L’Initiative ELAN-Afrique :
de la vision à la salle de classe !
– Intensifier le plaidoyer.
2) une composante d’accompagnement
des plans d’action des huit pays :
– Élaborer la planification linguistique.
– Adapter les programmes scolaires
et élaborer les supports didactiques pour
l’enseignement bilingue.
– Former les enseignants à l’enseignement
bilingue.
– Renforcer le plaidoyer national sur
l’enseignement bilingue.
– Renforcer les dispositifs de suivi-
évaluation de l’enseignement bilingue.
– Proposer une approche bi-plurilingue
pour l’enseignement-apprentissage de la
lecture et de l’écriture dans les 3 premières
années du primaire (le projet pilote, cf. p. 364).
La finalité de l’Initiative ELAN-Afrique,
lancée officiellement par l’OIF le 24
janvier 2012 à Bamako, au Mali, est de
contribuer à l’amélioration de la qualité
et de l’efficacité de l’enseignement primaire
en Afrique subsaharienne francophone.
Les objectifs de
l’Initiative ELAN-Afrique
Son objectif est de promouvoir dans
huit pays d’Afrique subsaharienne (Bénin,
Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Mali, Niger,
République démocratique du Congo, Sénégal)
l’usage conjoint des langues africaines et
de la langue française dans l’enseignement
primaire, à travers une intervention structurée
à deux niveaux :
– objectif 1 : créer dans la Francophonie
(OIF, AUF, CONFEMEN) un dispositif interna-
tional de capitalisation et de renforcement de
capacités (échanges d’expériences, expertise
et formation) au service de l’enseignement
bilingue dans les pays africains ;
– objectif 2 : renforcer les huit ministères
de l’Éducation nationale pour conduire les
réformes nécessaires à l’usage croissant
des langues africaines avec le français dans
l’enseignement primaire.
L’Initiative ELAN-Afrique a vocation à servir
d’effet de levier dans les huit pays bénéficiaires
en les accompagnant dans la définition de leur
propre politique de l’enseignement bilingue,
et en les appuyant dans la mise en œuvre des
travaux préparatoires nécessaires à la prise
en compte de l’enseignement bilingue dans
les plans sectoriels nationaux qui seront in
fine soutenus par les financements sectoriels
(budget national et bailleurs).
Afin de répondre aux deux objectifs fixés,
le programme est organisé autour de deux
composantes :
1) une composante transversale de
capitalisation et de plaidoyer pour développer la
politique d’intégration des langues africaines
dans les systèmes éducatifs nationaux :
– Capitaliser sur les bonnes pratiques et
renforcer les capacités des acteurs nationaux
en ingénierie linguistique.
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Suite à la réunion annuelle du Comité de
coordination internationale (CCI) de l’Initiative
ELAN-Afrique les 23 et 24 octobre 2012, il a
été décidé de mettre un accent particulier sur
l’enseignement-apprentissage de la lecture et
de l’écriture au primaire. En effet, lire, écrire et
parler sont des compétences nécessaires dans
toutes les matières et dans tous les aspects
de la vie. Or le constat est que la langue
d’enseignement (le français) est peu ou pas
du tout comprise des élèves et donc souvent
la cause d’abandons et d’échecs scolaires.
Une approche bi-plurilingue efficace pour
l’enseignement-apprentissage de la lecture et
de l’écriture au primaire a donc été élaborée et
proposée aux pays bénéficiaires de l’Initiative
ELAN-Afrique. Cette approche est développée
dans le cadre d’un projet pilote.
Le projet pilote
« Apprendre à lire
et à écrire dans
une première langue
africaine et en français »
La première étape a consisté à créer, à
partir de janvier 2013, un langage commun
aux huit pays. Ce travail a été élaboré en
atelier avec la participation de l’Équipe
ELAN et de quelques membres du Comité
scientifique international (CSI) de l’Initiative.
Ce langage commun est apparu sous la forme
d’un référentiel de compétences de l’élève,
déclinant ce qu’un élève devrait posséder
comme compétences à la fin de la 2e année du
primaire, puis d’un guide d’orientation pour
initier l’enseignant à la nouvelle pédagogie.
