Inspection générale
des affaires sociales
RM2013-129P
Inspection générale de
l’administration, de
l’éducation nationale et
de la recherche
2013-081
Les formations paramédicales :
Bilan et poursuite du processus d’intégration
dans le dispositif LMD
TOME 1 :
RAPPORT
Établi par
Vincent MARSALA
Membre de l’Inspection générale des affaires sociales
Patrick ALLAL Isabelle ROUSSEL
Membres de l’Inspection générale de l’administration,
de l’éducation nationale et de la recherche
– Juillet 2013 –
2
IGAS, RAPPORT N°IGAS RM2013-129P / IGAENR n°2013-081
IGAS, RAPPORT N°IGAS RM2013-129P / IGAENR n°2013-081
3
SYNTHESE
[1]
La décision d’inscrire les formations paramédicales dans le schéma Licence-Master-Doctorat
(dit LMD) a été prise dès décembre 2006 par les ministres chargés de la santé et de l’enseignement
supérieur et c’est à compter de novembre 2008 que la concertation et les travaux de réingénierie
proprement dits ont débuté, associant, dans des groupes de travail constitués pour chaque
profession, outre
l’ensemble des acteurs concernés,
responsables des formations, professionnels, étudiants, universités.
les deux départements ministériels,
[2]
Cinq ans après leur lancement, les travaux de réingénierie ne sont achevés que pour quelques
formations (infirmier, ergothérapeute, pédicure podologue, manipulateur d’électroradiologie,
infirmier anesthésiste) et, à ce jour, seuls les diplômes d’infirmier et d’ergothérapeute ont fait
l’objet d’un décret leur délivrant le grade de licence.
[3]
C’est dans ce contexte et alors même qu’aucun groupe de travail ne s’est, de fait, réuni
depuis plus d’un an, que les ministres chargées de la santé et de l’enseignement supérieur ont
souhaité qu’une mission conjointe de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection
générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche dresse le bilan de l’état
d’avancement des travaux de réingénierie et en tire des enseignements pour la poursuite et
l’achèvement du processus. La mission, en partant du bilan de la réingénierie de la formation des
infirmiers, s’est attachée à dégager quelles pouvaient être les pistes d’évolution possibles du
dispositif.
1. LE BILAN DE LA REINGENIERIE DE LA FORMATION INFIRMIERE EST
GLOBALEMENT POSITIF MAIS BEAUCOUP DE QUESTIONS DEMEURENT
EN SUSPENS
[4]
D’un point de vue juridique, la réingénierie de la formation des infirmiers de soins généraux
est désormais achevée, les premières promotions bénéficiant du diplôme d’Etat (DE) et du grade de
licence ayant achevé leur scolarité en 2012. En revanche, l’organisation concrète du dispositif est
encore en construction.
1.1 Une formation profondément remaniée
[5]
La réingénierie de la formation des infirmiers a porté tant sur le contenu des enseignements
théoriques que sur l’organisation des stages.
[6]
Cette nouvelle répartition s’est accompagnée d’un transfert de la responsabilité d’une partie
importante de la formation théorique à l’université, avec une élévation du niveau des connaissances
que toutes les personnes rencontrées par la mission ont soulignée. Les universités, en partenariat
avec les IFSI, ont fait le choix de prendre en charge la coordination et le contenu des
enseignements fondamentaux, d’organiser les cours correspondants, soit en présentiel au sein de
l’université, soit le plus souvent en ayant recours aux ressources informatiques, d’agréer les
intervenants au sein des IFSI, enfin de mettre en place des procédures d’évaluation conçues et
corrigées par elles le plus souvent, ce qui a permis une harmonisation des contenus et du niveau des
enseignements entre les IFSI.
4
IGAS, RAPPORT N°IGAS RM2013-129P / IGAENR n°2013-081
[7]
Les stages ont été réorganisés en parallèle ; la partie professionnalisante restant largement
dominante dans la formation infirmière, mais avec une nouvelle approche des stages cliniques. Le
nombre de semaines de stages a été réduit de 68 à 60 semaines de même que le nombre de périodes
de stages est passé de 9 à 6, alors que, en parallèle, la durée moyenne des stages a été allongée de
8 à 10 semaines. La définition des terrains de stages a été par ailleurs profondément modifiée.
