Les jeunes sortants sans diplôme :
une diversité de parcours
Isabelle Robert-Bobée
Bureau des études statistiques sur l’insertion des jeunes
Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance
Acquérir un diplôme
est un enjeu majeur
le système
pour
éducatif, pour assu-
rer une meilleure
insertion professionnelle aux jeunes
qui en sortent. Les jeunes les moins
diplômés ont en effet un taux de
chômage élevé (47 % par exemple
pour les jeunes sans diplôme sortis
depuis peu du système éducatif –
Insee 2013).
L’abandon des études au collège
ou au lycée relève de multiples fac-
teurs, parmi lesquels les résultats
scolaires, l’environnement familial
et la relation à l’école. À niveau
scolaire donné, les risques d’aban-
don ne sont pas les mêmes selon
le milieu social, les aspirations
du jeune et de sa famille, ou bien
encore sa valorisation du monde du
travail par rapport à l’école [2].
Grâce au suivi d’élèves entrés en
sixième en 1995 (panel 1995 de la
DEPP, encadré 1), la présente étude
s’attache à décrire la variété des
profils des jeunes sortis de l’école
sans diplôme de l’enseignement
secondaire (ni CAP, ni BEP, ni bac-
calauréat ou diplômes assimilés).
Elle actualise ainsi et complète
les travaux déjà réalisés sur les spé-
cificités des jeunes sans diplôme.
Un jeUne sUr cinq
inscrit en sixième
en septembre 1995
est sorti dU système
scolaire sans diplôme
dU secondaire
Parmi les 800 000 jeunes inscrits
en sixième à la rentrée scolaire
1995-1996 en France métropoli-
taine, on estime à environ 160 000
le nombre de ceux qui n’ont pas de
diplôme du secondaire à la fin de
leurs études. Près d’un jeune entré
en sixième en 1995 sur cinq (18 %)
quitte donc le système éducatif sans
avoir obtenu de diplôme du secon-
daire. Parmi eux, 31 % ont au plus le
brevet des collèges et 3 % le certifi-
cat de formation générale1.
NOTE
1. Le certificat de formation générale
(CFG) valide des acquis de base dans des
domaines de connaissances générales, no-
tamment pour les élèves de Segpa et de
troisième d’insertion, enseignements spéci-
fiques au collège pour des jeunes ayant des
difficultés dans les apprentissages.
Un jeune sur cinq entré en
sixième en 1995 a quitté l’école
sans diplôme de l’enseignement
secondaire. Ces jeunes ont
souvent eu des difficultés
scolaires et sont souvent d’origine
sociale modeste, mais pas tous.
On distingue cinq grands profils de
jeunes sans diplôme : des jeunes
au faible niveau d’études qui ont
massivement redoublé au collège
(un tiers des sans diplôme) ;
des jeunes au faible niveau
d’études qui redoublent surtout
après la quatrième et ne sont pas
passés par des classes aidées au
collège (un quart des sans diplôme) ;
de bons élèves à l’entrée au collège,
qui échouent au lycée (18 %) ;
des jeunes (15 % des sans
diplôme) passés très tôt en classe
d’enseignement spécialisé
(section d’enseignement général
et professionnel adapté – Segpa),
le plus souvent dès la sixième, et
qui ont ainsi peu redoublé ;
et des jeunes passés aussi en
classes spécifiques de collèges,
mais plutôt en quatrième ou
troisième technologique (6 %).
Éducation & formations n° 84 [ décembre 2013]
41
Thè m e
des difficUltés
scolaires marqUées
dès l’entrée en sixième
Les jeunes sortis sans diplôme
se distinguent des autres élèves par
leurs difficultés scolaires [1].
Parmi les sortants diplômés, un quart
étaient de bons élèves en lecture à l’en-
trée en sixième (encadré 2), et 30 %
étaient de bons élèves en mathéma-
tiques ou en français (annexe, tableau
A). Parmi les jeunes sans diplôme,
seuls 5 % étaient de bons lecteurs, et
7 % avaient un bon niveau en mathé-
matiques ou en français. À l’inverse,
la proportion des jeunes en difficulté
par rapport aux acquis scolaires dans
ces domaines est élevée : la moitié
des sans diplôme avait des résultats
parmi le quart des notes les plus
faibles (encadré 1). Ce moindre niveau
se retrouve également en fin de col-
lège : 42 % ont obtenu le diplôme du
brevet, 7 % sont sortis diplômés de
l’enseignement supérieur.