Les écoles pilotes et les formations
Dix écoles pilotes ont été sélectionnées
dans chaque pays, souvent loin de la
capitale, dans des zones rurales. Une série
de formations et d’actions a suivi :
– Former les formateurs. Quatre formateurs
par pays ont été réunis dans deux pôles africains,
Kinshasa en République démocratique du Congo
et Ouagadougou au Burkina Faso. Lors de cette
formation de cinq jours, les formateurs se sont
familiarisés avec le guide d’orientation et son
référentiel de compétences, avec la nouvelle
pédagogie et ont adapté les outils à la langue
retenue par leurs ministères respectifs de
l’Éducation nationale selon les politiques
linguistiques et curriculaires en vigueur.
– Former les enseignants. Juste avant la
rentrée des classes 2013-2014, les formateurs
ont à leur tour animé dix jours de formation
pour les enseignants, les directeurs et
les inspecteurs supervisant les écoles
sélectionnées. L’accent a été porté sur une
animation active, concrète et participative.
Les enseignants sortaient également
d’une autre formation linguistique visant
l’amélioration de leurs compétences dans la
transcription de la langue nationale.
– Élaborer les outils. Au cours de
l’été 2013, plusieurs outils ont été élaborés :
il s’agit d’un manuel de l’élève et d’un livret
du maître que chaque pays a adapté selon la
langue retenue pour le projet en atelier à l’OIF.
364 Qui apprend le français dans le monde ?
Michel Atangana, enseignant – titulaire
d’une classe de plus de 120 élèves,
Cameroun
On a pris tous les élèves dont les parents voulaient bien la langue maternelle.
Puis il en est arrivé encore plus et je les ai tous pris. J’enseigne les trois langues, ewondo, français et
anglais et les élèves réussissent très bien. En fait, ils réussissent si bien que je fais de la remédiation
dans les autres langues pour toute l’école en me servant de l’approche ELAN et que les enfants
rattrapent facilement le temps perdu. Les autres enseignants veulent tous apprendre alors ils
viennent dans ma classe et ils observent les techniques que j’utilise.
Démarrage de l’expérimentation
dans la salle de classe
Finalement, les conditions nécessaires
au démarrage de l’expérimentation de
l’approche ELAN de l’enseignement-
apprentissage de la lecture et de l’écriture
à la rentrée scolaire 2013-2014 ont été
réunies dans les temps (les enseignants,
les directeurs, les documents, le manuel de
l’élève, le livret du maître et les alphabets
étaient prêts). Très rapidement, les acteurs,
parents comme enseignants, ont réalisé
la plus-value de l’Initiative. Dans tous les
pays, on a pu constater un engouement
pour l’approche. Comme en témoigne le
point focal de l’Initiative ELAN au sein du
ministère de l’Éducation de base (MINEDUB)
du Cameroun : « En expérimentant
l’approche ELAN-Afrique dans les bassins
pédagogiques du département du Mfoundi à
Yaoundé, les inspecteurs d’arrondissement
ont témoigné de l’efficacité de cette approche
en lecture, une approche qui vient donc
résoudre définitivement les difficultés
qu’avaient les enfants à lire et à écrire. »
Le point focal ELAN du Niger a aussi observé
le même phénomène : « Notre ministre de
l’Éducation avait mis pied dans l’une de nos
classes pilotes de Niamey [École Amitié II]
et était très émerveillée par ce qu’elle avait
vu d’elle-même [l’ambiance de la classe et
la maîtrise par les élèves de l’alphabet avant
la fin du premier trimestre, entre autres]. Il
en était de même pour toute la délégation
qui l’accompagnait. Et c’est pourquoi elle
avait souhaité que les enseignements en
soient tirés et que l’on s’en inspire pour les
autres écoles. »
Une deuxième vague de formation
portant sur cinq jours a eu lieu en
décembre 2013. Les participants ayant eu
la chance d’expérimenter l’approche ont
pu ainsi renforcer leurs acquis et combler
d’éventuelles insuffisances.
