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LA FORMATION DES BIBLIOTHÉCAIRES
POUR LA JEUNESSE
Les Assises nationales des biblio-
thèques pour la jeunesse se sont
tenues à Paris, début janvier 1999.
Cette rencontre devait faire le point
sur les pratiques, les attentes et les
questions des professionnels des
bibliothèques pour la jeunesse. Ces
assises avaient pour objectif non seu-
lement de permettre un échange
d’idées et d’expériences, mais surtout
de donner naissance à une organisa-
tion permanente de réflexion.
Le dernier espace d’échanges, et le
plus attendu de ces journées, portait
sur le métier de bibliothécaire pour la
jeunesse et les formations proposées
aujourd’hui. Temps d’échanges et de
débats lourds d’inquiétudes pour les
quelque 400 bibliothécaires réunis.
Le CAFB (certificat d’aptitude aux
fonctions de bibliothécaire), seul
diplôme professionnel qui permettait
une cohésion et une réflexion sur la
profession, a disparu. Les formations
proposées sont très lacunaires et ne
présentent aucune cohérence, que ce
soit dans les institutions ou hors de
celles-ci.
Les bibliothèques pour la jeunesse
semblent avoir apparemment trouvé
leur vitesse de croisière. Maintenant,
elles font partie de tous les équipe-
ments de lecture publique : elles dis-
posent de surface et de personnel.
Que peut devenir une institution si
elle n’est pas accompagnée de forma-
tions et de réflexions permanentes ?
On ne peut rester sur un consensus
sur le métier de bibliothécaire, ses
différentes facettes doivent être
abordées en formation. Peut-être
sommes-nous à la croisée des che-
mins, mais
l’avenir n’est guère
brillant. Face à la révolution techno-
logique de la société, le métier de
bibliothécaire réclame de plus en
plus de professionnalisme et de com-
pétences. Les bibliothécaires pour la
jeunesse doivent se poser les ques-
tions suivantes : comment se situer
par rapport à la profession ? Com-
ment affronter le nouveau monde du
savoir ? Ils doivent se préparer à y
répondre, mais est-ce possible sans
formation spécifique ? Comment
définir le métier de bibliothécaire
pour la jeunesse aujourd’hui ? Est-ce
un métier spécifique ? Former des
bibliothécaires spécialisés a-t-il réel-
lement un sens ?
Si l’on regarde l’histoire des biblio-
thèques pour la jeunesse en France,
tout en gardant à l’esprit que celle-ci
est étroitement liée à l’évolution des
institutions, au développement de la
lecture publique, ainsi qu’à « l’his-
KATERINE FEINSTEIN
Médiat Rhône-Alpes
Université Pierre
Mendès-France, Grenoble
Katerine.Feinstein@upmf-grenoble.fr
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toire » du CAFB, seul diplôme pro-
fessionnel ayant eu et ayant encore
une réelle valeur marchande sur le
marché du travail, on peut trouver
des bases et des ouvertures pour ali-
menter
réflexion. Certaines
périodes semblent assez signifi-
catives et remplies d’enseignements.
la
À L’ÉPOQUE
DES BIBLIOTHÈQUES
PIONNIÈRES
ET DE LA
BIBLIOTHÈQUE DE
L’HEURE JOYEUSE
L’OBJECTIF
PRIORITAIRE ÉTAIT
DE « CULTIVER
L’ENFANT »
Il me paraît intéressant de faire une
étude historique pour mieux com-
prendre et appréhender le métier et
la formation des bibliothécaires pour
la jeunesse.
Des années 20 aux années 60
la bibliothèque de
C’est « l’époque des pionnières » et
de
l’Heure
Joyeuse. Cette bibliothèque, inspi-
rée du modèle anglo-saxon, s’inscri-
vant dans
la mouvance des
mouvements d’éducation nouvelle,
était portée en particulier par une
femme exceptionnelle, Marguerite
Gruny, qui y voyait « un des moyens
les plus sûrs de répandre la culture
dans tous les milieux »
L’objectif prioritaire était de « culti-
ver l’enfant ». Cela passait par une
autre
en
employant une autre pédagogie, en
créant d’autres relations entre
adultes et enfants. Il va de soi que
vision de
celui-ci,
la
lecture,
cette conception allait rencontrer
d’énormes résistances idéologiques
et politiques.
