INTRODUCTION À L’ÉTUDE DE LA FISCALITÉ (Version mai 2002)
INTRODUCTION À L’ÉTUDE DE LA FISCALITÉ
Définition de la fiscalité
Le grand Larousse définit la fiscalité comme étant le système de perception des impôts, l’ensemble
des lois qui s’y rapportent et les moyens qui y conduisent.
Branche du droit public, la fiscalité est constituée de l’ensemble des règles juridiques concernant les
impôts. Elle organise la participation des sujets de droit, aussi bien personnes physiques que morales,
à la vie financière de l’État. La fiscalité constitue aussi pour l’État un outil important de politique
économique et sociale.
I – Importance de la fiscalité
La fiscalité occupe une place importante dans la vie politique, économique et sociale d’un pays.
Aussi devrions-nous étudier son importance :
– pour les finances publiques,
– dans la vie des citoyens,
– pour les entreprises.
Mais au préalable, en quoi l’étude de la fiscalité présente un grand intérêt pour l’étudiant ?
La fiscalité est une compétence majeure pour les professions comptables, juridiques et financières
pour les 3 raisons suivantes :
1) C’est une compétence indispensable à l’exercice des métiers comptables, juridiques et
financiers.
2) C’est un créneau (place disponible sur le marché économique) porteur. Le marché de la
fiscalité est appelé à prendre un essor important au cours des prochaines années.
3) C’est une compétence de plus en plus prisée (estimée) dans le marché du travail.
A. Importance de la fiscalité pour les finances publiques
:
routes, écoles,
Les finances publiques jouent un rôle capital dans l’ordre économique et social d’un pays. Elles
permettent à l’Etat de fonctionner notamment en faisant face aux dépenses de fonctionnement et
d’investissements nécessitées par la mise en œuvre et le financement des services publics
fondamentaux tels que : la défense du territoire, la sécurité des citoyens, la représentation des intérêts
des tunisiens à l’étranger, la formation, la santé, etc…
De même qu’elles permettent de contribuer au financement des infrastructures si nécessaires au
développement économique et social
lycées et universités, hôpitaux,
télécommunication, etc…
L’Etat finance ses activités soit par les ressources ordinaires, soit par les emprunts.
En Tunisie, les ressources ordinaires de l’Etat sont constituées à hauteur de 87% de recettes
fiscales1, le reliquat provient des ressources naturelles et des entreprises publiques.
B. Importance de la fiscalité pour les citoyens
Les citoyens sont à la fois les sujets qui supportent l’impôt et les bénéficiaires, en retour, des services
financés par l’impôt.
Toute gratuité de service public est financée par l’impôt. Ainsi, si les étudiants ne se soucient pas du
financement de leurs études, c’est parce que les dépenses de l’université sont prises en charge par
l’Etat, autrement dit par l’impôt.
Mais d’où provient l’impôt ? Bien entendu, il provient, en dernière analyse, des citoyens sous la forme
de prélèvements de plusieurs sortes.
Dans toute action, dans tout acte, dans toute activité économique et sociale, vous rencontrez
l’impôt que ce soit en tant qu’utilisateur d’un service gratuit ou subventionné (c’est-à-dire
offert à un prix inférieur à son coût économique) ou bien en tant que contribuable qui supporte
l’impôt de façon visible ou invisible, consciente ou inconsciente.
A titre d’exemples :
1 Évolution des recettes du budget ordinaire : (en millions de dinars)
Prévisions 2002 Prévisions 2001
Réalisation 2000
Réalisation 2000
Recettes fiscales
Recettes non fiscales
Total des recettes ordinaires
5.677
6.584
1.185
977
6.862
7.561
(Source : Rapport sur le projet de loi de finances pour l’année 2002, Novembre 2001)
%
87%
13%
100%
%
88%
12%
100%
6.232
838
7.070
%
83%
17%
100%
5.208
929
6.137
%
85%
15%
100%
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1
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– Lorsque vous consommez un bien ou un service, une partie du prix que vous payez est constituée
par l’impôt (notamment la taxe sur la valeur ajoutée).
– Lorsque vous travaillez dans une entreprise quelconque, sur la rémunération que votre employeur
vous verse, il prélève une partie pour l’impôt : la retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu
des personnes physiques (I.R.P.P).
– Lorsque vous bénéficiez de la gratuité de l’enseignement, vous bénéficiez indirectement de l’impôt.
