Rapportd’étudeL’accompagnement des demandeurs d’emploi en formation : constats et enjeuxCéline Allo et Agnès GoubinSous la direction de Morad Ben MezianJanvier 2015
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REMERCIEMENTS
Défi métiers remercie vivement l’ensemble des personnes qui ont accepté de participer à cette étude
lors d’entretiens individuels ou collectifs. D’abord, les professionnels des organismes de formation qui
ont pris du temps pour répondre à nos questions. Ensuite, les financeurs de la formation professionnelle
à destination des demandeurs d’emploi : le Conseil Régional d’Île-de-France, Pôle emploi, le Conseil
général de Paris, le Conseil général des Hauts-de-Seine et le Conseil général de Seine-Saint-Denis. Enfin,
les représentants des organismes de formation : la Fédération de la Formation Professionnelle (FFP),
l’Union Régionale des Organismes de Formation (UROF) et les Délégations Académiques franciliennes
aux Formations Professionnelles Initiale et Continue (DAFPIC) des trois académies (Créteil, Paris et
Versailles).
Par ailleurs, Défi métiers remercie les membres du comité technique d’experts mis en place dans le
cadre de cette étude, pour ses éclairages et ses lectures critiques.
Les auteures tiennent également à remercier Gilles BENSAID1 qui a initié cette étude et participé à la
réalisation de plusieurs entretiens.
1 Salarié de Défi métiers au moment de la réalisation des entretiens, il a depuis pris des fonctions dans un autre organisme.
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SYNTHESE
La formation des demandeurs d’emploi revêt un enjeu stratégique en termes de politiques publiques
et de sécurisation des parcours professionnels. En effet, elle est souvent perçue comme un moyen de
retrouver un emploi plus facilement. Ainsi, l’objectif principal des acteurs de l’emploi et de la formation
est de permettre aux demandeurs d’emploi d’accéder à la formation et d’aller au terme de celle-ci. Pour
cela, les prescripteurs doivent repérer et lever les freins qui empêcheraient le bon déroulement de la
formation, en amont de celle-ci. Mais, dans l’hypothèse où les freins ont été levés, il n’est pas rare que
des difficultés surviennent en cours de formation : difficultés d’apprentissage, difficultés d’approches
du marché de l’emploi, ou encore difficultés sociales. L’analyse de ces difficultés est peu abordée dans
les études portant sur la formation des demandeurs d’emploi. Pourtant, l’accompagnement social
représente une composante de plus en plus importante de l’activité des organismes de formation. Or,
à l’inverse de l’accompagnement pédagogique et professionnel, il ne constitue pas leur cœur de
métier : il n’est ni rémunéré ni obligatoire. De plus, les professionnels des organismes de formation ne
sont pas des spécialistes du travail social.
La présente étude doit permettre de comprendre pourquoi et comment les organismes de formation
accompagnent les stagiaires, en mettant l’accent sur l’accompagnement social. Elle propose
également des pistes d’intervention opérationnelles pour les financeurs et les organismes de
formation. Ces préconisations doivent définir les contours d’une fonction accompagnement social en
formation. Une cinquantaine d’acteurs ont ainsi été rencontrés : financeurs de programmes de
formations collectives pour les demandeurs d’emploi, professionnels d’organismes de formation et les
représentants de ces derniers.
Pourquoi les organismes de formation font-ils de l’accompagnement social ?
C’est la première question à laquelle tente de répondre le rapport d’étude. Du fait du temps passé en
organisme de formation, stagiaires et professionnels de ces structures développent des relations de
proximité et de confiance. Lorsqu’une difficulté survient, les demandeurs d’emploi en formation auront
davantage tendance à se tourner vers ces professionnels immédiatement mobilisables, plutôt que vers
leurs conseillers ou référents externes, avec lesquels les liens sont plus distendus durant la formation.
