveux ainsi que d’autres symptômes d’origine
émotionnelle ou de stress 3).
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Vol. 30 | 1-2019
Formation continue
Il faut souligner que sont prises en charge dans la
consultation hypnothérapeutique uniquement les pa-
thologies qui sont du domaine de compétence du/de
la pédiatre concerné/e. Pour une prise en charge cor-
recte il faut respecter les limites personnelles et thé-
rapeutiques. Des maladies psychiatriques complexes,
p.ex. phobies, dépressions ou anorexie, doivent être
adressées au spécialiste. Le risque d’aggravation de
problèmes émotionnels, le traitement de patients psy-
chotiques ou émotionnellement instables, ainsi que
l’utilisation de l’hypnothérapie à des buts récréatifs,
sont des contre-indications à l’hypnose.
Conditions cadre
Plusieurs conditions doivent être remplies pour que
l’hypnose soit acceptée et atteigne l’objectif visé. Les
mythes tournant autour de l’hypnose doivent être cla-
rifiés d’emblée. Les enfants et les parents doivent sa-
voir que l’hypnose n’a rien à voir avec contrôle de l’es-
prit, lire la pensée ou magie. Il doivent être rassurés
sur le fait que l’hypnose spectacle et l’hypnose mé-
dicale sont deux choses clairement différentes, cette
dernière se mettant respectueusement au service du
patient, pour qu’il atteigne ses propres objectifs très
personnels.
On n’obtiendra un changement que si l’enfant ou
l’adolescent sont prêts et ouverts à un soutien basé
sur l’hypnose, sinon il ne se passera rien. C’est à eux
de trouver la voie vers la solution. Leur motivation
e