Université catholique de Louvain
Faculté des sciences appliquées
Le Dessin Assisté par Ordinateur (DAO)
dans la formation des ingénieurs.
Proposition et évaluation d’environnements d’apprentissage.
Co-promoteurs :
Prof. M. Lejeune (FSA)
Prof. M. Frenay (PSP)
Anne Tourpe
Février 2004
© Presses universitaires de Louvain, 2004.
Dépôt légal : D/2004/9964/3
ISBN 2-930344-43-1
Imprimé en Belgique
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Avant-propos
Un cours de Dessin Assisté par Ordinateur débute, à l’UCL, en septembre 1993.
Dispensé par les professeurs Lejeune et Johnson, il s’adresse aux étudiants en
première année de formation ingénieur civil. Suite à l’observation de son
fonctionnement durant deux années, de 1993 à 1995, j’ai pu épingler les nombreux
problèmes rencontrés pour appréhender cette discipline, tant au niveau des contenus
que de la méthodologie et tant du côté des étudiants que des enseignants.
L’équipe didactique était alors composée de six personnes : les deux professeurs
assumant les cours magistraux et quatre assistants encadrant les étudiants lors de
leurs travaux pratiques et exercices. En partie responsable de cet enseignement en
tant qu’assistante (mi-temps), et sensible aux problèmes pédagogiques en général, je
me suis posée un certain nombre de questions relatives aussi bien aux méthodes
qu’aux outils d’aide à l’apprentissage du DAO. C’est pourquoi, engagée dans ce
travail depuis le début du cours en 1993, j’ai souhaité approfondir ses contenus et
pédagogie, en proposant un sujet de recherche basé à la fois sur les sciences
appliquées et sur les sciences de l’éducation. Soutenue par les enseignants, je me suis
inscrite au doctorat en août 1995.
Depuis, trois étapes clés ont jalonné le parcours.
Mon rôle d’assistante m’a poussée à m’intéresser, plus particulièrement, aux
difficultés rencontrées par les étudiants, lors des séances de travaux pratiques. Pour
aider les étudiants lors du démarrage du processus d’apprentissage et permettre à leur
assistant de se consacrer prioritairement aux problèmes méthodologiques, j’ai étudié
l’impact que pourrait avoir l’utilisation d’un didacticiel pour aborder les notions de
base du dessin à deux dimensions et j’ai proposé un premier scénario possible.
Compétent en programmation et pour tout ce qui touche à la gestion des machines,
le professeur Lejeune a créé le prototype sur base du scénario fourni et il a mis au
point l’ensemble des outils nécessaires à assurer son bon fonctionnement. Ce premier
didacticiel est testé auprès des étudiants, l’année académique 1995-1996 et il sera
utilisé dans les séances de travaux pratiques jusqu’à l’année académique 1999-2000.
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Avant-propos
Mais si le didacticiel est un outil intéressant pour donner un premier exemple
complet de réalisation de dessin, il n’apporte pas encore de réponses aux problèmes
méthodologiques du démarrage d’un nouveau dessin. L’année académique 1996-
1997, je prépare, avec l’aide du professeur Frenay, un plan d’expérience me
permettant d’étudier le rôle de l’enseignant et l’impact du travail en groupes, dans
cette phase cruciale d’analyse d’un nouveau dessin à réaliser.
Enfin, l’année académique 2000-2001, la faculté des sciences appliquées entame une
réforme pédagogique basée sur l’apprentissage par projets. Le cours de DAO fait
désormais partie des disciplines abordées par
l’intermédiaire de projets
multidisciplinaires. Une diminution du nombre d’heures encadrées oblige l’équipe
enseignante à revoir en profondeur le dispositif pédagogique. Sur base de
l’expérience positive d’auto-apprentissage lors de l’introduction du didacticiel 2D, le
choix est fait de créer plusieurs didacticiels et environnements de travail permettant
une approche plus autonome et couvrant l’ensemble de la matière. L’ensemble des
concepts abordés en DAO est plus large, conséquence de leur utilité dans trois
projets de diverses natures. Une nouvelle expérience est menée. Elle me permet
d’observer l’impact du projet sur l’apprentissage et les possibilités d’aborder le DAO
en auto-apprentissage. Elle me permet aussi de tester, sous une autre modalité que
dans l’expérience précédente, le rôle de l’enseignant et l’importance des quelques
cours magistraux. Nous ne sommes plus que trois personnes dans l’équipe
didactique, le professeur Lejeune et deux assistantes (mi-temps), pour assumer la
conception des outils et des environnements, leur implémentation, leur gestion et
l’encadrement des étudiants.