Enfin, l’introduction d’un portfolio que chaque étudiant conserve durant toute sa scolarité et qui
permet autant aux tuteurs d’évaluer les stages qu’aux étudiants de mesurer leur progression, a
modifié totalement le dispositif d’évaluation des stages. Cette nouvelle organisation des stages fait
l’objet de critiques répétées de la part des étudiants. La première critique porte sur l’allongement de
la durée des stages et la réduction parallèle – et donc la moindre diversification – des lieux de stage.
La seconde est liée à l’utilisation du portfolio et à la formation des tuteurs à ce nouveau mode de
validation. Si les étudiants ont, à l’évidence, adopté ce nouvel outil, il n’en est pas de même des
tuteurs de stages. Une évolution de l’organisation des stages doit être envisagée.
[8]
Même si, avec une seule promotion sortie, il est encore difficile de porter une appréciation
définitive sur les bénéfices effectifs de cette réforme, la mission considère que le bilan pédagogique
est globalement positif. Elle tient notamment à souligner l’engagement des différents acteurs qui
ont su répondre par des solutions adaptées aux difficultés rencontrées. Au-delà de ce bilan
provisoire, la mission recommande cependant qu’une évaluation plus complète du résultat de la
réforme en termes de qualité des professionnels formés soit confiée à une autorité scientifique
indépendante accompagnée d’experts professionnels, lorsqu’au moins trois promotions auront
obtenu le nouveau diplôme.
1.2 Une gouvernance éclatée
[9]
Lorsqu’il a été décidé d’intégrer les formations infirmières dans le dispositif LMD, le choix a
été fait de conserver l’organisation existante et d’y ajouter un partenariat fort avec l’université. Ce
choix a induit une complexité dans la gouvernance du dispositif de formation, avec une multiplicité
d’acteurs qui interviennent à des degrés divers. Au premier rang de ces acteurs, on trouve la région,
compétente depuis 2004 en matière de formation professionnelle, l’université qui se voit confier la
responsabilité d’une partie de la formation théorique, les instituts de formation et les hôpitaux
auxquels restent rattachés les IFSI, qui offrent les lieux de stage et sont les futurs employeurs.
[10]
le
Deux outils avaient été conçus pour organiser ce partenariat : d’une part
conventionnement avec l’université, pierre angulaire du diapositif, d’autre part la création de
groupement de coopération sanitaire (GCS) qui avaient vocation à réunir les IFSI et à faciliter les
signatures des conventions tripartites.
[11]
Ce sont, dès le départ, les questions financières qui ont cristallisé les principales tensions
entre les acteurs. De par leurs attributions issues des lois de décentralisation, les régions ont dû en
effet prendre en charge l’universitarisation de la formation des infirmiers. Or, elles ont considéré,
au moment des négociations financières liées aux signatures des conventions, qu’elles se trouvaient
confrontées à des demandes de financement, pour lesquelles elles estimaient ne pas avoir eu une
compensation suffisante de l’État. Un ajustement des crédits de compensation des charges par
l’État a été versé aux régions début de 2013.
[12]
De leur côté, pour assurer leurs nouvelles charges, les universités ont dû faire face à des frais
de fonctionnement (secrétariat, frais de déplacements et autres frais liés à la confection de matériel
pédagogique, DVD notamment, réalisation de plateformes intranet dédiées, acquisition de matériels
informatiques) mais aussi mobiliser des moyens en personnels enseignants, principalement
hospitalo-universitaires. Or, toutes les universités rencontrées par la mission ont insisté sur le fait
que les frais ainsi supportés n’ont pas été compensé de manière équivalente par les régions.
IGAS, RAPPORT N°IGAS RM2013-129P / IGAENR n°2013-081
5
[13]
A côté des questions financières, d’autres difficultés sont apparues dans la gouvernance du
dispositif :
le rattachement juridique des IFSI aux hôpitaux est un facteur de complication, notamment
pour l’organisation des circuits financiers entre la région, les IFSI et l’université ;
les compétences de l’État se trouvent de facto éclatées localement entre les ARS en charge
du contrôle pédagogique des instituts et les DRJSCS responsables de la certification des
diplômes d’État, sans oublier les recteurs chanceliers qui signent au nom de l’État le grade
universitaire ;
le maillage territorial des IFSI impose des contraintes en matière d’organisation de l’offre de
formation universitaire, mais dont tous les acteurs s’accordent à dire qu’il faut le conserver
car il a montré son utilité et son efficacité en terme notamment de promotion professionnelle
et d’aménagement du territoire.