– Si vous vous sentez en sécurité, c’est l’impôt qui finance la sécurité publique.
– La justice à laquelle peut recourir tout citoyen est financée par l’impôt.
Par ailleurs, l’inflation produit à l’égard du citoyen un effet d’amputation sur son pouvoir d’achat
similaire à celui de l’impôt. Or un déséquilibre important des finances publiques constitue un facteur
favorable à l’inflation.
C. Importance de la fiscalité pour les entreprises
“si la règle fiscale est imposée par l’Etat, dans son intérêt, pour régler ses rapports financiers avec les
particuliers, il n’en demeure pas moins que lorsque la règle est appliquée aux entreprises, la lourdeur
de la charge financière en découlant les incite à intégrer la variable fiscale dans toute décision de
gestion.” 1
L’entreprise est à la fois un contribuable 2 au titre des impôts qu’elle supporte et redevable 3 au titre
des impôts qu’elle fait supporter à ses clients ou qu’elle retient à la source sur les sommes dues à
certains fournisseurs ou à ses salariés.
L’impôt constitue pour l’entreprise un coût ou un élément qui peut influencer sa capacité de faire face
à la concurrence lorsqu’elle ne peut le répercuter sur le client.
Les entreprises ont donc intérêt à adopter une stratégie de sécurité et d’optimisation à l’égard de
l’impôt :
(cid:131) Sécurité : par le respect des règles fiscales et l’option à la régularité fiscale.
(cid:131) Optimisation : par une bonne connaissance de la fiscalité et l’utilisation optimale des options
et solutions avantageuses pour l’entreprise.
Les autres stratégies de fraude totale ou partielle aboutissent généralement à exposer à la fois
l’ensemble macro économique et l’entreprise elle même à des crises dont l’effet peut être grave.
La fraude fiscale peut aussi créer une situation de rente (gain non justifié par une valeur ajoutée
économique) incompatible avec l’efficience économique.
II – Les théories justificatives du prélèvement fiscal
Aucun État moderne n’est concevable sans impôt. Aussi, depuis longtemps a-t-on essayé de définir
un cadre théorique visant à expliquer, voire à légitimer le prélèvement fiscal. Les principales théories
justificatives de l’impôt sont :
– La contrepartie des services rendus par l’État ;
– La solidarité nationale ;
– Les facultés contributives ;
– L’expression de la souveraineté.
Ces théories exercent des influences variables sur les différents systèmes fiscaux adoptés par les
pays en fonction de leur système économique et des courants de pensée politique dominants.
A. L’impôt, contrepartie des services rendus par l’État
Selon cette théorie, l’impôt est la contrepartie ou le prix des services rendus par l’État, une sorte de
prime d’assurance payée par les citoyens pour jouir en sûreté de leurs droits. Dans ce sens, l’impôt
est défini comme étant une prestation pécuniaire requise des contribuables en vue de la
couverture des charges publiques 4.
B. L’impôt, expression de la solidarité nationale
Au même titre que la défense du territoire qui consiste à ce que ceux qui sont capables de défendre le
territoire le font au profit de tous, l’impôt est l’expression d’une solidarité nationale qui consiste à ce
que les uns payent l’impôt dont tous profitent.
L’impôt permet ainsi de réaliser la redistribution nécessaire à une certaine paix sociale.
1 Patrick Serlooten, Droit fiscal des affaires, édition L.G.D.J., page 9.
2 Contribuable : Toute personne astreinte au paiement d’un impôt et qui en est le point de chute c’est-à-dire celle qui le supporte
effectivement.
3 Redevable : Personne qui entre dans le champ d’application d’un impôt ou d’une taxe mais qui n’en supporte, en principe,
légalement que le paiement effectif. Le redevable paie un impôt qu’il fait supporter à d’autres contribuables.
4 D’après la définition du professeur Gaston Jèse.
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C. L’impôt, une participation aux charges publiques en fonction des facultés contributives
Il s’agit là d’un principe inscrit à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui dispose
dans son article 13 : “une contribution commune est indispensable ; elle doit être également
répartie entre les citoyens en raison de leurs facultés contributives.”
Dans le même esprit, l’article 16 de la constitution dispose : “Le paiement de l’impôt et la
contribution aux charges publiques, sur la base de l’équité, constituent un devoir pour chaque
personne”.
