Bref
Quitter l’université
  sans diplôme
Quatre fi gures du décrochage
étudiant
La majorité des bacheliers poursuivent des études supérieures après l’obtention de leur
baccalauréat : 98 % des bacheliers généraux, 78 % des bacheliers technologiques et
23 % des bacheliers professionnels s’inscrivent dans le supérieur, long ou court, d’après
les données du ministère de l’Éducation nationale. Pourtant, une partie d’entre eux en
sort sans diplôme. C’est le cas, selon la dernière enquête « Génération » du Céreq, de
20 %  des  jeunes  sortis  de  l’enseignement  supérieur  en  2004.  Si  les  parcours  de  ces
jeunes dépendent pour une part de caractéristiques telles que la série du baccalauréat,
l’âge, le genre ou la fi lière d’inscription, il reste diffi cile de savoir ce qui les a motivés,
ou le plus souvent contraints, à quitter leur formation sans le diplôme escompté. En
complément des enquêtes quantitatives sur le sujet, une soixantaine d’entretiens ont
été menés auprès de « décrocheurs » de l’université afi n de saisir les logiques internes à
l’œuvre dans les parcours, telles qu’elles sont relatées dans les récits. 
Les propos recueillis mettent en évidence la diversité des modes de vie, de travail et de
représentations qui nuancent la fi gure de « l’étudiant décrocheur », communément ap-
préhendée par son absence aux cours et aux examens. Car, si des étudiants peu assidus
se signalent à l’institution comme de potentiels décrocheurs, d’autres, plus studieux, se
trouvent découragés à l’issue d’un investissement à fonds perdu, et quittent eux aussi
l’université  sans  diplôme.  De  l’inscription  à  leur  sortie,  tous  ces  jeunes  adultes  ont
décrit le cheminement qui les a amenés à quitter leur université. L’étude a ainsi permis
de distinguer quatre profi ls de décrocheurs, selon le rapport des étudiants au diplôme
et au marché du travail. 
L’inscription à l’université : un choix « passif »
La poursuite d’études après le baccalauréat allait de soi pour la majorité des jeunes
interrogés  et  l’université  correspondait  à  leur  premier  vœu  d’orientation.  Seuls  dix
jeunes rencontrés sur les soixante déclarent avoir été refusés dans une autre formation,
le plus souvent un BTS. C’était le cas d’un quart des sortants sans diplôme de DEUG
lors de l’enquête « Génération 2001 ». Invités à décrire le processus de décision qui les
a amenés à s’inscrire dans une fi lière universitaire, presque tous font état de leur mé-
connaissance des formations supérieures et de leurs spécifi cités. Toutes les possibilités
de formations post-baccalauréat ne semblent pas avoir été envisagées, ce qui suggère
un arbitrage de second ordre où l’université est perçue comme l’option de poursuite
d’études la moins coûteuse, l’option de proximité. Pour ceux qui fournissent le moins
d’arguments, l’inscription en premier cycle était pour eux « une suite logique » de leur
scolarité car « après le bac, on va à la fac ».
L’absence  de  contrainte  explicite,  l’attrait  de  la  vie  étudiante,  outre  une  part  de  ra-
tionalisation  a  posteriori,  expliquent  que  l’inscription  en  premier  cycle  universitaire
demeure cependant revendiquée comme un choix. Selon les situations, sont invoqués
l’évidence, le choix de précaution ou l’espoir, en particulier pour les jeunes les moins
légitimés par leur cursus antérieur à poursuivre dans une fi lière longue. Certains décla-
Les jeunes qui quittent
l’université sans obtenir de
diplôme ne sont pas tous
des étudiants absentéistes.
Beaucoup se sont orientés
vers l’université par
éliminations successives,
et se heurtent, une fois
inscrits, au diffi cile
apprentissage du
« métier » d’étudiant.
Quatre fi gures de
décrocheurs émergent
à partir de deux
dimensions subjectives:
une valorisation plus ou
moins forte des diplômes
et une anticipation plus
ou moins grande de
l’insertion professionnelle.