Un autre indicateur de difficul-
tés scolaires distingue aussi très
nettement les deux populations : le
passage par des classes spécifiques
au collège (tableau A). Ces classes
sont par exemple des quatrième et
troisième technologiques ; des Segpa
qui accueillent au collège des jeunes
ayant des difficultés particulière-
ment marquées dans les apprentis-
sages attendus à l’école primaire,
pour leur permettre d’acquérir ces
connaissances et de construire leur
projet de formation ; des classes de
préapprentissage qui permettent aux
jeunes de découvrir un environnement
professionnel pour préparer ensuite
leur entrée en formation par appren-
tissage (alternance de périodes en
entreprise et de périodes en centre de
formation) ; une troisième d’insertion,
classe à effectif réduit réservée aux
Le panel des élèves entrés en sixième en 1995-1996 ou « Panel 1995 »
Encadré 1 – Les données
Le Panel 1995 de la DEPP est constitué d’élèves scolarisés en sixième (y compris en classe de Segpa) à la rentrée scolaire 1995-1996
dans un établissement public ou privé de France métropolitaine. La description fine de la scolarité au fil de chaque année scolaire
permet de reconstituer les parcours scolaires des jeunes. Les effectifs suivis dans le panel, avec 2 700 jeunes sans diplôme, sont alors
suffisants pour décrire statistiquement les caractéristiques et la diversité de cette population.
En complément des informations recueillies auprès des chefs d’établissement des classes de sixième, deux enquêtes ont été menées,
l’une en 1998 auprès des familles des jeunes et l’autre en 2002 auprès des jeunes eux-mêmes, à des âges où ils atteignent les dernières
années de scolarité dans l’enseignement secondaire.
L’enquête Famille de 1998 interroge les parents pour mieux connaître l’environnement familial ainsi que les représentations de la famille
sur l’école et sur l’avenir scolaire du jeune. Le taux de réponse est élevé, y compris parmi les décrocheurs. L’exploitation des variables
de l’enquête Famille est réalisée sur les seuls répondants, après pondération.
L’enquête Jeune de 2002 a interrogé les jeunes du panel sur la représentation qu’ils ont de leur avenir, de leurs aspirations, etc. Le
taux de réponse parmi les décrocheurs est faible (57 % contre 87 % pour les non-décrocheurs) et très variable d’un groupe à l’autre
de la typologie. Les résultats issus de cette enquête sont donc potentiellement fragiles. Les pourcentages ont été calculés à partir des
seuls répondants, après pondération.
Encadré 2 – Caractérisation du niveau scolaire des élèves
Sont considérés ici comme de « bons » élèves en mathématiques ou en français, les élèves dont les résultats aux épreuves nationales d’éva-
luation à l’entrée en sixième sont dans le quart des scores les plus forts obtenus à ces épreuves par l’ensemble des élèves de sixième. Sont
considérés comme de « bons » lecteurs à l’entrée en sixième les jeunes dont l’appréciation du niveau de lecture (score entre 0 et 10) est parmi
le quart des appréciations les plus élevées. Autrement dit, compte tenu de la distribution des scores obtenus aux épreuves d’évaluation par les
jeunes suivis dans le panel 1995 de la DEPP, on considère comme un bon élève en français en sixième un jeune qui a obtenu un score supérieur
ou égal à 55 sur 100 aux épreuves d’évaluation dans cette matière. Un bon élève en mathématiques a obtenu un score supérieur ou égal à 62
sur 100. Un bon élève en lecture a obtenu une appréciation chiffrée supérieure ou égale à 9 sur 10.
Sont considérés ici comme des élèves de niveau faible en mathématiques, ou en français, les élèves dont les résultats aux épreuves nationales
d’évaluation à l’entrée en sixième sont dans le quart des scores les plus faibles obtenus à ces épreuves par l’ensemble des élèves de sixième.