D. L’impôt, expression de la souveraineté
L’impôt est défini comme un prélèvement pécuniaire par voie d’autorité, à titre définitif et sans
contrepartie. Il est la manifestation de la souveraineté de l’État d’où l’absolue nécessité du
consentement des contribuables, consentement exprimé, à la suite d’un débat contradictoire, par le
biais de leurs représentants (les députés à l’assemblée nationale).
Dans ce sens, l’article 34 de la constitution dispose : “sont pris sous forme de lois les textes
relatifs à l’assiette et aux taux des impôts au profit de l’État, sauf délégation accordée au
Président de la République par les lois de finances et les lois fiscales”.
E. Impact des différentes théories justificatives sur les systèmes fiscaux
Les différentes théories explicatives des fondements de l’impôt connaissent des limites et subissent
des critiques. Néanmoins, les systèmes fiscaux effectifs sont souvent une synthèse de ces
différentes théories, chacune des théories marquant plus ou moins les mesures fiscales selon
les courants de pensée politique, la politique des gouvernements et les conjonctures. Une
certaine synthèse de ces différentes théories apparaît aussi à travers l’article 16 de la constitution
tunisienne qui dispose : le paiement de l’impôt et la contribution aux charges publiques, sur la
base de l’équité, constituent un devoir pour chaque personne.
Au nombre des critiques et limites des différentes théories justificatives du prélèvement fiscal,
on peut citer :
§ 1 – L’impôt, contrepartie des services de l’État :
Cette conception qualifiée d’individualiste a évolué vers la thèse de l’impôt prix des services rendus
par l’État. Hormis l’exemple des redevances, la limite de la thèse de l’impôt contrepartie ou prix des
services rendus par l’État est l’impossible correspondance entre les impôts payés par un contribuable
donné et les services dont il bénéficie en contrepartie.
§ 2 – L’impôt, expression de la solidarité nationale :
La thèse de la solidarité nationale connaît des limites dès qu’on passe du collectif à l’individuel. Les
prélèvements obligatoires qui comprennent, en plus des impôts, les cotisations sociales, sont une
manifestation de cette thèse. De même, en cas de catastrophe naturelle, les citoyens sont souvent
appelés à verser des contributions de solidarité.
La solidarité n’implique pas un droit individuel sur la communauté en cas de renversement dans la
situation du contribuable. Ainsi, par exemple, un contribuable, qui paie des impôts pendant les années
de prospérité, ne pourra pas réclamer d’être pris en charge s’il vient à perdre toute sa fortune pour
une raison ou une autre. Néanmoins, dans les systèmes fiscaux des pays développés, il a été
introduit une nouvelle technique permettant le remboursement d’une partie des impôts payés
précédemment en cas de retournement de situation d’une certaine catégorie de contribuables. Il s’agit
de la technique du carry-back ou du report en arrière.
§ 3 – L’impôt, une participation aux charges publiques en fonction des facultés contributives :
Cette théorie est celle qui a le plus influencé la pensée fiscale contemporaine. Parmi ses
manifestations, la progressivité des taux d’imposition en fonction du volume des revenus imposables,
la franchise accordée aux revenus faibles ou encore la faible imposition des régimes forfaitaires.
Certaines applications de
les principes
la
fondamentaux d’une gestion saine de l’économie. Ainsi, par exemple, l’exonération des régimes
forfaitaires de la TVA institue une concurrence déloyale incompatible avec un principe fondamental de
l’économie de marché.
Une application inefficace de la théorie de la faculté contributive crée des injustices socialement et
économiquement nuisibles.
§ 4 – L’impôt, expression de la souveraineté :
Plus le débat autour de l’impôt est contradictoire, multiple et varié, plus les chances d’aboutir aux
meilleures solutions sont favorisées.
Le consentement à l’impôt est l’expression d’une majorité. Il ne peut être le fruit d’une unanimité. Ce
sont les représentants de l’opinion majoritaire qui consentent à l’impôt. Cependant, le consentement à
l’impôt par la majorité, qui confère à l’impôt un pouvoir de contrainte le rendant obligatoire à tous, ne
signifie pas le consentement à l’impôt par chacun des contribuables pris individuellement.
faculté contributive
transgressent
théorie de
la
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De même, l’impératif de rechercher une compétitivité fiscale 1 dictée par la globalisation de l’économie
ainsi que l’adhésion aux accords internationaux de libre échange limitent la liberté d’action des
législateurs nationaux et limitent, par là même, l’expression de la souveraineté nationale.