Les repérer selon
des critères adaptés
et partagés pourrait
permettre de limiter le
décrochage étudiant.
n° 265
juin 2009
Céreq
1
 (cid:129) Les enquêtes
«Génération» du Céreq 
Dispositif d’enquêtes
longitudinales qui
renseigne sur les
premières années de vie
active des sortants du
système scolaire. Ces
enquêtes interrogent des
échantillons représentatifs
de l’ensemble d’une
génération quittant le
système éducatif une
année donnée. 
Pour en savoir plus :
http://www.cereq.fr/
enquetegeneration.htm
DEUG (cid:129) Diplôme
d’études universitaires
générales
BTS (cid:129) Brevet de
technicien supérieur
CREM (cid:129) Centre de
recherche en économie
et management.
CRESO (cid:129) Centre de
recherche sur les espaces
et les sociétés.
rent ne pas avoir été contraints dans leurs choix
d’orientation  et  étaient  relativement  confi ants
dans leurs capacités de réussite. Ils se sont peu
questionnés  sur  leur  orientation,  qu’ils  aient
ou non le projet d’obtenir un diplôme univer-
sitaire. Il est vrai qu’ils n’ont pas eu à justifi er
leur vœu d’inscription à l’université qui n’a été
ni discuté, ni contrarié. D’autres, en revanche,
justifi ent leur inscription par la volonté de « ten-
ter leur chance », en dépit des mises en garde
de  leurs  enseignants  ou  de  leurs  parents.  Les
redoublements et réorientations vers les fi lières
technologiques du lycée n’ont pas été interpré-
tés comme des signaux d’alerte. Ces jeunes dé-
clarent au contraire en avoir tenu compte dans
leur arbitrage en faveur de l’université. C’est le
défi  du rattrapage qui semble les avoir motivé
à « faire la fac ». Écartés des fi lières générales
de l’enseignement, ils souhaitaient obtenir un
diplôme universitaire malgré tout. 
Les attentes des jeunes et leurs motivations à
étudier sont multiformes et vont des plus pré-
cises aux plus confuses : obtenir un diplôme,
se  former  pour  un  métier  précis,  découvrir
l’université  ou  encore  se  donner  le  temps
d’affi ner un projet.
Devenir un bon étudiant : des
règles à décoder
Une fois à l’université, ces nouveaux étudiants
interprètent différemment ce qu’ils perçoivent
comme un manque d’encadrement ou un es-
pace de liberté. Certains se présentent comme
des  étudiants  studieux  et  à  temps  plein,  et
déplorent plutôt la faiblesse de l’encadrement.
D’autres mettent à profi t ce qu’ils considèrent
comme  des  temps  libres  pour  s’investir  dans
des activités, dites annexes, qui participent de 
L’enquête
L’Observatoire national de la vie étudiante a commandé une enquête sur les
motifs des sorties précoces de l’enseignement supérieur et les alternatives ou
situations d’emploi qui suivent l’arrêt des études. Le centre associé au Céreq
de Rennes, en collaboration avec G. Boudesseul et cinq observatoires du
supérieur, a réalisé 60 entretiens de jeunes sortis sans diplôme de l’université.
Les entretiens se sont déroulés entre novembre 2007 et mars 2008 sur cinq
sites : Bordeaux 2, Caen, Dijon, Marne-la-Vallée et Rennes 1.
Caractéristiques des personnes rencontrées :
–  des  sortants  sans  diplôme  de  l’enseignement  supérieur  aux  années  n  :
2003, 2004, 2005 et 2006 ;
– aux années n+1 et n+2 ils n’étaient pas réinscrits dans l’enseignement
supérieur ;
– ils sont titulaires de baccalauréats généraux (40), technologiques (17) et
professionnels (3) ;
– 25 ont passé au maximum une année à l’université, 19 ont abandonné
après deux années et 16 après trois années ou plus.
Les résultats de l’ensemble de l’étude seront publiés prochainement à la
Documentation française.
n° 265 juin 2009
Céreq (cid:129) Bref
2
leur  nouveau  statut  d’étudiant.  L’image  d’un
étudiant  modèle  ne  se  dégage  pas  des  récits.