Les stages proposés par l’Heure
Joyeuse furent réellement les pre-
mières
formations offertes aux
bibliothécaires pour enfants. Ils
apportaient des éléments théoriques
et pratiques. Marguerite Gruny, qui
les avait conçus, présentait les buts
de la bibliothèque de la façon sui-
vante : la bibliothèque doit faire
œuvre d’éducation et non d’amuse-
ment ou de distraction. Elle doit
avoir une portée
intellectuelle,
morale et sociale, elle doit former
des hommes et des femmes, lecteurs
de goût. Il faut donc développer le
goût de
l’affiner,
apprendre à se documenter, donc à
choisir. Le choix des livres est
abordé avec prudence, mais il est
clairement dit que les livres doivent
être donnés pour développer les
connaissances, le jugement, l’imagi-
nation ; qu’ils ont une influence
morale, sociale, esthétique, intellec-
tuelle.
Les enseignements théoriques sont
complétés
travaux
pratiques : exercices de catalogage,
de classement, rédaction de notices
donnant les contenus des livres
(genre du livre, résumé, critique,
fond et forme, valeur pédagogique),
rangement des livres, préparation
d’exposition, travail avec les enfants,
lecture de livres aux enfants, inscrip-
tions, conseils aux lecteurs. En début
de stage, des listes de livres sont
donnés aux stagiaires : classiques de
la littérature pour enfants ou livres
modernes susceptibles de devenir
célèbres et, en fin de stage, une liste
de livres sur les bibliothèques et la
psychologie de l’enfant. « Si les sta-
giaires ont su dégager l’importance
de la bibliothèque pour enfants dans
la formation du lecteur et de l’homme
de demain, si elles ont compris qu’il
s’agissait non pas tant de faire lire
l’enfant, mais de lui apprendre à uti-
liser livres et bibliothèques avec intel-
ligence, si elles ont profondément
senti la nécessité de protéger les
jeunes contre les publications laides,
vulgaires, malsaines, d’inspiration
obtuse, pour les pousser progressive-
ment vers celles capables de former
des
par
leur goût et de les faire progresser
intellectuellement et spirituellement,
alors nous croyons qu’elles ont
appris l’essentiel »1.
En 1951, il est créé un diplôme
national, le Certificat d’aptitude aux
fonctions de bibliothécaire. Margue-
rite Gruny est chargée d’organiser
l’option « Bibliothèque pour enfants
et adolescents ». « Ce jour-là, on
les
reconnaissait
efforts qui avaient été accomplis à
l’Heure Joyeuse pendant un quart de
siècle en vue de la formation profes-
sionnelle. Enfin on allait montrer que
le travail dans une bibliothèque pour
enfants est un métier et un métier par-
ticulièrement chargé de responsabili-
tés quand les usagers sont des
enfants »2.
officiellement
ON NE PEUT PAS
AVOIR
DE BONS
BIBLIOTHÉCAIRES
POUR ENFANTS
SANS FORMATION
EFFICACE
Durant cette période des premières
bibliothèques pour enfants, la biblio-
thèque est un lieu d’acquisition du
savoir et de l’autonomie, un lieu de
transmission du savoir et de la cul-
ture par l’apprentissage. Voici donc
« la fin des temps héroïques » mar-
qués par le travail colossal de Mar-
guerite Gruny, particulièrement en
matière de formation. Formation,
certes, mais aussi innovation et
recherche, dont l’objectif principal
était que le métier de bibliothécaire
pour enfants soit un véritable
métier : on ne peut pas avoir de bons
1. Marguerite GRUNY, Causeries sur les stages,
décembre 1938.
2. Marguerite GRUNY, « L’Époque des pionniers »,
La Revue des livres pour enfants, 1986.
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bibliothécaires pour enfants sans
formation efficace. La formation
permet de légitimer une profession :
ces idées, qui étaient celles de Mar-
guerite Gruny, sont toujours essen-
tielles.