L’approche
L’approche ELAN-Afrique de l’ensei-
gnement-apprentissage de la lecture et de
l’écriture prend ses sources dans 30 ans de
recherche sur l’acquisition de la lecture et
de l’écriture. Elle offre aux enseignants un
ensemble de techniques et de stratégies qui
leur permettent de créer des leçons dyna-
miques, intéressantes et efficaces, d’évaluer
leurs élèves avec précision et d’organiser la
remédiation nécessaire, de différencier leur
pédagogie et, encore plus important, d’utiliser
ces techniques dans n’importe quelle langue
dotée d’un alphabet.
Contrairement à une méthode qui cible
spécifiquement une langue et impose des
étapes non modifiables, l’approche ELAN
est flexible et contextualisable, et donne
aux enseignants tous les outils nécessaires
pour que les élèves puissent acquérir les
compétences décrites dans le référentiel.
Un des grands principes énoncés dans
l’approche ELAN affirme qu’un élève qui
débute dans sa langue maternelle (ou dans
la langue du milieu) fera des progrès plus
rapides qui lui permettront de maîtriser la
langue seconde, dans ce cas le français, avec
plus de facilité pour arriver à un bilinguisme
fonctionnel. Le guide adapté de l’enseignant
est riche en conseils et en techniques pour
aider les maîtres et maîtresses à faciliter
ce transfert de la langue première à la
langue seconde. Les formations et les
outils d’accompagnement cibleront plus
précisément ces techniques avant la rentrée
scolaire de la 2e année du cycle primaire,
année durant laquelle se fait la transition
dans la plupart des pays bénéficiaires.
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La didactique de la lecture-écriture se
fonde sur des principes bien précis dont voici
les principaux :
1) l’apprentissage intensif de l’alphabet,
nom et son(s) des lettres dès le début de l’école ;
2) tous les textes et toutes les activités
doivent avoir un sens pour l’élève ;
3) l’oral, la production d’écrits et la lecture
sont considérés comme ayant une importance
égale ;
4) l’élève est encouragé à penser, à
s’exprimer, à imaginer, à créer et à donner
son opinion ;
5) apprendre à écrire suit un développement
comparable à celui d’apprendre à parler ou
d’apprendre à marcher. Les erreurs et les
approximations font progresser ;
6) lire, écrire, parler sont des compétences
nécessaires dans toutes les matières et dans
tous les aspects de la vie ;
7) les activités ludiques, le chant et le
rythme favorisent l’apprentissage ;
8) un vocabulaire enrichi représente le
socle de tout autre apprentissage.
Une approche adaptée au contexte
multilingue africain
Les priorités suivantes sous-tendent
l’adaptation de l’approche ELAN : commencer
l’apprentissage dans une langue connue
et comprise ; proposer un enseignement
dynamique et ludique, motivant pour
les élèves comme pour les enseignants ;
accélérer l’apprentissage de l’alphabet et de
la maîtrise des phonèmes5 dès le début de
la scolarité ; donner autant d’importance
à la pratique de l’oral qu’à l’écriture et
à la lecture ; faciliter le transfert vers le
français à travers des techniques variées
et efficaces ; reconnaître les connaissances
déjà acquises par l’élève dans sa langue ;
travailler les habiletés et les compétences à
travers des textes ayant un sens ; encourager
l’imagination et la créativité ; utiliser les
ressources linguistiques et culturelles
disponibles localement.
L’évaluation
Pour mesurer l’efficacité de l’approche
ELAN-Afrique, une évaluation très rigoureuse
a été confiée à une structure externe. Les
données de base ont été collectées en début
d’année scolaire 2013 et l’opération sera
recommencée à la fin de la première année du
projet pilote, mai/juin 2014 et en fin d’année
scolaire 2015.
5 Plus petite unité discrète ou distinctive (c’est-à-dire permettant
de distinguer des mots les uns des autres) que l’on puisse isoler
par segmentation dans la chaîne parlée.
ELAN-Afrique en chiffres
L’Initiative ELAN-Afrique
pays
langues
enseignées
encadreurs
formés
8
28
423
2 847
écoles
bilingues
classes
bilingues
270
5 900
100 000 +
enseignants
formés
élèves
touchés
366 Qui apprend le français dans le monde ?