ILCEA
Revue de l’Institut des langues et cultures
d’Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie
27 | 2016
Approches ergonomiques des pratiques
professionnelles et des formations des traducteurs
Outils d’aide à la traduction et formation de
traducteurs : vers une adéquation des contenus
pédagogiques avec la réalité technologique des
traducteurs
The Use of Computer-aided Translation Tools in Translation Training: How to
Best Match both Professional and Academic Requirements
Cécile Frérot et Lionel Karagouch
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/ilcea/3849
DOI : 10.4000/ilcea.3849
ISSN : 2101-0609
Éditeur
UGA Éditions/Université Grenoble Alpes
Édition imprimée
ISBN : 978-2-84310-336-0
ISSN : 1639-6073
Référence électronique
Cécile Frérot et Lionel Karagouch, « Outils d’aide à la traduction et formation de traducteurs : vers une
adéquation des contenus pédagogiques avec la réalité technologique des traducteurs », ILCEA [En
ligne], 27 | 2016, mis en ligne le 08 novembre 2016, consulté le 19 avril 2019. URL : http://
journals.openedition.org/ilcea/3849 ; DOI : 10.4000/ilcea.3849
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Outils d’aide à la traduction et formation de traducteurs : vers une adéquati…
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Outils d’aide à la traduction et
formation de traducteurs : vers une
adéquation des contenus
pédagogiques avec la réalité
technologique des traducteurs
The Use of Computer-aided Translation Tools in Translation Training: How to
Best Match both Professional and Academic Requirements
Cécile Frérot et Lionel Karagouch
Introduction
Contexte de l’étude
1 On assiste aujourd’hui à une multiplication et à une diversification des outils offerts au
traducteur, qu’il s’agisse d’outils gratuits ou payants comprenant outils à mémoires de
traduction, dictionnaires et glossaires spécialisés, bases de données terminologiques en
ligne, concordanciers ainsi que moteurs de traduction automatique (TA) et utilitaires
métiers (par exemple, IntelliWebSearch ou la barre d’outils Terminotix pour Word1).
2
L’ensemble de ces outils entre dans le champ de ce qui peut être appelé la traduction
assistée par ordinateur (TAO), prise dans son acception la plus large. Dans ce cas, la TAO
est envisagée comme tout outil informatique mis à la disposition des professionnels de la
traduction et facilitant leur travail. Une acception davantage axée sur l’aide au processus
de traduction, et donc plus étroite, délimite la TAO aux outils à mémoire de traduction.
C’est le cas notamment de 70 % des masters de traduction en France qui, à la question2
« quels sont les outils de TAO intégrés dans votre master ? », citent exclusivement des
outils à mémoire de traduction, alors que 30 % adoptent une vision plus large incluant
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notamment la catégorie des utilitaires métiers, celles des concordanciers et des logiciels
de TA.
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Le terme TAO, qui désigne le mode même de traduction réalisée (assistée par ordinateur),
a été adopté car mis en parallèle (voire en opposition) avec un autre type de traduction,
qui est lui automatique (TA). TAO/TA apparaissent alors comme deux entités distinctes
faisant référence à deux modes de traduction. L’usage privilégie cependant le terme
« mémoire de traduction », qui désigne l’outil (c’est-à-dire la base de données) utilisé par
les traducteurs, comme l’illustrent les données du tableau 1.
Tableau 1. – Termes et fréquence d’apparition dans le moteur de recherche Google3.
Terme analysé
Requête
Nombre
d’occurrences
TAO
TAO et Traduction
396 000
Traduction Assistée
par
« Traduction
Assistée
par
Ordinateur
Ordinateur »
21 600
Mémoire(s) de traduction
« Mémoire(s) de traduction »
728 000 + 826 000
Outil(s) à mémoire de traduction « Outil(s) à mémoire de traduction » 9 + 404
4
Face à cette variabilité des termes, une caractérisation des outils en termes de
technologies langagières actives vs passives semble pertinente. En effet, elle permet de
distinguer les outils dédiés à la production de données des outils destinés à la
consultation de données (Taravella, 2011). Pour l’auteure, une technologie langagière
active est « un outil grâce auquel un utilisateur peut générer de l’information langagière
et la modifier, ou obtenir une traduction à partir de sources modifiables » alors qu’une
technologie langagière passive est « un outil grâce auquel un utilisateur peut consulter de
l’information langagière, sans la modifier, ou obtenir une traduction à partir de sources
non modifiables ». Appliqué à notre étude, ce découpage de la réalité nous permettra de
séparer les outils de production, qui incluent les outils à mémoire de traduction (cf.
partie 2), des outils de consultation, tels que les concordanciers (cf. partie 3). Nous
utiliserons ainsi le terme « outils d’aide à la traduction » pour désigner l’ensemble des
outils utilisés par les traducteurs.