L’implication est fl uctuante, les manières d’étu-
dier  variables,  tant  en  termes  d’assiduité  aux
cours que de fréquentation des bibliothèques,
de lectures ou de révisions. Une représentation
partagée  serait  que  chacun  peut  étudier  à  sa
manière, au regard de ses attentes et objectifs
individuels. 
Or, de nombreux travaux soulignent l’impor-
tance  de la maîtrise des codes explicites et
implicites de l’université pour y réussir, l’ap-
prentissage du « métier » d’étudiant devenant
une  condition  sine  qua  non  du  succès  aux
examens. Les témoignages recueillis montrent
que  tous  les  étudiants  n’ont  pas  perçu  cette
exigence. 
C’est  le  cas  des  jeunes  qui  se  présentent
comme de « bons élèves » dans le secondaire.
A  l’université,  leurs  méthodes  demeurées
scolaires et solitaires les éloignent des lieux
et temps dits de « socialisation silencieuse ».
Alors qu’ils se consacrent à des tâches qu’ils
jugent fastidieuses, assimilées à du « bacho-
tage »,  ils  ne  décodent  pas  les  attentes  des
enseignants  sur  les  formes  que  doit  prendre
le travail d’approfondissement des cours. Les
nouvelles règles pédagogiques et d’évaluation
leur  échappent.  Elles  sont  décrites  comme
des  obstacles  imprévus  alors  qu’ils  étaient
confi ants dans leurs capacités d’apprentissage.
Finalement,  leur  conformité  au  « métier »
d’élève, considérée comme un atout, les des-
sert quand ils arrivent à l’université. L’échec
leur est incompréhensible. 
Les jeunes qui déclarent s’être inscrits à l’uni-
versité « sans trop y croire » décrivent, quant
à  eux,  un  sentiment  d’exclusion  réduisant
d’emblée leurs chances de réussite. Souvent
bacheliers issus des fi lières technologiques ou
professionnelles, ils incriminent leur « retard »
pour expliquer leur échec. Les modalités d’ap-
prentissage,  l’assiduité  et  la  compréhension
des  consignes  seraient  moins  en  cause  que
leurs  lacunes,  leur  « manque  de  connais-
sance ». Déclassés avant même d’abandonner,
ces jeunes avaient pourtant l’espoir de réussir
et de « retrouver la voie normale » dont ils ont
été détournés au cours de leur scolarité. Mais
cette perspective s’éloigne alors qu’ils n’osent
solliciter les conseils et le soutien des ensei-
gnants, ou celui de leurs aînés à l’occasion des
séances de tutorat. Selon eux, « la marche était
trop haute ». Les échecs répétés les incitent à
s’interroger  sur  la  hiérarchie  des  diplômes.
Ils idéalisent parfois les formations courtes et
professionnalisantes du supérieur, voire celles
du secondaire : les possibilités de réussite y
seraient facilitées, elles présenteraient des ga-
ranties en termes d’insertion professionnelle. 
Parcours de décrocheurs
L’expérience de la disqualifi cation scolaire
Rose est titulaire d’un baccalauréat de spécialité sciences économiques et sociales qu’elle a obtenu avec une année de retard
pour des raisons de santé. Inscrite dans une faculté de droit, le choix de « faire des études longues » semble aller de soi pour
son entourage et ses enseignants qui l’avaient par ailleurs encouragée à faire un baccalauréat scientifi que. Elle envisage de
devenir « juriste, comme tout le monde quand on commence ». Elle se présente comme une étudiante studieuse, déclare assister
à tous les cours et travailler souvent seule à la bibliothèque. Pourtant, elle ne valide pas sa première année et se réinscrit l’an-
née suivante. Découragée, elle décide d’arrêter ses études après sa deuxième première année. Elle ne parvient pas à trouver
d’alternative et retourne dans son lycée solliciter des conseils.