Les professionnels se retrouvent ainsi en première ligne avec ces stagiaires et dans la nécessité de les
aider et de les accompagner. Cette nécessité renvoie à des considérations d’ordre éthique (il n’est pas
concevable pour ces professionnels de laisser un stagiaire sur le bord de la route) mais aussi d’ordre
financier. En effet, l’abandon en cours de formation d’un ou plusieurs stagiaires représente un coût
pour l’organisme de formation et peut mettre la structure en difficulté financière.
Les difficultés des stagiaires qui sont les plus saillantes et les plus problématiques pour les
professionnels sont, selon eux, principalement de deux ordres : d’une part des difficultés
d’apprentissage et de comportement, et d’autre part des difficultés « sociales ». Ces dernières
recouvrent à la fois des difficultés à réaliser des démarches administratives et la survenue
d’événements extérieurs qui vont venir, souvent de manière brutale, déstabiliser le stagiaire et ce,
indépendamment de sa motivation à suivre la formation (perte de logement ou d’hébergement,
problème de garde d’enfant(s), troubles psychiques, etc.).
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Les difficultés précitées se rencontrent davantage, toujours selon les personnes interrogées, chez trois
types de publics, présentés comme plus fragiles que les autres : « les jeunes » des missions locales, les
femmes isolées avec enfants à charge et les bénéficiaires du RSA. Tous ont en commun d’avoir, très
souvent, un faible niveau de formation. Dans tous les cas, les difficultés « sociales » ont tendance à
s’accentuer depuis ces dernières années et les professionnels des organismes de formation se disent, de
plus en plus, confrontés à la précarisation croissante des demandeurs d’emploi en formation. Ce
phénomène n’est pas sans effet sur l’intensité de l’accompagnement social qu’ils sont amenés à faire
auprès d’une partie de ces demandeurs d’emploi.
Un accompagnement social multiforme et à géométrie variable
Les organismes de
formation ne
rencontrent pas de difficulté particulière en matière
d’accompagnement pédagogique et professionnel, qu’ils considèrent comme intrinsèques à leurs
missions. L’accompagnement social, en revanche, est plus problématique.
Ce dernier peut se décomposer en plusieurs phases :
–
La veille active et le repérage de difficultés : il s’agit de la phase la plus répandue et la plus
partagée. Les professionnels des organismes de formation se disent en effet très attentifs, au
quotidien, au moindre signe ou indice d’une éventuelle difficulté sociale. C’est à travers le
comportement des stagiaires qu’ils expliquent essayer de déceler un problème. Les retards et
les absences sont souvent les premiers indicateurs.
Le traitement des difficultés : une fois la difficulté décelée, il s’agit pour l’organisme de
–
formation de tenter de trouver une solution et cela peut prendre plusieurs formes : l’écoute, le
soutien et la remobilisation, l’orientation vers des relais extérieurs et l’intervention directe. Il
y a intervention directe quand le professionnel effectue des actes qui relèvent pleinement du
travail social : aide aux démarches administratives, appeler le 115, accompagner le stagiaire à
un rendez-vous, etc. L’orientation vers des relais extérieurs se limite quant à elle à remettre les
coordonnées au stagiaire, contrairement à l’intervention directe, où le professionnel pourra
directement appeler le partenaire extérieur pour exposer la situation. Dans tous les cas, ces
démarches supposent pour le professionnel de l’organisme de formation de réaliser un
diagnostic précis sur la situation afin d’orienter le stagiaire vers l’interlocuteur adéquat.
–
Le suivi attentif des situations : les professionnels des organismes de formation s’assurent
auprès du stagiaire que la difficulté est bien prise en charge. Ils restent vigilants, jusqu’à la fin de
la formation, quant à l’évolution de la situation du stagiaire.
Tous les organismes de formation et, en leur sein, tous les professionnels (formateurs, coordonnateurs
pédagogiques, personnel administratif, etc.), ne pratiquent pas l’accompagnement social de la même
manière. La fréquence des situations d’intervention et leur nature sont variables selon différents
facteurs : les types de difficultés des stagiaires, le type de programmes de formation, les spécialités de
formation, les niveaux de formation, l’implication plus ou moins grande des professionnels, ou encore la
culture de l’organisme de formation, liée à son histoire.