III – Les fonctions de l’impôt
On attribue, généralement, trois fonctions à l’impôt :
– une fonction financière,
– une fonction économique,
– une fonction sociale.
A. La fonction financière de l’impôt
§ 1 – La couverture des charges publiques :
La première fonction de l’impôt est d’assurer la couverture des charges publiques. “Il existe des
charges, il faut les couvrir” écrit le professeur Gaston Jèse.
Le système fiscal remplit d’autant mieux cette fonction qu’il comporte un nombre réduit d’imposition
d’un bon rendement.
Le rendement fiscal est fonction de l’étendue de l’assiette (champ de couverture de l’imposition) et des
taux d’imposition :
Rendement fiscal = Assiette totale liée au champ de couverture de l’impôt x Taux d’imposition
Moins le champ de couverture de l’assiette est large, plus les taux d’imposition doivent être élevés
pour qu’un impôt ait un bon rendement. Or lorsque les taux sont élevés, la fraude et l’évasion fiscale
se développent et réduisent l’assiette. Ce phénomène est traduit par la formule : les taux abattent les
totaux.
La courbe de LAFFER donne une représentation graphique de l’évolution des recettes fiscales en
fonction du taux de l’impôt.
Selon LAFFER, l’augmentation du taux d’imposition entraîne une augmentation des recettes fiscales
jusqu’à un point de rupture à partir duquel toute augmentation de la pression fiscale entraîne une
diminution des recettes.
Le philosophe tunisien Ibn Khaldoun a déjà décrit ce phénomène dans Al Moukaddama, il y a de cela
5 siècles.
Moyennant adaptation à notre langage moderne, voici la pensée fiscale qu’Ibn Khaldoun exprimait
dans le chapitre 36 d’Al Moukaddama intitulé “mécanisme des impôts” :
“Le pouvoir apparaît, avec son despotisme et sa culture sédentaire portée vers le raffinement. Ses dignitaires
adoptent des habitudes de “sophistication” (tahadhluq).
Du coup, ils augmentent les impôts individuels sur les contribuables. Il leur faut obtenir un accroissement du
revenu de l’Etat. Ils frappent de droit les opérations commerciales et disposent des douanes aux portes des cités.
Ainsi, les impôts augmentent régulièrement, proportionnellement (miqdâran ba’da miqdâr) à l’accroissement
progressif (tadarruj) du luxe, des besoins et des dépenses de l’Etat. Finalement, les impôts écrasent et
surchargent le peuple. Ils deviennent une obligation et une tradition. En effet, les augmentations ont été
progressives, de sorte que nul ne sait exactement quel en est le responsable. Elles sont comme une nécessité
coutumière.
Plus tard, l’impôt dépasse les limites de l’équité. Du coup, le peuple perd toute disposition pour le développement
(i’timâr). Il compare, à son maigre revenu, les dépenses et les impôts de l’Etat, et il perd tout espoir. Beaucoup
renoncent à entreprendre. Le résultat est une baisse générale du revenu national, conséquence de la diminution
des contribuables. Parfois, le fisc prétend se tirer d’affaire en augmentant le taux des impôts, jusqu’au moment où
la limite du possible est atteinte : le coût des produits est trop élevé, les impôts sont trop lourds et tout espoir de
gain demeure théorique. En conséquence, le revenu national continue à décroître et les taux des impôts à
augmenter dans l’espoir que ceci compensera cela. Finalement, la chute de la civilisation (‘umrân) suit la
disparition de toute possibilité d’entreprendre (i’timâr), et c’est l’Etat qui en pâtit, puisque c’est lui le bénéficiaire du
développement.
1 Un système fiscal est compétitif lorsqu’il entraîne une imposition moins lourde que celle des autres pays. La compétitivité est
réalisée par des taux d’imposition allégés, des techniques simples et claires, des assiettes d’imposition conçues de façon
rationnelle et un très fort attachement à l’équité fiscale.
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Si l’on a bien compris ce qui précède, on verra que le meilleur moyen de développer l’économie, c’est de diminuer
le plus possible les impôts sur les producteurs. De cette façon, ceux-ci auront l’esprit d’entreprise, parce qu’ils
seront mus par l’espoir du profit (manfa’a).”
