Culture et formation des enseignants : bilan et perspectives
Julia Chacín
Université des Andes à Trujillo
Département des Langues Modernes
Résumé
Ce travail cherche à faire un bilan sur la place de la culture dans la formation des
futurs enseignants à l’Université des Andes à Trujillo. En effet, suite à la révision des
programmes et du curriculum en 1995, la section de français a pris la formation à la
culture comme un des axes de la formation didactique et méthodologique. Cela non
seulement dans les matières telles que Culture et Littérature mais aussi dans les niveaux
d’acquisition de la langue. Aussi, le nouveau programme inclut un cours spécifique sur
l’enseignement des cultures étrangères «Contact des cultures». Comment cette formation
a-t-elle influencé la vision des étudiants sur la culture et son rôle dans l’enseignement de
la langue dans la salle de classe? Il est important d’évaluer cette formation et d’essayer
de répondre à cette question.
Mots-clés : Enseignement des langues/cultures, formation didactique, contact des
cultures
Resumen
culturas
Abstract
Cultura y formación de los docentes: balance y perspectivas
Este trabajo se propone hacer un balance del lugar de la cultura en la formación
de los futuros docentes de la Universidad de Los Andes en Trujillo. En efecto, luego
de la revisión de los programas y del currículo en 1995, el Área de Francés asumió la
cultura como uno de los ejes de la formación didáctica y metodológica. Esto concierne
no solamente las materias tales como Cultura y Literatura, sino también los niveles
de adquisición de la lengua. Así mismo, el nuevo programa incluye un curso específico
sobre la enseñanza de culturas extranjeras llamado “Contacto de culturas”. ¿De qué
manera esta formación ha influido en la visión de los estudiantes acerca de la cultura y
su papel en la enseñanza de lenguas extranjeras? Es importante, entonces, evaluar esta
formación y tratar de responder esta interrogante.
Palabras clave : Enseñanza de lenguas/culturas, formación didáctica, contacto de
Culture and teachers education: balance and perspectives
This work tries to make a balance related to the place of the culture in the education
of future teachers at the Universidad de Los Andes in Trujillo. Indeed, following the
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revision of the programs and the curriculum in 1995, the French section took the culture
– oriented instruction as one of the axes of the didactic and methodological education.
And this, not only in subjects as Culture and Literature, but also in language acquisition.
The new program also includes a specific course on the teaching of foreign cultures
“Culture contact”. How has this formation had a part in the students’ vision about
culture and its role in the teaching of the language in the classroom? It is important then
to evaluate this instruction and to try to answer this question.
Key words : Language/culture teaching, didactical formation, culture contact.
Introduction
De nombreux chercheurs et didacticiens ont remarqué que la mise en place des
approches communicatives a mis en avant l’enseignement de la culture dans la classe
de langue (Galisson, 1991). Si bien, la culture a été au centre des débats soit en tant que
«culture humaniste» dans les méthodologies traditionnelles soit reléguée au Niveau 2
dans les méthodologies audiovisuelles (Puren, 1994) l’intérêt actuel par la culture dans
tous ses aspects touche les finalités éducatives des sociétés modernes: l’éducation à la
paix, à la tolérance, au respect de l’autre. La classe de langue apparaît comme le lieu
privilégié pour aborder cette éducation interculturelle. Le défi est de taille et certains
chercheurs se demandent si c’est bien l’affaire des enseignants de langue (Beacco, 2000).
Mais que ce soit de forme délibérée ou au gré des documents et des manuels, la classe de
langue étrangère est bien le lieu de «contact de cultures».
La culture dans les programmes du cycle diversifié et la vision des enseignants en
service
La notion de «culture» a été amplement étudiée et sa définition a évolué au gré des
époques et des disciplines qui l’ont abordée. Dans le domaine de langues c’est la définition
anthropologique de cette notion qui a le plus influencé les discussions sur la culture.
Dans ce sens, la didactique a écarté l’idée de la culture comme une collection des grandes
oeuvres, créées et réservées à une élite considérée comme “civilisée” et “cultivée”, pour
y inclure non seulement les productions matérielles de l’homme “in extenso”, mais aussi,
les notions d’imaginaire collectif, de représentation et de comportement. (Charaudeau,
1990 et 1992). Ainsi, la définition de culture comprend les objets créés par l’homme, les
institutions et les idées.