Le texte qui suit présente l’ensemble de ce travail. Son fil conducteur est la
chronologie des expériences répondant, au fur et à mesure, à des besoins concrets
sur le terrain et à des exigences pédagogiques précises. Tout au long du discours,
j’utiliserai le “nous” comme sujet, pour insister sur l’aide précieuse apportée par les
professeurs et autres assistants, dans ma recherche de théories pédagogiques
adaptées ainsi que dans la conception et la réalisation des outils et expériences.
Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est donnée ici, pour les remercier.
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Pour ses compétences techniques, son esprit critique et ses exigences de rigueur,
mais surtout pour ces dix années de franche collaboration, je remercie, très
sincèrement, le Professeur Lejeune.
Pour m’avoir donné l’impulsion de départ, avoir partagé ses compétences et son
temps, je remercie vivement le Professeur Frenay. Sa vision positive et constructive
du travail, ses encouragements et son amitié de longue date m’ont été précieux.
Membre du comité d’encadrement, le Professeur Laloux a apporté, par ses questions
et ses propositions judicieuses, le nécessaire regard extérieur à ce travail. Qu’il soit
ici remercié.
Merci aussi aux Professeurs Dillenbourg, Migrom, Willems et Thimus, membres du
jury, pour l’accueil qu’ils m’ont réservé, l’attention qu’ils ont portée à ce travail et les
remarques pertinentes qu’ils ont formulées.
J’associe, à mes remerciements, Paul Fisette, Robert Valembois, Dominique
Roufosse, Pierre Latteur et Yvette Pelsser. Tout au long de ce travail, ils m’ont
partagé leur expérience. Ils ont participé à de nombreux débats d’idées et ont
accepté, spontanément, de coopérer dans les différents dispositifs proposés.
Pour les coups de main dans l’ombre, merci à Madame Otten et Christine Jacqmot.
Enfin, pour leurs encouragements, leur aide pratique et leur patience, pour leurs
silences aussi, je remercie tout particulièrement Patrick, nos enfants, nos familles et
nos amis.
Recevez aussi toute ma reconnaissance, vous que je n’ai pas nommément cités mais
qui, de près ou de loin, avez apporté votre pierre à l’édifice.
Anne Tourpe
Introduction
De la préhistoire à nos jours, toutes les générations d’hommes ont dessiné. C’est en
effet par le dessin que les hommes des cavernes nous ont communiqué leur histoire,
leur vie, les premiers “plans” de leurs outils. C’est aussi en dessinant que les hommes
ont imaginé les prémices de l’écriture. Est-ce à croire que le dessin est la forme innée
de communication ou faut-il tout simplement en conclure qu’il est la manière la plus
facile, la plus intuitive d’exprimer ce que de nombreux mots ne pourraient décrire ?
L’homme d’aujourd’hui n’a pas fondamentalement changé sa manière de commu-
niquer. Même si depuis longtemps il a inventé l’alphabet, l’imprimerie et l’ordina-
teur, il n’en reste pas moins un dessinateur de talent. C’est d’abord par un dessin que
l’enfant s’exprime. Bien plus tard, c’est toujours par dessins qu’un architecte impose
son art, qu’un mécanicien fait naître de nouvelles machines. Nous avons compris
l’importance de ce moyen de communication parce qu’il est un langage universel,
visuel, … plus spontané peut-être! N’entendons-nous pas dire couramment “un dessin
vaut mieux qu’un long discours” pour abréger une explication ou au contraire “faut-il
vous faire un dessin ?” en s’adressant à ceux qui ne comprennent pas ?