[14]
Compte tenu de la complexité des relations entre les différents acteurs, les pistes de
simplification possibles sont à trouver, pour la mission :
d’une part, du côté de la simplification des circuits financiers, qui pourrait passer notamment
par un rattachement juridique des IFSI à un GCS de moyen, dont l’objet serait de gérer les
crédits dévolus à la formation des professions paramédicales (qui ne transiteraient donc plus
par l’hôpital) et qui aurait un rôle d’interface avec les universités et les régions ;
d’autre part, en rassemblant, au sein des DRJSCS, l’ensemble des compétences exercées au
nom de l’État en matière de contrôle des formations paramédicales.
2. LE PROCESSUS ENGAGE DOIT ETRE RAPIDEMENT REPRIS DANS UNE
APPROCHE PLUS TRANSVERSALE
[15]
Le protocole d’accord du 2 février 2010 signé par la ministre de la santé annonçait
l’attribution du grade de licence à l’ensemble des auxiliaires médicaux à l’horizon 2015. Cet
objectif a été réaffirmé à plusieurs reprises par le gouvernement actuel. Mais cette unanimité ne
peut masquer des différences profondes entre ces professions. On évoque un processus
d’universitarisation des formations paramédicales, comme s’il s’agissait d’un groupe homogène
alors même que les dispositifs de formation des différentes professions ont été historiquement
construits de manière totalement hétérogène, sans qu’aucune harmonisation n’ait été vraiment
tentée jusqu’ici. Les disparités sont de tous ordres : dans l’organisation des formations, dans le type
de diplômes délivrés (diplômes d’État ou diplômes universitaires), dans la nature et le statut
juridique des instituts de formations, dans le mode d’exercice des professions.
[16]
A cela, il faut ajouter un blocage du processus engagé, avec, depuis 2011, un arrêt des
travaux de réingénierie au niveau central, et, au niveau local, des universités qui sont de plus en
plus réticentes à signer des conventions et à prendre en charge la formation de nouvelles
professions. Enfin, des arbitrages récents en faveur de certaines professions (orthophonistes et
kinésithérapeutes) ont fait naitre de nouveaux espoirs et attentes chez les autres professions.
[17]
Devant cette situation de blocage, l’urgence est que les deux ministères de tutelle relancent
ensemble et sans plus attendre les travaux de réingénierie, avec une approche qui ne soit plus
profession par profession mais transversale. Cette approche transversale, d’ailleurs souhaitée par la
plupart des organisations étudiantes et professionnelles, est indispensable pour développer une
culture commune et faciliter les pratiques interdisciplinaires. De plus, elle devrait permettre
d’organiser des enseignements communs à plusieurs professions, piste d’amélioration de la qualité
de la formation, tout en réduisant les coûts.
6
IGAS, RAPPORT N°IGAS RM2013-129P / IGAENR n°2013-081
[18]
Il faut en parallèle que les conventionnements avec les universités reprennent pour que
puisse être délivré le grade de licence en même temps que le diplôme d’exercice, pour les métiers
dont la formation a déjà été « réingénierie ».
3. UN OBJECTIF A ATTEINDRE : L’EGALITE DANS L’ACCES AUX
FORMATIONS ET DANS LE DEROULEMENT DES ETUDES
[19]
L’harmonisation des conditions d’accès aux formations paramédicales constitue un des
principaux enjeux de l’universitarisation. L’accès à ces formations est, dans la majorité des cas,
commandé par un concours, qui, au fil des années, a resserré de plus en plus le vivier de
recrutement aux bacheliers de la série S, après, pour nombre d’entre eux, une coûteuse année
préparatoire, et écarté ainsi des étudiants aux origines plus diversifiées. Il parait temps d’inventer
de nouvelles modalités de recrutement, qui permettent que se recréent une vraie diversité des
profils, nécessaire pour préserver la richesse d’exercice future. La possibilité d’expérimenter, dans
les universités, une première année commune aux professions paramédicales (à l’exception des
infirmiers en raison de leur nombre et du maillage territorial des IFSI), telle qu’elle est ouverte par
la loi sur l’enseignement supérieur récemment votée, constitue une première possibilité d’évolution
positive du dispositif actuel, dès lors que cette première année est effectivement intégrée dans le
cursus, sans rallongement de la durée globale des études. Une autre piste, qui a le mérite de pouvoir
être facilement mise en œuvre, serait la suppression totale des concours d’entrée et la
généralisation, pour tous les instituts quel que soit leur statut, d’une sélection sur dossier (et si
possible entretien) via le portail Admission Post Bac, avec le maintien des passerelles et des
réorientations en cours d’études.