Quatre modèles ont été construits à partir de l’enquête de terrain ; ces modèles permettent
d’appréhender les positionnements des organismes de formation en matière d’accompagnement social
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des demandeurs d’emploi. Le modèle du « système D » est le plus fréquent, il se caractérise par un
accompagnement social informel et « amateur », à l’inverse du modèle de la fusion. Dans ce dernier,
les organismes de formation, issus du travail social, comprennent dans leurs équipes des travailleurs
sociaux, un cadre d’intervention et un encadrement de nature sociale ; de ce fait, l’accompagnement
social fait partie intégrante des missions que ces organismes s’assignent. Entre les deux, on trouve le
modèle de l’intégration, avec des recrutements spécifiques (travailleurs sociaux ou psychologues). Ces
organismes ont un pied dans le social et un pied dans le bricolage. Enfin, le modèle du « non
pratiquant » n’est pas confronté aux difficultés sociales de ses stagiaires et, de ce fait, n’intervient pas
sur le champ de l’accompagnement social, ou alors de manière exceptionnelle.
Des difficultés rencontrées par les professionnels des organismes de formation en matière
d’accompagnement social
Ils font part du sentiment de ne pas être suffisamment qualifiés et compétents pour exercer un
accompagnement social. Bien qu’ils reconnaissent dans l’ensemble avoir des qualités d’écoute et
d’empathie, plusieurs se disent conscients de ne pas être des professionnels du travail social ou des
psychologues. Ce sentiment se manifeste principalement par un manque de connaissances en matière
de posture professionnelle, des dispositifs et des acteurs à solliciter.
Les professionnels font également part du caractère chronophage de l’accompagnement social et de
l’absence de financements dédiés. Ils ont expliqué qu’il existait un décalage assez important entre le
temps formel de la formation, pour lequel ils bénéficient de financements, et le temps informel
consacré à l’accompagnement social qui, lui, n’est pas financé Or, ce temps informel semble être
chronophage, empiétant sur les autres missions des professionnels. Ce temps est néanmoins très
difficile à évaluer pour la majorité des professionnels, en raison de son caractère diffus et informel.
Préconisations pour faciliter l’accompagnement social des stagiaires par les professionnels des
organismes de formation
Face aux difficultés des organismes de formation, nous proposons dans un premier temps que les
financeurs s’accordent sur plusieurs préalables indispensables à l’adoption des scénarios.
L’adoption d’une définition partagée de l’accompagnement social
Financeurs et organismes de formation s’accordent sur le fait que ces derniers ont un rôle de veille et
d’orientation vers les relais extérieurs, mais qu’ils ne doivent pas se substituer aux travailleurs sociaux
existants. Pourtant, l’intervention directe constitue une réalité dans les organismes de formation,
surtout dans des situations d’urgence. Les limites de l’accompagnement social semblent donc souvent
floues. Il est alors légitime de se poser la question : jusqu’où doit aller l’accompagnement social des
stagiaires par les professionnels des organismes de formation ? Sachant que l’intervention directe
soulève plusieurs questions d’ordre déontologique, d’ordre économique, de cohérence de parcours et
en termes de compétences.
Il apparait donc nécessaire que financeurs et organismes de formation clarifient
la notion
d’accompagnement social et le rôle que ces derniers doivent jouer dans ce champ.
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La création d’outils de mesure et d’objectivation de la fonction accompagnement social
Une fois la définition adoptée, il convient pour les organismes de formation d’être en capacité
d’objectiver le temps consacré par les professionnels à résoudre des problématiques sociales. Pour cela
nous proposons la création d’un outil capable de mesurer le temps dédié à l’accompagnement social.
Par ailleurs, nous préconisons la création d’une grille partagée pour mieux appréhender le phénomène
des abandons, leurs causes et l’intérêt potentiel de l’accompagnement social sur les sorties positives de
formation.
