Conseil national
de la formation professionnelle
tout au long de la vie
Réflexion
sur la création d’un
compte individuel de formation
Document pour le Conseil du 28 février 2013
Rapport au ministre en charge de la formation professionnelle
Mars 2013
la
Dans le prolongement de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, Monsieur
Thierry Repentin, ministre délégué à
formation professionnelle et à
l’apprentissage, a souhaité que le Conseil national de la formation professionnelle
tout au long de la vie conduise une réflexion sur la notion de compte individuel de
formation.
Un groupe de travail, composé de membres du Conseil, s’est constitué pour
conduire cette réflexion. Il s’est réuni six fois d’octobre 2012 à janvier 2013, avec
une grande assiduité de ses participants. Il a fait émerger une réflexion collective
qui est retracée dans ce rapport. Le groupe de travail a été, à l’image du Conseil,
un lieu original dans le paysage de la formation professionnelle en rassemblant
tous les acteurs du système, notamment des services de l’Etat, des conseils
régionaux et des représentants des partenaires sociaux. Il a su rester à l’écoute
des chantiers conduits par ailleurs : négociation sociale débouchant sur l’accord
loi d’orientation et de
janvier 2013, projet de
interprofessionnel du 11
programmation pour la refondation de l’école de la République, acte III de la
décentralisation. Pour autant, il ne s’est pas transformé en espace de négociation.
Le rapport issu de cette réflexion a fait l’objet d’un débat et d’une adoption par le
Conseil plénier le 28 février 2013. Il comporte des éléments de convergence mais
également des points de questionnement non résolus. Les positions exprimées
dans le rapport n’engagent pas individuellement chacune des organisations
représentées au sein du Conseil mais elles représentent une synthèse à un
moment donné permettant d’engager, dans les cadres adéquats, les travaux qui
seront jugés utiles pour aller plus loin. Les organisations qui l’ont souhaité, ont
intégré en fin du rapport l’expression écrite de leur propre réflexion.
Ce rapport a été rédigé par Pierre Le Douaron, conseiller technique auprès du
Conseil national, avec la participation de Philippe Méhaut, président de la
commission évaluation du Conseil, et Françoise Amat, secrétaire générale. Il a
bénéficié de l’appui de l’inspection générale des affaires sociales en la personne
de Marie-Laure Balmès.
2
Sommaire
1ERE PARTIE – LE COMPTE INDIVIDUEL DE FORMATION, UNE NOTION A PRECISER page 4
1 – Le compte, un outil visant à favoriser l’individualisation
2 – A l’étranger, des expériences diversifiées mais peu évaluées
3 – En France, des dispositifs d’individualisation qui ne font pas système
4 – Une typologie des mécanismes de fonctionnement de l’individualisation
2EME PARTIE – UN CONSENSUS SUR LE PRINCIPE D’UN COMPTE « RECEPTACLE » page 11
1 – Les caractéristiques d’un compte « à la française »
a – Une approche diversifiée de l’accès à la formation
b – Un outil universel utilisable tout au long de la vie
c – Un droit attaché à la personne et à son projet
2 – Les situations d’usage du compte individuel
a – Une plus value identifiée dans deux situations concrètes
b – Une créance sur la collectivité
c – Des transitions sécurisées
3 – Un usage nécessairement assorti de garanties collectives
4 – Une architecture sous la forme d’un réceptacle agrégeant des abondements divers
3EME PARTIE – DES PISTES POUR ALLER PLUS LOIN page 21
1 – De quelle capacité d’initiative dispose le titulaire du compte pour son usage ?
2 – Quelle place donner à la contribution individuelle ?
3 – Faut-il un seul outil individualisé ?
4 – Des droits tranférables tout au long de la vie, oui mais comment ?
5 – Comment articuler le compte individuel avec les dispositifs existants ?
6 – Comment organiser la gouvernance de l’outil individualisé ?
CONCLUSION page 27
DECLARATION DES MEMBRES DU CONSEIL page 29
ANNEXES page XX
Composition du groupe de travail
Lettre de saisine
Définitions
3
Première partie
Le compte individuel de formation,
une notion à préciser
Le compte individuel de formation, une notion à préciser
1 – Le compte, un outil visant à favoriser l’individualisation
Interrogé sur la notion de « compte individuel de formation », le Conseil considère
que ce terme doit être compris dans le sens large d’« outil de gestion de droits
individuels » et qu’il recouvre par conséquent l’ensemble de ces outils, quelles que
soient leur forme et leur appellation.
Ces outils prennent sens par rapport à la notion même d’individualisation. Il
convient donc de s’attacher aux bénéfices attendus du renforcement de la
capacité d’initiative de l’individu par le fonctionnement de tels outils. Ces bénéfices
sont de plusieurs ordres qui constituent autant de pistes pour l’évaluation de la
pertinence de la mise en œuvre de l’outil.