Étudier en pointillé au risque du décrochage
Après avoir redoublé la classe de 1re, pour des raisons familiales, Gabriel a obtenu un baccalauréat scientifi que (mention assez
bien). Il justifi e le choix de cette série par ses « facilités » et l’infl uence de son entourage, dont ses parents enseignants. Malgré
son intérêt pour l’histoire, il décide de s’inscrire dans une faculté de mathématiques, « discipline reine », car selon lui : « en maths
ça sera moins bouché ». En quatre ans, il étudie aussi la physique et la chimie avant de faire un double cursus en mathématiques
et sociologie. Parallèlement, il s’investit dans des activités associatives, fait du soutien scolaire et s’implique dans le mouvement
anti-CPE. Ses rencontres le détournent du diplôme. Avec ou sans, il cherche à construire un parcours : « Le projet de vie a pris
le pas sur un projet de formation qui au fi nal ne m’a jamais mené nulle part. » Pourtant il n’exclut pas de refaire une formation.
la formation initiale, d’autre part avec le marché
de l’emploi. Pour les uns, la formation initiale est
censée offrir des titres qui garantissent l’accès à
l’emploi ; pour les autres, elle est peu valorisée.
Certains anticipent concrètement leur entrée sur
le marché du travail quand d’autres sont moins
prévoyants. Á partir du croisement de ces dimen-
sions, quatre profi ls de décrocheurs peuvent être
identifi és (voir tableau ci-dessous). 
Les  deux  premiers  profils  ont  en  commun
d’avoir peu anticipé leur insertion profession-
nelle,  à  laquelle  l’objectif  d’obtention  d’un
diplôme peut faire écran. Ainsi, les jeunes qui
se  présentent  comme  des  étudiants  studieux,
mais  disqualifi és  par  des  modalités  de  travail
et  d’évaluation  qui  leur  échappent,  quittent
l’université  par  dépit.  Déçus  de  cette  expé-
rience qu’ils n’avaient pas anticipée, la garantie
d’une insertion professionnelle par le diplôme
leur échappe. Alors qu’ils étaient investis dans
les études, ils se rendent compte tardivement,
lors de l’évaluation, de leur non-conformité au
métier d’étudiant. Faute de mécanisme correc-
teur les amenant à modifi er leurs méthodes de
travail,  ils  réévaluent  leurs  arbitrages.  Lassés
d’échouer  plus  que  d’étudier,  leur  décision
d’abandonner s’accompagne systématiquement
de la formulation d’un souhait : celui de revenir
à l’université pour obtenir une licence en dépit 
Les profi ls de décrocheurs
D’autres étudiants, face à leurs échecs aux exa-
mens, tentent de mettre en place des stratégies de
rattrapage ou de contournement qui les conduisent
à se réorienter. Le choix des options, la compen-
sation  des  notes,  la  possibilité  de  bénéfi cier  du
statut « d’ajourné mais autorisé à continuer », sont
autant de possibilités qu’ils considèrent comme
des  opportunités  devant  leur  permettre  in  fi ne
de valider une année. Leur maîtrise du « métier »
d’étudiant se traduit alors par la capacité à trouver
des alternatives à leurs échecs, celles-ci étant le
plus souvent des stratégies de compensation ha-
sardeuses et inadaptées. Les ajustements que ces
jeunes expérimentent suggèrent pourtant qu’une
réussite ne leur serait pas inaccessible. 
A  posteriori,  alors  qu’ils  tentent  d’expliquer  les
raisons de leur échec, les jeunes s’interrogent en-
core sur leurs manières d’étudier et les comparent
à celles des autres. Quelle est la défi nition du bon
étudiant  et  à  quelle  aune  mesurer  sa  réussite  ?
S’agit-il  d’avoir  de  bonnes  notes  dans  les  disci-
plines principales ou plutôt d’obtenir la moyenne
avec les options ? De plus, ils sont fréquemment
confrontés  à  des  choix  dont  ils  mesurent  diffi –
cilement  les  conséquences.  Par  exemple,  est-il
préférable  de passer en deuxième année ou re-
doubler la première ? L’apprentissage du « métier »
d’étudiant et les conditions de la réussite paraissent
d’autant plus opaques qu’elles leur échappent ou
paraissent aléatoires.
Quitter l’université par dépit ou
pour réussir ailleurs
L’implication que les personnes interrogées décla-
rent avoir dans leurs études éclaire particulière-
ment leur décision de quitter l’université. Celle-ci
relève  d’ailleurs  plus  souvent  d’un  processus  et
d’un  délitement  progressif  des  liens  créés  dans
l’établissement  que  d’une  décision  soudaine.