Des années 60 aux années 80
C’est l’époque du militantisme cultu-
rel et de La Joie par les livres. Le che-
min parcouru est immense. La Joie
par les livres et Geneviève Patte vont
prendre le relais de Marguerite Gruny
et de l’Heure Joyeuse.
LA RÉFLEXION
QUI EST MENÉE
SUR LA LECTURE
CONTRIBUE
À FAIRE
DE LA
BIBLIOTHÈQUE
UN POINT DE MIRE
ET UN RELAIS
ENTRE L’ÉCOLE
ET LA FAMILLE
C’est le temps de l’irrésistible ascen-
sion des bibliothèques pour enfants.
La bibliothèque est devenue un lieu
de loisir culturel, un lieu éducatif où se
développe le goût de lire par le plaisir.
Les bibliothécaires pour enfants sont
de plus en plus nombreux, imbibés de
discours « psychologisants » et animés
par la fibre militante tout en s’enfer-
mant dans le ghetto de l’enfance.
Toute la réflexion qui est menée sur la
lecture, l’importance sociale et cultu-
relle qui est conférée à la bibliothèque
contribuent à faire de celle-ci un point
de mire et un relais entre l’école et la
famille.
la
On recherche de nouvelles images de
marque des bibliothèques et des
bibliothécaires pour la jeunesse, de
nouvelles conceptions de projets édu-
catifs incluant autour du livre toutes
sortes d’animations qui s’inscrivent
dans un mouvement général en
faveur de l’enfant, qualifié de « redé-
couverte du métier d’enfant »3.
Les temps changent, les bibliothé-
caires aussi4, le métier se transforme.
Qu’en est-il de
formation ?
La formation des futurs conserva-
teurs, personnel d’encadrement
des bibliothèques, à l’ENSB (École
nationale supérieure des biblio-
thèques) se réduit à quelques cours et
quelques
travaux dirigés. Cela
semble significatif et montre donc la
place occupée par les bibliothèques
et celle de la littérature pour la jeu-
nesse ! Les épreuves et le programme
du CAFB ne changent pas. La prépa-
ration dépend des centres régionaux
de formation professionnelle dont les
budgets et les structures fluctuent. La
préparation de l’option Jeunesse
dépend de la richesse des centres
ainsi que du dynamisme et de la
bonne volonté des bibliothécaires de
la région. Les enseignements sont les
mêmes que ceux d’il y a vingt ans. Les
grandes nouveautés sont des cours
sur la bande dessinée, sur les nou-
velles stratégies de lecture, et sur
l’animation. « Il faut noter la place
particulière faite à l’animation dans le
programme de l’option Jeunesse, où
elle est présentée comme un secteur
spécifique au même titre que des disci-
plines nouvelles telle la psychopéda-
gogie »5. Selon les centres, ou bien
cette préparation est faite unique-
ment en vue de l’examen, ou c’est
une formation plus complète desti-
née à préparer réellement au métier
de bibliothécaire pour la jeunesse.
3. Bernadette SEIBEL, « Anatomie des
bibliothèques pour la jeunesse », BBF, 1986,
n° 1, p. 44-47.
4. Les bibliothécaires pour enfants ont en
général un bon bagage universitaire et sont
fortement imprégnés des idées de 68. Ce qui
explique leur investissement personnel et
permet aux bibliothèques pour enfants d’être un
secteur particulièrement dynamique.
5. Bernadette SEIBEL, Bibliothèques municipales
et animation, Paris, Dalloz, 1963.
La Joie par les livres assure la coordi-
nation de l’option tant bien que mal,
dans des conditions matérielles diffi-
ciles.
L’actualisation de cet examen semble
mince et la marge de manœuvre est
étroite au regard des constatations
des membres du jury: « Il existe un
réel flottement, que chacun essaie de
combler de son mieux, mais le jury ne
pouvant statuer sur des critères com-
muns se trouve de plus en plus
désarmé pour juger les candidats qui
ont d’une part des diplômes élevés et
d’autre part un degré d’expérience
tout aussi différent ou souvent inver-
sement proportionnel au nombre de
diplômes… Les motivations de l’exa-
men restent difficiles à cerner »6.
