T R I B U N A L
D E GRANDE
I N S T A N C E
D E P A R I S
(cid:144)
1/4 social
N° RG: 14/07298
N° Portalis :
352J-W-B66-CCWWZ
N° MINUTE :
Assignation du :
24 mars 2014
JUGEMENT
rendu le 09 avril 2019
DEMANDERESSE
UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS
QUE CHOISIR ( UFC – QUE CHOISIR)
233 boulevard Voltaire
75011 PARIS
représentée par Maître François-pierre LANI, avocat au barreau de
PARIS, vestiaire #P0426
DÉFENDERESSE
SOCIÉTÉ FACEBOOK IRELAND LIMITED
4 Grand Canal Square
Grand Canal Harbour
DUBLIN 2
IRLANDE
représentée par Maître Bertrand LIARD avocat au barreau de PARIS,
vestiaire #J0002
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Philippe VALLEIX, Premier Vice-Président
Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Martine CHARRE SERVEAU, Juge
assistés de Claire ANGELINI, faisant fonction de Greffier lors des
débats, et de Juliette JARRY, Greffier lors du prononcé
DÉBATS
A l’audience du 29 mai 2018
tenue en audience publique
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
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JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
La société FACEBOOK Inc. est une société de droit américain fondée
en 2004, dont le siège social est situé en Californie (USA). La société
FACEBOOK Inc. a mis en place dès sa création le réseau social en ligne
“Facebook “. Le cocontractant des utilisateurs situés en France de la
plate-forme en ligne est la société “FACEBOOK IRELAND “, société
de droit irlandais.
Au vu des pièces produites au débat, les ” Conditions Générales
d’Utilisation “, liant les utilisateurs français au contrat de réseautage
social Facebook comprennent trois documents contractuels principaux:
• La “Déclaration des droits et responsabilités” : (” Conditions ” ou
“DDR”),
• La ” Politique d’utilisation des données ” : (” PUD “),
• Les “Standards de la communauté Facebook “.
A ces trois documents, il convient de joindre un quatrième document
intitulé ” Cookies, pixels et technologies similaires “, qui, en
déterminant la politique menée par FACEBOOK en matière de cookies,
complète les trois documents précités.
Par assignation du 24 mars 2014, l’association UNION FÉDÉRALE
DES CONSOMMATEURS – QUE CHOISIR (ci-après UFC – QUE
CHOISIR) a fait citer devant le Tribunal de grande instance de Paris la
société FACEBOOK Ireland aux fins de faire constater le caractère
abusif ou illicite de clauses des ” Conditions Générales d’Utilisation ”
de la plate-forme au sein des quatre documents précités, dans les
versions de 2013, 2015, 2016, de les faire supprimer ou de les faire
réputées non écrites et de réparer le préjudice causé à l’intérêt collectif
des consommateurs.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées par la voie électronique
par le Réseau privé virtuel avocats (RPVA) le 26 juin 2017 au visa des
articles L. 421-1 et suivants, R. 411-2 et L. 132-1 du code de la
consommation (devenu L. 212-1 du même code), l’UFC – QUE
CHOISIR a demandé de :
– déclarer abusif et illicite l’ensemble des conditions
contractuelles proposées par FACEBOOK, sur son site internet
accessible à l’URL https://www.facebook.com/, au consommateur
au regard des articles L. 133-2, L. 132-1 et R. 132-1 1°) du code de
la consommation dans sa version antérieure à l’ordonnance n°
2016-301 du 14 mars 2016, des articles L. 211-1, L. 212-1 et
R. 212-1 1°) du code de la consommation en vigueur et également,
pour les contrats proposés et/ou conclus avant le 13 juin 2014, au
regard des anciens articles L. 111-2 et L. 121-19 du code de la
consommation dans leur rédaction antérieure à la loi du 17 mars
2014, pour les contrats proposés et/ou conclus après le 13 juin
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2014, au regard des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 121-17, L.
121-19-2, et R. 111-2 du code de la consommation dans sa
version antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
et L. 111-1, L. 111-2, L. 111-3, L. 221-5, L. 221-6, L. 221-7, L.