Galisson (1991) considère le terme “culture” qui inclut deux composants: “le culturel”
(culture partagée) et “le cultivé” (culture savante). Le culturel gouverne la plupart des
attitudes, des comportements, des représentations et des habitudes des individus; c’est
une culture transversale qui appartient au groupe. Elle est acquise par contact avec les
autres membres de la société: famille, médias, groupes, par imprégnation, immersion et
imitation. Le cultivé est, par contre, une somme des connaissances, patrimoine d’une
classe dite “cultivée”. Elle s’apprend principalement à l’école par un effort conscient.
Cette distinction a servi comme point de départ d’une recherche menée en 1997 à Trujillo
(Chacín, 1997). Une des questions fondamentales a été celle des représentations des
enseignants et des étudiants sur la culture française. La même étude s’interrogeait sur la
place de la culture dans les programmes d’études de français au secondaire. Les résultats
de cette étude à Trujillo ont été les suivants :
– Au niveau de la Institution :
Dans la partie “Fondements” du programme d’enseignement de français, il existe
une double image de la langue et la culture française:
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• Langue de “culture”, de “savoir” et de “tradition”:
• Langue de la “communication pratique du savoir scientifique et technologique”,
langue des “échanges internationaux”
Cette double vision de la culture se reflète dans les objectifs culturels et communicatifs
du programme. Le choix de l’approche méthodologique, l’approche communicative,
correspond à cette vision du français en tant que langue «pratique». Néanmoins,
l’image d’une langue de “culture” et “tradition” n’est plus évoquée dans le corps
du programme (Chacín, 2000). Il serait aisé de penser que la culture quotidienne (le
culturel) est implicite dans les activités de classe, principalement dans l’utilisation
des documents authentiques. Leur exploitation dépendrait alors de l’initiative de
l’enseignant. Mais, à aucun moment, les aspects concrets de l’enseignement de la
culture (le culturel ou le cultivé) ne sont abordés par les auteurs du programme.
– Au niveau des enseignants:
Les enseignants partagent cette double vision de la langue et la culture française.
C’est une image valorisante et positive mais qui ne semble pas s’appuyer sur des
savoirs précis. L’intérêt des enseignants se centre sur la langue. La culture servirait
à faire connaître la langue et pour mieux l’utiliser. Les aspects linguistiques sont les
plus mentionnés aussi bien dans leur propre formation continue que dans la classe de
langue, surtout l’expression orale. Il est important de remarquer que dans le cas des
enseignants, le fait d’avoir visité un pays francophone n’a pas changé la vision de la
cultures française et francophone par rapport aux enseignants qui n’ont jamais visité
ces pays.
L’élaboration d’un programme de formation à la culture à l’Université des Andes
à Trujillo
Les résultats de cette recherche ont influencé l’élaboration d’un programme de
formation à la culture en LE pour les futurs enseignants à l’Université des Andes à
Trujillo. Cette formation consistait à l’inclusion des objectifs culturels dans les cours
d’acquisition du français: «Français niveaux I, II et III», mais aussi des matières
spécifiques pour la formation à l’enseignement – apprentissage de la culture: «Littérature
et cultures francophones» et «Contact des cultures»
Les objectifs dans les programmes des niveaux sont les suivants: (Source : Programmes
d’enseignement. Carrière d’Éducation mention Langues étrangères. Plan 95)
– Français niveau I :
Objectif général: Développer la compétence communicative de l’élève dans les
habiletés de compréhension (écouter et lire) et de production (parler et écrire)
Objectifs spécifiques: (culturels)
• S’initier à l’étude de la culture francophone
• Sensibiliser l’élève aux contrastes culturels entre L1 et L2
• Familiariser l’élève avec les normes socioculturelles de L2 par rapport aux
contenus linguistiques étudiés
– Français niveau II
Objectif général: Augmenter la compétence communicative de l’élève dans les
habiletés de compréhension (écouter et lire) et de production (parler et écrire)
Objectifs spécifiques: (culturels)
• Familiariser l’élève avec quelques aspects des cultures francophones
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– Français niveau III
Objectif général : Consolider la compétence communicative de l’élève dans les
habiletés de compréhension (écouter et lire) et de production (parler et écrire) tout en
respectant les paramètres sociaux et culturels des locuteurs francophones.
Objectifs spécifiques: (culturels)
• Reconnaître les différences culturelles et analyser les stéréotypes
Il est intéressant de noter que dans ces programmes la partie «méthodologie» conseille
de travailler les différents contenus et les activités de classe «pour développer la
perception et la compréhension interculturelles».