DURANT CETTE
PÉRIODE
LA SEULE
ÉVOLUTION
INTÉRESSANTE
EST
LE DÉVELOPPEMENT
DE LA FORMATION
CONTINUE
« Rien n’a changé de façon substan-
tielle : dans un sens, la formation don-
née à l’Heure Joyeuse dans les années
50 préparait mieux au travail effectif
des bibliothécaires », écrit Geneviève
Patte en 1988.
La seule évolution intéressante est le
développement de
la formation
continue. L’ABF (Association des
bibliothécaires français) forme de
façon succincte les bénévoles et les
bibliothécaires des petites villes.
Le centre de formation des person-
nels communaux (CFPC devenu
6. Archives CAFB/Joie par les livres, 1982.
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CNFPT, Centre national de la fonc-
tion publique territoriale) organise
dans beaucoup de régions des stages
appréciés sur la gestion et l’anima-
tion des bibliothèques ou la littéra-
ture de jeunesse. Ces formations
semblent répondre à la demande et
elles correspondent mieux à la réalité
du travail : elles prennent en compte
les diverses facettes du métier.
Des stages, des cycles de conférences,
des colloques, des journées d’études
sont organisés par La Joie par les
livres ou d’autres organismes. Des
outils de formation sont réalisés sous
forme de documents écrits ou audio-
visuels.
La réflexion de Geneviève Patte
(juin 1988) est particulièrement signi-
ficative : « Paradoxalement, les biblio-
thécaires pour enfants semblent avoir
souvent une formation inférieure à
celle que reçoivent d’autres profes-
sionnels de l’éducation ».
Il n’y a pas de bataille pour la forma-
tion, même si les bibliothécaires res-
sentent bien que
le CAFB ne
correspond pas à l’évolution de la
profession. Cependant, les bibliothé-
caires pour la jeunesse trouvent leur
légitimité dans le fait qu’ils essaient
de faire reconnaître la bibliothèque
comme originale, différente et sur-
tout comme moteur de changement.
Ils ne sont pas dans la course de l’in-
formatique, de l’audiovisuel, ou si
peu. L’intérêt de leur travail com-
pense l’absence de définition de sta-
tut ou de réflexion sur l’avenir de la
profession et de la formation.
Pourtant, en 1987, un grand change-
ment institutionnel s’est produit au
niveau de la formation. Deux minis-
tères, celui de l’Éducation nationale
et celui de la Culture, créent les
centres régionaux de formation aux
carrières des bibliothèques, du livre
et de la documentation, rattachés à
l’Université. Ces centres ont pour
mission la formation initiale, en parti-
culier la préparation au CAFB et la
formation continue. En 1989, voici
enfin la réforme tant attendue du
CAFB. L’option Jeunesse devient
une spécialité. Cependant, il faut
remarquer qu’il n’y a plus de diffé-
rences entre bibliothécaires adultes
et bibliothécaires jeunesse qui doi-
vent tous passer l’option Média-
thèques publiques ; aux bibliothé-
caires pour la jeunesse de légitimer
leur profession en faisant valoir leurs
compétences. La spécialité Jeunesse
s’étale sur une année ou un semestre
selon les centres de préparation et le
stage pratique dure un mois. L’intérêt
réside dans le fait que les futurs
bibliothécaires reçoivent certains
enseignements universitaires.
A l’aube de l’an 2000 :
quelle formation
pour quels bibliothécaires ?
En 1991, tout est remis en question :
de nouveaux statuts sont créés dans
le cadre de la fonction publique
d’État et territoriale. Nouveaux sta-
identité, nouvelle
tuts, nouvelle
LES
BIBLIOTHÉCAIRES
POUR LA JEUNESSE
TROUVENT
LEUR LÉGITIMITÉ
DANS LE FAIT
QU’ILS ESSAIENT
DE FAIRE
RECONNAÎTRE
LA BIBLIOTHÈQUE
COMME DIFFÉRENTE
ET SURTOUT
COMME MOTEUR
DE CHANGEMENT
formation ? Ces changements provo-
quent une très grande inquiétude
dans la profession. Les recrutements
se feront par concours avec des for-
mations post-recrutement. Le CAFB
est supprimé. Au même moment, les
documentalistes des collèges et des
lycées trouvent leur identité et leur
légitimité dans la création du CAPES
(certificat d’aptitude au professorat
de l’enseignement secondaire) de
documentation.