5 Quel que soit le mode de caractérisation des outils et la terminologie afférente, un constat
s’impose : leur multiplication et leur diversification entraînent des changements pour le
métier de traducteur. La profession s’informatise de plus en plus, l’activité traduisante se
trouve transformée et l’environnement de travail du traducteur est de plus en plus
intégré (avec, par exemple, les éditeurs intégrés des outils à mémoire de traduction4 ou
bien encore l’intégration de la TA dans la TAO5). Les outils à la disposition du traducteur
ne seront d’ailleurs réellement efficaces que s’ils sont véritablement intégrés au
processus de traduction.
6
Les formations de traducteurs évoluent en réponse aux besoins du marché : la maîtrise
des outils à mémoire de traduction fait partie des compétences exigées du traducteur
(Biau Gil & Pym, 2006 ; Gouadec, 2007). Les contenus des offres de formation
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s’enrichissent, avec par exemple l’introduction de la TA, de la post-édition et des outils
d’analyse de corpus, ainsi que l’obtention de licences logicielles pour les étudiants, qui
démocratise l’accès aux outils.
L’utilisation des outils d’aide à la traduction a fait l’objet d’un certain nombre d’études à
grande échelle, tout d’abord auprès de traducteurs professionnels ; on citera au niveau
européen l’enquête Mellange (2006), dont une partie est consacrée à l’utilisation des
outils d’analyse de corpus (concordanciers notamment). En 2015, Gallego-Hernandez a
publié les résultats d’une enquête menée sur le marché de la traduction en Espagne,
enquête menée auprès de traducteurs indépendants dans la perspective de mieux
appréhender l’utilisation des corpus comme aide à la traduction. Tout récemment, une
étude réalisée sous les auspices de la Délégation Générale à la Langue Française et aux
Langues de France (DGLFLF) a pour sa part cherché à mesurer l’adéquation entre les outils
d’aide à la traduction et les besoins des traducteurs professionnels au quotidien (DGLFLF,
2014). Quant à la formation de traducteurs professionnels, et plus précisément du côté
des masters de traduction, une récente enquête a porté sur les pratiques actuelles
relatives à la formation aux outils et technologies d’aide à la traduction dans le cadre des
programmes de masters européens (Optimale 2012).
Matériaux pour l’étude
8 C’est dans ce contexte que nous avons cherché à intégrer dans notre étude les deux
dimensions, professionnelle et universitaire, afin d’analyser l’adéquation des offres de
formation en master avec la réalité technologique des traducteurs tout en (re)définissant
la place des outils d’aide à la traduction dans les formations à la lumière des pratiques
professionnelles les plus récentes. Nous avons pour cela réalisé deux enquêtes, une
première auprès de traducteurs professionnels, jeunes diplômés du master de traduction
spécialisée multilingue (TSM) à l’Université Grenoble Alpes (UGA), et une seconde auprès
des masters de traduction membres de l’Association Française des Formations
Universitaires aux Métiers de la Traduction (AFFUMT). L’enquête menée auprès des
jeunes diplômés du master TSM a pris la forme d’un questionnaire sur l’utilisation des
outils d’aide à la traduction, intitulé « Étude sur l’adéquation des contenus pédagogiques
à la réalité technologique des traducteurs » et envoyé à l’ensemble des
promotions 2012-2013 et 2013-20146. Nous avons ainsi pu recueillir des données émanant
de jeunes traducteurs encore « imprégnés » de leur formation de traducteurs de manière
à nourrir au mieux notre réflexion sur l’adéquation entre le milieu universitaire et le
milieu professionnel. Le questionnaire comprend deux parties, l’une consacrée à la
formation de traducteurs, l’autre au métier de traducteur, l’ensemble étant précédé d’un
cadre réservé au profil du traducteur (combinaison linguistique, expériences
professionnelles, mode d’exercice, tâche principale, domaine d’activité, types de textes
traduits, stages réalisés).
9
Le second questionnaire mis en place a cherché à étudier l’utilisation des outils d’aide à la
traduction dans les formations de traduction spécialisée. Il a été envoyé aux masters
membres de l’AFFUMT, avec un taux de réponse d’environ 76 % (soit 13 répondants sur
17). Il a permis de recueillir des données relatives aux types d’outils d’aide à la traduction
enseignés (volume horaire, critères de sélection des outils, conditions d’accès pour les
étudiants), aux stratégies d’enseignement (intégration des outils à mémoire de traduction
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dans le cours de traduction), à la formation aux outils d’analyse de corpus et à
l’intégration de la TA et de la post-édition.