§ 2 – Arbitrage entre impôt et emprunt :
L’État se finance par les recettes propres (impôts, richesses naturelles, prélèvements sur les
bénéfices des entreprises publiques) et par emprunt.
Le financement par emprunt est utilisé pour couvrir le déficit budgétaire. Il aboutit à transférer sur les
générations futures des charges de dépenses actuelles. On considère qu’un tel procédé peut être
justifié lorsqu’il permet de financer des investissements qui augmentent le potentiel de création de
richesses de l’économie (dépenses d’investissements rentables).
En période d’inflation, l’emprunt remboursé en monnaie dévaluée, produit pour la partie correspondant
à la dépréciation de la monnaie un effet similaire à celui de l’impôt : ponction sur le pouvoir d’achat et
la richesse des contribuables.
§ 3 – Le déficit budgétaire :
Le déficit budgétaire correspond au surplus des dépenses, hors remboursement du principal de la
dette, sur les recettes.
Il correspond aussi à la différence entre les nouveaux emprunts contractés pour financer le budget et
les remboursements en principal de la dette au cours de l’exercice.
On considère qu’un déficit budgétaire de l’ordre de 3% est compatible avec une gestion saine des
finances publiques.
Un déficit budgétaire trop élevé renchérit le taux d’intérêt.
B. La fonction économique de l’impôt :
La fonction économique de l’impôt prend une dimension de plus en plus importante dans la
détermination des politiques fiscales.
Aussi, cette fonction comporte-t-elle de nombreux aspects qui ont une incidence directe sur la santé
de l’économie d’un pays :
– Les prélèvements fiscaux, frais généraux de l’économie ;
– La fiscalité, outil de politique économique ;
– Le taux de pression fiscale ;
– Incidence de la fiscalité sur la qualité de la concurrence ;
– Incidence de la fiscalité sur la compétitivité des entreprises tunisiennes ;
– Nécessité de comparer son système fiscal avec celui des autres pays ;
– Incidence de la fiscalité sur les prix ;
– Incidence de la fiscalité sur la trésorerie de l’entreprise ;
– L’effet d’inhibition fiscale.
– L’effet de rente fiscale.
§ 1 – Les prélèvements fiscaux, frais généraux de l’économie :
Les prélèvements fiscaux visent à couvrir les dépenses de fonctionnement nécessaires à l’efficacité
de l’État. Dans ce sens, ils correspondent aux sommes nécessaires à la couverture des frais généraux
de l’économie. Moins les frais généraux nécessaires à l’efficacité de l’État sont élevés, plus les
ressources consacrées à la production sont élevées.
Toutefois, les recettes fiscales utilisées pour financer les investissements en ressources humaines
(éducation, formation, santé, etc…) et en infrastructure (routes, communications, équipements
collectifs, etc…) constituent de véritables investissements créateurs de richesses.
Certains courants de pensée considèrent, néanmoins, que l’intervention de l’Etat doit rester résiduelle
pour se limiter aux investissements d’utilité collective que le secteur privé ne peut entreprendre pour
défaut d’intérêt ou par manque de moyens (faible concentration du capital). Pour ces courants,
aujourd’hui dominants, la meilleure des impositions est la plus légère.
§ 2 – La fiscalité, outil de politique économique :
La prise en compte des incidences fiscales par les dirigeants d’entreprise dans leurs prises de
décisions économiques, l’incidence de la fiscalité sur les prix et par voie de conséquence sur la
consommation, font que l’Etat peut utiliser les mesures fiscales pour orienter les choix économiques.
C’est le cas notamment pour encourager l’investissement dans les secteurs ciblés et l’exportation par
le code d’incitations aux investissements.
§ 3 – Le taux de pression fiscale :
Le taux de pression fiscale mesure la part du Produit Intérieur Brut (P.I.B.) au prix du marché prélevé
par l’Etat sous la forme de recettes fiscales.
Le Produit Intérieur Brut au prix du marché correspond à la somme des valeurs ajoutées produites par
l’ensemble des agents économiques exprimée taxes prélevées sur les consommations comprises.