Les élèves faibles en lecture ont une appréciation de leur niveau parmi le quart des appréciations les plus faibles. Autrement dit, compte tenu
de la distribution des scores obtenus aux épreuves d’évaluation par les jeunes suivis dans le panel 1995 de la DEPP, on considère comme un
élève faible en français en sixième un jeune qui a obtenu un score inférieur ou égal à 39 sur 100 aux épreuves d’évaluation dans cette matière.
Un élève faible en mathématiques a obtenu un score inférieur ou égal à 41 sur 100. Un élève faible en lecture a une appréciation chiffrée
inférieure ou égale à 5 sur 10.
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Éducation & formations n° 84 [décembre 2013]
T
h
è
m
e
élèves en grande difficulté scolaire ou
en voie de décrochage scolaire (absen-
téisme) ; ou une quatrième d’aide et
de soutien, qui vise par petits groupes
ou par des pédagogies adaptées, à
aider des élèves en grande difficulté à
acquérir les compétences suffisantes
pour poursuivre leur scolarité. 40 % des
sortants sans diplôme ont fréquenté à
un moment ou un autre de leur par-
cours scolaire une classe de ce type
contre 9 % des diplômés. Il s’agit le
plus souvent de classes technologiques
de collège (15 % des sans diplôme sont
passés par ce type de formation), de
Segpa (11 %), des quatrièmes d’aide
et de soutien (7 %) ou de troisième
d’insertion (7 %).
des origines sociales
plUtôt modestes
Les jeunes sans diplôme se distin-
guent aussi par leur origine sociale. La
proportion d’enfants de cadres y est
bien plus faible que parmi les sortants
diplômés (5 % contre 17 %), et la pro-
portion d’enfants d’ouvriers y est à l’in-
verse plus élevée (47 % contre 32 %).
Leur mère est aussi moins diplômée :
seules 16 % des mères d’enfants
décrocheurs ont le baccalauréat, contre
38 % des mères d’enfants qui n’ont pas
décroché. Ce sont, par ailleurs, plus
souvent des enfants de familles nom-
breuses (30 % vivent dans une famille
de quatre enfants ou plus, contre 16 %
pour les non-décrocheurs) ou d’origine
étrangère (15 % ont un père de natio-
nalité étrangère, contre 7 % pour les
diplômés), et un peu plus souvent des
garçons (60 % contre 48 %).
En lien sans doute avec leurs
origines sociales modestes, les
jeunes sans diplôme vivaient dans
des familles moins aisées financiè-
rement (60 % avaient des revenus
jugés insuffisants par leurs familles
pour poursuivre des études, contre
45 % pour les sortants diplômés). Les
ambitions scolaires étaient moindres
également : seul un tiers vivait dans
une famille qui avait pour ambition de
mener le jeune au moins jusqu’au bac-
calauréat, contre deux tiers pour les
enfants diplômés (annexe, tableau A).
Les jeunes sortis sans diplôme
ont aussi, en moyenne, connu un
parcours de vie un peu plus difficile
que les jeunes diplômés. Ils sont
plus nombreux à avoir rencontré des
problèmes de santé ayant perturbé
leur scolarité (22 % contre 13 %), un
événement grave (décès, maladie ou
accident grave) survenu à l’un de leurs
parents (22 % contre 15 %), ou encore
le divorce ou la séparation de leurs
parents (24 % contre 18 %).
Un jeUne sans diplôme
sUr deUx qUitte Une
formation aU niveaU
dU cap oU dU bep
La disparité des niveaux scolaires
à l’entrée en sixième va de pair avec la
diversité des classes de sortie du sys-
tème éducatif. Un jeune sans diplôme
sur cinq (21 %) a abandonné l’école
dès le collège. La moitié a quitté une
formation au CAP (22 %) ou au BEP
(30 %), et environ 30 % ont fini leurs
études dans une classe menant au
baccalauréat (8 % en terminale géné-
rale, 8 % en terminale technologique,
2 % en terminale professionnelle et
9 % avant la terminale générale,
technologique ou professionnelle).
La sortie avant même la fin du cursus
de formation est fréquente : près d’un
tiers des sans diplôme ont quitté leur
formation avant sa dernière année. Ils
ont quitté le lycée en seconde ou en
première dans un cursus menant au
baccalauréat (9 %), ou bien en pre-
mière année de CAP (8 %) ou de BEP
(12 %) (tableau A).