• Concernant l’individu, un élargissement des choix, une meilleure conduite
de son projet de vie et le développement de l’accès à la formation pour
ceux qui s’en estiment éloignées ;
• Concernant les financeurs, l’optimisation des dépenses par une meilleure
efficacité des actions du fait de l’engagement des bénéficiaires dans le
projet ;
• Concernant les organismes de formation, le renforcement de l’adéquation
aux attentes et aux contraintes des personnes en formation.
• Concernant les pouvoirs publics, la volonté de faciliter et d’augmenter
sensiblement l’accès à la formation.
La réflexion demandée au Conseil sur la notion de compte individuel de formation
pose l’hypothèse que l’individualisation des politiques de formation, c’est à dire le
fait de donner, à des degrés divers, des marges d’initiative aux personnes pour
décider de s’engager ou non dans le dispositif, ou bien pour choisir le prestataire
ou la prestation dont elles bénéficieront, aurait un effet positif et qu’il convient de la
promouvoir.
Certains membres du Conseil expriment de la prudence, voire des réserves, par
rapport à cette hypothèse. Ils considèrent que la vérification de cet effet positif, qui
pourrait porter sur la réduction des inégalités d’accès, sur l’adéquation de la
formation par rapport aux besoins des personnes et aux besoins du marché du
travail, sur la lisibilité du système de formation et sur l’efficacité de la dépense, est
un préalable pour juger de la pertinence de la création d’un nouveau droit
individuel. Les membres du Conseil estiment qu’il y a lieu d’analyser, pour les
lever, les freins autres que financiers, à l’accès à la formation. Ils observent en
tout état de cause que les dispositifs individualisés permettent de moduler l’aide
apportée à chacun et de prendre en compte la nécessaire personnalisation du
parcours.
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Le compte individuel de formation, une notion à préciser
2 – A l’étranger, des expériences diversifiées mais peu évaluées
De nombreux pays (Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Chili, Etats-Unis,
Pays-Bas, Royaume-Uni …) ont mis en place des dispositifs individualisés parmi
lesquels il est possible d’identifier trois types d’outils1.
– Le compte d’épargne ou d’assurance consiste en une incitation à (ou
obligation de) cotiser sur un compte. Le bénéficiaire dispose d’une grande
autonomie. Il est libre de dépenser les sommes accumulées, après un
certain délai (compte d’épargne) ou à la suite d’un fait déclencheur, par
Il y a peu
exemple
d’accompagnement et le financement est assuré essentiellement par le
bénéficiaire. Exemples : Autriche, Etats-Unis, Chili.
(compte d’assurance).
la perte d’emploi
– Le chèque, ou bon de formation, permet au bénéficiaire de recevoir une
dotation fixe ou variable selon son profil, versée par les pouvoirs publics.
L’utilisation du chèque est relativement libre mais moins que dans le cas du
compte, le choix du prestataire et de la prestation étant généralement
encadré par le fournisseur du chèque. Exemples : Allemagne, Belgique,
Royaume-Uni.
– Le contrat permet au bénéficiaire de choisir librement son prestataire mais
dans le cadre d’un contrat formel entre l’organisme gestionnaire du
dispositif et ce dernier. La liste des prestataires et services disponibles est
généralement très régulée. Exemples : Australie, Pays-Bas.
La plupart des dispositifs individualisés sont des dispositifs relativement jeunes,
parfois encore au stade de l’expérimentation et dont les évaluations sont rares. Le
plus souvent, ces dispositifs ne sont pas généralisés. Ce sont soit des dispositifs
régionaux, soit des dispositifs ciblés qui touchent un public faible sur le plan
quantitatif.
L’initiative est toujours publique, même si elle se combine parfois avec une logique
d’entreprise. Le financement est donc majoritairement public, pour des montants
par individu assez modestes, en général en dessous de 500 €. L’appel au
cofinancement de l’entreprise, lorsqu’il existe, ne semble pas significatif et la
contribution individuelle est difficile à mesurer, mais elle peut être conséquente vu
la relative modestie de l’aide publique.
1 Ce chapitre s’appuie notamment sur les travaux conduits sous la direction de Jean-Marie
Luttringer (Opportunité et faisabilité d’un compte d’épargne formation, éditions DEMOS, 2008) et
sur l’étude comparative internationale réalisée par EUREVAL pour le conseil d’analyse stratégique
(Note d’analyse CAS n°293, octobre 2012).
6
Le compte individuel de formation, une notion à préciser
L’individualisation répond à une attente des bénéficiaires,
lorsqu’ils sont
demandeurs d’assumer seuls leur parcours professionnel. Les bénéficiaires
utilisateurs se déclarent généralement plus satisfaits que les bénéficiaires des
services non individualisés et l’utilisation des dispositifs tend à croître avec le
temps. Mais l’individualisation échoue à atteindre les publics fragiles. Cet échec
peut être attribué aux difficultés de ces publics à prendre en charge leur parcours
professionnel de façon plus autonome (manque de confiance en soi, difficultés à
se projeter dans l’avenir, difficultés d’accès à l’information…). Les incitations à
utiliser le dispositif, le choix du public cible et l’accompagnement des publics sont
donc cruciaux. Par ailleurs, certains dispositifs ont échoué, du fait de leur effet sur
la marchandisation des formations, des effets d’aubaine et des problèmes de
contrôle.