Ainsi le taux de pression fiscale se calcule selon la formule suivante :
Somme des recettes fiscales / Produit Intérieur Brut (au prix du marché) = I / P
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INTRODUCTION À L’ÉTUDE DE LA FISCALITÉ (Version mai 2002)
A titre d’exemple, si les recettes fiscales se sont élevées en 2002 à 6,584 milliards de dinars alors que
le PIB atteint 31,267 milliards de dinars, le taux de pression fiscale est de :
6,584 / 31,267 x 100 = 21,1%
Le taux de pression fiscale a une incidence directe sur l’épargne nationale et la capacité compétitive
des entreprises.
Une étude empirique menée par Wagner a pu établir une relation entre le taux de pression fiscale et
le niveau de développement d’un pays. Cette relation appelée “loi de Wagner” postule que la dépense
publique en % du P.I.B. tend à s’élever quand un pays s’enrichit 1.
§ 4 – Incidence de la fiscalité sur la qualité de la concurrence :
Un des éléments clefs de l’économie de marché est l’existence d’une concurrence loyale entre les
opérateurs économiques. Le caractère loyal de la concurrence relève de la responsabilité de l’État et
détermine sur une longue période l’aptitude et la capacité compétitive d’une économie.
Lorsqu’il existe une fraude fiscale fortement répandue, elle peut fausser le jeu de la concurrence.
Dans un tel contexte, plus les taux d’imposition sont élevés, plus la rente du fraudeur est forte.
§ 5 – Incidence de la fiscalité sur la compétitivité des entreprises tunisiennes :
Le prélèvement fiscal est en dernière analyse un prélèvement sur l’épargne des entreprises et sur le
pouvoir de consommation et l’épargne des ménages.
Ainsi, l’Excédent Brut des Entreprises (l’excédent brut d’exploitation représente le résultat comptable
courant avant charges financières, dotations aux amortissements et provisions et impôt sur les
bénéfices) est réparti entre trois agents :
– Les banques sous forme d’intérêts bancaires.
– L’État sous forme d’impôt sur les bénéfices.
– L’entreprise sous forme de cash-flow.
Plus le taux de pression fiscale est fort, moins la part restant à l’entreprise et lui permettant de
rémunérer ses actionnaires, d’autofinancer et de développer ses activités, est élevée.
Il en est de même de la qualité de la concurrence qui peut être biaisée par l’impôt. Enfin, des erreurs
conceptuelles dans la conception des règles fiscales peuvent, paradoxalement, favoriser les
opérateurs étrangers ou favoriser un mauvais comportement économique.
L’ensemble de ces éléments font que les autorités fiscales doivent s’enquérir en permanence de
l’incidence réelle du système fiscal sur la compétitivité des entreprises tunisiennes.
§ 6 – Nécessité de comparer en permanence son système fiscal avec celui des autres pays :
La mondialisation de l’économie, l’intégration de l’économie tunisienne dans le marché mondial
rendent nécessaire une comparaison permanente entre les dispositions fiscales nationales et celles
régissant les entreprises des autres pays et tout spécialement des pays concurrents.
L’objectif est de ne jamais handicaper l’entreprise tunisienne par une disposition fiscale trop lourde par
rapport à la fiscalité régissant les entreprises dans les pays concurrents.
L’exemple de la fiscalité des États-Unis illustre l’idée de rechercher à doter les entreprises opérant sur
le territoire américain d’un avantage fiscal comparatif.
En présentant le système fiscal américain, Francis Lefebvre avance la conclusion suivante :
“L’incitation la plus importante en faveur des investissements étrangers aux États-Unis réside dans le
régime fiscal américain lui-même. En effet, le taux maximum de l’impôt est de 28% pour les personnes
physiques et de 34% pour les sociétés.” 2
§ 7 – Incidence de la fiscalité sur les prix :
La fiscalité est une composante des prix par le biais de la répercussion :
(1) Les impôts dits indirects qui frappent la consommation sont une composante du prix. Ils sont
généralement ajoutés au prix pour être supportés par le consommateur. Néanmoins, lorsque la
demande d’un produit est élastique, une augmentation du taux de la TVA entraîne une diminution de
la demande et de la consommation.
(2) Les autres impôts font partie des coûts de revient. Ils sont répercutés sur les prix à moins que le
prix fixé par le marché n’empêche, pour une période correspondant à un cycle économique, leur
répercussion directe sur le prix de l’offre.