Les parcours ont pu parfois être
contraints. Les sortants sans diplôme
déclarent plus souvent des refus
de leurs vœux d’orientation (38 %
contre 22 % pour les diplômés). Ces
refus concernaient surtout le choix
de la spécialité professionnelle (40
% ont connu un tel refus) ; le choix
d’orientation au moment du passage
en seconde (31 %) ou de la première
(25 %). Pour les diplômés, le refus
d’orientation était plus souvent lié au
choix d’orientation en première.
Une typologie des
jeUnes sans diplôme
poUr illUstrer leUr
diversité de profils
Afin de compléter cette première
analyse, une typologie a été réalisée
à partir de variables caractérisant les
parcours des jeunes avant leur sortie
du système éducatif. Une classifica-
tion ascendante hiérarchique (CAH)
a été mise en œuvre. Cette méthode
statistique permet de regrouper les
parcours scolaires qui se ressem-
blent le plus, parcours appréhendés
ici à partir de l’âge à l’entrée en
sixième, du niveau de lecture à l’en-
trée en sixième, et des classes fré-
quentées chaque année entre 1995-
1996 et 2001-2002. En pratique, la
quasi-totalité des
jeunes sans
diplôme avait déjà quitté le système
scolaire en 2002-2003, les classes de
sorties des années suivantes n’ont
donc pas été intégrées pour consti-
tuer les groupes. La classification
a été précédée d’une analyse des
correspondances multiples (ACM)
sur ces variables (37 indicatrices –
encadré 3) et a ainsi été menée à par-
Éducation & formations n° 84 [décembre 2013]
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Thè m e
Encadré 3 – Typologie des décrocheurs de l’enseignement secondaire
Les différents indicateurs pris en compte pour constituer les groupes de jeunes sortants sans diplôme selon leur parcours scolaire sont les
suivants :
– âge à l’entrée en sixième, en différenciant les jeunes entrés en sixième à 12 ans ou plus et ceux entrés en sixième avant cet âge ;
– niveau en lecture à l’entrée en sixième : le niveau est appréhendé à partir d’une appréciation chiffrée résumant le niveau de
l’élève par rapport aux attendus à l’entrée au collège. On distingue ici trois situations : les jeunes ont obtenu un score parmi le
quart des scores les plus faibles obtenus par l’ensemble des entrants en sixième en 1995-1996, qu’ils soient ou non sortis sans
diplôme ; les jeunes ont obtenu un score parmi le quart des scores les plus élevés ; les jeunes ont obtenu un score entre le quart
des scores les plus faibles et le quart des scores les plus forts. On dira ainsi que les jeunes avaient un niveau « faible en lecture »,
un niveau « moyen » ou un niveau « élevé » selon la situation dans laquelle ils se trouvent ;
– classe fréquentée en 1995-1996 : entrée en section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) (1_6A) ou non (1_6G) ;
– classe fréquentée en 1996-1997 : classes d’enseignement spécialisé en cinquième (Segpa, classes-relais, préapprentissage,
classes d’accueil pour les étrangers) (2_5A) ; redoublement de la sixième (2_60) ; classe de cinquième non aidée (2_5G) ;
– classe fréquentée en 1997-1998 : classes d’enseignement spécialisé en quatrième hors quatrième technologiques (3_4A) ;
classes d’enseignement technologique de collège (3_4T) ; classe de CAP (3_CAP) ; classe de quatrième « générale » (3_4G) et
autres classes inférieures à la quatrième (3_50) ;
– classe fréquentée en 1998-1999 : classes d’enseignement spécialisé en troisième hors troisièmes technologiques (4_3A) ;
classes d’enseignement technologique de collège (4_3T) ; classe de CAP (4_CAP) ; classe de troisième « générale » (4_3G) et
autres classes inférieures à la troisième (4_40) ; jeune déjà sorti du système éducatif (4_Sortie) ;
– classe fréquentée en 1999-2000 : classe de seconde générale ou technologique (5_2GT) ; classe de CAP, y compris celles dans
le cadre de Segpa (5_CAP) ; classe de BEP (5_BEP) ; autres classes inférieures à la seconde (5_30) ; jeune déjà sorti du système
éducatif (5_Sortie) ;
– classe fréquentée en 2000-2001 : classe de première (6_1E) ; classe de seconde (6_20) ; classe de CAP, y compris celles dans
le cadre de Segpa (6_CAP) ; classe de BEP (6_BEP) ; autres classes inférieures à la seconde (6_30) ; jeune déjà sorti du système
éducatif (6_Sortie) ;
– classe fréquentée en 2001-2002 : classe de terminale (7_Term) ; classe de première (6_1E) ; classe de seconde (7_20) ; classe
de CAP, y compris celles dans le cadre de Segpa (7_CAP) ; classe de BEP (7_BEP) ; jeune déjà sorti du système éducatif (7_Sortie).