Mais il ne suffit pas toujours de dessiner. Encore faut-il que l’interlocuteur interprète
correctement ce qu’il voit. Un dessin, comme un texte, se lit. Les techniques de
représentation, et donc de lecture, ont évolué au fil du temps. Les premiers dessins
étaient plats et sans réelles proportions. Progressivement sont apparues les diverses
techniques de perspective, de relief mais aussi les représentations plus techniques
telles que celle de Monge dans son célèbre Traité de géométrie descriptive et enfin,
bien plus tard, le Dessin Assisté par Ordinateur.
La maîtrise du dessin industriel est un excellent atout, dans la vie professionnelle,
pour toute personne amenée à concevoir d’un point de vue technique et donc, a
fortiori, pour l’ingénieur dont c’est un des rôles clés. En effet, plus qu’un moyen de
communication, il est à la base de nombreuses conceptions. Qui dit conception dit
aussi modélisation, validation et simulation préalables. Quelle que soit l’étape, le
dessin intervient : d’un croquis rapide sur un morceau de papier jusqu’aux plans
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Introduction
d’exécution définitifs, en passant par les images de synthèse nécessaires à la
représentation virtuelle sur ordinateur.
Or, pour concevoir un dessin de manière rapide (économie oblige) et efficace (une
erreur peut être fatale), il est important de maîtriser un certain nombre d’outils. Le
crayon finement taillé en est un et le reste dans certaines phases des projets. Mais
l’ordinateur l’a avantageusement complété. La facilité de modification, la rigueur et
la précision du tracé puis la possibilité d’animer l’image font, de cet ordinateur l’outil
incontournable. De nombreux logiciels de dessin et de génération d’images ont déjà
vu le jour. C’est ainsi que la plupart des écoles d’architecture et universités, de même
que les établissements formant les futurs techniciens, ont intégré un cours de Dessin
Assisté par Ordinateur (DAO), dans leur programme. Les mots parlent d’eux-
mêmes : il s’agit d’y enseigner la manipulation d’outils informatiques d’aide à la
représentation de dessins1.
En 1993, un cours de DAO a aussi été introduit en première année de formation des
futurs ingénieurs à l’Université catholique de Louvain. Ce cours présente la
philosophie générale du Dessin Assisté par Ordinateur, dans la mesure où il n’y est
pas question de vouloir former des spécialistes de l’utilisation d’un logiciel
déterminé. L’objectif principal de ce cours est d’amener
les étudiants à
“communiquer par le dessin à l’aide d’un outil de Dessin Assisté par Ordinateur”. A
l’issue du cours, les étudiants devront donc maîtriser les concepts du DAO afin
qu’ils puissent, dans leur vie professionnelle, manipuler et critiquer tout nouveau
système.
Dès lors, quelle méthode d’enseignement du DAO adopter pour atteindre au mieux
cet objectif à long terme ?
Dans le texte qui suit et qui tente de répondre à cette question, nous avons divisé la
réflexion en trois parties.
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Plusieurs de ces cours portent aussi le nom inapproprié de CAO c’est-à-dire de Conception Assistée
par Ordinateur. On parle aisément aujourd’hui de CAO quand, en réalité, on veut parler de DAO. La
ligne de démarcation entre la CAO et le DAO est souvent bien floue. La différence est pourtant
importante à souligner. La Conception Assistée par Ordinateur est un ensemble de logiciels et de
techniques informatiques permettant la conception et la mise au point d’un produit. Son avantage
majeur est de permettre la représentation puis l’étude du fonctionnement d’un objet avant de l’avoir
véritablement fabriqué. C’est ainsi que sont testés les comportements de véhicules, de circuits
électriques, la résistance de certaines pièces mécaniques, mais aussi que sont visualisés de futurs
bâtiments soumis à diverses contraintes, etc. La Conception Assistée par Ordinateur fait non seulement
appel au dessin assisté mais aussi à des modules puissants de calculs, de gestion de bases de données,
etc. Jusqu’il y a encore peu de temps, la CAO était souvent réduite à une de ses composantes de base,
le DAO. En effet, pour diverses raisons (budgétaires entre autres, mais aussi de capacité des ordina-
teurs) la CAO s’est développée moins rapidement que le DAO, ajoutant ainsi à la confusion.