La bibliothèque pour la jeunesse s’est
intégrée progressivement aux autres
services du secteur pour adultes. Elle
constitue une facette de la biblio-
thèque. L’édition pour la jeunesse
s’est développée de façon considé-
rable. Les livres pour enfants sont
considérés comme une littérature à
part entière. A la différence de la lit-
térature générale, la grande presse ou
même la presse professionnelle pro-
posent très peu de comptes rendus
critiques pour ce domaine de l’édi-
tion. Les bibliothécaires pour la jeu-
nesse doivent conseiller les enfants
dans leur lecture, informer les adultes
(parents, enseignants, personnels de
la petite enfance) sur la littérature
pour la jeunesse. La diversité et la
complexité des tâches expliquent
pourquoi la formation des bibliothé-
caires pour la jeunesse est plus
longue dans certains pays, notam-
ment les pays nordiques.
Les bibliothécaires pour la jeunesse
sont cependant des bibliothécaires à
part entière et, comme tels, bénéfi-
cient d’une formation généraliste.
Mais il n’y a plus de formation jeu-
nesse obligatoire aujourd’hui. « Ce
n’est peut-être pas, à mon avis, uni-
quement dû à cette conséquence des
statuts, c’est aussi qu’il n’a pas paru
évident à l’Institut de formation des
bibliothécaires ni à l’ENSSIB que la
spécialité Jeunesse devait être intégrée
dans les formations initiales, compte
tenu que plus de la moitié du public de
la lecture publique sont des enfants.
Quand le problème a été évoqué au
Conseil supérieur des bibliothèques, la
réaction a été unanime : il est tout de
même invraisemblable qu’avec un
chiffre pareil – la moitié du public de
la lecture publique est un public de
moins de quinze ans –, aucune forma-
tion spécifique n’ait été prévue dans
les formations initiales »7.
7. Michel MELOT dans Vingt ans de
développement des bibliothèques pour la
jeunesse, Colloque de Grenoble, 10-11 déc.
1993, Grenoble, Médiat Rhône-Alpes,
Bibliothèques de la ville de Grenoble, 1994.
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Peut-on envisager que les directeurs
d’établissements de lecture publique,
qui doivent en concevoir le fonction-
nement et
la politique, n’aient
aucune formation dans le domaine
du livre et des bibliothèques pour la
jeunesse ? L’offre de formation conti-
nue est éclatée, sans cohérence ni
réflexion, reprenant au coup par
coup les sujets à la mode comme le
conte, les bébés lecteurs ou les ado-
lescents. « Revient-on à l’époque que
l’on croyait révolue où l’on mettait à
la bibliothèque un personnel sans
aucune qualification particulière,
les
comme s’il suffisait d’aimer
enfants ou d’aimer la lecture ? »8.
Actuellement, en France, les IUT
(instituts universitaires de technolo-
gie) proposent des formations très
généralistes,
il existe quelques
diplômes universitaires avec des spé-
cialités « Littérature et bibliothèques
pour la jeunesse », ouverts en forma-
tion initiale et continue. Peut-on
avoir un espoir avec la création des
IUP (instituts universitaires profes-
sionnalisés) métiers du livre ? Ceci à
une condition, c’est que la « spécialité
Jeunesse » dispose d’un temps d’en-
seignement théorique suffisamment
important concernant l’histoire des
bibliothèques et de la littérature pour
la jeunesse, la psychologie de l’en-
fant, la sociologie des publics spéci-
fiques,
des
apprentissages de la lecture, l’anima-
tion. A condition aussi que des stages
pratiques suffisamment longs soient
obligatoires.