La classification définit cinq groupes pertinents (cinq classes), qui se distinguent nettement les uns des autres. Des variables dites supplé-
mentaires, qui n’interviennent pas dans la constitution des groupes, permettent ensuite de décrire les caractéristiques de chaque groupe,
pour mieux comprendre en quoi ils sont proches ou éloignés. Il s’agit notamment des descripteurs sociodémographiques du jeune ou de son
environnement familial, comme le sexe du jeune, la catégorie socioprofessionnelle du père et le diplôme de la mère, la taille de la fratrie, la
nationalité du père ; les souhaits de la famille en termes de poursuite d’études ou les événements de vie difficiles rencontrés par les jeunes.
tir des coordonnées des projections
de ces variables sur les trois pre-
miers axes factoriels, qui résument
37 % de l’inertie totale, c’est-à-dire
de l’ensemble de l’information sur
les parcours des jeunes sortants sans
diplôme.
La classification définit cinq
groupes pertinents (cinq classes),
qui se distinguent nettement les uns
des autres. Pour faciliter la lecture
des éléments qui structurent le plus
les groupes dégagés, les barycentres
des groupes ont été projetés sur les
axes factoriels mis en évidence avec
la classification (graphique 1).
L’analyse des correspondances
multiples permet de repérer ce qui
différencie le plus les parcours des
jeunes. Le premier axe oppose ainsi
les jeunes qui sont passés par des
classes d’enseignement spécialisé
au collège, hors classes technolo-
giques (coordonnées les plus for-
tement négatives sur l’axe), aux
jeunes qui ont suivi un parcours
en lycée général et technologique
(coordonnées les plus fortement
positives sur l’axe) 2. Ce premier axe
explique à lui seul 16 % de l’inertie
totale. Le deuxième axe (12 % de
l’inertie) oppose les jeunes ayant
redoublé au collège (côté néga-
tif de l’axe) aux jeunes passés par
des classes d’enseignement spécia-
lisé (côté positif de l’axe), et qui ont
ainsi, par le suivi d’enseignements
NOTE
2. On retrouve ainsi une situation classique
dans ce type d’analyse de données, dit
« effet Gutman ». Le premier axe oppose
les parcours « extrêmes », avec d’un côté
les jeunes en très grande difficulté scolaire
(passés par des enseignements spécialisés
de collège) et de l’autre les jeunes de bon
niveau scolaire (avec un parcours en lycée
général et technologique). Entre ces deux
extrêmes, on trouve les jeunes au niveau
moyen. Ceci se voit sur la figure 1, avec le
positionnement de la variable de niveau, et
celles des classes de sortie par année, avec
un nuage de points en forme de parabole.
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Éducation & formations n° 84 [décembre 2013]
Graphique 1 – Projection des indicateurs et des groupes de la typologie sur les deux premiers axes de l’ACM
T
h
è
m
e
1,5
2
1
7_Term
6_1E
5_2GT
groupe3
niveauHaut
7_10
4_3G
3_4G
6_20
2
e
x
a
1_6A
2_5A
groupe4
3_4A
4_3A
5_CAP
3_CAP
4_CAP
5_Sortie
4_Sortie
-2
-1,5
-1
-0,5
0,5
1
1,5
2
2,5
0,5
5_BEP
groupe2
0
0
2_5G
niveauMoyen
4_3T
6_Sortie
groupe5
3_4T
retard6_0
7_Sortie
retard6_1
1_6G
6_CAP
niveauBas
7_20
6_BEP
-0,5
7_CAP
5_30
7_BEP
4_40
-1
groupe1
3_50
2_60
6_30
-1,5
axe 1
Champ : jeunes sortis sans diplôme de l’enseignement secondaire.