L’individualisation peut favoriser l’efficience et la qualité de l’offre de services, en
augmentant la demande et en précisant les besoins. Mais cela suppose la
préexistence d’un marché déjà mûr et sa régulation, par un engagement des
pouvoirs publics pour contraindre le type de formations suivies ou le choix du
prestataire.
3 – En France, des dispositifs d’individualisation qui ne font pas
système
Le système de formation professionnelle français comporte un certain nombre de
dispositifs représentatifs de la volonté de favoriser l’autonomie de la personne
dans la construction et le déroulement de son projet de formation2.
– Le congé individuel de formation (CIF) est un dispositif éprouvé et dont les
résultats positifs sont soulignés par plusieurs travaux. Sa limite tient à ce
qu’il ne s’adresse qu’aux salariés, et selon des priorités différentes selon la
région ou le secteur professionnel.
– La validation des acquis de l’expérience (VAE) a constitué une avancée
importante dans le passage d’une logique de formation à une logique de
compétences et dans le rapprochement entre les deux voies de formation,
initiale et continue. Mais son développement reste en deçà des attentes. Sa
mise en œuvre dans une dynamique de parcours pose des questions
d’articulation entre la validation et la formation qui peut s’avérer nécessaire
pour l’atteinte du diplôme ou titre.
– Le droit individuel de formation (DIF) n’a pas connu le développement
attendu d’un dispositif pour tous les salariés. Il a progressivement dépassé
le cadre de l’entreprise, mais reste attaché (au moins pour son ouverture)
2 Un état des lieux de cinq de ces dispositifs (le congé individuel de formation (CIF), la validation
des acquis de l’expérience (VAE), le droit individuel à la formation (DIF), l’aide individuelle à la
formation (AIF) et les chèques formation des conseils régionaux) a été réalisé par la commission
d’évaluation du Conseil national. Il est disponible sur le site du Conseil.
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Le compte individuel de formation, une notion à préciser
au statut d’actif salarié. Son évolution vers une plus grande portabilité n’a
pas résolu la tension entre un droit de négociation à l’intérieur de
l’entreprise et un droit d’accès individuel à l’extérieur.
– Les chèques formation des conseils régionaux, et l’aide individuelle
formation (AIF) de Pôle Emploi sont, chacun, des mécanismes d’action
ils constituent un
logiques différentes. Parfois,
répondant à deux
complément à la mise en œuvre d’une action collective en permettant de
réaliser des prestations non prévues. Parfois, ils permettent l’accès libre
des bénéficiaires à un dispositif préfinancé.
Tous ces dispositifs ont en commun l’ambition de permettre à la personne de
manifester, avec des degrés de liberté variables, son initiative dans le choix de
s’engager ou non dans l’action, dans le choix du prestataire ou celui de la
prestation. Certains ont, en termes de publics, une vocation large (DIF), voire
universaliste (VAE), d’autres sont ciblés sur un public précis (AIF). Les
financements relèvent des entreprises, individuellement ou par le biais des
organismes gérés par les partenaires sociaux, des conseils régionaux ou de l’Etat.
Les modes d’usage, parfois libres et parfois contraints, font que la place de
l’individu et de ses choix reste incertaine. Aucun de ces dispositifs, à l’exception
de la VAE, ne pose la question de l’articulation entre la formation initiale et la
formation continue, ni celle d’ailleurs du périmètre de la formation professionnelle
elle-même. Le rapport au temps de travail (ou la question de l’autorisation
d’absence) ne fait pas l’objet d’un traitement identique dans les différents
dispositifs.
Il semble donc que l’ensemble des dispositifs qui, en France, sont porteurs d’une
logique d’individualisation ne constitue pas à ce jour un système, tant du point de
vue de la philosophie sous jacente que pour les mécanismes d’action. Bien que
l’idée de « l’outillage de l’individu acteur» ne soit pas nouvelle dans le discours de
la formation professionnelle et qu’elle semble partagée, il n’existe pas, entre les
différents responsables du système, un consensus sur la nature précise de l’objet
désigné, ni même sur sa dénomination et encore moins sur les conditions de sa
mise en œuvre.
4 – Une typologie des mécanismes de fonctionnement de
l’individualisation
Les réflexions du Conseil conduisent à ce stade à identifier, sur la base des
expériences étrangères ainsi que de l’inventaire des dispositifs français, trois
mécanismes de fonctionnement, pouvant éventuellement se combiner :
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