La revalorisation de la fonction ou la
qualification des bibliothécaires pas-
sent par l’entrée de la formation à
l’université. La musique par exemple
y est enseignée, alors que la littéra-
ture pour la jeunesse n’est pas encore
une discipline universitaire. Quand il
y aura de véritables enseignants en
littérature et bibliothèques pour la
jeunesse, quand un grand nombre de
chercheurs s’intéresseront à ce
domaine, alors l’avenir de la profes-
sion s’éclaircira. En attendant, un
équilibre est possible entre une for-
mation initiale universitaire ouverte
problématique
la
8. Geneviève PATTE, La Revue des livres pour
enfants, 1991.
visant à l’acquisition des repères et
des méthodes de travail complétés
par de solides formations post-recru-
tement et d’importantes formations
continues qui apportent tout au long
de la carrière des professionnels des
connaissances spécialisées et des
mises à jour nécessaires.
Quoi qu’il arrive, on ne peut faire l’im-
passe d’une instance permettant la
réflexion sur le métier et la formation.
Les Assises des bibliothèques pour la
jeunesse, en janvier dernier, avaient
pour objectif de donner naissance à
une organisation permanente de
réflexion. Cela est indispensable en ce
qui concerne la formation.
LA REVALORISATION
DE LA FONCTION
giques et acquérir de nouveaux savoir-
faire. Une formation « bibliothèques
et littérature pour la jeunesse » trouve
naturellement sa place dans une for-
mation initiale ou une formation post-
recrutement obligatoire pour tous. Il
sera enfin possible aux bibliothécaires
jeunesse qui ont souvent eu un esprit
d’innovation et d’ouverture d’accéder
plus vite à des postes de direction
d’établissement.
Il faut continuer à réfléchir, à bien cer-
ner ce métier pour pouvoir obtenir
une formation intelligente, adaptée à
l’emploi qui permettra une revalorisa-
tion de la profession. Dans ces temps
de mutations, de changements, de
construction de l’Europe, peut-être
pouvons nous attendre des enseigne-
ments des autres pays.
Février 1999
QUALIFICATION
BIBLIOGRAPHIE
OU LA
DES
BIBLIOTHÉCAIRES
PASSENT PAR
L’ENTRÉE DE LA
FORMATION
À L’UNIVERSITÉ
Il reste à dire qu’il est clair que les
bibliothécaires pour la jeunesse sont
devenus des spécialistes de la littéra-
ture pour la jeunesse, travaillant avec
un public spécifique et des partenaires
particuliers. Les bibliothèques pour la
jeunesse font partie intégrante des
équipements de lecture publique et
cela permet de dire qu’il serait néfaste
de créer des filières particulières spé-
cialisées uniquement dans ce secteur.
Ce parti pris d’une meilleure intégra-
tion permettra que le public des
enfants et des jeunes devienne l’af-
faire de tous les bibliothécaires.
Les bibliothécaires pour la jeunesse
ont besoin d’une formation généra-
liste pour leur permettre de mieux
maîtriser les mutations technolo-
Gruny, Marguerite. – « L’Époque des
pionnières ». – La Revue des livres
pour enfants, n° 110, 1986.
Gruny, Marguerite. – « Les Stages de
l’Heure Joyeuse, causerie à l’associa-
tion pour le développement de la lec-
la
ture publique, consacrée à
formation des bibliothécaires ». –
Archives Marguerite Gruny, 1938.
Seibel, Bernadette. – Bibliothèques
municipales et animation. – Paris :
Dalloz, 1983
Seibel, Bernadette. – « Anatomie des
bibliothèques pour la jeunesse ». –
BBF, n° 1, t. 31, 1986.
Patte, Geneviève. – « L’Irrésistible
ascension des bibliothèques pour
enfants dans les années 1960 ». –
Médiathèques publiques, n° 71-72,
1988.
La Revue des livres pour enfants,
Dossier Bibliothèques, n° 137-138,
1991.
Vingt ans de développement des
bibliothèques pour la jeunesse, Col-
loque de Grenoble,10-11 déc. 1993. –
Grenoble, Médiat Rhône-Alpes,
Bibliothèques de la ville de Gre-
noble, 1994.
Actes du colloque : Congrès des
bibliothécaires de la nouvelle Europe.
– Trieste, 1996.
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