Source : DEPP, panel des entrants en sixième en 1995-1996.
Éducation & formations n° 84 [décembre 2013]
45
Thè m e
adaptés à leur niveau, peu redoublé.
Le troisième axe (9 % de l’inertie),
oppose les jeunes passés par des
classes technologiques de collège aux
jeunes passés par d’autres enseigne-
ments spécialisés de collège. À ces
divers parcours correspondent des
niveaux d’études différents. Ainsi, la
projection des variables sur le premier
plan factoriel, généré par les deux
premiers axes factoriels, met bien en
évidence la proximité des parcours
des jeunes et de leur niveau sco-
laire à l’entrée en sixième. Le faible
niveau en lecture va de pair avec
des parcours en classes spécialisées
de collège, souvent dès la sixième,
ou des redoublements au collège ;
le niveau élevé en lecture va plutôt
avec des parcours en lycée général
et technologique ; et le niveau inter-
médiaire, avec des parcours en CAP,
BEP ou lycée (plutôt vers des filières
professionnelles, dans ce cas).
Le positionnement des groupes
par rapport à ces éléments structu-
rants met en évidence la diversité
des jeunes sans diplôme. Le premier
groupe, le plus nombreux, se projette
du côté des redoublements au col-
lège. Le troisième groupe se projette
du côté des variables caractérisant
les bons élèves en sixième, avec un
parcours dans un lycée d’enseigne-
ment général et technologique. Le
quatrième groupe est du côté des par-
cours en classes spécialisées de col-
lège (hors formations technologiques).
Le cinquième groupe se projette vers
les passages par des classes techno-
logiques de collège et le deuxième
vers des variables hors parcours
spécifiques au collège mais avec des
niveaux scolaires faibles ou moyens,
proches de ceux du cinquième groupe.
Pour aller plus loin dans l’ana-
lyse, on va décrire chaque groupe,
en termes de parcours scolaires et
d’autres descripteurs, dits « supplé-
mentaires », qui ne sont pas interve-
nus pour constituer les groupes, mais
permettent de mieux comprendre ce
qui différencie les jeunes d’un groupe
à l’autre.
Un tiers des sortants
sans diplôme :
des élèves en difficulté
scolaire dès la sixième
et qui redoublent
massivement au collège
Le premier groupe comprend des
élèves qui présentaient dès leur
entrée en sixième de fortes difficultés
dans les acquis scolaires et qui ont
tous redoublé au moins une classe
au collège, souvent dès la sixième
(52 %) ou la cinquième (42 %). C’est
le profil le plus courant des jeunes
sans diplôme, puisque un sur trois en
fait partie.
Leur niveau scolaire est faible à
l’entrée en sixième. Les deux tiers
y avaient alors des résultats dans
le quart le plus faible des scores à
l’évaluation nationale à l’entrée au
collège en lecture, et 60 % étaient
parmi les élèves les plus faibles en
mathématiques ou en français. 34 %
d’entre eux ont redoublé au primaire,
et 43 % sont passés par des classes
adaptées de collège, le plus souvent
des classes technologiques de collège
(20 % sont passés par une quatrième
ou une troisième technologique), une
quatrième d’aide et de soutien (11 %)
ou une troisième d’insertion (10 %).
Les jeunes qui composent ce premier
groupe ont quitté le système scolaire
le plus souvent lors d’une formation
menant au BEP (35 % : 14 % dès la
première année de BEP et 21 % en
deuxième année) ; au CAP (25 % :
10 % dès la première année et 15 %
en deuxième année) ou dès le col-
lège (27 %). Les autres l’ont quitté
au lycée, en général avant la classe
de terminale (7 %) ou en terminale
technologique (4 %). Ils sont issus de
milieux peu favorisés : la moitié a un
père ouvrier et 61 % a une mère sans
diplôme. Aller jusqu’au baccalauréat
n’était pas une priorité (seul un quart
des familles avait ce souhait pour les
enfants de ce groupe).
Les jeunes de ce groupe ont rare-
ment eu le brevet (15 %) et sont plutôt
des garçons (64 %). Compte tenu de
leur parcours passé par des classes
aidées de collège, quelques-uns ont le
certificat de formation générale (4 %).