Une fois ces deux préalables posés, nous proposons deux scénarios selon la définition que l’on donne
à l’accompagnement social. Si l’accompagnement social s’arrête à l’orientation des stagiaires, nous
proposons d’outiller et professionnaliser les organismes de formation (scénario 1). S’il s’étend à
l’intervention directe, nous suggérons à la fois de procéder à cet outillage et professionnalisation et de
financer spécifiquement la fonction accompagnement social (scénario 2).
Scénario 1 : outiller et professionnaliser
les organismes de formation pour faciliter
l’orientation des stagiaires vers des relais extérieurs
Ce scénario propose une boîte à outils visant à répondre aux difficultés rencontrées par les
professionnels des organismes de formation dans l’accompagnement social des stagiaires. L’ensemble
des outils n’a pas vocation à être mis en place pour tous les programmes de formation. Nous proposons
par exemple : une cartographie des partenaires, un guide à destination des stagiaires, une fiche de
liaison entre le référent externe et l’organisme de formation, des plages horaires dédiées aux
démarches sociales des stagiaires, des lieux d’échange autour de la question de l’accompagnement
social, des actions de formation ou de professionnalisation pour les accompagnateurs.
Scénario 2 : rétribuer la fonction accompagnement social
Il s’agit dans ce scénario de proposer plusieurs modes d’organisation pour la prise en charge de
l’accompagnement : celui de
laisser à l’organisme de formation la réalisation entière de cet
accompagnement, ou celui de l’externalisation. Cette dernière consisterait à confier à un organisme
extérieur, spécialisé dans le travail social, le suivi des stagiaires en formation.
Associés à ces modes d’organisations, nous suggérons deux modèles de rétribution de la fonction
accompagnement : unitaire ou forfaitaire.
Ce rapport d’étude constitue une première étape nécessaire dans
la prise en compte de
l’accompagnement social par les organismes de formation. En outre, ce rapport s’inscrit dans un
contexte en pleine mutation au regard de la formation professionnelle et de l’accompagnement des
demandeurs d’emploi. La mise en œuvre des préconisations devra tenir compte de ce contexte,
notamment de la possibilité pour les Régions d’habiliter les organismes de formation (création de
Service d’intérêt Economique Général).
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SOMMAIRE
SYNTHESE
INTRODUCTION
1.
2.
3.
Contexte de l’étude
Objectifs de l’étude
Champ de l’étude
4. Méthodologie
PARTIE I – POURQUOI LES ORGANISMES DE FORMATION FONT-ILS DE L’ACCOMPAGNEMENT
SOCIAL ? ……………………………………………………………………………………………………………… 18
I – Les professionnels des organismes de formation, en première ligne en cas de difficultés rencontrées
19
par leurs stagiaires
La nécessité, pour l’organisme de formation, d’intervenir
L’établissement d’une relation de proximité et de confiance
Des liens avec les référents externes à l’inverse plus distendus
II – Des difficultés qui mettent en danger la réussite du parcours de formation
Les types de difficultés qui mettent en danger la réussite du parcours de formation
Des publics plus fragiles que d’autres
III – Des difficultés de plus en plus prégnantes
PARTIE II – LES CONTOURS DE L’ACCOMPAGNEMENT REALISE PAR LES ORGANISMES DE
FORMATION ………………………………………………………………………………………………………… 28
I – Les pratiques des organismes de formation en matière d’accompagnement des demandeurs
d’emploi
Les accompagnements pédagogique et professionnel
L’accompagnement social
II – Les principales difficultés rencontrées par les organismes de formation en matière
d’accompagnement social
Le sentiment de ne pas être suffisamment qualifiés et compétents pour exercer un
accompagnement social
Le caractère chronophage de l’accompagnement social et l’absence de financements
dédiés
1.
2.
3.
1.
2.
1.
2.
1.
2.
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11
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13
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