221-13, R. 112-2 et R. 112-3 du code de la consommation en
vigueur, pour les contrats proposés et/ou conclus après le 1er
juillet 2016, ainsi que de la loi du 4 août 1994 pour absence de
clarté et de compréhension et défaut de leur remise au
consommateur sur un support durable, et en ordonner la
suppression dans le délai d’un mois à compter de la signification
du jugement à intervenir ;
– déclarer abusives et/ou illicites les clauses visées contenues dans
la « Déclaration des droits et responsabilités », la « Politique
d’utilisation des données » et les « Standards de la communauté
Facebook » dans leur version du 15 novembre 2013, du 30 janvier
2015 et de mars et septembre 2016, du 29 septembre 2016 et 9
décembre 2016 de la société FACEBOOK, d’en ordonner la
suppression et/ou la modification en conformité avec le droit en
vigueur dans le délai d’un mois à compter de la signification du
jugement à intervenir,
– déclarer que les clauses visées par la présente assignation sont
réputées non écrites dans tous les contrats proposés par
FACEBOOK, y compris ceux qui ne sont plus proposés et
ordonner à la société FACEBOOK d’en informer à ses frais les
consommateurs concernés,
– assortir cette condamnation d’une astreinte de 5.000 € par
clause et par jour de retard postérieurement au délai d’un mois
à compter de la signification du jugement à intervenir,
– condamner la société Facebook Ireland Limited à payer à
l’UFC
QUE CHOISIR la somme de 1.000.000 € en
réparation du préjudice moral subi par l’intérêt collectif des
consommateurs et la somme de 1.000.000 € en réparation du
préjudice matériel subi par l’intérêt collectif des consommateurs,
– ordonner la publication d’un communiqué judiciaire aux frais
avancés de Facebook Ireland Limited dans les journaux « Ouest
France », « Aujourd’hui Le Parisien », « Le Monde », « Figaro
», « Libération », « 20 minutes », « Métro » et « Direct matin » et
sur la page d’accueil de son site internet accessible à l’URL
https://www.facebook.fr/ de manière immédiatement lisible- ce qui
prohibe l’emploi d’un lien hypertexte présent sur la page
d’accueil pour accéder au communiqué judiciaire, pendant une
durée de trois mois, dans le délai de quinze jours à compter de la
signification du présent jugement,
– rejeter la demande reconventionnelle de FACEBOOK sur le
QUE
caractère prétendument abusif de l’action de l’UFC
CHOISIR, et en conséquence, rejeter la
de
condamnation de l’UFC
QUE CHOISIR au paiement de la
somme de 1 € à titre de dommages et intérêts, et rejeter la demande
de publication d’un communiqué, à cet effet,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– condamner la société Facebook Ireland Limited à payer la somme
de 88.000 € à UFC – QUE CHOISIR en application de l’article 700
du Code de procédure civile et aux dépens.
demande
En réplique la société FACEBOOK conteste en substance la
recevabilité des demandes de l’UFC QUE CHOISIR, l’association
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étant, selon elle, dépourvue de qualité et d’intérêt à agir à l’encontre de
la société FACEBOOK Ireland. Elle estime également irrecevables les
demandes de l’UFC QUE CHOISIR fondées sur la loi française et
notamment sur les dispositions du code de la consommation, alors que
le contrat est soumis à la loi californienne et que le service Facebook est
gratuit.
La société FACEBOOK ajoute que certaines dispositions légales
invoquées par l’association ne sont pas pénalement sanctionnées.
Elle fait valoir que les conditions d’utilisation du Service Facebook sont
accessibles, claires et compréhensibles et précise que l’utilisateur donne
son consentement aux conditions d’utilisation et que FACEBOOK
Ireland respecte les dispositions de la Loi Informatique et Libertés ;
qu’ainsi aucune clause ne saurait être annulée de ces chefs.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure
civile, les moyens développés par chacune des parties à l’appui de leurs
prétentions respectives sont directement énoncés dans la DISCUSSION
de la présente décision.
Après clôture des débats par ordonnance du 28 novembre 2017 du Juge
de la mise en état et évocation de cette affaire lors de l’audience civile
collégiale du 29 mai 2018, au cours de laquelle chacun des conseils des
parties ont réitéré ses précédentes écritures, la décision a été mise en
délibéré au 22 janvier 2019.