Un faible niveau
scolaire, sans passage
par des enseignements
spécialisés au collège,
pour un quart des jeunes
sortis sans diplôme
Le deuxième groupe le plus nom-
breux (25 % des jeunes sortis sans
diplôme) se caractérise par un faible
niveau scolaire à l’entrée en sixième,
peu associé à un parcours par des
classes d’enseignement spécialisé
(seuls 17 % ont connu un tel par-
cours). Ces jeunes avaient déjà des
difficultés avec les acquis scolaires
au primaire (41 % ont redoublé une
classe du primaire), qui ne les ont pas
empêchés de suivre sans trop d’en-
combre les classes de sixième et de
cinquième. Ils ont en effet rarement
redoublé ces classes, mais ont redou-
blé plus massivement en quatrième
(un quart des jeunes) ou en troisième
(un cinquième). Leur environnement
familial était très proche de celui du
groupe 1. Leur parcours n’est pas le
même au collège, ce qui les conduit
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T
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m
e
à des classes de sortie différentes.
Ils sortent plus souvent en classes
menant au BEP ou au baccalauréat
que les jeunes du premier groupe.
La moitié quitte l’école en BEP, 31 %
en dernière année et 16 % dès la
première année. Un quart quitte en
cours de formation au baccalauréat,
pour moitié avant même d’atteindre
une terminale.
Un cinquième des
sortants sans diplôme :
de bons élèves qui
décrochent en première
ou en terminale
Les jeunes du troisième groupe,
soit 18 % des sortants sans diplôme,
étaient de bons élèves à l’entrée en
sixième et ont quitté sans diplôme un
cursus préparant au baccalauréat. En
lien avec leurs bons acquis scolaires,
la quasi-totalité des jeunes de ce
groupe ont eu le brevet (93 %) et ce
sont plutôt des filles (51 %).
Leur bon niveau scolaire les rap-
proche des jeunes sortis de l’école
avec un diplôme en poche, que ce soit
en lecture, en français ou en mathéma-
tiques. Ils ont aussi un environnement
familial proche : 13 % ont un père
cadre (17 % pour les jeunes diplô-
més) ; 35 % (respectivement 38 %) ont
une mère ayant le baccalauréat, et ils
ont souvent vécu dans une fratrie de
deux enfants (43 %), plus réduite donc
que les autres sortants sans diplôme.
Les ambitions scolaires de la famille
étaient élevées (71 % des parents sou-
haitaient que leur enfant aille au moins
jusqu’au baccalauréat).
Ces jeunes ont peu redoublé au
collège, sauf en troisième (15 %). Ils
ont suivi une scolarité en lycée géné-
ral et technologique, et ont échoué
pour 39 % d’entre eux en terminale
générale ; pour 29 % en terminale
technologique ; et les autres en
seconde ou en première. Une part
non négligeable de ces jeunes qui
étaient pourtant de bons élèves en
sixième a vécu des événements per-
sonnels difficiles : un quart a eu des
problèmes de santé ayant perturbé sa
scolarité (un sur huit pour les diplô-
més), un quart a connu le divorce ou la
séparation de ses parents (un sur cinq
pour les diplômés) et un cinquième
un événement grave survenu à ses
parents (décès, maladie ou accident
grave) (15 % pour les diplômés). Ils ont
aussi connu plus de refus de leur choix
d’orientation (40 %) que les diplômés
(22 %), notamment lors du choix de la
section de première (52 % des refus
concernent cette étape d’orientation).
Les jeunes décrocheurs
passés par des classes
spécialisées au collège,
en Segpa le plus souvent
Dans le quatrième groupe (15 %
des décrocheurs), tous entrent en
sixième âgés de 12 ans ou plus.
Rares sont ceux qui ont poursuivi des
études menant au baccalauréat. Leur
niveau scolaire à l’entrée au collège
était très faible : entre 80 % et 90 %
des jeunes de ce groupe avaient des
scores en lecture, en français ou en
mathématiques dans le dernier quart
des scores. Parmi l’ensemble de ces
jeunes, au très faible niveau scolaire,
beaucoup sont issus de familles
nombreuses (45 % vivent dans une
famille de quatre enfants ou plus). Ils
ont aussi, plus souvent que les autres
jeunes sans diplôme, un parent de
nationalité étrangère (20 % ont un
père de nationalité étrangère et 16 %
ont une mère de nationalité étrangère)
ou peu diplômé (81 % ont une mère
sans diplôme et 58 % un père ouvrier).