Deux  dimensions  structurent  le  processus  de
décrochage : le rapport entretenu d’une part avec 
Valorisation des diplômes
+
–
–
+
Studieux
pris au dépourvu
(9 étudiants sur 60)
Raccrocheurs
à une formation
professionnelle
(13 étudiants sur 60)
Décrocheurs
en errance
(21 étudiants sur 60)
Opportunistes
arbitrant entre
formation et emploi
(17 étudiants sur 60)
Anticipation
de l’insertion
professionnelle
3
n° 265 juin 2009
Céreq (cid:129) Bref
 de la perte de repères à l’égard de l’institution,
dont ils fi nissent par douter. Outre leur échec,
ces  jeunes,  pris  au  dépourvu,  rencontrent  de
réelles diffi cultés à trouver des alternatives à une
sortie précoce de l’enseignement supérieur. Plus
en diffi culté encore, les décrocheurs en errance
n’ont pas compensé la distance aux préoccupa-
tions professionnelles par cette conformité sco-
laire. S’ils ont changé d’orientation à plusieurs
reprises, ils ont aussi expérimenté le marché du
travail, parfois en cours d’études. Mais la plupart
de leurs activités sont irrégulières. Leur sortie de
l’université semble contrainte, ils la justifi ent no-
tamment par le fait de ne plus pouvoir s’inscrire.
Ils  cherchent  leur  voie  et  diffèrent  en  quelque
sorte le moment où ils devront faire un choix,
voire se classer et être classés (étudiant vs sala-
rié, diplômé vs non diplômé, CDI vs CDD…).
Les choix successifs d’orientation semblent être
la principale problématique de ces jeunes qui
décrivent des parcours d’essais/erreurs répétitifs.
Pour les deux autres profi ls de décrocheurs, la for-
mation universitaire n’est pas considérée comme
un préalable, un horizon indépassable. Se pose
avant  tout  la  question  de  l’insertion,  qui  passe
pour certains par un diplôme offrant une quali-
fi cation  professionnelle.  Ils  partagent  un  début
d’expérience  professionnelle,  dans  une  grande
précarité il est vrai. Les jeunes qui peuvent être
qualifi és d’opportunistes justifi ent leur sortie par
une opportunité d’emploi. Leur investissement en
cours d’études dans des activités professionnelles
ou associatives a provoqué autant d’occasions de
s’évader du monde universitaire. Ils considèrent
que  l’insertion  sociale  et  professionnelle  peut
s’appuyer sur d’autres supports que les diplômes.
Pourtant,  cette  insertion  relativement  rapide  se
fait  souvent  au  prix  d’un  certain  déclassement.
Salariés précaires, à temps partiels ou occupant
des postes peu qualifi és, ils déclarent que cette
entrée dans la vie active les satisfait à court terme.
Peut-être est-elle l’occasion de justifi er a posteriori
leur abandon. Les raccrocheurs sont attachés à
l’obtention d’une certifi cation mais, après avoir
quitté  l’université,    ils  recherchent  rapidement
une nouvelle formation professionnelle, le plus
souvent de niveau CAP-BEP ou bac pro. Se former
pour un emploi, de préférence en alternance, est
le principal objectif de ces jeunes. Pour eux aussi,
la lassitude provoquée par les échecs semble être
la cause de leur sortie précoce. Le plus souvent,
ils trouvent les réponses les plus adaptées à leurs
attentes à l’extérieur du système d’enseignement
dans  lequel  ils  ont  échoué.  Leurs  réseaux  per-
sonnels  leur  procurent  parfois  des  alternatives
attractives.  Moins  dépendants  des  verdicts
scolaires  que  les  jeunes  studieux,  ils  semblent
plus réactifs et autonomes dans la recherche de
solutions. L’enquête «Génération 2004» du Céreq
montre d’ailleurs que 20 % des jeunes sortis sans
diplôme de l’enseignement supérieur reprennent
une formation au cours de leurs trois premières
années de vie active. 
Quelques années après avoir quitté l’université,
les situations des jeunes sont assez disparates.