Le programme de «Littérature et cultures francophones» cherche à «sensibiliser
l’élève à la lecture et analyse des textes littéraires en établissant l’influence réciproque
entre culture et littérature au moyen de l’étude des mouvements culturels et littéraires
dans le cadre de la Francophonie» (Source: Programmes d’enseignement. Carrière
d’Éducation mention Langues étrangères. Plan 95).
Le programme de «Contact des cultures» (Source: Programmes d’enseignement.
Carrière d’Éducation mention Langues étrangères. Plan 95) quant à lui, a comme
objectif général «Sensibiliser l’élève à la problématique du contact entre les cultures
maternelles et étrangères et son incidence dans la classe de langue».
Les objectifs spécifiques visent à:
• Connaître les différentes approches liées à l’étude de la culture (maternelle et
étrangère).
• Analyser les modalités de contact de cultures.
• Décrire la problématique du contact de cultures en classe de langue.
• Proposer des activités et élaborer des matériaux pour l’enseignement des
cultures étrangères.
L’état actuel de l’enseignement de la culture à l’Université des Andes à Trujillo.
En 2002, une nouvelle recherche a été menée dans le cadre du travail final des
étudiants de la Licence en Éducation à Trujillo (Crespo, 2002 sous la direction de
Chacín). Cette étude examinait l’enseignement de la culture dans la mention Langues
Étrangères, Option Français à Trujillo.
Les résultats complets de cette recherche seront l’objet d’une publication à l’avenir,
mais dans cet article il sera question des aspects qui permettront d’analyser l’impact de
la formation dans la composante culturelle.
L’étude en question avait utilisé la différentiation entre les aspects culturels et cultivés
de la culture (Galisson, 1991).
Les résultats les plus relevants montrent :
• Tant les étudiants des niveaux de base que ceux des niveaux avancés partagent
la même vision intégrée de la culture qui inclut aussi bien le cultivé que le culturel
(47%), suivi de ceux pour qui la culture est avant tout le culturel (44%). Toutefois,
lorsqu’ils sont interrogés sur les finalités de l’enseignement de la culture les élèves
des niveaux de base considèrent que c’est «atteindre une meilleure communication»
tandis que ceux des niveaux avancés signalent que «c’est pour cultiver l’individu
intellectuellement».
• Dans la sélection des thèmes qu’ils désirent aborder dans la classe de langue, ils
sont d’accord pour étudier essentiellement les aspects de la culture quotidienne si
bien les élèves avancés incluent les aspects du cultivé (arts, littérature et sciences)
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• Parmi les aspects abordés effectivement dans les cours de langues les élèves montrent
des réelles différences : les aspects de la vie quotidienne sont les plus abordés en
classe de langue tandis que les cours avancés portent sur ceux du cultivé.
• Néanmoins, tous coïncident dans le fait que les cours sont orientés très fortement
sur la grammaire (56% – 38%) et l’expression orale (35% – 47%). La culture va d’un
2% vers un 9%. Ceci correspond au fait que pour les élèves aux niveaux de base la
priorité des aspects linguistiques dans l’étude du français est de 77% contre 14% pour
les aspects culturels. Au niveau avancé, cependant, les résultats sont plus nuancés
56% pour les aspects linguistiques, 6% pour les aspects culturels et un 38% s’incline
vers l’étude conjointe des ces deux aspects.
• Quant aux matériaux, ce sont les documents écrits qui arrivent en premier lieu,
suivi des vidéocassettes et des films. Pour connaître la culture étrangère néanmoins,
les élèves citent l’expérience du professeur et les classes magistrales sur les thèmes
culturels. Les nouvelles technologies n’apparaissent quasiment vu que l’institution
n’a pas de salle multimédia. Mais, il est intéressant de noter que la navigation sur
Internet apparaît comme une activité réalisée pour accéder à la culture française dans
un 38% des cas pour les étudiants avancés et dans un 19% des étudiants des niveaux
de base. Elle se fait en dehors de l’institution.
Bilan et perspectives sur la formation à la culture des futurs enseignants
Un premier constat serait d’affirmer qu’il ne suffit pas à élaborer un programme en
incluant la culture pour voir ses effets sur la formation des enseignants. Ce même constat
avait été fait sur les séjours à l’étranger que dans certains cas servaient à réaffirmer
la vision qu’ils avaient au départ. Alors, la formation à la culture doit être l’objet des
activités spécifiques et cela tout au long de la formation des futurs enseignants, dès
l’apprentissage de la langue jusqu’aux niveaux avancés. Si l’inclusion des matières telle
que «Contact des Cultures», peut sans doute améliorer cette formation, elle ne suffit pas
à assurer la formation culturelle.