Seulement un tiers sont des filles.
Les élèves de ce groupe sont pas-
sés au collège par des classes spécia-
lisées, le plus souvent une classe de
Segpa (67 %), une quatrième d’aide
et de soutien (12 %) ou une troisième
d’insertion (15 %). Le redoublement
au collège est peu fréquent, mais très
concentré sur la classe de sixième.
L’orientation ensuite en classes spé-
cialisées leur permet d’avancer sans
redoubler. Le redoublement au pri-
maire était en revanche massif (89 %
ont redoublé une classe de primaire).
Ces jeunes en importante difficulté
scolaire ont quitté l’école au collège
(36 %) ou en CAP (57 %) et rarement
au-delà (6 % quittent l’école en BEP).
Les ambitions scolaires des parents
étaient faibles, en lien sans doute
avec les difficultés déjà rencontrées
par leurs enfants au primaire et au
collège : rares sont ceux qui voyaient
leur enfant avec le baccalauréat.
Les jeunes décrocheurs
passés par des classes
spécialisées au collège,
plutôt en quatrième et en
troisième technologique
Le cinquième groupe, le moins
nombreux avec 6 % des sortants
sans diplôme, comprend des jeunes
aux faibles niveaux d’études qui sont
tous passés par des enseignements
spécifiques au collège. Contrairement
au groupe précédent, ils n’ont pas
fréquenté de Segpa, mais ils ont
poursuivi en troisième et quatrième
technologique (neuf sur dix) ou en
enseignement agricole au collège
(un sur dix). Leur niveau scolaire
était faible en sixième, mais un peu
meilleur que dans le groupe précé-
dent : 60 % avaient un score inférieur
Éducation & formations n° 84 [décembre 2013]
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Thè m e
au quart le plus faible en lecture, en
mathématiques, ou en français. Ils
avaient fréquemment redoublé au
primaire, mais redoublent peu au
collège. Leur environnement familial
est proche de celui dans lequel les
jeunes du groupe précédent ont vécu,
mais les ambitions des familles pour
aller au baccalauréat étaient un peu
plus marquées. D’un niveau un peu
meilleur, et avec un parcours différent,
ces jeunes sortent le plus souvent de
l’école en classe de BEP (56 %).
ConclUsion
La diversité des profils des
jeunes sortants du système édu-
catif sans diplôme de l’enseigne-
ment secondaire appelle donc une
diversité d’approches et un travail
en réseau pour prévenir le décro-
chage ou pour permettre aux jeunes
d’obtenir ensuite un diplôme, fac-
teur d’insertion dans la vie écono-
mique et sociale. Un dialogue est
nécessaire avec chaque jeune pour
construire une solution adaptée aux
difficultés rencontrées : un soutien
préalable avec une charge et des
horaires adaptés pour acquérir
des bases nécessaires avant tout
retour en formation, aider à prendre
confiance ou reprendre confiance, à
construire un projet professionnel ou
faire face à des difficultés person-
nelles ou familiales ; un retour à une
formation, de l’éducation nationale
ou d’un autre ministère, une forma-
tion par apprentissage ou par voie
scolaire ; une aide pour faire face
à des difficultés personnelles ou
familiales ; un conseil sur l’offre de
formation, etc. Le travail en réseau
est déjà très présent au niveau
local et se renforce. La création du
réseau Foquale (formation qualifi-
cation emploi) au sein de l’éduca-
tion nationale, en remplacement
des réseaux « seconde chance »,
mentionne cet impératif de coordi-
nation et d’échanges entre acteurs,
et cite ainsi des partenariats mis
en place avec par exemple les mis-
sions locales, les régions, l’agence
du service civique ; ainsi que la mise
en place d’outils d’information sur
l’offre localisée de formations et
des solutions de raccrochage. En
parallèle des réseaux pour le « rac-
crochage », la prévention est aussi
renforcée. À la rentrée 2013, des
référents « décrochage scola