10 Afin d’ancrer autant que possible notre étude dans la réalité professionnelle et
universitaire de la traduction, nous avons analysé des enquêtes déjà réalisées en
privilégiant les plus récentes et les plus pertinentes pour notre sujet d’étude. C’est ainsi
que nous avons exploité l’enquête réalisée par la DGLFLF et l’enquête Optimale, toutes
deux citées précédemment.
11 L’enquête7 de la DGLFLF, qui vise à mesurer l’adéquation entre les outils d’aide à la
traduction et les besoins des traducteurs professionnels au quotidien, a été menée entre
septembre et octobre 2014. Elle a pris la forme d’un questionnaire en ligne diffusé via
différents canaux (associations, établissements de formation, réseaux sociaux,
notamment). Le pré-rapport indique que ce questionnaire a été rempli par plusieurs
centaines de traducteurs. Composé d’environ 120 questions, il a été élaboré par un groupe
de travail (experts, enseignants, chercheurs) qui a conduit de nombreux entretiens avec
des traducteurs professionnels. L’identification d’un processus de traduction type a
permis au groupe de travail d’étudier cinq familles d’outils : reconnaissance optique de
caractères et conversion de documents, outils à mémoire de traduction, traduction
automatique, gestion terminologique et extraction terminologique.
12 L’enquête Optimale8 a, quant à elle, cherché à établir « une base de référence en matière
de pratiques actuelles […] relatives à la formation aux outils et technologies d’aide à la
traduction dans le cadre des programmes de master européens ». Le rapport de synthèse
précise par ailleurs que cet objectif a été atteint grâce à un sondage réalisé sur Internet,
adressé aux coordinateurs de l’ensemble des programmes de master membres du réseau
du Master Européen en Traduction (EMT9) et/ou du projet Optimale. Les programmes
ciblés par l’enquête représentent entre un quart et un tiers du nombre total de
programmes actuels de master en traduction au niveau européen. Le taux de réponse
global a été de 50 %. Une première partie de l’enquête a porté sur la « philosophie » et
l’approche globale des formations aux outils et technologies d’aide à la traduction :
volume horaire, principale stratégie d’enseignement (exercices pratiques vs
démonstrations des enseignants), accès aux outils gratuits vs outils payants, notamment.
Une deuxième partie a permis d’identifier les activités de formation technologique les
plus importantes, et d’en évaluer le caractère obligatoire ou facultatif : utilisation de
mémoires de traduction, élaboration de bases de données terminologiques (BDT),
extraction d’informations, gestion de projet, utilisation de BDT ou bien encore
alignement/importation de mémoires de traduction et constitution de corpus. L’enquête
s’est également intéressée aux logiciels de traduction offerts par les formations, à la
didactique des outils d’aide à la traduction (qualifiée dans le rapport de « thèmes
d’évaluation » et incluant par exemple l’apprentissage et l’évaluation par le travail
individuel vs collectif), ainsi qu’à la formation des enseignants, aux ressources
informatiques et à l’assistance technique.
13 C’est l’ensemble de ces matériaux que nous avons utilisés afin d’analyser l’adéquation des
offres de formation en master avec la réalité technologique des traducteurs, en
commençant par la catégorie des outils à mémoire de traduction.
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Outils à mémoire de traduction : vers une convergence
des pratiques universitaires et professionnelles
Caractérisation ergonomique des outils à mémoire de traduction
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Il convient dans un premier temps de présenter les différentes caractéristiques
ergonomiques des outils à mémoire de traduction disponibles aujourd’hui sur le marché
et utilisés par les traducteurs professionnels. Selon le pré-rapport de la DGLFLF :
[…] la grande partie du temps du traducteur sera consacrée à choisir, intégrer,
modifier, compléter, mettre en forme… les textes proposés par le logiciel. Il est
donc essentiel de s’assurer de la bonne ergonomie de la solution choisie, et de son
intégration dans l’espace de travail du traducteur.
15 Du point de vue des outils, l’ergonomie s’applique notamment à la nature totalement
intégrée de l’environnement de traduction. La majorité des outils à mémoire de
traduction actuels offrent des interfaces centralisées. Le traducteur n’a plus besoin
d’ouvrir plusieurs applications pour traduire son fichier, consulter sa mémoire,
rechercher sa terminologie ou encore vérifier la mise en page du fichier source en cours
de traduction. Toutes ces fonctions sont rassemblées au sein du logiciel et directement
accessibles à partir de son interface. Cette configuration évite ainsi au traducteur d’avoir
à passer d’une fenêtre à une autre, ce qui lui permet d’accéder rapidement et
efficacement à l’information recherchée à l’instant T. Il garde le fil de sa pensée tout en
restant concentré sur sa tâche première, la traduction, sans être perturbé par des
manipulations fastidieuses. Ce type de configuration permet ainsi d’optimiser le temps
consacré à une traduction.