DISCUSSION :
L’association UFC QUE-CHOISIR sollicite de la juridiction par
application des articles L. 421-6 du code de la consommation, devenu
l’article L. 621-7 du code de la consommation, et des articles L. 421-1
et L. 421-2 du code de la consommation, devenus les articles L.621-1
et L. 621-2 du même code, la suppression des clauses abusives et/ou
illicites présentes dans les ” Conditions Générales d’Utilisation ” de la
société FACEBOOK, à savoir les “Déclaration des droits et
responsabilités”, ” Politique d’utilisation des données”, “Standards de
la communauté Facebook” et ” Cookies, pixels et technologies
similaires “, ainsi que la réparation du préjudice qui en est résulté.
La société FACEBOOK conteste la recevabilité des demandes d’UFC –
QUE CHOISIR visant à annuler des clauses prétendument abusives
et/ou illicites contenues dans les conditions d’utilisation du Service
Facebook, ainsi que la réparation du prétendu préjudice qui en
découlerait.
Elle fait valoir que l’action de l’association ne remplit pas les conditions
déterminées par les articles L. 421-2 et L. 421-6 du code de la
consommation ; qu’en conséquence l’association n’ayant ni qualité ni
intérêt à agir au sens des articles 31, 32 et 122 du code de procédure
civile, ses demandes sont irrecevables.
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Elle ajoute que la loi applicable au contrat conclu entre la société
FACEBOOK Ireland Limited et les utilisateurs français du Service
Facebook est la loi de l’État de Californie (États-Unis) et non la loi
française et soutient que le contrat conclu entre la société FACEBOOK
Ireland Limited et l’utilisateur n’est pas un contrat de consommation.
Qu’ainsi le droit français de la consommation et la réglementation
relative aux contrats à distance, à l’information du consommateur, aux
clauses abusives et à la forme et à l’interprétation du contrat, n’est pas
applicable aux conditions d’utilisation du service Facebook et que les
clauses critiquées portant sur la définition de l’objet du service fourni
par la société FACEBOOK Ireland Limited ne sauraient faire l’objet
d’une appréciation sur le fondement de la réglementation relative aux
clauses abusives.
Elle affirme également que les demandes fondées sur les dispositions
de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’Informatique, aux
fichiers et aux libertés (Loi Informatique et Libertés) n’est pas
applicable à la société FACEBOOK Ireland Limited, en sa qualité de
responsable de traitement ; que l’article 544 du code civil relatif au droit
de la propriété, les articles L. 131-1, L ; 131-3 et L ; 131-4 du code de
la propriété intellectuelle et la loi Toubon relative à la langue française
sont irrecevables en ce qu’elle ne visent pas spécifiquement les
consommateurs mais plus généralement “les droits et libertés”, la
“protection de tout homme” ou de “tout auteur” ; qu’ainsi aucune des
clauses visées ne saurait être annulée de ces chefs.
L’UFC QUE-CHOISIR réplique qu’en sa qualité d’association de
défense des intérêts des consommateurs déclarée auprès de la Préfecture
de Police de Paris et agréée conformément à l’article L. 421-1 du code
de la consommation, elle est recevable à agir sur le fondement de ce
texte ainsi que sur le fondement de l’article L. 421-2 du code de la
consommation pour obtenir la suppression et/ou la modification de
toutes clauses abusives et illicites pouvant figurer dans les “Conditions
Générales d’Utilisation” de FACEBOOK.
L’association observe également que l’article L. 421-6 du code de la
consommation, devenu l’article L. 621-7 du code de la consommation
et l’article L. L. 421-2 du code de la consommation visent tout contrat
ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur, sans que soit
mentionné l’adverbe “exclusivement”.
S’agissant de l’application de la Loi Informatique et Libertés, des
dispositions relatives au droit de la propriété, droit de la propriété
intellectuelle et la loi relative à l’emploi de la langue française (dite Loi
Toubon), l’association fait valoir qu’aucune disposition légale ne
restreint l’action d’une association de consommateurs à la violation de
dispositions “spécifiques” au consommateur.
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