Certains  se  trouvent  dans  des  situations  pré-
caires, d’autres décrivent une insertion profes-
sionnelle et sociale relativement stabilisée. Si la
sortie précoce de l’université reste pour tous un
événement relativement inattendu, certains des
jeunes rencontrés parviennent à justifi er « posi-
tivement »  leur  abandon  alors  que  d’autres  se
sentent exclus par l’institution. Pour les premiers,
les  études  commencées  s’inscrivent  dans  leur
parcours et leur ont permis, à différents niveaux,
de dessiner les contours d’un nouveau projet.
Pour les seconds, la « reconversion » semble plus
diffi cile à envisager. 
Des profi ls à repérer pour limiter
le décrochage
Du fait même qu’il s’agit d’un processus long et
non  d’une  rupture  brutale  et  imprévisible,  ces
sorties pourraient être anticipées en repérant les
étudiants  en  position  sensible,  ou  proches  des
profi ls décrits. Le tutorat, l’orientation active et
le Plan licence, qui prévoit un accompagnement
personnalisé  des  étudiants,  entendent  certes  y
remédier,  mais  pourraient  être  infl échis  en  ce
sens. Les critères de repérage doivent cependant
répondre à certaines conditions.
En premier lieu, ils doivent faire consensus au sein
de chaque université, impliquant aussi bien les
personnels d’administration, et d’enseignement
que de pilotage et d’étude-recherche sur les fl ux
d’étudiants. Les Services universitaires d’informa-
tion, d’insertion et d’orientation et/ou les Bureaux
d’aide  à  l’insertion  professionnelle  pourraient
ainsi se voir renforcés dans leurs attributions. En
second lieu, les critères d’identifi cation doivent
être proches de l’expérience étudiante mais com-
patibles avec une saisie de l’information à grande
échelle, pour avoir une portée opérationnelle. Ils
peuvent être ramenés au nombre de six : le type
de diffi cultés rencontrées au premier semestre,
le  type  d’absentéisme  (récurrent  ou  ponctuel,
lié à des contraintes externes), le type d’échec
(en contrôle continu ou semestriel), le parcours
antérieur,  l’existence  d’un  projet  de  formation,
d’un projet professionnel, l’existence d’alterna-
tives possibles relativisant la notion de « décro-
cheur ». Enfi n, il est vraisemblable que selon le
territoire ou la spécialisation d’une université, le
public  est  potentiellement  plus  sensible  à  l’un
ou l’autre de ces critères, qui devraient donc être
modulés selon la connaissance du milieu. Cette
modulation a son importance puisqu’elle risque
de faire varier la population concernée du simple
au triple, et donc le coût de la prévention dans
des proportions proches. 
Nathalie Beaupère (CREM, Centre régional
associé au Céreq pour la région Bretagne), Gérard
Boudesseul (CRESO, Centre régional associé au
Céreq pour la région Basse-Normandie)
À lire également…
(cid:129) « Être diplômé de
l’enseignement supérieur,
un atout pour entrer
dans la vie active »,
J. Calmand, P. Hallier,
Bref n°253, juin 2008.
(cid:129) Quand l’école est fi nie…
premiers pas dans la vie
active de la Génération
2001, Céreq, 2005.
(cid:129) Renforcer l’orientation
active : pour une transition
réussie du lycée vers
l’enseignement supérieur,
B. Saint Girons, Délégation
interministérielle à
l’orientation, rapport
disponible sur le site
de la Documentation
française, 2009. 
(cid:129) « Les orientations post-
baccalauréat. Évolution
de 2000 à 2007 », S. Péan,
Note d’information
09-15, DEPP, 2009.
(cid:129) « Les sortants sans
diplôme de l’enseignement
supérieur : temporalités
de l’abandon et profi ls de
décrocheurs », N. Gury,
Orientation scolaire
et professionnelle,
vol.36 n°2, 2007.
(cid:129) Les manières d’étudier,
B. Lahire, Paris, OVE,
la Documentation
française, 1997.
ISSN – 0758 1858
Céreq
Direction  de  la  publication  :  Michel
Quéré. Rédaction : Elsa Personnaz.
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4
n° 265 juin 2009