§ 8 – Incidence de la fiscalité sur la trésorerie des entreprises :
Les entreprises sont débitrices réelles à l’égard de certains impôts (au titre des impôts qu’elles
supportent effectivement c’est-à-dire pour lesquels elles constituent le point de chute de l’impôt) et
simples débitrices fiscales à l’égard d’autres impôts (au titre des impôts qu’elles répercutent – impôt
sur la consommation) et au titre des impôts qu’elles retiennent à la source.
1 Rapporté par “Problèmes économiques” n° 2530 – 20 Août 1997 page 5.
2 Francis Lefebvre, Dossiers Internationaux, États-Unis, page 21.
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Lorsqu’elles sont chargées de collecter l’impôt telle que la TVA, elles doivent reverser cette TVA
abstraction faite de son recouvrement auprès des clients. L’entreprise peut ainsi être appelée à payer
la TVA au trésor avant de l’avoir effectivement encaissée auprès des clients.
D’un autre côté, il arrive que la TVA payée aux fournisseurs dépasse la TVA collectée auprès des
clients. Dans ce cas, l’entreprise dégage un crédit d’impôt ne pouvant donner lieu à remboursement
que partiellement et après 6 mois de crédit permanent.
Ces deux exemples démontrent que l’impôt peut créer un besoin de financement qui affecte la
trésorerie de l’entreprise. Dans certains cas, l’entreprise peut être amenée à emprunter pour faire face
et honorer ses échéances fiscales.
Dans d’autres cas tel que le cas d’une entreprise qui réalise toutes ses ventes au comptant alors
qu’elle bénéficie d’un crédit fournisseurs au titre de ses achats, la TVA est source de trésorerie pour
l’entreprise.
En conclusion, la fiscalité n’est jamais neutre au regard de la trésorerie. Alors qu’elle est généralement
source de besoin de trésorerie, elle peut, dans le cas exceptionnel de certaines branches d’activités,
être génératrice de trésorerie.
§ 9 – L’effet d’inhibition fiscale :
L’acte de payer un impôt n’est pas un acte naturel. L’homme, égoïste par nature, partage difficilement
ses richesses ou ses revenus. Ainsi chaque impôt a un effet d’inhibition qui peut mener, dans les cas
extrêmes, jusqu’à faire renoncer à l’activité ou la réduire délibérément pour éviter l’impôt. La diffusion
d’une bonne culture fiscale et d’une bonne culture économique sont de nature à réduire cet effet.
Mais, toujours convient-il d’intégrer dans tout raisonnement de politique fiscale l’effet inhibitif de
l’impôt.
La prise en compte de l’effet d’inhibition fiscale amène à réduire le nombre d’impositions notamment
par la suppression des impositions à faible rendement et à étudier l’impact de chaque imposition sur le
comportement économique des contribuables.
§ 10 – L’effet de rente fiscale :
L’effet de rente fiscale se produit notamment dans les trois situations suivantes :
a) Lorsque les techniques fiscales applicables comportent des anomalies conceptuelles qui favorisent
les uns au détriment des autres. Un exemple de ce type d’anomalie est fourni par la dispense des
assujettis partiels de la TVA au titre de leurs achats pour le secteur non assujetti, de la majoration de
25% applicable aux non assujettis totaux.
b) Lorsqu’une entreprise ou un individu réalise des économies fiscales dues aux avantages fiscaux
qui le dispensent de contribuer à la couverture des charges publiques sans intérêt pour la
communauté. A ce titre, il convient de remarquer que le système des avantages fiscaux en Tunisie
joue souvent un rôle de correctif des anomalies du système de droit commun plutôt que comme un
véritable système d’avantages.
c) Lorsqu’une personne réalise une économie fiscale en recourant à la fraude ou augmente sa part de
marché en répercutant l’effet de la fraude fiscale.
Dans ces trois cas, il se produit un effet de rente fiscale qui limite à long terme la compétitivité de
l’économie d’un pays.
C. La fonction sociale de l’impôt
La fonction sociale de l’impôt comporte deux aspects :
– L’aspect contribution équitable à la couverture des charges publiques : les conditions d’exercice du
devoir fiscal des citoyens ;
– Et la recherche d’une régulation sociale par le biais de la redistribution des revenus.
§ 1 – Les conditions d’exercice du devoir fiscal des citoyens :
Le principe de la contribution équitable de tous à la couverture des charges fiscales est un principe
constitutionnel. Il en est de mê