16 L’ergonomie d’un logiciel s’évalue également, d’après l’enquête de la DGLFLF, à partir de
la convivialité des fonctionnalités qu’il propose. Par convivialité, il faut entendre
simplicité d’utilisation des différentes fonctions et options, ainsi que rapidité d’exécution.
Il peut par exemple s’agir de la recherche contextuelle dans la mémoire, de la gestion des
transposables (dates, heures, attributs, par exemple) ou encore de la vérification de la
terminologie figurant dans la BDT associée au projet. Toutes ces fonctions sont non
seulement facilement accessibles, grâce à des options de menu, des raccourcis clavier et
des touches accélératrices, mais également rapidement applicables. Le traducteur n’a plus
besoin de sélectionner une succession d’options ou d’accéder à plusieurs boîtes de
dialogue pour activer l’option souhaitée.
17 Le caractère intuitif de l’interface d’un outil représente un autre critère d’appréciation de
son ergonomie. Les environnements de travail sont aujourd’hui colorés et aérés, les
principales fonctions souvent représentées par des icônes explicites et multicolores. Les
formes des contrôles sont multiples et les couleurs, variées. Désormais, la couleur n’a plus
qu’une simple fonction esthétique, elle apporte également de la clarté et permet
d’identifier rapidement et sans ambiguïté une option, le degré d’analogie d’une unité de
traduction ou encore le statut d’un segment, par exemple. Les logiciels misent sur l’aspect
visuel et graphique de leur interface pour offrir aux traducteurs, via une approche
intuitive, davantage d’ergonomie.
18 L’ergonomie d’une solution de traduction repose enfin sur l’automatisation de ses
fonctionnalités, comme la propagation des répétitions, la recherche automatique des
analogies en mémoire à chaque nouveau segment, la saisie prédictive (qui permet au
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traducteur de valider la saisie automatique de termes figurant dans une liste dès les
premières lettres entrées au clavier). Là encore, l’objectif est de proposer au traducteur
des outils et des fonctions capables d’optimiser son temps et de lui donner la possibilité
de gagner en rapidité et en efficacité. La notion de packages (package de projet, package
de retour), proposée par exemple par SDL Trados Studio, participe, par l’automatisation
des différentes tâches qu’elle couvre, à cette volonté de renforcer l’ergonomie de l’outil
informatique dans l’intérêt du traducteur. Ce dernier peut ainsi récupérer l’ensemble des
ressources de traduction (fichiers à traduire, mémoire, base de données terminologiques,
fichier journal, documents de référence) en important un seul fichier archive, puis, une
fois la traduction terminée, renvoyer son travail sur la base du même principe, à l’aide de
quelques clics seulement et sans jamais quitter l’environnement Studio.
19 Toutes ces caractéristiques ergonomiques contribuent à l’efficacité de l’outil à mémoire
de traduction. Pour être jugé efficace, un logiciel de ce type doit répondre à deux
exigences principales : d’une part, être adapté aux besoins des traducteurs et, d’autre
part, s’intégrer en toute transparence et le plus efficacement possible dans le processus
de traduction.
Utilisation professionnelle
20 Force est de constater que ces outils sont aujourd’hui largement exploités par les
traducteurs professionnels. C’est ce que démontrent aussi bien l’étude de la DGLFLF que
notre enquête réalisée auprès des jeunes diplômés. Si 57 % des traducteurs interrogés
dans le cadre de l’étude menée par la DGLFLF déclarent utiliser au moins un outil à
mémoire de traduction, les jeunes diplômés formés à l’UGA sont, quant à eux, plus de
92 % à en utiliser au moins un. Malgré une très nette différence entre ces deux résultats,
qui tient éventuellement au profil même des répondants (âge et formation reçue,
notamment), l’utilisation d’un outil à mémoire de traduction apparaît aujourd’hui comme
omniprésente, voire incontournable.