[20]
Les étudiants réclament par ailleurs avec raison que leur statut soit aligné sur celui des
étudiants universitaires et en particulier que le montant des bourses soit identique à celui des
bourses sur critères sociaux versées dans les universités ; ce point constitue, aux yeux de la
mission, une priorité. Beaucoup a déjà été fait, notamment par certaines régions mais il faut
désormais inscrire le principe de l’alignement des statuts dans les textes. La question de la maitrise
des droits d’inscription, qui est un des facteurs forts d’inégalité d’accès doit également être traitée,
tant dans les instituts publics que privés.
4. LA REFLEXION DOIT ETRE POURSUIVIE SUR LES MODALITES
D’ORGANISATION DES POURSUITES D’ETUDE AU DELA DU DIPLOME DE
BASE
[21]
La mise en œuvre du « dispositif LMD » pour les professions paramédicales a été interprétée
par de nombreux professionnels comme devant consister en un cursus continu allant de la licence,
puis du master, jusqu’éventuellement au doctorat, le tout dans une même filière. Or, la nécessité
d’offrir aux professionnels la possibilité d’une diversification des parcours et des carrières
personnalisées ne doit pas être entravée par des modèles de formation en silo qui enfermeraient
ceux-ci dans des modèles prédéfinis. Sur la base d’un métier socle, chaque professionnel doit
pouvoir construire son propre parcours, mais ce parcours ne le conduira pas nécessairement vers un
master et vers la recherche.
[22]
C’est pourquoi, avant toute réingénierie des formations au delà du métier socle, il importe
d’abord de définir les besoins du système de santé, d’analyser les évolutions de ces besoins, et les
compétences à acquérir pour répondre à ces besoins. Ce n’est qu’à l’issue de ces étapes que l’on
pourra déterminer quelles sont les formations nécessaires.
IGAS, RAPPORT N°IGAS RM2013-129P / IGAENR n°2013-081
7
[23]
Ces voies de diversification des métiers peuvent prendre diverses formes : l’expertise, la
spécialisation, la pratique avancée, les nouveaux métiers, la recherche. A chacune de ces voies
peuvent ou non correspondre des besoins de formations complémentaires mais qui ne se traduiront
pas nécessairement par la mise en place d’un cursus complet de formation, a fortiori sanctionné par
un grade de master.
[24]
Autant, il est souhaitable que les universités soient encouragées à développer des masters
pluridisciplinaires de recherche ouverts aux professionnels de santé, et que les poursuites d’études
de ces professionnels soient facilitées par des validations d’ECTS, autant la création de masters
spécialisés ne saurait constituer la réponse unique aux besoins de formation au-delà du métier
socle.
5. LA MISE EN PLACE D’UNE EVALUATION PERIODIQUE ET
INDEPENDANTE EST UN ENJEU ESSENTIEL POUR LA POURSUITE DU
DISPOSITIF AINSI QU’UNE REVISION DES CONDITIONS D’AGREMENT DES
INSTITUTS
[25]
L’évaluation périodique, qui constitue une des conditions de délivrance du grade
universitaire reste entièrement à construire. Elle devra porter non seulement sur le niveau
d’exigence académique mais aussi sur la partie professionnelle de la formation et donc sur la
qualité du cursus de formation dans sa globalité. Cette évaluation, qui devrait, en toute logique, être
confiée à l’AERES (ou à l’instance qui lui succédera) devrait associer, à côté des experts
universitaires, des professionnels de santé qui pourraient apporter leur regard sur la formation
pratique et établir les liens nécessaires entre les deux volets du cursus.
[26]
L’instauration d’une évaluation périodique indépendante a nécessairement des répercussions
sur les procédures d’agrément des instituts. Sans modifier la responsabilité de la région en la
matière, la mission propose de préciser les critères d’agrément et notamment de soumettre tout
nouvel agrément ou renouvellement à des conditions complémentaires par rapport à la pratique
actuelle, en particulier l’existence effective d’un conventionnement avec l’université, la prise en
compte des résultats de l’évaluation externe et l’examen attentif de la politique sociale pratiquée
par l’institut.