L’accent de la formation sur la grammaire et les aspects linguistiques pourrait être dû
à la nécessité d’acquérir les compétences langagières minimales dans une brève période
de temps avant d’aborder des contenus plus complexes. En effet, les apprenants suivant
cette formation arrivent comme de faux débutants (pour l’anglais) et débutants complets
(pour le français). Le volume horaire et le nombre de semestres semblent insuffisants
d’où l’insistance sur les aspects linguistique: grammaire et expression orale.
Un autre aspect à considérer est celui des choix méthodologiques. L’approche
communicative met l’accent sur la quotidienneté, ce qui a été largement souligné par
les étudiants. Toutefois, cette approximation à la vie de tous les jours, aux modes de
vie des français se fait par les biais des revues, magazines, vidéos, autrement dit par des
moyens indirects. Le contact des étudiants avec des francophones est très limité et les
voyages inexistants. La culture est associée ainsi à la langue et aux aspects linguistiques
de la culture.
Dans ce contexte l’enseignant devient la ressource privilégiée pour accéder à la
culture étrangère, il en est le représentant éclairé, l’autorité, avec le danger de faire
à partir de ses anecdotes, une généralisation sur la culture étrangère. Le manque des
contacts directs souligne le sentiment d’éloignement de la culture étrangère et favorise la
vision de la culture comme des «savoir sur..» et non comme des vécus personnels. Cela
pourrait expliquer ce sentiment de «culture floue» déjà trouvé chez les enseignants et les
apprenants du lycée (Chacín, 1997).
Malgré cela, certains chercheurs (Abdallah-Pretceille, 1986; Besse, 1993) remarquent
que le seul contact avec la culture étrangère (séjours, contact avec des locuteurs) ne suffit
pas à faire évoluer les représentations des enseignants et des apprenants, parfois les préjugés
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se trouvent renforcés. Ces remarques coïncident avec les résultats des recherches menées
à Trujillo citées ci-dessus. Ce qui souligne l’importance de la formation en culture. Il est
évident toutefois, que de nouvelles démarches doivent être intégrées dans la formations
des futurs enseignants et qu’ un effort doit être fait pour laisser la place à la formation
culturelle que ce soit dans les cours de langues ou dans les cours qui lui sont consacrés.
La diversité des documents, des techniques et des ressources ne peuvent qu’enrichir la
formation tant en langue qu’en culture. Les nouvelles technologies de l’information se
présentent comme un espoir dans ce domaine, d’où l’intérêt de poursuivre des recherches
dans ce vaste champ de l’enseignement des cultures.
Références
• Abdallah-Pretceille, M. Approche interculturelle de l’enseignement des civilisations in La Civilisation.
Clé International, Paris, 1986.
• Beacco, J – C. Les dimensions culturelles des enseignements de langue. Hachette, Paris, 2000.
• Bérard, E. L’approche communicative. Théorie et Pratiques. Clé International, Paris, 1991.
• Besse, H. Cultiver une identité plurielle. Le français dans le monde, nº 254. Hachette/ Edicef, Paris,
1993.
• Chacin, J. Representaciones sobre la enseñanza de la lengua francesa y de las culturas francófonas.
Trabajo de ascenso. ULA – NURR, Trujillo, 1997
• Chacin, J. Enseignement de la langue et la culture: Implications pour la formation des enseignants. X
Congrès Mondial de Professeurs de Français. FIPF, Paris, Juillet 2000.
• Charaudeau, P. L’interculturel entre mythe et réalité in Le français dans le monde, n° 230. Hachette/
Larousse, Paris, 1990.
• Crespo, A. Enseñanza de la cultura francesa en la mención lenguas extranjeras componente francés en
el NURR. Trabajo especial de Grado. Julia Chacín (Dir), Trujillo, 2002.
• De Carlo, M. L’interculturel. Clé International, Paris, 1998
• Galisson, R. De la langue à la culture par les mots. Clé International, Paris, 1991.
• Puren, C. Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues. Nathan/Clé International, Paris,
1988. Quelques remarques sur l’évolution des conceptions formatives en français langue étrangère de
1925 à 1975. E. L. A. N° 95. Didier Érudition, Paris, 1994.
• Pugibet, V. De l’utilisation des stéréotypes. La Civilisation. Clé international, Paris, 1986.
• Zarate, G. Représentations de l’étranger et didactique de langues. Didier, Paris. 1995.
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