21 La présence des outils à mémoire de traduction est si répandue que les traducteurs, loin
de se contenter d’en maîtriser un seul, en utilisent généralement plusieurs. Ce nombre
varie généralement de 1 à 4 dans les deux groupes cibles interrogés : 20 % des jeunes
diplômés en utilisent deux, plus de 5 % trois et 6 % au moins 4. En ce qui concerne les
répondants à l’étude menée par la DGLFLF, 39 % utilisent un seul outil, 23 % en utilisent
deux, 15 % en utilisent 4 et 15 % en utilisent jusqu’à 6. Ces enquêtes permettent de
confirmer que l’on assiste aujourd’hui non seulement au développement des outils à
mémoire de traduction dans la pratique traduisante, mais également à la nécessité, pour
les traducteurs, d’apprendre à en utiliser plusieurs pour être en mesure de répondre aux
besoins de leurs clients.
Outils les plus utilisés
22 Sans rentrer dans les détails statistiques, il apparaît clairement dans les deux études
consultées qu’un outil en particulier domine le secteur de la traduction : il s’agit de SDL
Trados Studio, suivi par deux autres logiciels, à savoir MemoQ et Wordfast. Malgré une
certaine unanimité au niveau du choix des outils à mémoire de traduction utilisés dans
ces deux études, il convient de noter quelques différences en fonction du type de
structure (structures publiques/privées/internationales, agences de traduction ou
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traducteurs indépendants). Néanmoins, la tendance qui se dessine est relativement claire.
D’autres outils ont également été cités dans ces études, dans des proportions plus faibles :
Déjà-Vu, Across et OmegaT.
Pratiques universitaires
23 Selon l’enquête Optimale, plus de 90 % des programmes de master européens forment les
étudiants aux outils à mémoire de traduction. Cette proportion élevée l’est encore
davantage au niveau national puisque la totalité des responsables des masters de
traduction ayant participé à notre enquête confirment enseigner l’utilisation des outils à
mémoire de traduction aux futurs traducteurs. Cet enseignement est donc aujourd’hui un
fait établi et consensuel, partie intégrante de l’offre de formation universitaire, tant au
niveau européen que national. Il représente d’ailleurs environ 60 heures de cours effectifs
en moyenne, hors manipulations en dehors des cours, comme dans le cadre de projets au
long cours ou d’utilisation à domicile. L’enquête Optimale confirme également à ce niveau
que 70 % des établissements interrogés consacrent entre 10 % et 25 % du contenu global
de leur programme de master aux outils et aux technologies d’aide à la traduction.
24 Si l’ensemble des formations universitaires de traducteurs s’accorde sur la nécessité
d’enseigner l’utilisation des outils à mémoire de traduction, les enjeux portent davantage
sur le choix des outils et les méthodes d’enseignement. Le choix des universités reflète la
réalité du marché, avec un enseignement principalement axé sur la solution SDL
(Studio 2009, 2011, 2014 et bientôt 2015), ainsi que ses évolutions, avec l’abandon quasi
majoritaire des versions logicielles les plus anciennes (SDL Trados 2007). Cette situation
reflète la volonté des universités de privilégier les outils les plus ergonomiques et d’offrir
à leurs diplômés des compétences actualisées, à la pointe de la technologie.
25 De façon générale, la stratégie d’enseignement a jusqu’à présent privilégié une maîtrise
technologique des outils au détriment de l’acquisition d’une compétence de traducteur
(Kiraly, 2015), ce qui a fait l’objet d’un certain nombre de critiques (Chung-ling, 2006 ;
Kennedy, 2007 ; Sauron, 2007). Bowker, McBride et Marshman (2008) insistent sur la
nécessité d’ancrer l’utilisation des mémoires de traduction dans le cours de traduction
afin de mieux former les étudiants à la réalité professionnelle. C’est là une des demandes
formulées par les jeunes diplômés de notre enquête, qui souhaitent recevoir une
formation plus proche des conditions de travail réelles, et traduire « comme de vrais
professionnels » en intégrant la manipulation des outils à mémoire de traduction dans les
cours de traduction spécialisée. Cette demande fait plus largement écho aux récentes
propositions de Kiraly (2015) sur la nécessité d’importer l’environnement de travail du
traducteur dans les formations (« bring the workplace into the curriculum ») en intégrant des
projets de traduction authentiques et/ou en concevant des cours de traduction sur
projets tout en encourageant la création de junior entreprises telles que celle mise en
place au sein de l’UGA10. Les pratiques universitaires évoluent, et les sessions intensives
de traduction technique impliquant sept universités au sein d’un projet européen
(projet OTCT11) témoignent de la volonté des formateurs d’intégrer les pratiques
professionnelles dans les formations de traducteurs et de confronter les futurs
traducteurs à des situations de traduction, simulées dans ce cas. Autre illustration de
cette évolution des pratiques : le projet de traduction professionnelle collective
actuellement en cours à l’UGA vise à confier aux étudiants de 2e année du master TSM
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